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Perdition Martiale

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Sam 16 Sep - 21:19

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Chronologie : 23 mai 2017

Pedge sortait d’une nuit vraiment difficile. Elle n’avait pas fermé l’œil plus d’une demie heure consécutive et cela tenait au fait qu’elle se rendait malade toute seule, comme une grande, au point de vomir ses tripes dans les toilettes de ses quartiers. Et pourtant, Dieu seul savait qu’elle détestait vomir au point de faire des crises de panique. Elle n’était plus qu’une boule de nerfs. Elle ne voulait pas être aujourd’hui, et pourtant, le jour se levait, et avec lui, la nouvelle journée. Hier soir, elle avait pris une décision radicale.

Aujourd’hui, elle démissionnerait.

Et c’était cet état de fait qui faisait qu’elle n’avait pas dormi, qu’elle était malade de stress et de dégoût d’elle-même. Pourtant, elle était parfaitement lucide quand elle avait décidé de mettre un terme à sa carrière d’officier dans l’armée des Etats-Unis d’Amérique, et plus largement, dans l’armée terrienne qui était atlante désormais dans ce recoin de la galaxie de Pégase.

Elle ne pouvait plus se regarder en face. Elle était coupable de tout ce qui s’était produit après sa capture par la reine Wraith. Elle avait appris, par une annonce, que l’ensemble des civils qui avaient évacué vers la planète de repli avaient été capturé par des vaisseaux Wraith. Cela, elle n’était pas directement responsable puisque Méda’lyda les avait piégés. Mais tout le monde n’aurait pas été pris si le Dédale était arrivé incognito pour tomber sur la gueule du croiseur. Mais voilà, elle avait bavé le nombre de vaisseau que les atlantes avaient, et le Dédale était tombé dans une embuscade, selon les informations qu’elle avait données.

Et en cela, elle n’était plus digne de faire partie de l’armée. Elle aurait dû être jugée pour trahison, et se retrouver en prison à vie. Franchement, sa promotion n’était pas méritée. Qui voudrait d’un officier, d’un traître d’officier dans ses rangs ?! Qui ?! Personne, c’était évident. Elle ne pouvait pas faire honneur à son nouvel insigne, ni même à sa nouvelle qualification. Ce désastre humain était de son fait. Elle devait assumer son fardeau, et pour cela, elle devait être jugée par ses pairs. Elle en était malade, parce qu’en elle se disputait l’envie de faire carrière dans l’armée, carrière qui se déroulait bien et qui suivait une voie toute tracée vers des fonctions plus hautes, et à peine avait-elle mis le pied à l’étrier en sortant des hommes du rang et des sous-officiers qu’elle devait abdiquer. C’était insupportable. Son rêve de gamine traumatisée par un 11 septembre 2001 était en train de s’étioler. Elle venait de le toucher du bout des doigts, et elle devait s’en détourner en toute conscience, parce que c’était ce qu’il y avait à faire. C’était juste.

Elle ne savait pas ce qu’elle ferait ensuite si elle n’allait pas au mitard. Qu’importe. Elle n’avait pas envie d’y penser. La douche lui permit d’avoir les idées plus claires, et elle se mit en uniforme, lissant le tout et cirant les rangers. Son béret bien calé dans son épaulière, elle se fit téléporter sur le croiseur qui était en train de subir des réparations lourdes pour à nouveau être opérationnel rapidement. Pendant l’embuscade, des membres du personnel étaient morts, et cela aussi, elle l’avait en tête. Elle ne devait pas faillir, et parce qu’elle était fière, elle allait à l’échafaud en étant parfaite. Personne ne lui reprocherait d’avoir jeté l’éponge sur son apparence cadrée et stricte.

Quand enfin on l’autorisa à voir le Colonel Caldwell, le sous-lieutenant Allen salua de façon impeccable, et quand elle eut l’autorisation de passer au repos, elle posa une enveloppe cachetée sur le bureau de ce dernier. A l’intérieur se trouvait une lettre de démission, rédigée proprement et de façon protocolaire.

« Mon Colonel, je vous présente ma démission aujourd’hui-même. Je souhaite par ailleurs vous informer que je suis condamnable pour acte de haute trahison envers cette expédition et mon drapeau. »

Elle regardait droit devant elle, sans sourciller, même si sa mâchoire se bloqua légèrement, signe qu’elle contrôlait ses nerfs et qu’elle ne voulait pas craquer. Elle était juste en train de se suicider toute seule comme une grande, comme le bon petit soldat obéissant qu’elle était au fond. Elle devait avouer que l’embuscade qu’avait subi le Dédale était de sa faute. Elle devait assumer. Le commandement ne l’aurait pas promu s’il savait qu’elle était à l’origine de la fuite. Torture ou pas. Pourquoi est-ce qu’elle venait présenter sa démission à Caldwell et pas à Sheppard ? Parce que ce dernier devait récupérer aussi, et elle ne savait pas s’il était de nouveau opérationnel. Cela faisait deux semaines qu’ils étaient tous revenus de l’enfer, et personne n’avait encore repris le service actif. Il fallait l’accord du personnel médical et subir des évaluations psychologiques. Peut-être qu’elle aurait dû se rapprocher des dirigeants… mais c’étaient des civils…

« Je signerai des aveux complets, et j’assumerai les conséquences de mes actes. »

Elle se tut, demeurant silencieuse, et extrêmement calme alors qu’une envie de vomir venait lui titiller la glotte. Mais elle savait qu’elle garderait le dessus, parce que sa détermination était encore présente. Elle avait bien réfléchi, et c’était ce qu’il y avait à faire.

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Sam 16 Sep - 22:06

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Cela faisait deux semaines que l’équipage concentrait tous ses efforts sur la réparation du croiseur. Suite à la violente embuscade qu’ils avaient subi, le moral des hommes était en berne. La douzaine de morts recensé n’aidaient pas à les en relever d’ailleurs. Il y avait eu, en plus des nombreux blessés débarqués sur Atlantis, plusieurs cas de traumatismes psychologique. Le tout grevait encore plus les effectifs déjà particulièrement tendus.

Permissions annulées, aucun service à terre, rotations d’équipes doublées et relevées uniquement à la fin des tâches. Les hommes s’acharnaient, la mine lasse et les épaules voûtées, sous les ordres d’officiers tout aussi abattus qu’eux.

Le colonel Caldwell ne pouvait pas leur en vouloir ni même leur reprocher ce comportement. Mais il était le seul à faire exception de ce vent de défaite.
Parcequ’il était à la tête de la galère, parce qu’il était l’exemple à suivre, le symbole et l’effigie du DSC-304 Dédale, il ne devait pas se montrer faible à un moment pareil. Il voulait que ses hommes finissent par se rendre compte que ce n’était que le début et non une fin. Que tous se relèveraient pour retourner à l’affront et faire payer au centuple cette défaite temporaire. Il y aurait d’autres combats à mener. Il y aurait d’autres batailles sanglantes et décourageantes. Et ses hommes traverseraient ces tempêtes sinistres sans faillir. Le colonel s’en faisait la promesse.

Mais il fallait procéder par étape.
Le CODIR avait été averti : Caldwell ne descendrait pas sur Atlantis pour faire son rapport, en direct, tant qu’il n’aurait pas stabilisé l’état de son appareil. Depuis le début de l’expédition, le Dédale n’avait jamais été aussi sérieusement touché. Plusieurs ponts étaient inaccessibles, des incendies se redéclaraient parfois dans les zones condamnées de la salle des machines, les conditions atmosphériques étaient défaillantes, la gravité aléatoire. Des défaillances de sécurité en cascade étaient à peine réglées par l'ingénierie que des technologies Asgards compromises prenaient la suite.
S’en était au point que les boucliers, à leur minimum depuis deux semaines, ne supporteraient pas la rentrée en atmosphère. Il était donc impossible d’amérir pour réparer. Tout devait se faire dans le froid, le silence et le danger sidéral.

