L'indifférence des guerriers et des deux leaders face la mort agonisante et horrifiante de l'un des leurs étaient presque encore plus terrifiante. Très vite, la guerrière se détourna, pour donner un nouveau sifflement, un des gardes souleva Nelly pour la forcer à se mettre debout, toujours face à la prison, alors que l'autre emportait le cadavre en le traînant, laissant une traînée de sang sur l'herbe verte.
Alexis, Erin et Jane, furent ligoté aux poignets, mains en avant par des entraves en cuirs tressés tout comme Nelly, puis guidés vers le fond de la cellule, pour sortir et revenir vers le devant où la lumière de jour leur taillait le visage. La guerrière se mit en marche et Nelly fut pivotée de force pour voir, tout comme les autres, le campement… et surtout l'environnement où ils étaient. Une grande cuve dans des montagnes grisonnantes avec une plaine verdoyante… on aurait dit un paysage de haute Savoie, tout semblait d'une beauté naturelle et les pics des rocheuses avaient même de la neige. Mais le plus impressionnant, n'était pas ce paysage, ni même ce campement nomade en yourte de peaux peintes de rouge… ni même cette carrière en cercle de sable jaune et rouge où se dressaient fièrement des poteaux… non, le plus impressionnant, était qu'ils étaient dans une « bulle » … comme le bouclier d'Atlantis, une protection d'une technologie largement supérieure à celle du niveau de toute la planète. Il avait des similitudes avec celui de la belle cité… mais ce bouclier semblait s'étendre et tenir grâce à des membranes organiques et filandreuses… ces membranes étaient d'un violet répugnant à la structure translucide. En y regardant bien, Jane, y trouva une forme de ressemblance avec les portes membraneuses des vaisseaux ruches Wraiths… cela lui fila des frissons encore plus prononcés et elle se questionnait sur l'identité véritable de leurs ravisseurs.
Corkan, tourna la tête vers Erin, décidant par la même occasion de lui répondre
« C’est une juste observation. » affirma t’il avant de se mettre en marche vers un énorme brasié de plusieurs mètres de haut à l’entrée du campement. Une odeur florale s’y échappait et les flammes se paraient de différentes couleurs et étincelles colorés. Les prisonniers furent poussés en avant pour suivre les deux leaders.
En s’approchant du feu, l’odeur florale faisait place à l’odeur désagréable de la chair et l’atmosphère semblait collante, une sensation parfaitement étrange et pénible, comme si votre âme était souillée. Ils pouvaient voir maintenant, plusieurs guerriers morts que d’autres jetaient au feu après plusieurs mots. Leurs cadavres étaient nus et recouvert de symbole rouge. Il n’avait pas que des hommes, il avait aussi des Tarv’s sans bois avec les mêmes symboles alimentant ce feu. Sur la droite, des Fers rouges avec des masques imposants, recouvrant tous leurs visages, auprès d’homme ou de femme voir même des Tarv’s. D'ailleur, on y voyait une Tarv’s fortement blessée et allongée, la tête sur les genoux de son « humaine ». L’homme au masque, était en train de mettre une fleur sur le bras de la jeune femme… la fleur pénétrait dans l’avant-bras, sous les grognements de douleur de la guerrière qui en avait déjà plusieurs. Un autre homme au masque appliquait des pansements d’herbe et de feuille sur la pauvre Tarv’s blessée qui se laissait faire. Cette scène n’était pas la seule, il en avait d’autre autour… Des Tarv’s qui rendaient leur dernière âme, sous les larmes de guerriers qui peignaient sur leur corps des glyphes. Ou même l’inverse : des guerrières allongées sans vie, peintes aussi, mais avec des Tarv’s se frottant contre leurs visages, comme pour un dernier adieu. Ce qui pouvait faire tilter un peu les Atlantes, étaient de voir que les biches n’étaient pas blanches…, mais brune ou même tachetées.
Mais au milieu de tous ses pelages bruns, il avait une biche blanche sans bois, allongée sur le flanc droit, avec comme seul autre couleur du rouge… un rouge impressionnant sur sa gorge et son poitrail, comme si elle se vidait de son sang. Elle refusait les soins d'un homme masqué…elle semblait très faible et elle tremblait de douleur. Pas besoin de mot, pour reconnaître Poppin’s. Corkan se tourna vers Nelly.
