Search and Rescue

L’officier était partit léger. L’objectif n’était de toute manière pas d’engager qui ou quoi que ce soit, pas sans ses hommes. Et quand bien même ils avaient une supériorité technologique, il était convaincu que parfois, une technologie étrangère pouvait inverser la tendance. Équipé de jumelles vision nocturne, le G.I. avait laissé pour consigne de laisser Eversman se reposer, à Butler de surveiller la captive récalcitrante et d’attendre ses informations.

Il était sortit du sentier, descendant à flanc de colline pour contourner les aspérités rocheuses qui leur barrait la vue depuis leur perchoir. A croire qu’ils avaient raté quelque chose dans leur repérage du périmètre, la procession s’avançait dans leur direction. Un instant, il se demanda si leur truc pulsant d’une énergie particulière n’était pas un espèce de système de repérage des signes de vie longue distance, s’apprêtant à avertir le campement qu’ils devaient se préparer à évacuer la zone en urgence quand, après avoir trouvé une élévation de roche qui lui donnait un bon point de vue dans le surplomb des arbres voisins, il les vit bifurquer.

S’allongeant sur la caillasse assez lisse, il dégaina ses binoculaires pour les braquer en direction des flammes dansantes qui continuaient leur chemin, et remonta le long de la route entrevue pour tomber sur ce champs de ruine que la découpe anguleuse rendait remarquable sous les reflets verts renvoyé par son appareil de vision. Il conservait le silence, seulement rythmé par sa respiration calme, réajustant en permanence la focale, zoomant, prenant du recule, alignant les hommes à leur objectif jusqu’à ce que celui-ci fut atteint.

avait-il lancé sur un ton un peu plus bas que la normal, conservant son attention visuelle braquée sur les religieux qui entamaient leurs louages.

répondit le soldat pour confirmer et mettre fin à la conversation. Il veillait au grain sur un large périmètre afin qu’ils ne soient pas pris au dépourvu par d’autres hommes venus ensuite.

Les minutes… puis davantage, s’écoulèrent, et la fatigue commençait à gagner l’éclaireur qui avait manqué son tour de repos quand bien même son attention s’était parfois montrée moins vigilante. Le soleil apparaissait enfin à l’horizon, plongeant l’atmosphère dans le froid puissant de l’aurore, sur une terre qu’un empereur des cieux n’avait pas encore eu le temps de réchauffer. Il réprima un énième bâillement. Pas de trace de princesse ou d’un putain d’indice qui aurait pu mener à quoi que ce soit et l’impatience le gagnait de plus en plus. Sans piste sérieuse, il commençait à se demander si même trouver une aiguille dans une putain de botte de foin n’était finalement pas une meilleure idée. Du moins, jusqu’à ce qu’il entende, puis qu’il voit.



Il y eut un instant d’incrédulité, où l’homme se demandait qu’est-ce qu’il foutait là, et s’il ne s’était pas finalement endormi, pris dans un sommeil d’un rêve délirant. Puis, il y eut le bruit des ailes qui battaient l’air, et celui d’un grondement, guttural.

avait-il lancé sur l'intonation de l’urgence véritable.

Il était bien trop pragmatique pour prononcer le nom. Il n’imaginait même pas que c’était possible. D’un bond, il s’était redressé sans demander son reste, dégringolant son perchoir pour retrouver au plus vite le chemin du retour, direction le campement.

Il ne savait pas vraiment ce qui serait le pire pour lui, à choisir entre toutes les morts que cette créature sortie tout droit des enfers pouvait lui réserver. Entre se faire croquer à l’instar d’une olive d’apéritif, ses organes se faisant extraire comme ce petit bout de piment qui se glissait toujours hors de son confinement, se faire griller vivant comme un poulet embroché, avec toute la douleur et le supplice qui allait avec, ou se faire lamentablement écraser, comme une saloperie de cloporte qu’on aurait même pas remarqué, un espèce de dommage collatéral qui faisait saigner l’égo.

Le cri résonnant d’agonie d’un des fanatiques en burres, qui se répercuta sur le flanc de relief, fit rayer définitivement la première option de sa stupide liste. Il avait à peine prit le temps de jeter un dernier coup d’oeil en arrière, alors qu’il remarquait la bête venant d’emporter son en-cas en élevant son gosier pour l’y faire glisser dans sa gorge jusqu’à son estomac, tel un rapace le ferait d’un frétillant poisson. Pourquoi il fallait que ça parte toujours en couille version extrême hard core dans ces putains de club d’illuminé ? Aucun d’eux se disait que, bordel, la vie était quand même bien meilleure sans envisager de s’offrir en sacrifice à un animal quelconque ? Non, évidemment que non. L’humanité avait toujours eu son lot de détraqués, de personnes influentes et de suiveurs, et ce n’était pas de vivre à une époque telle que celle-ci, où l'espérance de vie ne devait guère dépasser la quarantaine qui allait changer la donne.