Caldwell avait refusé toute intervention depuis Atlantis, quitte à se quereller avec les dirigeants. Le danger était véritablement réel, concret, amenant l’officier à maintenir une téléportation d’urgence parée en cas de défaillance fatale pour la survie de ses hommes. Les seules téléportations autorisées concernaient les médecins, le matériel de transit et les quelques exceptions.

Le sergent-maître Tyrol, le mécanicien en chef du croiseur, n’avait dormi que quelques heures par nuit, tout comme lui. On aurait aisément pu comparer leurs cernes sans trouver de véritables différences. Lui-même avait retroussé ses manches pour effectuer les tâches qui ne nécessitaient pas de compétences techniques poussée. C’était également une façon de s’impliquer davantage dans la réparation progressive. Le maintien de son croiseur était une lutte de tous les instants et, en ce jour précis, l’équipage commençait enfin à reprendre l’avantage. Les bonnes nouvelles venaient...

Après deux semaines de lutte acharnée, les réacteurs endommagés avaient enfin été stabilisé, les émissions de radiations supprimées. Les fuites d’atmosphère devenaient convenable et les émanations de gaz toxiques colmatées.

Le colonel Caldwell se trouvait au poste d’ingéniérie en train de faire le point avec le chef Tyrol, plusieurs techniciens et les ingénieurs. Il était satisfait, se trouvait avoir le coeur léger au point qu’il le montrait, alors qu’on lui expliquait que son bâtiment n’était plus à l’agonie mais simplement mutilé.
Les quelques hommes qui l’entouraient commençait à reprendre espoir. Ils étaient tous exténués mais rassurés. A présent, les cycles allaient devenir moins rudes, le repos s’organiserait petit à petit. Caldwell se brancha immédiatement sur sa radio pour une annonce générale :

//Votre attention. Vos efforts combinés ont eu raison de nos nombreuses avaries. Je vous annonce que la situation de notre bâtiment est enfin stable même si elle demeure préoccupante. Je vous félicite tous pour votre professionnalisme et votre ténacité. A tous les postes, reprenez les rotations classiques. Reposez-vous, vous l’avez amplement mérité...//

Le Pôle-com lui répondit rapidement par un autre message. Le sous-lieutenant Pedge Allen lui avait demandé une entrevue la veille. Occupé comme il l’était, l’officier n’avait pas donné suite, laissant la requête en suspens. Il ne pouvait plus se permettre de laisser le soldat dans l’attente même si l’état de son croiseur demeurait son ultime priorité.
L’espace d’un instant, l’homme se demanda si le CODIR n’allait pas se vexer de le voir accepter cette entrevue alors qu’il avait reconduit son rapport depuis quatorze jours. Steven accepta finalement en veillant à ce que le rendez-vous soit repoussé quelques heures plus tard.

Pour fêter la réussite de l’équipage, Caldwell ordonna que les cuisines reprennent du service et disposent des stocks sans restriction. Il veilla également à ce que le pont douze, niveau des divertissements, et que les téléportations pour les quartiers libres soient accordés. Le tout en adéquation avec les besoins des réparations.

Une demi-heure avant le rendez-vous, Caldwell atteignit enfin ses quartiers. Il remarqua son état lamentable, imaginant sans peine sa forte odeur de sueur témoignant de sa négligence, une première le concernant, et prit rapidement une douche.
L’homme prit une tenue neuve, commanda quelques boissons puis téléchargea sur son ordinateur le dossier militaire du soldat. Le nom en lui-même ne lui était pas inconnu. L’officier avait remis Allen a sa place, ainsi que le sergent-maître Eversman, pour avoir manqué à certaines règles éthique lors d’une mission diplomatique. Ils n’étaient pas entièrement en faute et le colonel avait opté pour des sanctions à orientation pédagogique.

En revanche, il n’avait pas hésité à mettre les pieds dans le plat lorsque le rapport du suivi psychologique, suite à la tentative de viol qu’avait subi Allen sur cette planète, lui avait semblé plat et incohérent. Steven avait compté sur les services du psychologue du Dédale, Sidney, pour relever ces erreurs et découvrir le véritable état de la jeune femme.
Il n’imaginait pas, à ce moment-là, qu’elle traverserait l’une des épreuves les plus dures et les plus destructrices qu’un combattant pouvait vivre. Si cela avait été un autre soldat, Steven aurait sûrement refusé l’entrevue, préférant de loin la réparation de son vaisseau.

Mais les mésaventures de la section “Cougar Natus” lui étaient parvenu sous formes de divers rapports, notamment médicaux. Caldwell avait ses propres problèmes, il avait survolé, lu en diagonale. Mais la torture de Pedge et Matt avait attiré toute son attention. Les rapports préliminaires avaient fait partie de ses priorités durant ses rares heures de répit.

Le colonel fût donc dans son bureau et prêt à recevoir Allen. On la fît entrer et il garda le silence tout du long, ne montrant aucune surprise lorsqu’il la vit déposer sa lettre de démission. En réalité, il ne posa même pas un regard dessus, se contentant d’observer l’allure parfaitement soignée de sa subordonnée. Il n’avait eu, pour seule réaction, qu’un clignement fugace et subtil de ses paupières. Le genre de signe qui ne voulait pas dire grand chose mais qui avait échappé au contrôle émotif du colonel. Et ce n’était pas rien.

L’officier garda un moment de silence, comme s’il était en proie à une intense réflexion, pesant le pour et le contre, avant d’ouvrir la bouche :

« Repos soldat. Installez-vous. »

Cela avait été clairement un ordre.
L’état à peine perceptible du sous-lieutenant Allen ne lui laissait pas vraiment de choix. Soit il prenait le risque d’être avenant et à l’écoute, ce qu’elle n’était clairement pas venu chercher. Soit il se comporterait comme le colonel dirigeant ce navire endommagé et ayant bien d’autres chats à fouetter. Option pour laquelle il opta.

« Avant de signer de quelconque documents, je vous recommande de me faire part précisément de la nature et des circonstances de la trahison dont vous vous estimez coupable. » Caldwell lui servit son regard d’acier. « Soyez honnête, directe et concise, soldat, ne me faites pas regretter de vous avoir accordé cette entrevue. »

Le colonel sortit son fameux bloc note et tapota son stylo dessus. Il venait de chausser ses lunettes, exactement lorsqu’il avait procédé au jugement de ses actes passés, puis la fixa d’un air tout à fait neutre :

« Je vous écoute. »

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Sam 16 Sep - 22:10

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Pedge n’était pas aveugle. Le vaisseau, d’ordinaire si posé, était en pleine ébullition, d’une ébullition à peine frémissante, fatiguée par les deux dernières semaines passées à réparer. Il y avait eu des morts dans cette embuscade, et le personnel devait en être affecté, comme tous les militaires lorsqu’ils perdaient des frères d’armes dans une bataille. Cela dit, c’était leur métier, et le risque faisait partie des conditions générales pour exercer. La jeune femme le savait, et elle était bien placée pour le savoir. Ca, elle pouvait l’encaisser. Mais ce qui était plus difficile à avaler, c’était que ces morts étaient de son fait. Si elle n’avait pas parlé, le Dédale aurait eu une chance d’arriver incognito et surprendre le croiseur Wraith en pleine rafle.

Elle avait collaboré.

Contre sa volonté, mais elle l’avait fait quand même. Car taire sa langue et ne pas divulguer des informations capitales auprès d’intelligence ennemie faisaient également partie des conditions générales pour servir. Les soldats pouvaient bien se dire que vue la solde, les conditions, et le fait qu’ils étaient des êtres humains à part entière, ils avaient le droit de disposer de leur vie, le fait est qu’ils n’avaient pas le choix en prêtant serment de défendre l’Amérique, et plus largement, l’espèce humaine. Après, certain se la mettait sur l’épaule et n’en avait rien à faire. Pas Pedge, aussi chaotique qu’elle puisse être dans sa tête de temps en temps.