« La Tarv’s a donné sa vie pour la tienne. Et tu n’es pas capable de la remercier en acceptant son présent. » Il se décala du groupe, ils étaient à 30 mètres de la créature qui soupirait de douleur. L’homme s’approcha d’elle, lui passant une main douce sur le crâne, pour lui sortir la fleur et la poser sur son museau… une plainte sortit de la gorge de l’animal, et du sang en sortit que d’avantage…
Une moue se dessina sur le dur visage de la guerrière, celle-ci ne manqua pas de lancer un regard froid à Nelly. «
Que sa souffrance, d’avoir été rejeté par son âme, soit gravé dans ta tête. » dit-elle.
Le cœur serré Jane secoua un peu les épaules, ils n’allaient pas assister à l’agonie de cette créature si ? «
Elle ne savait pas ! Ne lui portez pas ombrage d’un acte qu’elle ne connaissait pas ! » gueula t’elle sur la guerrière qui ne lui décrocha aucun regard. La grande carcasse de Corkan, cachait la moitié du corps de Poppin’s qui semblait se résigner à accepter la mort… elle ne gémissait plus, elle avait posé sa tête sur l’herbe, comme vaincue et fermait ses yeux humides… Nelly, ne sentait plus rien en elle, sauf ce vide qui lui était resté depuis son réveil.
Erin avait suivi la marche. Corkan avait fermé le débat en déclarant son observation “juste” sans relancer, du coup, elle n’en avait pas demandé plus, mais elle était rongée par l’inquiétude. Où est-ce qu’il était passé ? Qu’est-ce qu’ils lui avaient fait ? Est-ce qu’il avait été capturé ? Ou est-ce qu’il était toujours avec Landmara ? Pire encore, est-ce qu’il était mort dans la salle de réception, pour la protéger ? Une angoisse sourde lui nouait les entrailles, et elle devait prendre sur elle pour ne pas céder à la panique. Analyser, réfléchir, et agir qu’en conséquence. Si Alexander était mort, il n’aimerait assurément pas qu’elle le rejoigne parce qu’elle avait perdu ses nerfs et son sang-froid.
Perdue dans ses pensées, Erin mit du temps à remarquer qu’ils se dirigeaient vers un énorme brasier, qui avait des allures de four crématoire à ciel ouvert. Elle espérait se tromper, et ne trouver là qu’un feu de camp démesuré autour duquel la vie triomphait. Mais l’odeur de chair qui lui saisit les narines lui firent perdre tout espoir de voir son souhait se réaliser. Ils allaient vers un charnier.
En effet, des types balançaient des défunts dans les flammes, non sans les avoir préparé au préalable. Ils étaient avalés par les flammes, mais si on y regardait de plus près, on pouvait voir la chair cloquer instantanément tandis qu’une odeur de cochon grillé écoeurante se répandait. Puis les tissus éclataient, et noircissait, figeant pour l’éternité le défunt calciné. Les biches aux bois fleurit étaient lancées dans le feu elles aussi, à ceci près qu’on les avait dépouillé de leur bois. La jeune femme était à deux doigts de vomir, mais elle restait digne. Pour les hommes et les femmes qui étaient avec elle, et pour Atlantis, ainsi que pour Alexander. Mais surtout pour elle-même. C’était dans son caractère, même si elle redoutait la suite, comme tout à chacun certainement.
A l’écart, mais non loin du brasier, se trouvait ce qui semblait être une infirmerie, un un hôpital de campagne grossier. Tarv comme humains pansaient leurs plaies, tandis que d’autres mourraient dans les bras l’un de l’autre. Cet espèce de lien qui avait frappé Nelly sans doute, rappelait à Erin la trilogie de Pullman “ à la croisée des mondes “ où les humains étaient liés à un Daemon, un être magique qui pouvaient changer de forme et d’aspect, doté d’un caractère semblable à celui de son humain, et qui pouvait communiquer avec lui. Leur lien était sacré, spirituel, et magique.
La différence avec les Tarv’s des Erudits tenait dans le fait qu’elles étaient colorées, et non blanche. Le fait que celles des Erudits étaient immaculées, pensa Erin, provenait surement du fait que ces types avaient une sorte de fanatisme pour ce qui était blanc ou clair, à la manière de leur cheveux.