Il regretta aussitôt d’avoir pris le temps d’observer ce repas être englouti si derechef, jurant à nouveau en reprenant sa route, plus vif que jamais. Il se pliait, se baissait et esquivait branches et rochers qui se dressaient sur son chemin, mettant à mal l’ascension qu’il avait entamé pour rejoindre la position en hauteur.


répondit-il aussitôt, faisant sentir dans l'intonation et la rapidité de sa voix, que le bourru s’était lancé dans une course plus que dynamique.

Pour lui, le chemin le plus court passait par le campement. Remonter d’un côté pour mieux redescendre de l’autre, ça avait été son plan, et même si son équipe l’avait devancé, il ne traînerait pas à les rejoindre. Du moins, c’est ce qui aurait du se passer. Une ombre gigantesque voila brutalement le soleil, encore bas dans le ciel avant d’en libérer le scintillement, manifestation d’une présence prédatrice qui s’était mis en chasse. Un vent soufflé de poussière escorta le tout, poussant l’instinct de survie du militaire qui se sentait aussi impuissant qu’un lièvre fuyant les serres d’un prédateur tenace, à se mettre à couvert.

Dans sa précipitation, il dérapa sur un roulement de roches qui dégringolèrent le sentier, forçant le gaillard à glisser sur le dernier mètre qui le séparait d’une extension rocheuse, formant un promontoire sous lequel il put s’abriter et se cacher. La créature s’était envolée, sans aucune grâce, ni aucune attention supplémentaire à l’encontre de ceux qui l’avait appelé, pour venir atteindre la hauteur de la coline. Il n’en vit que la silhouette, sa respiration courte et haletante réduit au plus bas, n’osant émettre le moindre signe de vie qui aurait alerté l’animal. Il ne connaissait rien de ces bêtes. Leur acuité visuelle, leur perception auditive, ou quelconque autre sens dont il ne pouvait même pas en imaginer la possibilité.

Là-haut, à l’emplacement même où s’était trouvé la tente et le reste de leur campement, la créature avait atterri, écrasant entre ses griffes qui trouèrent la terre et la roche, l’abri primitif qu’ils s’étaient offert pour la nuit. Il se passa un temps, dans ce silence rythmé par le battement sourd de son cœur, et la trainé de sueur qui germait à la naissance de sa tempe, par le souffle rocailleux du reptil ailé et son odeur de souffre. Sa radio émis une nouvelle communication, à son oreille, d’une voix familière confirmant qu’ils avaient atteint le site Bravo. Mais il ne répondit pas, tenant le silence, sa respiration… une supplique.

Un rugissement bestial résonna dans toute la vallée, faisant vibrer l’air et la terre, les tremblements perceptibles sur le relief contre lequel il avait trouvé refuge. Ce fut comme un signal, un moment que le Ranger saisit pour continuer sa fuite. Il ne cherchait plus à remonter, mais à contourner la position pour atteindre le plus vite possible le couvert de la forêt. Il savait que là-dedans, le déplacement de l’imposante créature serait plus difficile, comme un char d’assaut qui cherchait à franchir un bois épais. Les croyances populaires auraient pu supposer que le truc, peu importait comment les locaux le nommaient, était capable de cracher du feu, mais putain, il ne voulait pas y penser.

Il rata sa course à plusieurs reprises, glissant, s’escarpant coudes et mains, genoux et tibias. Il avait encore du chemin à faire, et trop peu de temps pour respirer. Tant qu’il serait à découvert, peu importe ce que la bête chassait, il serait une cible facile.

Quelques instants plus tôt…

Il avait beau être bon sportif, Shaun n’était pas spécialement bon sprinteur, surtout équipé comme il était sur un sentier aussi escarpé que celui qu’il empruntait - si on pouvait vraiment qualifier le terrain de sentier. Et si la consommation de tabac n’avait jamais entamé son endurance, toute discipline confondue, c’était sans doute moins vraiment de sa capacité d’oxygène qu’ils renouvellaient, bien que, de là à dire qu’il était à bout de souffle n’était vraiment pas une vérité. Il avait beau s’efforcer de maintenir une direction directe vers la forêt, la pente rocheuse de leur précédent promontoire avait tendance à le faire descendre de plus en plus vers la vallée.