Caldwell était comme à son habitude. D’apparence tranquille, il transpirait l’autorité et l’austérité. Dans une autre vie, il avait dû être moine, un de ceux qui auraient fait bouffer leurs épées par le cul aux Vikings venus les dépouiller des reliquats de Dieu. Puis il se serait flagellé d’avoir pris une vie sacrée, avant de s’imposer des jeûnes et autres conneries de ce genre. Sa paroisse aurait été la plus dévote de l’empire chrétien. Il ne tiqua pas quand elle fit sa démission, et qu’elle l’informa de surcroit qu’elle était une traitresse. Elle n’était pas assez observatrice pour interpréter ce clignement fugace qui avait agité ses yeux, car tout à chacun clignaient des yeux régulièrement. Il ne répondait rien. Il faisait souvent cela. Certainement qu’il méditait les propos de la texane et qu’il cherchait une suite à leur donner.

Pedge restait droite, rigide, et elle ne cherchait pas spécialement à croiser son regard, attendant le couperet. Il lui ordonna de s’installer. Elle ne se fit pas prier. Comme à son habitude, alors qu’elle s’asseyait, il la toisa durement, n’y allant pas par quatre chemins. Il voulait un résumé, il voulait des faits, des preuves, des circonstances. Ce vieux briscard fonctionnait toujours de la sorte. Il se basait sur une multitude d’informations qu’il avait en sa possession, des rapports, des expertises, des analyses, des descriptions, et il confrontait tout cela avec les principaux intéressés pour les démolir, ou pour les dédouaner.

« Je ne souhaite pas vous faire perdre du temps, aussi serai-je concise. » Elle inspira par le nez, cherchant sans doute du courage de se dénoncer, de se suicider militairement, et certainement civilement. « Je ne peux aller voir le Colonel Sheppard qui est toujours en convalescence pour cela, et c’est pourquoi je m’adresse à vous. » Elle gagnait du temps pour se donner la foi, la foi d’avancer, de tendre le bâton pour se faire battre. Au final, elle aurait été une bonne sœur dans le couvent du moine Caldwell. « Je suis responsable des avaries et des pertes humaines de votre vaisseau mon Colonel. J’ai divulgué à l’ennemi le nombre de nos bâtiments et c’est sans doute pour cela qu’ils savaient que vous seriez au maximum deux à vous rendre vers la planète de repli des Natus. »

Elle était nerveuse. Habituellement, ses doigts restaient allongés sur ses cuisses, aujourd’hui, ils pianotaient entre eux. Elle savait qu’elle allait perdre beaucoup. L’expédition, le personnel de l’expédition, sa vie intéressante et sa carrière. Tout quoi. Elle ne vivrait plus sur une base extraterrestre à des milliards de parsec de la Terre, dans une autre galaxie. Elle ne franchirait plus l’horizon des évènements, elle ne reverrait certainement plus de peuple exogène. Namara n’aura plus jamais sa partenaire citée à l’ordre des vertueuses, et elle sera bien incapable d’enseigner leur façon de combattre en symbiose puisque sa double entité atlante ne serait plus là pour ça. Isia… Pedge ne savait que penser de cette histoire qui naissait entre elles. Simple caprice de deux adultes consentantes qui s’amusaient l’une avec l’autre, ou qui espérait plus ? Peut-être qu’elles se seraient lassées de tout ça et qu’au final, ça en serait restée là. Peut-être qu’elles auraient consommé cette énergie sexuelle en s’envoyant en l’air, et puis ce serait redevenu « banal », sans intérêt puisqu’il n’y avait plus cette tension ? Ou peut-être qu’elle aurait fini par se poser un peu avec cette blonde. Peut-être également qu’elles auraient fonctionné comme cela jusqu’à ce que l’une ou l’autre ne parte, d’une façon ou d’une autre. Tant de possibilités, d’hypothèses à vérifier, qu’elle laisserait derrière elle. Au moins, elle garderait un excellent souvenir de cette femme et de cette relation particulière naissante qu’elles entretenaient, avec cette petite déception continuelle de ne pas l’avoir explorée jusqu’au bout. Mais le souvenir resterait beau.

« Ils ont donc basé leur stratégie sur les informations que je leur ai donné. »

Pedge savait qu’il ne se contenterait pas que de ça. Une chose était certaine, elle ne dirait pas que Matt avait sans doute donné quelques informations lui aussi quand elle se faisait torturer sous ses yeux. Le simple souvenir de tout ça lui agita la main de tremblements involontaires et cette fois, elle crispa ses doigts sur sa cuisse pour les calmer.

« Quant aux circonstances… » Elle laissa un moment de flottement, moment où elle fixa un point invisible sur le bureau de l’officier. « J’ai parlé sous la torture, mais j’ai parlé quand même », finit-elle par lâcher. C’était plus dur de l’avouer qu’elle ne voulait bien l’admettre, et c’était sans doute pour ça qu’elle ne détaillait pas plus. « J’ai manqué à mes serments. J’ai été formé pour ça, pour résister, et je me suis montrée faible. » Sa main remonta vers son épaulette, où elle toucha du bout des doigts les galons d’officier qu’elle avait reçu depuis peu. « Et maintenant, j’ai été promu sur des bases faussées et fallacieuses. Je ne mérite pas tout ça. J’ai merdé colonel. », conclua-t-elle en gardant son calme. Elle avait bien fait de dégueuler de tout son saoul dans la nuit, d’avoir chouiner dans son oreiller, de s’être rendue malade à en crever. Au moins, elle n’avait plus le courage de s’épancher émotionnellement. Et sa décision réfléchie lui permettait de garder son sang-froid habituel, malgré sa tête de déterrée et les cernes imposantes qui soulignaient son regard bleuté.
a

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Sam 16 Sep - 22:12

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Lorsque l’on voit un soldat impeccable, une lettre de démission dans la main, avec le visage alourdi par les cernes et une neutralité forcée, il n’est pas difficile de faire le lien avec la mission très difficile qui avait eu lieu en début de mois. Caldwell n’avait pas lu tous les rapports de la Magna à cause des réparations et de la gestion du Dédale, il ne connaissait donc pas tout du combat qui avait été mené sur le terrain. En revanche, les écrits qui relataient en partie la torture subie par Matt et elle avaient été une priorité. Bien sûr, il n’avait pas eu accès aux témoignages et il ne savait même pas, d’ailleurs, s’il en existait.

Steven Caldwell trouva donc dans la déclaration de Pedge une partie de ses propres déductions. Avec l’attaque soudaine des autres vaisseaux ruches et la certitude qu’ils avaient été attendu sur le champ de bataille, il ne fallait pas être un fin stratège pour comprendre que l’information avait filtré quelque part. Et puisque toutes les équipes d’exploration avaient été suspendues sur Atlantis au cours de ces deux jours de guerre pour les besoins d’utilisation de la Porte des Étoiles : le cas de Pedge et Matt avait tout de suite permis plusieurs hypothèses.

Le colonel, donc, n’afficha même pas un air surpris en la voyant se charger de la responsabilité de ce désastre. Il leva le nez, comme pour réceptionner l’information sans montrer de réaction brutale, et laissa son regard sombre courir sur elle. L’espace d’un instant, il sentit de la colère, une forme de haine monter doucement en lui. Cette femme se disait responsable et elle avait l’audace de venir jusqu’à lui pour se dénoncer ? Elle cherchait un lynchage.
Le sous-lieutenant continuait de s’expliquer, Steven gardait le silence, mais il relevait également les signes de stress chez elle.