Corkan s’anima enfin alors que les yeux d’Erin s’attardait sur la seule Tarv au pelage blanc. C’était sans doute celle de Nelly. Elle agonisait, et elle ne devait tenir que dans la perspective de voir son amie revenir vers elle. Il y avait quelque chose avec les fleurs, que les guerriers s’incrustaient dans le corps à la mort de leur ami. Et manifestement, le refus de Nelly était une honte au yeux de ce peuple. Mais Erin pouvait comprendre qu’elle ne se laisse pas faire sans connaître les conséquences, ou sans informations. Quoi de plus normal ?
«
Je vous ai dis que nous n’étions pas de votre culture, que nous ne connaissons rien à vos rites, à ces créatures, aux liens qui vous unis ! Vous punissez des ignorants, pour le prétexte qu’ils sont ignorants. Vous êtes abjects et c’est du non sens total. », fit Erin avec une colère mêlée d’une tristesse sans fond. Voir ces pauvres bêtes agoniser lui faisait plus mal au coeur que de voir les humains agoniser.
Alexis n’était plus vraiment lui-même. Un coup il voyait Erin, un coup il voyait Hya. Il ne savait plus ce qui était vrai de faux, et maintenant, il était persuadé d’être dans un mauvais rêve, ou toujours sous l’effet d’une substance. Il n’était pas fou, et il ne cessait de se le raconter. Alors, il suivait le groupe sans faire de vague, ayant bien compris que pour le moment, ils n’avaient pas l’avantage. Il devait préserver ses forces, et que ce soit Hya ou Erin, il devait la protéger de toute façon. C’était sa mission, d’autant plus s’il s’agissait d’Erin, même si Hya avait conquis son coeur.
Il ne voulait pas non plus laisser Nelly dans la merde, car c’était sa soeur d’arme, sa copine de galère, et il ne pouvait pas permettre qu’on lui fasse du mal. Il grogna comme Jane, et approuva les dires d’Erin d’un hochement de tête, sur ses gardes.
Corkan se leva, laissant Nelly à ces réactions qui ne l'intéressaient guère. Il se tourna marchant vers les deux jeunes femmes qui avaient exprimé leur exaspération face à ce spectacle. L'homme imposant, avait encore ce rictus pleins d'arrogance et d'amusement sur son visage, comme si toutes les paroles d'Erin ou même de Jane, n'étaient qu'une comédie. Peut-être était-ce le cas pour lui ? En tout cas, il trouvait cela risible. Eux, avec leur alliance avec les Erudits, n'allaient'ils pas un jour imposer quelques choses ? Quelque chose issus de leur culture ? De leur idéologie ? Les fers rouges ont dû se soumettre à d'autres cultures, à celle dominante qui régissent cette fichue planète, ils n'étaient pas en accord avec tout… ils ont été réduit en esclavage, ils ont perdu leur âme. Et lui, il donne sa vie pour que son peuple soit autre chose que de simple esclave. Alors imposé quelque chose à un peuple qui se rallie aux Erudits, il en avait que faire. Pour lui, comme pour tous les fers rouges ici, il avait des évidences, une évidence que cette femme n'avait pas ressentie. Même les érudits le sente, ce lien fort, cet amour inconditionnel, cette union. Ignorante ou non, cela n'avait pas d'importance pour lui ou même les autres. C'est ainsi. Il s'approcha d'elle, la couvrant de son ombre, il avait un exemple en tête, celle du dirigeant, qui avait demandé que toute son équipe soit intègre en cas de victoire… et en poussant un peu mieux sa définition d'intégrité, il avait parlé de viol. Une notion que ne connaissaient pas les Fers rouges. Sous leurs airs barbares, le viol ne leur était pas familier. Les hommes et les femmes étaient sur le même pied d'égalité, une femme faisait la même chose qu'un homme, même si cela lui prenait plus de temps. Une femme pouvait très bien décider d’avoir un rapport sexuel à tout prix avec un homme, quitte à le forcer et puis généralement, peut de personne se refusait à cet acte. Quand un homme ou une femme étaient pris personne ne venaient à lui faire d’avance. Cela était de même pour les hommes. Et il avait une forme d’équilibre presque simpliste et primaire : je te veux, viens. Corkan n’avait pas compris la notion de viol, mais avait du réfléchir et il s’était fait aidé pour comprendre cette nuance.