Si cette enfoirée de créature ne lui avait pas coupé la route, il aurait déjà rejoint ses camarades et il détestait l’idée même de cette séparation forcée. Lorsque la créature prit à nouveau son envole, battant des ailes avec une force herculéenne qui avait la capacité de créer un lourd soulèvement de poussière, le Ranger se précipita à nouveau sous le couvert d’un des nombreux reliefs qui parsemaient son flanc de haute colline. Il appréhendait chaque déplacement, avec l’inquiétude que ses mouvements n’étaient qu’une vaine débâcle face à la bête. D’un autre côté, il espérait n’être qu’un élément négligeable de l’équation de cette dernière et qu’il pouvait tout aussi bien tracer tout droit, même en se promenant, qu’elle n’y prêtait absolument aucune attention. Au mieux, il serait seulement parfaitement ridicule d’agir ainsi, la trouille au tripe de finir dans l’estomac de l’animal, mais si ça lui permettait de rester en vie … au diable les jugements. Qui pourrait juger de toute manière ?

L’orée de la forêt n’était plus très loin. Il voyait d’où il se trouvait la limite claire entre le ciel dégagé et les frondaisons obscures des feuilles en quantitées. Mais entre lui et sa destination, il y avait un vaste champ en jachère et l’oeil traqueur de l’écailleux. Il pouvait aussi bien sentir qu’entendre sa présence. Il n’était pas loin, lui aussi portant un intérêt particulier à cette forêt dans laquelle il ne pouvait pas s’aventurer. Qui traquait-il vraiment ? Lui ou ses compagnons ? Dans les deux cas, il ne pouvait pas rester sans rien faire, et rien ne valait mieux qu’une petite diversion pour gagner du temps.

Après un rapide tour d’horizon pour savoir les éléments qui se tenaient à sa disposition, il observa cet arbre solitaire qui déployait sa garniture de printemps coloré avec, à son pied, quelques buissons touffus qui avait profité de son ombre, et juste en arrière, un dénivelé. Il n’estimait pas avoir d’autre alternative malgré son cerveau qui cogitait aussi vite que les battements de son cœur. Après un dernier souffle reprit, il se mit à courir dans la direction ciblé tout en appuyant d’une pression de l’index sur le commutateur de sa radio, et fit entendre sa voix.



Il ne voulait pas prendre de risque, ni pour eux, ni pour sa diversion. Ca relèverait déjà du miracle si tout se passait comme prévu. Et les choses se gatèrent bien plus vite qu’il ne l’avait imaginé. Un nouveau grondement, plus rapproché, moins porté, se fit entendre poussant le terrien à dévier son attention. Le reptile l’avait repéré bien trop tôt, n’ayant vraiment le temps d’atteindre son objectif ce qui le poussa à revoir ses conditions d’engagement. La discrétion, avait-il argué, la discrétion. Mais c’était une foutue situation d’urgence. D’un claquement de l’index rapide, il bascula la sécurité de son arme.

La créature allait bien plus vite que lui. Grandes pattes, grandes foulées, et ne faisait aucun état d’âme des roches, cailloux, crevasses et autres joyeusetés qui avaient tant gêné la progression de l’officier. Elle, elle traçait tout droit. A ce qu’il estimait être le dernier moment, au plus proche de l’arbre solitaire et à courte portée d’une rafale de 5.56, Shaun déchaîna la colère de son propre feu après avoir pivoté et posé un genou à terre. Il ne s’attendait pas à ce que son geste lui règle son compte, non. Ca aurait été bien prétentieux de croire qu’une série de balles aussi petites auraient le moindre effet radical sur l’imposante bestiole, mais il fut néanmoins soulagé au constat que ça la fit reculer et gronder de nouveau.

Il ne voulait pas s’attarder à l’observer et à en mesurer toute l’étendue du non sens qu’il pouvait bien trouver à son existence, parce que putain, n’importe qui qui survivrait à ça aurait bien des raisons d’être sacrément en colère. Sans demander son reste, il se jeta littéralement dans les buissons d’épineux, pour y loger une fumigène préalablement dégoupillée. Le sol trembla sous la charge rageuse du reptile qui déracina l’arbre d’un coup de museau ravageur, le tronc, encore en partie accroché au sol, ployant jusqu’à tomber. Dans sa débacle, et tentative d’esquiver tout ça, Shaun se fit rouler en direction du dénivelé, plus haut qu’il ne l’avait soupçonné.