Pedge se malmenait les doigts et tremblait. C’était une première.
Le colonel se rappelait parfaitement de la première fois où il l’avait recadré pour ses manquements sur la planète des Cowboys. Elle avait été en partie effrontée et avait su maintenir un contrôle de soi important, voir même exceptionnel. C’est pour ça, d’ailleurs, que lorsque ce rapport psychologique - qu’il avait tenu en main un mois auparavant - ne lui avait pas plu, que l’homme n’avait pas hésité à envoyer Sidney en passant outre l’autorité de Sheppard.
Pour lui, Pedge Allen avait un problème réel qui datait. Antérieur à cette histoire de viol et antérieur à la torture. Sauf qu’à présent, après de telles épreuves, l’officier sentait qu’il serait bien difficile de la faire changer d’avis. On aurait pu croire qu’elle s’était présentée de la sorte dans un besoin de subir la punition ou dans une quête de rédemption.
C’était peut-être le cas d’ailleurs. Mais le colonel n’était pas un psychologue. Il n’était pas taillé pour repêcher les hommes de leur méandres de culpabilité. C’était un commandant et un meneur.

L’espace d’un instant, il fut attiré dans ce même sentiment de culpabilité en regardant ses doigts. Le nom de Rick Welsh lui revint en tête. Il se rappelait avoir tourné la clé dans le boîtier déclencheur. Ce mouvement avait inondé le sas d’évacuation d’un sérieux incendie à base d’hydrogène : deux milles trois cents degrés sur cet homme piégé qui avait lancé un hurlement qu’il n’oublierait jamais.
C’était si puissant, si vibrant et humain, qu’il lui suffisait simplement d’y penser pour l’entendre de nouveau. Sa compagne secrète était arrivée pile à ce moment-là. Rompant le poste de combat pour voir ce qui restait de lui contre la porte blindée qui avait refusée la liberté. Et son hurlement, à elle aussi, Steven s’en rappelait.
Mais c’était la guerre. L’éjection de l’incendie d’hydrogène avait sauvé le Dédale.
Le tour de clé du colonel avait détruit deux vies pour préserver le reste. C’est un calcul horrible mais très simple à faire.

Il reporta son regard sur Pedge.
Elle venait de terminer sa phrase par son impensable “j’ai merdé”, le colonel secoua négativement la tête, comme pour lui faire comprendre à quel point elle pouvait se tromper. Il se redressa lentement sur son siège en décroisant les mains de son bloc note. Il n’avait pas marqué une seule ligne.

« Sous-lieutenant Allen. Spécialiste de la Guerre non conventionnelle et instructeur des troupes étrangères. Vétérante de plusieurs missions à haut risque et survivante de plusieurs blessures de guerre. Vous partez à la rencontre d’un ennemi aguerri, êtes confrontés à l’adversaire le plus violent et le plus monstrueux qui soit, vainqueur d’une longue guerre contre les Anciens. Et vieux de dix milles ans. »

Il l’invita du regard à intégrer ces informations.

« Vous ressortez de deux jours d’une guerre très brutale. Vous vous tirez d’une torture à peine concevable. Et vous venez vous porter responsable d’aveux arrachés sous la contrainte ? »

L’officier garda le silence un instant avant de préciser son analyse.

« Je suis un colonel de l’US Air force et j’ai soixante-cinq ans. A votre avis, aurais-je été capable de résister autant que vous si nos rôles avaient été inversé ? »

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Mar 19 Sep - 14:27

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Elle ne voulait pas le regarder, mais immuablement, elle le toisait, essayant de lire son verdict avant qu’il ne tombe en déchiffrant ce non verbal tellement délicat à percer. Elle n’était pas assez observatrice pour ça, mais cela ne l’empêchait pas d’essayer quand même. Tout le monde le faisait, surtout quand le monde en question se retrouvait devant le peloton d’exécution. Serai-je condamné ? Ou bien vivrai-je ? Telle était la question à l’heure actuelle. Quand elle termina son récit par sa petite conclusion bien personnelle, elle le vit se redresser dans son siège, secouant la tête négativement. Son bloc note était resté vierge de toute écriture, et elle ne savait pas si cela était un bon ou un mauvais signe. De toute façon, maintenant qu’elle était là, il n’était plus question de reculer et d’aller lui lécher les pieds pour qu’il oublie tout ce qu’elle venait d’affirmer avec conviction. Il commença par faire un récapitulatif de sa carrière… Cela sonnait le glas de ses belles années de service non ? La sentence allait tomber, et sa tête avec.

Qu’elle pessimisme, elle qui était si sûre d’elle, si prompte à se montrer effrontée pour défendre une vision des choses qu’elle pensait juste. Et là non, elle se serait volontiers fusillée elle-même si elle le pouvait. Pourtant, la suite de ce qu’il affirma à son sujet, ce récapitulatif, ne sonnait pas comme une condamnation. Plutôt comme une façon de remettre en perspective l’échec qu’elle s’octroyait. Oui, l’ennemi qu’elle avait combattu était vieux, aguerri, doté d’une expérience plus importante et d’un sadisme sans nom, et alors ? Elle était formée pour réfléchir autrement, pour anticiper. Le terme guerre non conventionnelle prenait tout son sens dans cette expédition, et elle avait été aussi utile qu’une pute dans un club échangiste !

Il reformula ce qu’elle venait de dire, l’obligeant à cesser de s’infliger des calomnies mentales pour se recentrer sur ses propos. La phrase qui s’ensuivit la laissa sans voix. Elle le toisa quelques secondes, dans un silence total. En gros, il sous-entendait qu’elle était bien sotte de venir se dénoncer de choses qui n’avaient pas lieu d’être. Pourtant, ce n’était pas son point de vue. Cela tenait aussi à sa culture martiale, au fait qu’elle en ait chié pour intégrer ce qu’elle considérait comme l’élite de l’armée des Etats-Unis d’Amérique (toujours la même rengaine à qui aura la plus grosse entre les rangers de la Delta, les Seals, et les Forces Spéciales), et elle s’était montrée aussi brisable qu’une femme du rang. Elle ne voyait pas la résistance exceptionnelle qu’elle avait montré, pour elle, il n’y avait que l’échec, les morts du Dédale, et indirectement, les Natus kidnappés.

Elle inspira. Toujours aussi larguée quand il s’agissait de mettre des concepts et des mots sur ses émotions, elle ne savait pas si elle ressentait de la colère de se faire prendre pour une débile, dans le sens où il lui faisait comprendre qu’elle n’avait pas à faire ce qu’elle faisait parce qu’elle n’y pouvait rien, ce qui pouvait sous-entendre qu’elle était faible (même s’il se plaçait dans la balance et que donc son propos était autre), ou si c’était de la colère de voir qu’elle n’allait pas se faire radier de l’armée, comme elle l’aurait souhaité, ou si c’était de la colère de se faire pardonner, elle n’en savait fichtrement rien.

« Mon colonel », commença-t-elle, à la limite de la rupture au niveau du timbre de sa voix. « Je suis des Forces Spéciales. Je suis censée pouvoir résister à n’importe quelle forme de torture. Vous nous donnez un couteau suisse et on vous renverse Cuba. J’aurai dû… j’aurai dû » une larme roula sur sa joue alors qu’elle l’essuyait un peu rageusement. « J’aurai dû résister ! Je passe pour quoi maintenant ? Pour celle qui a vendu ce bâtiment et les hommes qui sont morts. » Elle le regarda un instant avec une intensité peu commune, les yeux brillants, tremblante, pour une fois très expressive, comme pour le mettre au défi de dire le contraire.

C’était là toutes les limites du conditionnement des militaires. On leur apprenait la droiture, le respect à la hiérarchie, on brisait leur personnalité quand elles étaient trop rebelles pour en faire de bon petit soldat, et ceux qui étaient déjà de bons petits soldats comme Pedge, on leur renforçait ce sentiment, on les intégrait, leur faisait sentir toute la cohésion de l’armée, de la famille, et ensuite, quand les meilleurs se démarquaient, comme elle, on les envoyait dans des unités de choc, d’élites, et on leur disait maintenant qu’ils étaient les meilleurs, les plus beaux, les plus forts, mais qu’ils restaient quand même des toutous fidèles qui devaient assumer leur personnalité tout en restant dans le rang. Et maintenant, la plus belle, la plus forte, venait de se prendre la claque de sa vie dans les dents, et elle ne l’encaissait pas, mais alors pas du tout. Elle redevenait la petite fille que papa chéri cognait en même temps que maman chérie juste pour le plaisir d’assurer un semblant d’autorité à la maison. On lui avait vendu du rêve, du rêve américain, de grandeur, de défendre son pays, d’intérêt supérieur, mais au final, elle en revenait toujours au même point. Elle était celle sur qui on tapait, elle était celle qu’il fallait finir par rabaisser, aussi hargneuse soit-elle.