« L’ignorance ne justifie pas les actes. Par ignorance de votre culture, je pourrais très bien vous prendre votre corps sans votre avis. Je serais condamné par votre peuple, pour avoir passé un bon moment avec vous. Je ne comprendrai pas où est le
mal. Pourtant vous nommerez ça un viol. Moi non. Il serait logique que je sois puni non ? Mais vous, vous accepterez de ne pas me punir, parceque dans ma culture cela n’est pas mal ? » Il la regarda longuement, avant de claquer de la langue, attendant sa réponse.
Instinctivement, Jane s'était encore plus rapprochée de sa dirigeante, le mot viol lui rappelait de mauvais souvenir et si cet homme l'évoquait en exemple c'est que ce n'est pas si anodin finalement. Elle jeta un retard à Alexis avant de regarder aux alentours son regard se perdit sur cette membrane étrange dans le ciel. Était-elle la seule à l'avoir remarqué ? En baissant la tête elle croisa le regard de la femme leader, cette guerrière farouche, qui esquissa un rictus carnassier. Comme pour lui confirmer que cela puait grave.
Erin ne flancha pas. Elle resta bien droite, dans sa robe sale de Natus. Si l’habit ne faisait pas le moine, son accoutrement ne lui permettait pas d’être faible, s’associant parfaitement à son caractère. Elle ne se laissait pas impressionner, même si l’exemple du viol employé par ce soudard n’était pas anodin et qu’il était usité à des fins psychologiques.
«
Vous prenez un exemple extrême histoire de me montrer que mon raisonnement ne se tient pas. Mais vous vous contredisez dans la même phrase. Vous savez que le viol est punissable, par la plupart des cultures et pourtant vous me l’opposez. En plus de ça, le viol m’impose une contrainte directe de votre part, je ne crois pas que ce soit le cas ici. Allons, vous semblez plus intelligent que ça. Dans mon monde, nous n’avons pas de créatures similaires. Nos animaux n’ont pas de conscience, ils ne parlent pas, ils ne communiquent pas dans notre langage. Et là, nous sommes censés comprendre quelque chose qui passe pour de la magie chez nous ? »
Erin toisa le chef un instant, avant d’ajouter, loin de se démonter :
«
Corkan, pourquoi est-ce que nos relations doivent être basées sur le fait que nous étions avec les érudits ? Est-ce que vous nous pensez trop bête pour pouvoir communiquer avec vous ? Qu’on vous prend de haut ? On ne vous connait pas. Et j’essaie de vous faire comprendre que je veux vous connaître un peu plus, mais je n’apprends, nous n’apprenons rien sous la contrainte et sans explications. »
Une main tendue. Une perche. Elle verrait bien
Corkan jubilait et son rictus était un peu plus élargi, comme si au final, il n’avait pas l’occasion de parler si souvent. La guerrière à ses côtés levait les yeux au ciel d’un air dédaigneux et fit quelques pas, pour s’entretenir avec des guerriers blessés, celui-ci lui tendait une bande, qu’elle enroula sur sa main droite au dessus de ses autres bandages et décorations osseuses. Mais l’escorte était toujours présente auprès des Atlantes.
« Le viol est donc extrême chez vous. Intéressant... Refuser l’âme d’une Tarv est donc sur le même ordre chez nous. Quant à votre monde, je l’ignore tout comme vous ignorez le miens. Mais je pense que vous n’êtes pas ignorante au point de ne pas connaître le sentiment d’amour. » Il lui fit un sourire appréciateur
« Le mot viol et sa définition m’a été enseigné par le second dirigeant. Il ne désirait pas que vous soyez meurtrie ou même violé, à croire que vous rencontrez beaucoup de peuplade peu recommandables. » Il avait un peu d’ironie la dessous, puisque bon il suffisait de voir son peuple pour se dire qu’il n’était pas plus recommandable, surtout après une guerre « civile » où ils avaient massacré tout ce qui passait à portée de leur hache. Il la regarda un peu avant de soupirer d’aise.
« Mais ce n’est pas grâce à sa demande que vous êtes intègres pour le moment. Mais par mon bon vouloir à ne pas vous considérez comme les érudits. Sinon vous serez déjà mort.» Il venait de lui répondre à sa perche.