Son corps tomba comme une pierre, trois mètres plus bas, lui coupant aussi bien le souffle qu’un bout de morceau de conscience, sa tête avait heurté quelque chose de bien trop dur pour être un sol herbeux. Il prit un instant à s’insulter mentalement pour se pousser à continuer de fuir, mais tout son corps était aussi ankylosé qu’une charge d’une tonne. Il entendait la voix de Matt en écho au travers de la radio qui l’appelait, mais fut bien incapable d’y répondre. Au-dessus de lui, le ciel bleu du matin que sa vision trouble lui offrait se couvrait peu à peu d’une fumée rouge épaisse, le nuage se dégageant de la grenade lentement et s’emportant au gré du vent léger. Il sentait quelques cailloux rouler sur lui, suivi d’un soulèvement de poussière qui l’obligea à pousser une toux étouffée.

Lorsqu’il reprit enfin le contrôle de son corps, sans que rien ne vienne le cueillir comme un repas facile, il ne chercha même pas à regarder le résultat de son acte, se redressant sensiblement, avant de prendre la poudre d’escampette en longeant le flanc de roche qui lui offrait un couvert jusqu’à son objectif. Il était couvert de terre, collé de sueur, et une trainée de sang s’échappait de son arcade sourcilière, l’obligeant à fermer l'œil, continuant son chemin sur sa joue et sa mâchoire. Là-haut, juste au-dessus, la créature tentait vainement d’attraper cette manifestation colorée qui s’échappait entre ses crocs et ses griffes.


avait-il enfin répondu d’une voix particulièrement difficile après avoir vérifié l’information sur sa montre boussole. C’était sa destination, et il comptait bien l’atteindre pour se planquer contre un arbre et chercher à retrouver toutes ses facultés.

Une fois debout, basculant l’équilibre sur la jambe qui lui provoquait le moins de mal aidé par Eversman, Shaun passa son regard grisé sur l'autochtone, alors qu’elle tentait désespérément de les convaincre. Sa tête lui tournait encore et il avait toujours du mal à focaliser clairement sur l’environnement immédiat, ce qui le convainquit d’autant plus à se mettre en route sans tarder.

avait annoncé Shaun non sans un grognement rauque qui escorta ses mots, un revers de main balayant la traînée de sang qui barrait son oeil.

Il se méfiait de la gamine, bien évidemment, surtout après avoir entendu qu’elle avait possiblement un lien avec la créature, là derrière, mais il ne pouvait pas rester indécis. Quelque soit sa décision, il devait la prendre immédiatement. Lutter contre ça ? Il n’estimait pas qu’ils en avaient les moyens. Sa salve de balle n’avait été que des pétards ennuyant pour le coriace à la peau aussi solide qu’un kevlar, et des échanges de détonation supplémentaire ne ferait qu’attirer plus l’attention à leur présence. Tant que la bestiole était l’attraction locale du moment, et qu’elle était détournée d’eux, autant tenter de se faire oublier.

répétait-elle au constat qu’ils obtempèrent enfin, prenant les devant en s’enfonçant plus à l’Ouest dans la forêt.

Il se doutait bien qu’il n’avait pas forcément besoin de le préciser, mais ça annonçait la couleur. Il ne lui faisait pas particulièrement confiance, mais en l’état, ils n’avaient que trop peu d’option.

L’équipe s’enfonçait dans la forêt, les cimes des armes leur offrant une protection certaine. Du moins c’est ce qu’ils crurent jusqu’à entendre un fort hurlement et voir un jet de flammes embraser les arbres sur la droite. Ce n’était pas passé loin.

Pesta-t-il levant les yeux vers le ciel n’y voyant que des feuilles. Leur déplacement était aussi silencieux qu’une course poursuite pouvait l’être. Il n’y avait pas de cris, de paroles. Les jets de flammes continuaient. Ils avaient littéralement le feu aux fesses ce qui les poussait à aller toujours plus vite, à s’enfoncer davantage jusqu’à atteindre une zone d’eau. Un ruisseau avec un fort courant qui semblait se jeter un peu plus loin sur leur gauche avec une cascade.


Demanda Eversman devant cette demande qui n’avait rien de sensé. L’hésitation était palpable et pourtant ainsi à découvert ils faisaient une cible idéale. Un coup d’oeil en arrière suffit à voir l’ennemi, déjà sur eux.
Gueula-t-il aux autres.