C’était le bazar. Elle mélangeait tout. Son raisonnement intérieur n’était pas logique. En fait, c’était surtout une question de fierté. Elle aurait dû la fermer, ne pas venir dans ce bureau et attendre de se faire convoquer si telle était la volonté de l’état-major. Maintenant, elle venait faire sa crise existentielle auprès d’un homme qui allait lui demander de la boucler et respecter les gens qui étaient morts dans cette guerre, et d’arrêter de faire la petite écervelée qui veut se rendre responsable parce qu’elle est complètement masochiste, hautaine, et personnelle et que c’est plus facile de se faire porter le chapeau plutôt que d’assumer, de se pardonner, et d’avancer, plus fort demain qu’hier.

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Mer 20 Sep - 13:03

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Les pleurs dissimulés de Pedge.
Elle devait faire un effort impressionnant pour se retenir et ne chasser que cette larmichette d’un coup de manche. Mais le chagrin se sentait dans sa voix, en même temps que toute sa culpabilité, cette rage contre elle-même. Combien de temps ce sentiment l’avait rongé avant qu’elle ne vienne l’affronter dans son bureau, au bord d’une rupture émotionnelle ?

Le colonel se rappela de son entretien sur Terre, lorsqu’il avait été missionné pour juger les actes de la jeune femme sur PNF-627. Eversman et elle avaient déconné. Et Caldwell avait été contraint de la pousser à bout, jusqu’à ses derniers retranchements, pour qu’elle daigne enfin dire la vérité. Elle s’était montrée solide, dure à surpasser.
Le colonel avait parfois reçu des membres de son équipage qui en rajoutait. Qui parvenait à verser la larme dans le vain espoir de l’attendrir. Et ça ne marchait jamais. Mais dans ce cas précis, avec les informations que le gradé détenait sur Allen, et le fait que son comportement actuel était très loin d’être factice : cela eut l’effet d’une piqûre d’épingle dans son coeur de pierre.

Allen allait mal. Et ce n’était pas du cinéma.
Elle craignait d’être considérée comme une traître à sa patrie. Il n’y a rien de plus dur pour quelqu’un qui y est si attaché. De la façon dont elle l’avait formulé, on aurait pu croire qu’il s’agissait simplement d’une question de fierté, d’une image qu’elle n’acceptait pas de porter. Mais le colonel voyait bien que la blessure était beaucoup plus profonde. Cela lui rappela automatiquement l’attaque dirigée envers le major Frei alors qu’elle se remettait à peine de son viol. Il l’avait malmené volontairement pour lui enseigner une leçon, la forcer à protéger son grade pour l’avenir.

La situation d’Allen était différente. Mais il comptait également intervenir auprès d’elle. L’homme n’était pas un psychologue chevronné contrairement à Sidney. Mais il faisait un parallèle avec son propre cas, en ayant tourné la clé qui avait mis fin à la vie d’un pauvre gars. Cette jeune femme avait besoin de comprendre que personne ne lui en voudrait pour avoir parlé...tout simplement parce que c’était la guerre. Qu’elle n’était pas la coupable mais la victime d’une torture qui avait dû durer des heures.
Ce n’était pas de sa faute.

Caldwell aurait pu argumenter, se lancer dans tout un tas d’explication pour l’encourager à revenir sur sa décision, à prendre les éléments sous un autre angle. Il en avait envie d’ailleurs. Mais il sentait bien que la militaire n’était pas en état de comprendre. Qu’ils s’enfonceraient tous les deux dans un dialogue de sourd. Et que rien de positif n’en ressortirait au final.
Alors il eut une autre idée.

« Est-ce que vous voulez vous racheter ? Est-ce que cela vous aiderait ? » Demanda-t-il simplement.

Il la fixa dans les yeux. Il prit l’enveloppe contenant la lettre de démission avant de développer.

« Mon croiseur est en cale sèche. Nous devons encore y effectuer des réparations importantes : celles qui nous permettront de rentrer sur Terre. » Il se pencha légèrement dans sa direction. « Allen, je peux vous faire intégrer mon équipage. Acceptez d’oublier temporairement vos galons et votre fonction. Partagez la vie de mes hommes pendant deux semaines. Aidez-les à rentrer chez eux. Vous découvrirez au passage une réalité qui diffère de votre jugement. »

Il la considéra un instant avant d’ouvrir l’enveloppe. Il parcourut rapidement la lettre avant de la contresigner et de la tamponner. C’était comme s’il avait accepté sa démission. Mais au lieu de lui rendre le document, il le plaça dans son tiroir. Là où il y avait le dossier de Frei et les différentes affaires qui lui tenait à coeur. Caldwell referma le tiroir avant de conclure.

« Si à l’issue de cette période vous n’avez pas changé d’avis, j’entamerai personnellement votre procédure de démission. Et vous serez reconduite sur Terre. »

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Jeu 21 Sep - 18:04

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[right]Il n’eut pas l’affront de répliquer quoique ce soit, et elle en fut fortement contrariée. Elle avait envie de rentrer dans quelqu’un, de se confronter, de prouver à la Terre entière qu’elle était mauvaise, et à l’heure actuelle, elle n’avait que lui dans cette pièce. Bien entendu, c’était une forme de manœuvre autodestructrice puisqu’elle savait que si elle s’en prenait verbalement à l’officier, elle risquait tout aussi bien sa place. Mais il ne lui rentra pas dedans non plus. Au lieu de ça, il lui proposa de se racheter.

« De me racheter ? », fit-elle en écho à ses propos, juste avant qu’il ne développe son idée. La notion même de rachat voulait dire qu’il reconnaissait qu’elle était fautive et qu’il lui offrait la possibilité d’obtenir une forme de rédemption par un acte fait en contrepartie. Sa colère était retombée comme un soufflet, alors qu’elle le toisait. Elle ne tremblait plus, et l’envie de pleurer l’avait quitté pour de bon, même s’il restait quelques reliquats accrochés à ses cils, rendant son regard brillant. Ce qu’il lui proposa n’était pas dénué de sens chez elle. Son père, aussi con qu’il était, lui avait toujours dit qu’elle devait assumer ses erreurs et corriger les torts qu’elle avait pu faire. Si elle acceptait cette proposition, elle pourrait aider concrètement à rendre à ce vaisseau sa splendeur d’antan, tout en côtoyant les hommes et les femmes qui lui donnaient son âme, sa vie, sa personnalité, sous la férule de son commandement.

Néanmoins, quelque chose la bloquait quelque peu. La honte. La honte et la crainte. Elle avait tout bonnement peur de se retrouver au milieu de cet équipage, qu’on la tienne responsable, qu’on la juge, qu’on la rejette. Mais c’était sa pénitence, et elle ferait avec. Elle se fit le genre de promesse qu’on ne tenait jamais, qui consistait à vouloir changer un trait de sa personnalité pour le futur, mais tout le monde savait que le naturel revenait bien souvent au galop. Toujours est-il qu’elle se promit de se montrer humble dans sa tâche et sa condition, pour expier, d’un point de vue moral et non religieux, les torts qu’elle avait provoqué. Qui plus est, le deal était correct. Si elle ne changeait pas d’avis, elle repartirait. Le colonel Caldwell venait de s’y engager, et elle savait que la parole de cet homme était fiable.