« Mais soit, passons, si je vous aurais expliqué pour la Tarv, cela aurait-il changé quelque chose ? Votre guerrière aurait choisie de prendre la fleur ? Pour les mêmes raisons évoquées, par l’ignorance et surement la peur… elle aurait refusé. La conséquence aurait été la même. Sauf qu’elle aurait su et elle aurait surement perdue la vie. Dite moi dirigeante Atlante, quel est le pire pour vous : faire une erreur d’ignorance ou bien une erreur de conscience ? » Jane n’aimait pas du tout la tournure que cela prenait, cet homme barbare avait l’air plus « malin » que les décérébrés habituels. Depuis quand un barbare vient parler de psychologie comme ça devant un brasier et une infirmerie de guerre ? Personne… cela était louche. Elle se voyait mal émettre en doute face à l’homme si près de la RDA. Elle fit à la place, un pas vers Alexis, pour lui frôler le bras et lui lancer un regard se voulant être « attention ».
Erin sentait que son interlocuteur prenait du plaisir à discuter. Si ce n’était ses caricatures de tatouages et son look de barbare fantasmagorique, elle aurait pu le prendre pour un des Érudits qu’elle avait côtoyé jusqu’à présent. Après, elle ne devait pas se limiter à apprécier les capacités intellectuelles de quelqu’un par rapport à son look. Cependant, elle sentait qu’il avait un esprit acéré, et la contradiction facile. Bref il aimait le débat, ce qui était surprenant quand on voyait comment ses hommes avaient taillé en steack toutes les personnes à la réception. Leur seul crime avait été d’être de la faction adverse, et cela s’apparentait ni plus ni moins à du terrorisme. Il s’en était pris aux civils tout comme au militaire, tuant sans distinction. Cela, elle ne devait pas l’oublier non plus, même s’il tentait d’avoir des manières de beau parleur.
L’administrative n’était pas rassurée, mais elle était déjà satisfaite d’avoir un semblant de communication avec ce type. Les mots, ça restait ses armes, et sur ce terrain là, elle pouvait montrer ses muscles. S’il venait à les lui montrer d’une façon plus directe, et plus physique, elle ne pourrait pas grand chose pour se sauvegarder. Autre point important, elle apprenait de part son discours, qu’il avait discuté avec Alexander. Cependant, elle ne le voyait toujours nul part, et il ne faisait pas mine de vouloir l'ammener, ou les conduire jusqu’à lui. Est-ce qu’il était mort ? Elle se posait sincèrement la question, même si elle se refusait à penser à la pire des réponses. Pour le moment, elle faisait preuve d’un peu d’optimisme, et elle était trop concentrée sur la discussion et l’argumentaire pour laisser courir toute forme d’émotion contradictoire.
Il donnait pas mal d’informations, et il posait pas mal de questions, pourtant seule la dernière semblait pouvoir compter dans le débat. Ce serait son introduction pour répondre :
«
Est-ce que quand on fait quelques chose en conscience, nous pouvons parler d’erreur ? Nous sommes censés peser le pour et le contre. Alors peut-être que oui, mon soldat aurait accepté le présent de la Tarv avec quelques explications, ou peut-être que non. Parce que l’amour ne donne pas le droit à tout. L’amour permet de dire non, comme il permet de dire oui. ». Elle préférait ne pas rebondir tout de suite sur le fait de ne pas être morte ou non. Il tenait ça pour acquis, et s’il voulait qu’elle pense qu’il s’agissait d’une fleur, elle ne lui montrerait pas, exprimant son droit à respirer sans que personne ne décide pour elle.
«
Et si le sentiment est partagé, alors la réciproque est vraie pour les deux parties. ». Il parlait de viol, et après ? S’il en était tellement friand, il n’aurait même pas demandé son avis à Nelly et lui aurait collé cette fleur sur le bras. Un point c’est tout. «
Et en parlant du second dirigeant, où se trouve-t-il ? ». La question à dix milles dollars, qu’elle s’était bien gardée de ne poser qu’à la fin pour l’obliger à lui fournir une quelconque réponse.
« Et savoir peser le pour et le contre donne immanquablement la bonne décision ? C’est présomptueux tout ça. » affirma t’il joyeusement, il ne rebondissait pas sur l’amour, pour une raison simple, l'enchaînement d’Erin était plus intéressant.