« Je ne pense pas que ma décision changera, surtout après avoir côtoyé l’équipage. » Elle s’était rembrunie, mais son allure neutre était revenue, elle. Consciencieusement, elle défit ses galons sur ses épaulettes, ainsi que les différentes médailles honorifiques qu’elle avait pu avoir, et elle posa le tout sur le bureau du colonel. « Mais j’accepte votre proposition, au moins, ma décision sera utile à d’autres. » Elle retombait au bas de l’échelle militaire. Elle ne savait même pas si elle était de nouveau une première classe, ou pire.

« On dirait bien que je vais vraiment finir cantinière au mess. », finit-elle par dire, amer, prouvant là aussi qu’elle n’avait toujours pas digéré l’affront de sa menace lorsqu’elle s’était retrouvée devant lui en compagnie d’Eversman pour une soi disante faute professionnelle.

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Lun 25 Sep - 18:47

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C’était bon signe.
La dernière réplique de la jeune femme indiquait qu’elle se reprenait déjà et cela rassura intérieurement le colonel. Sa proposition avait fait mouche et son aspect s’était déjà renforcé. Il retrouvait un peu plus la militaire de ses souvenirs. Il préférait voir cet aspect effronté et quasiment provoquant sur son visage plutôt que ces larmes douloureuses. Cette offre était la seule qu’il comptait lui faire et un refus aurait tout bonnement mis fin à leur entretien. Heureusement qu’elle l’avait accepté sans rechigner sinon il l’aurait renvoyé auprès de Sheppard.
Caldwell acquiesça tout en récupérant les grades et décorations. Il plaça le tout dans son fameux tiroir.

« Il n’y a rien de dégradant à servir au mess. Ce n’est pas une punition ou une corvée ici. Le Dédale est la maison d’une grande famille. » Expliqua doucement l’officier. « Connaissez-vous le sergent-chef Tyrol ? Il s’agit du mécanicien en chef du Dédale, responsable de toutes les réparations brutes du croiseur. Il devrait être en train de préparer les affectation de l’équipe soir. Je vais le prévenir de votre arrivée. »

Le colonel décrocha le combiné mural et le porta à ses oreilles. Il signala au pôle-com l’adhésion de Pedge en tant que technicienne volontaire et ordonna à ce qu’elle bénéficie d’un accès par téléportation afin de pouvoir récupérer certaines de ses affaires sur Atlantis. Des bagages limités.
On le mit en relation directe avec le chef Tyrol et le colonel dialogua un certain temps avec lui. Il fût court et précis, comme d’habitude, et ne révéla pas la raison de la présence de Pedge. Pour les techniciens, elle était une courageuse volontaire qui oubliait temporairement son grade pour les aider à réparer le Dédale. Pas d’histoire de rédemption, pas d’information quant à sa torture et la culpabilité qu’elle en tirait. C’était une inconnue qui venait d’Atlantis. Lorsque ce fut fait, Steven raccrocha puis se tourna vers la militaire.

« Première classe Allen, vous pouvez retourner sur Atlantis pour préparer vos affaires. Inutile d’emporter vos uniformes, l’intendant principal se chargera de vous fournir une dotation adaptée. Présentez-vous à seize heures trente aux quartiers de l’équipage technique du pont six, vous y trouverez le sergent-chef Tyrol. De mon côté, je vais préparer les modalités de votre adhésion parmi l’équipage auprès de notre autorité respective. Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter ? »

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Mar 26 Sep - 17:03

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Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle avait accepté. Elle était certaine de se faire avoir dans l’histoire. Comment, elle ne savait pas, mais qu’importe. Au moins, elle passera du temps à réparer les conneries dont elle était responsable. Cela ne rendrait pas les morts à son croiseur, mais peut-être que sa conscience s’en trouverait soulagée. Et puis, elle allait côtoyer les gens qui font la vie de ce bâtiment… Elle allait découvrir un monde dont elle ne soupçonnait pas même l’existence, en retournant dans le rang des communs. Elle fit « non » de la tête quand il lui demanda si elle connaissait le sergent-chef Tyrol, préférant ne pas revenir sur le fait que ce ne soit pas une corvée que de servir au Mess quand on était sur le Dédale. Pour un soldat comme elle, se retrouver cantinière ne lui disait que moyennement, même si elle devait reconnaître qu’elle était bien contente d’avoir sa purée à la louche dans son plateau quand c’était l’heure de se restaurer. Il lui expliqua rapidement la fonction de Tyrol, et il prit le temps de le contacter pour introduire la « nouvelle » dans ses équipes.

Pedge prenait sur elle sur ce coup-là, car elle n’aimait pas se retrouver dans des situations de faiblesse. Elle entendait par là qu’elle allait être dans un environnement où elle ne maitriserait absolument rien, si ce n’était sa dextérité et sa capacité d’adaptation. Elle n’était pas technicienne, et on ne pouvait pas dire que c’était une tronche en matière de technologie. Son cursus professionnel et scolaire ne l’avait pas conduite à faire beaucoup de science, ou de truc comme ça. Quant à la mécanique… Ce n’était tout bonnement pas sa tasse de thé. Enfin, elle s’était portée volontaire pour se racheter, elle ferait du mieux qu’elle pourrait, comme elle le faisait toujours d’ailleurs.

Elle crut comprendre lors de l’échange que le colonel entretenait avec son interlocuteur, qu’elle aurait le droit de retourner sur Atlantis récupérer des affaires pour ensuite revenir sur le croiseur prendre son affectation. Quand il eut fini, il confirma ce qu’elle avait compris, tout en lui indiquant quelques modalités d’usage, comme le fait qu’elle serait dotée très certainement des uniformes de bord et pas de ceux d’Atlantis. Qu’importe.

« C’est bien compris mon Colonel. »

En passant, elle eut également la confirmation qu’elle était redevenue une première classe et cela ne la dérangea pas le moins du monde. De toute façon, elle était juste en sursis. Et puis, elle avait ce petit côté soumis qu’on retrouvait chez les nippons dans les cours d’arts martiaux ou les titres et les grades étaient honorifiques, et si le maître, en l’occurrence le colonel, jugeait qu’elle devait redescendre dans l’échelle social du Dojo, alors elle s’y plierait avec humilité. Certes, cela l’embêtait quand même, elle qui avait voulu être officier dès qu’elle était entrée dans l’armée, par la petite porte en plus, mais c’était provisoire. Quand elle démissionnerait, ce serait sous le grade de Sous-Lieutenant. La première marche du piédestal. Adieu rêve d’être général. Certainement une première pour une femme. Mais ce ne serait pas elle.

« Je n’ai rien à ajouter. Si je peux disposer, je vais rassembler mes affaires et me préparer à la téléportation. » Elle avait du temps devant elle, mais autant faire les choses le plus rapidement possible. « Merci pour cette proposition. » Elle salua et quand elle obtint la permission de rompre, elle s’en retourna sur Altantis. Ses effets étaient minces. Elle laissa son album photo, ne pensant pas le compléter sur le Dédale. A dire vrai, elle n’avait que des vêtements à emporter, et des effets personnels comme des bibelots, photos et autres. Elle fourra tout ça dans un petit sac de campagne militaire, qu’elle mis sur son dos. Elle allait quitter sa chambre quand la bague d’Isia tapa sur le dossier de la chaise qu’elle remettait proprement sous le bureau, faisant un bruit métallique. Elle bogua un instant.

« Elle n’en aura rien à foutre, crétine que tu es. »

Mais elle tira sa chaise en poussant un soupir d’exaspération. Elle alluma son ordinateur, relié au réseau intranet de la cité, et elle commença à rédiger un mail à l’attention de la chirurgienne.




_A___Isia Taylor Laurence : isia.taylor.laurence@atlantis.com)
_De___Pedge Allen : pedge.allen@atlantis.com)



_Objet___Message de Doudou



_Date & Heure ___23/05/17 à 13h58

Isia,

Votre Doudou s’absente quelques jours sur le Dédale pour aider aux réparations. Je souhaiterai vous parler à mon retour. Je sais que je n’ai pas besoin de vous demander la permission, mais je préfère vous prévenir d’avance.

Pedge.

FICHE PAR SUANA



Elle n’était pas satisfaite de ce mail, le trouvant affreusement impersonnel, sans parler du fait qu’il envoyait une image d’elle un peu péjorative. Péjorative dans le sens où Isia pouvait se demander pourquoi diantre avait-elle besoin de la prévenir de son absence, péjorative dans le sens où quoiqu’elle en dise, elle demandait la permission d’aller lui parler, bref, elle avait le sentiment d’avoir une obligation envers la blonde, une forme de préoccupation à l’informer, alors qu’elle n’avait pas de compte à lui rendre, si ? Mais voilà, elle était dans sa vie maintenant, et bien qu’elle puisse penser le contraire pour le moment, une forme de lien s’était créée de leurs différentes rencontres des jours derniers. Quoi comme lien ? Pedge n’en savait strictement rien, et elle ne préférait pas trop y penser pour le moment.

Bref, une fois l’e-mail envoyé, aussi peu satisfaisant soit-il, elle était fin prête pour se faire téléporter. Vue l’heure, elle allait avoir du temps à tuer. Aussi fit-elle le ménage dans sa chambre, mit-elle son lit au carré proprement, ainsi, tout serait nickel quand elle reviendrait. Pour laisser propre ensuite pour le prochain occupant. Elle eut un regard amer. Maintenant qu’elle était au pied du mur, elle n’avait pas envie de tout ça. Le ranger allait mal le vivre, et elle savait qu’il n’avait pas besoin de ça en plus, mais elle devait avant tout penser à elle… D’ailleurs, pourquoi est-ce qu’elle pensait à lui maintenant ? Peut-être parce qu’ils avaient été dans la même galère. Elle aurait peut-être dû le consulter avant de réagir comme ça. Mais bon, il n’était pas vraiment en état d’être lucide.

Elle fut téléportée à l’heure dite, et sa nouvelle existence provisoire allait pouvoir commencer.

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Mer 27 Sep - 23:55

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Le Pôle-com contacta Pedge dès qu’elle fut téléportée sur le Dédale pour son admission. Elle avait son bagage et quelqu’un était venu lui apporter un ordre de transfert pour l’équipe soir des techniciens du Dédale. Tout était donc prêt et officialisé pour son changement temporaire de vie. L’opérateur lui indiqua le chemin pour se rendre sur le pont de l’équipage technique du pont six en lui conseillant plusieurs détours. Avec les dégâts, plusieurs endroits étaient inaccessible et il fallait donc allonger la route pour atteindre la destination.
Ce n’était pas évident. Plusieurs coursives verrouillées contraignaient à des déviations complexes. Il fallait parfois prendre une échelle pour atteindre la salle des anneaux arrières, puis redescendre ensuite pour aller chercher une nouvelle échelle de service qui permettrait de remonter jusqu’au pont six. Heureusement, la route semblait sûre et malgré les dégâts visibles - comme des supports endommagés, des câbles dénudés et inertes, des traces de brûlures électrique, des éclairages mobiles et des systèmes de retraitements annexes de l’oxygène - tout allait plutôt bien.

Le pont six était surtout réservé aux techniciens. Les hommes semblaient avoir personnalisé l’endroit puisqu’il s’agissait surtout de leur lieu de vie. A l’exception du travail et du pont des divertissement, ils y passaient l’essentiel de leur temps. Le colonel semblait donc avoir accepté ces petites modifications qu’ils avaient apporté dans le couloir principal. L’agencement des lieux, d’ailleurs, permettait d’apprécier une vie en communauté. La coursive principale menait à trois dortoirs imposants où une ardoise avait été montée au-dessus de chaque porte. Pedge y lu ceci : “Les Bouffeurs de boulons - matin” ; “Les douze clés de midi - jour” ; “Les poètes du cambouis - soir”.
Un peu plus loin, il y avait les douches communes (non mixte), les latrines, une intendance qui ressemblait beaucoup à une petite coopérative (avec l’effigie du courrier postal), le centre technique, des sas pour les équipements dangereux. Et la remise du personnel.

A priori, l’affectation de Pedge se faisant sur l’équipe soir, elle se rendrait dans le dortoir des Poètes du cambouis. C’est là qu’elle devait retrouver le chef Tyrol. L’intérieur était assez particulier et ne ressemblait en rien aux quartiers des passagers. C’était plus restreint et surtout beaucoup plus simple. Une dizaine de lits étaient encastrés dans les murs métallique avec divers rangements au-dessus et en-dessous. Des lumières personnelles, des rideaux pour avoir un peu plus de tranquillité, et deux casiers marquant la séparation entre chaque série de lits.

Toute l’équipe était présente. Pedge vit des hommes et des femmes habitués à vivre en communauté. Elle ne sut si c’était un hasard particulier mais un vieux jukebox restauré entonnait l’air de “Sweet Home Alabama”. Il était pendu au plafond entre les différents éclairage et une boule disco qui tournait lentement. Il y avait aussi des lumières de boîte de nuit mais elles n’avaient pas été branchée. Le tout donnait une certaine ambiance très conviviale. Au centre de la salle, plusieurs tables servaient à quelques hommes lancés dans une partie de cartes. Ils pariaient des cigarettes, imperturbables, et inconscient de leur nouveau visiteur. Certains restaient à les regarder, emportés par le suspens.

Mais la particularité se trouvait au fond du dortoir, à l’endroit où se trouvait la ventilation de retraitement. Les techniciens avaient retiré les tables, raison pour laquelle elles étaient si rapprochées au centre de la salle, pour y bricoler diverses installations. Pedge ne rêvait pas, c’était bien un barbecue de fortune, au milieu de plaque de cuisson bricolées, où l’un des techniciens préparait plusieurs grillades pour l’équipe. Le retraitement de l’aération avait été modifié pour servir de hotte aspirante. Et elle était si efficace qu’on ne sentait même pas l’odeur de la nourriture.
A gauche, une caisse en composite enroulée dans un feuillage très particulier diffusait un léger brouillard. Quelqu’un vint l’ouvrir pour tirer une grille sur laquelle était rangée des dizaines de bouteilles de bières dénaturées, ainsi que des sodas et des bouteilles comportant des noms de l’équipe. Un frigo de fortune ! Réalisé intelligemment avec cette caisse et un circuit d’azote liquide servait de réfrigérant...
Deux femmes, de l’autre côté, ouvraient un vestiaire pour prendre des couverts, des assiettes et des verres. Elles discutaient gaiement et rigolaient. Elles préparaient visiblement la table.

Pendant ce temps, le reste de l’équipe s’occupait comme si Pedge n’avait jamais été là, comme si c’était un fantôme. Elle eut l’occasion de prendre en compte toute l’importance de son nouvel environnement. L’un des techniciens, par exemple, était en train d’écrire une lettre. Il y avait d’ailleurs une vieille boîte aux lettres forgée à la main avec son petit drapeau Américain, fixé contre le mur d’en face. Le témoin indiquait qu’on y avait déjà déposé du courrier.
Un autre homme était allongé en jouant avec une vieille gameboy. Il agitait son pied droit au rythme de la musique en exhibant sa chaussette trouée et son gros orteil. L’autre, dans une couchette à côté, faisait de la couture pour rapiécer l’uniforme abîmé d’une collègue qui le chambrait sur l’équilibre du pouvoir des sexes.
Le dernier se tenait plus loin, sur une piste de golf de fortune faite avec les moyens du bord. Des morceaux de métaux forgés servaient de club et de la résine solidifiée dans un moule avait permis d’en faire les balles. Il visait un ouvrage qui avait été forgé pour présenter différents trous sur des élévations et des angles différents. L’homme rata son tir et enragea gentiment en donnant un billet à son collègue.