« Preuve que non. » dit-il en montrant la scène derrière eux de Nelly et de la biche. Mais, il ne s’attarda pas sur les deux protagonistes, il était concentré sur la jeune femme dirigeante d’un peuple qui savait parler.
« Je me demandai quand vous allez me le redemander.»«
Corkan nous perdons du temps. » Affirma la guerrière qui s’était déplacer vers eux, d’un mouvement rapide, comme si elle avait « popper » près des deux parleurs.
« Mais non, nous l’avons gagné ». «
Il ne va pas tarder à trouver le dogme. » Dit-elle avant de marcher vers Jane et Candom. «
En avant ! » Vociféra t’elle férocement. Alors que les autres gardes prenaient Nelly pour qu’elle rejoigne le pas des deux autres militaires. .
« Laisse-moi la sans cœur. Elle va aider la dirigeante. ». Les gardes délaissèrent immédiatement Nelly dès qu’ils entendirent le sifflement de la guerrière qui n’avait pour le moment pas de patronyme. Corkan, suivit du regard sa guerrière qui forçait les deux soldats atlantes à prendre un autre chemin, vers le cercle de sable avant d’hausser les épaules et de tendre la main vers Erin.
« Fin de notre conversation. Allons donc voir votre compagnon de pouvoir». Erin n’avait pas eu le loisir de répondre à cause de l’intervention de la femme qui servait de seconde à Corkan. De toute façon, c’était un débat inutile, et futile. Ce type prétendait avoir la science infuse et il questionnait juste pour prendre le contrepied de ce qu’elle pouvait dire. Ok, elle avait fait la même chose, mais elle n’allait pas non plus passer sa journée à faire ça. Elle voulait que ça serve à quelque chose, pas que ça tourne en rond.
Erin ne voulait pas être séparée des trois militaires. Nelly fut ramenée à elle, mais Candom et Jacobs non. Pourquoi ? Merde, cela l’inquiétait fortement, mais que pouvait-elle faire ? Si elle protestait, elle allait prendre une baffe ou quelque chose comme ça, ou l’autre l’ignorerait totalement.
«
Qu’est-ce que vous allez faire d’eux ?? », s’insurgea-t-elle quand même, sans prendre la main du bonhomme. La perspective de voir Alexander l’inquiétait tout comme elle l’enchantait, mais elle ne pouvait pas les laisser emmener les deux soldats comme ça sans manifester son désaccord oralement. C’était tout ce qu’elle pouvait faire.
Quand ça devenait fou et surréaliste, il y avait cette étrange impression de suspension. Comme être le témoin détaché d’un film d’horreur. Nelly savait que c’était elle, sa respiration chaotique était bien là, tout comme la douleur de ses liens trop serrés. Mais son esprit s’était compartimenté. Il lui semblait qu’un instructeur lui en avait parlé un jour, à elle et ses équipiers, sur le fait que c’était une sorte de défense psychologique.
Nelly était morte de trouille et se laissait conduire. Elle avait des envies de résister mais pas pour jouer les héros. La jeune hispanique voulait tout simplement fuir, passer la Porte, rentrer sur la cité. Là, elle récupérerait son petit aquarium avec Alexia, son poisson rouge, et elle irait se cacher sous son lit.
A son âge, personne ne penserait à regarder dessous non ?
«
Lâchez-moi !!! » S’écria-t-elle inutilement en battant des jambes.
Grande comme elle l’était, les gardes n’avaient pas vraiment besoin de forcer pour la soulever lorsque cela s’avérait nécessaire. Son observation de l’environnement était biaisé par la panique qu’elle retenait à peine. Quand à l’autre glandu à la langue bien entrainée, elle ne l’écoutait plus depuis un moment. Il faut dire que le bûcher général et la scène de ce massacre atroce avait de quoi détourner l’attention.
Nelly écarquilla les yeux en voyant tout ça et activa les freins. Elle planta ses deux pieds bien profondément dans le sol et c’est les gardes qui la poussèrent à aller de l’avant en la faisant glisser. Ils y mettaient suffisamment de force et elle rippait, comme si elle faisait du ski, alors qu’elle refusait de s’approcher de ce charnier. L’odeur était atroce, l’environnement pire encore. La petite espagnole voyait tous ces gens, les souffrances. Et surtout, cette cruauté presque gratuite. D’accord, les glyphes donnaient l’air de faire partie de leur culture, de leurs croyances, mais taillée comme ça, à même la chair ?
Son regard effrayé s’attarda sur les monceaux de cadavres et/ou d’agonisants. Le corps de Poppins était si différent qu’il clignotait comme une saleté de panneau publicitaire. Nelly ne comprenait toujours pas le principe avec les fleurs et tout ce qui suivait. Elle n’avait pas envie de comprendre d’ailleurs. Mais la vue de cette horrible meurtrissure sur le coup de l’animal. C’est là qu’elle comprit.
Même si elle s’y refusait de toute son âme, de toutes ses forces, parce qu’elle savait que ça lui ferait mal : son esprit plaçait de lui-même toutes les pièces du puzzle. Elle se fit la déduction logique et soudaine que sa mauvaise expérience de la gorge tranchée n’avait pas été la sienne mais celle de la biche. Que ce qu’elle avait ressenti, ce qui l’avait déstabilisé, avait été l’expérience de l’animal. Une partie de Nelly s’en réjouissait. Car elle était certaine de ne rien avoir qui clochait.
Mais l’autre, plus compatissante, n’acceptait pas cette scène. Elle sentit une bouffée de haine contre ces types, une rage qui lui prenait aux tripes et qui la poussait à gueuler :
«
Salauds !!! Ordures !!!! »
Pas besoin de la forcer à approcher de Poppins, elle y alla d’elle-même pour s’agenouiller près d’elle. La petite espagnole ne voulait pas de ce lien, elle se sentait mieux malgré ce vide très dérangeant que ça avait laissé. Mais c’était injuste, tellement injuste. De la cruauté gratuite sur cet animal qui n’avait pas fait grand chose au final.
La jeune femme se laissa libérer les poignets. Délicatement, elle prit la tête sans bois de la bichette pour la poser sur ses genoux. Elle espérait ne pas trop tirer sur son coup sanguinolent alors qu’elle la carressait en lui murmurant des mots rassurants.
Quand le type qui comptait la soigner s’approcha avec la foutue fleur en question, Nelly la balaya d’un coup de main en râlant.
«
J’en veux pas de ta fleur !!! Soigne-là au lieu de faire el romantico !!! »
Elle en revint à l’animal qui semblait vouloir abandonner. Nelly la serra fort contre sa poitrine.
«
Allez !!! Bats-toi mi Poppins ! T’es une rebelle ! Et les rebelles, ça se moque de toutes les règles ! »
Il lui manquait beaucoup trop d’informations pour pouvoir comprendre cette histoire de lien, de cet espèce de parasite qu’on voulait lui fourrer dans le bras. Pas question !!! Il devait bien y avoir un autre moyen et, si c’est le désespoir qui semblait vouloir lui donner envie d’en finir, Nelly ne l’entendait pas de cette oreille. D’un regard éloquent, elle invita le type à pratiquer ses soins alors qu’elle tenait la tête de l’animal bien contre elle, dans un calin continu, en faisant en sorte que sa blessure soit bien accessible au soignant.
Elle se fichait que le sang s’écoule sur ses jambes.
«
Je suis là, bébette. J’suis sûre que tu peux t’en sortir. Parce que t’es Poppins, t’as bac + 12 ! Tu hablas dans la tête des gens ! C’est pas une “égratignure” qui va finir la mangeuse d’assiette, hein ? Allez... »
La Tarv, se laissa faire, émettant quelques gargouillis quand la tête se posa sur les genoux de l’espagnole. Des larmes coulaient le long de ses grands yeux noirs. Impossible de savoir si cela n’était que de la douleur.
Quant au guérisseur, portant un masque complexe d’os, il recula de quelques pas, en rangeant la fleur dans une petite besace en cuir pendouillant de sa ceinture. Il ne chercha pas plus loin, il était silencieux et il s’éloigna pour préparer quelques décoctions. L’homme revenu, au moment où Nelly l’autorisa à s’approcher. Son regard, pour le peu qu’on pouvait l’apercevoir, zyeutait de temps à autres la réaction de l’animal. Celui-ci, semblait accepter enfin les soins, alors il en profita pour lui confectionner un bandage en feuille imbibé de crème odorante. Une odeur amère loin d’être plaisante.
Poppins, avait ouvert ses yeux, pour regarder le visage de l'espagnole, toutes sortes d'émotions pouvaient être interprétées, comme du soulageant, de l’amour et surtout de la joie. Si elle avait été suffisamment en forme, elle aurait été tentée de se relier à elle… cependant, elle était si fatiguée, qu'elle se contenta de frotter légèrement son front contre Nelly. Un signe d'affection et de soutien. Un fin rictus s'était élargi sur les babines du cervidé, comme si elle s'amusait des multiples comparaisons et mots d'encouragements de Nelly. Un amusement, qui la touchait au fond d'elle… mais, elle ne pouvait pas montrer sa gratitude à son âme comme elle l’aurait fait avant, non elles n'étaient plus liées. Alors, elle émit un son doux, comme un ronronnement. Elle avait raison après tout… elle pouvait encore se battre.
«
Elle reprend du courage » indiqua le guérisseur, qui venait de finir. Il décida de les laisser dans leur moment « intime », même si au milieu de ce charnier, cela était relatif.
«
Bien sûr qu’elle reprend courage ! C’est pas ma bébête pour rien ! » Rétorqua-t-elle tout en sondant ce grand oeil noir. «
C’est bien, très bien. »
Elle occultait la présence du chaman, loin de toute gratitude à son égard. Elle ne comprenait pas que que ces sauvages puissent mettre en sacrifice ou s’attaquer à des bestioles comme ça. Pour ce qui est de cette créature, Nelly avait compris le malaise. Elle l’avait eu dans sa tête et elle ne s’était jamais sentie aussi bien depuis que cette présence perturbante avait disparu de son esprit. Cela ne voulait pas dire qu’elle était satisfaite de la voir comme ça, la gorge effilochée d’une entaille, pour s’être comporté comme l’habitude le lui donnait. Surtout que Nelly avait bataillé avec la “cul-nu” pour la garder.
«
Mira, Poppins. » lui chuchota-t-elle en la caressant. L’animal, releva un peu la tête avant de la recoucher docilement «
Moi j’suis faite pour être toute seule dans ma tête. Mais ça veut pas dire que j’t’aime pas. Ca peut se faire autrement, comme des tites caresses, des câlins, sans pour autant habla dans la tête... »
Elle faisait courir ses doigts le long de sa fourrure. Ca avait une texture duveteuse douce et malgré tout étrange. La biche, semblait lui répondre dans une sorte de souffle et de couinement sombre. Il était évident qu’elle pouvait dire “c’est plus facile dans la tête” mais, elle comprenait les paroles de la jeune femme et elle se fit une raison.
«
Ils vont m’emmener. Si on se revoit ou pas, c’est même chose : prohibido de mourir. »
Elle tapota sa tête de bichette du doigt comme une mère qui intimait un ordre à son enfant.
«
Les rebelles, ça s’en va qu’après avoir bien emmerder son monde. Et toi t’as pas fini. Donc : Prohibido de morir ! »
Après s’être assurée que la bichette avait bien saisi, Nelly se laissa docilement attacher les mains pour être ramenée.
On la poussait sans ménagement à rejoindre Erin. Elle n’en était que soulagée à moitié. Son regard passa sur ses deux autres collègues, essayant mine de rien de faire bonne figure, qu’ils ne se disent pas que la directrice était entre de mauvaises mains. Mais elle avait une trouille d’enfer.
«
Je promets de ne plus jamais aller à des fiestas étrangères ! » Promis l’espagnole en zieutant la directrice. «
Mais on va rentrer chez nous, parole de Bricks ! »
Erin qui essayait de faire bonne figure, posa un regard rassurant sur la jeune femme qui devait traverser une épreuve assez horrible, comme eux tous au final. Elle ne pouvait pas se montrer faible pour le moment, ne serait-ce que pour sauver les apparences face à ce soudard. Qui sait ce qu’il lui ferait si jamais il percevait ne serait-ce qu’une once de crainte ? Elle préférait ne pas y penser, et elle puisait en elle assez de courage pour essayer de rester digne.
«
On va rentrer chez nous Bricks, j’en suis convaincue aussi. »
«
Si... »
Ne restait plus qu’à découvrir la suite du malheur…