Bien à l’écart, sur l’une des tables libre, il y avait un homme un brin plus vieux. Et beaucoup plus préoccupé. Il était penché sur des plans papiers d’une section du Dédale et semblait l’étudier avec beaucoup d’intérêt, dessinant dessus avec son crayon à papier. Il alternait parfois avec sa tablette, cherchant visiblement des informations, puis il écrivait ensuite sur son calepin. Par moment, il effectuait des conversations radio en utilisant un jargon très technique. Son aspect trahissait l’accumulation des heures de travail et le manque de sommeil. Ses joues étaient tachées par des traces de cambouis et son uniforme fluo semblait terni par la saleté. Surement dans un élan de détente, il avait ouvert toute la partie haute de sa combinaison unique et avait noué les manches autour de sa taille pour respirer. Sa tenue verte classique se voyait en-dessous mais il avait visiblement laissé tomber la veste réglementaire pour un t-shirt gris, personnalisé, et à moitié troué. Le genre de t-shirt bidon qu’on offre à un anniversaire.
Dans le dos, parmi la multitude de signatures provenant sûrement de tous ses techniciens, on y lisait dans une très belle écriture l’inscription suivante : “Boss, botteur de culs bien aimé !”

Equipe soir:

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Jeu 28 Sep - 4:26

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A peine arrivée qu’elle était contactée. Tout le monde était localisable sur ce rafiot, avec les puces sous cutanée. La société de demain, à n’en point douter. Machinalement, elle se frotta le bras à l’endroit où on la lui avait injectée. Elle avait son ordre de transfert dans les mains, et elle était fin prête à rejoindre sa nouvelle affectation. L’opérateur du Dédale lui fit un briefing rapide sur la façon de se rendre aux quartiers des techniciens, tout en lui suggérant des itinéraires afin qu’elle ne tombe pas sur des coursives inemployables.

« Pont six. », fit-elle en tournant sur elle-même pour localiser une quelconque indication. A défaut, elle suivit donc les conseils de l’opérateur. En temps normal, le cheminement était plus direct, mais après les différentes avaries dont avait été victime le Dédale, la route directe pour aller au pont six n’était plus. Il fallait donc innover, utiliser le labyrinthe de coursives pour parvenir à destination. Elle avait un peu de temps devant elle, aussi ne stressa-t-elle pas inutilement pour rien quand elle commença à se dire que ça faisait un moment qu’elle tournait là-dedans. Il fallait monter, descendre, le plus souvent par des échelles de services, et partout les dégâts de l’affrontement étaient visibles. Des câbles dénudés et des traces de brûlures électriques essentiellement. Les débris étaient ramassés depuis longtemps, et les éclairages défectueux étaient compensés par des lampes mobiles. Quant au retraitement de l’oxygène, il s’effectuait par le biais de stations elles aussi mobiles, qui permettaient de conserver un accès à l’ensemble du croiseur, du moins dans les zones sécurisées.

Elle arriva finalement au pont six. Celui réservé aux techniciens militaires, ce qu’elle était désormais. Le couloir donnait sur différents lieux de vie, et notamment sur les dortoirs des différentes équipes. Elle put lire les différents noms des différentes équipes, lesquelles étaient réparties sur un modèle de trois huit, où chacune opérait sur une huitaine. Une fois que l’on était dans l’une, on ne devait plus pouvoir être dans une autre. Pour elle, ce serait le dortoir qui affichait le délicat nom « les poètes du cambouis ». Les différents noms ne cassaient pas trois pattes à un canard, mais c’était sympa d’avoir donné une touche personnelle à tout ça. Il y avait également les vestiaires et les douches dans ce couloir, les latrines, une intendance, une réserve et un local. Pedge en fit rapidement le tour, sans pousser une quelconque porte pour le moment. De toute façon, cela devait bien ressembler au reste du croiseur. Elle s’arrêta devant la porte de son dortoir.

Elle embrassa du regard l’endroit, sur le seuil de la porte. Une pointe d’excitation et de crainte mêlée s’empara d’elle. Elle découvrait une nouvelle affectation, une nouvelle unité. Quand elle avait commencé, elle s’était retrouvée avec des recrues toutes fraîches et tout le monde était là pour la même chose : se former et défendre le pays, dans l’environnement nouveau qu’était l’armée. Ils avaient tous découvert la rudesse de l'entraînement, la volonté de fer des instructeurs à faire d’eux des hommes, des vrais, des durs, des putains de GI américain. Tout le monde se serrait les coudes, on ne laissait tomber personne, et des amitiés se faisaient dans la dureté de l’apprentissage. Elle était arrivée dans l’armée en pensant gravir les échelons, à la différence de nombreux de ses camarades qui n’avaient pas son ambition aussi démesurée. Et puis, Pedge avait toujours eu les dents longues et elles raclaient tellement le parquet qu’elle se pensait supérieur aux autres. Elle avait appris l’humilité, ainsi que la volonté de se surpasser, déjà soi-même, mais surtout cet enculé (y en a toujours un) qui possédait des facilités à écœurer tout le monde, et qui semblait toujours vous surclasser d’une tête pour tout, et sans forcer. Bref, elle découvrait la compétition alliée à l’esprit de franche camaraderie militaire.

Et puis elle avait été affecté à une compagnie. La 101ème aéroportée. Rien que ça. La compagnie des « aigles hurlants », leur blason légendaire, leur histoire historique. Elle a été de toutes les guerres depuis la seconde guerre mondiale et le fameux débarquement en Normandie. Vietnam, guerre du Golf, Irak, Afghanistan. Elle avait eu son premier casque marqué d’un « Pique » comme sur les cartes à jouer, symbole de son bataillon au sein de la 101ème. Cela remontait maintenant… Presque 20 ans. Elle avait ensuite suivi un cursus scolaire en parallèle pour passer une maîtrise de science politique et militaire, et elle avait candidaté en interne pour rejoindre les Forces Spéciales. Et elle s’était retrouvée dans la compagnie d’appuis du 2nd bataillon du 5ème groupe des FP américaines. Spécialisation : guerre non conventionnelle, et formation des troupes étrangères. Nouvelle équipe, nouveau régiment, nouvelle intégration, nouveau connard à surpasser et nouvelles amitiés. Rebelotte avec Atlantis quelques années plus tard.

Alors quoi ? Devait-elle être intimidée par des techniciens ? Ils étaient tous militaires, comme elle, et cela ne changerait pas de ses précédentes affectations. Elle ferait sa place en temps et en heure. Certain ne l’aimerait pas, d’autre oui, et il en irait de même pour elle. Elle ne s’inquiétait pas trop. Les militaires étaient habitués à la mobilité, au changement de vie, d’affectation, de base. Ce n’était qu’une fois de plus. Mais voilà, sur elle pesait le spectre de la trahison.

Le décorum était spartiate, comme l’on pouvait s’y attendre. Rangées de lits, casiers, rideaux, lumières personnelles. Rien de bien folichon. Au moins n’était-elle pas dans les sempiternelles tentes dortoirs avec lits superposés. Partout où l’humain s’installait, il personnalisait son lieu de vie, pour en faire un chez soi communautaire, acceptable par tous. D’où la présence de nombreux effets personnels, d’un jukebox qui entamait un air que Pedge affectionnait. Des hommes jouaient aux cartes, des lumières faisaient leur petit effet, tandis que des hommes entouraient le groupe de joueur pour mater la partie tout simplement. Non, elle n’était pas vraiment dépaysée. Tout cela était commun au monde militaire. Charge aux nouveaux de s’intégrer dans ce gloubi-boulga en prenant ce qui était déjà établi et en proposant des nouveautés si le cœur lui en disait. Tant que cela convenait à l’ensemble des personnes déjà présentes, ce n’était que du bonus.

Mais comme elle était dans l’antre de techniciens, il y avait des particularités assez… surprenantes. Ce barbecue par exemple. C’était dingue. Et drôlement sympa. Sans parler de ce frigo bricolé à même du circuit de refroidissement ! Pedge se demanda l’espace de quelques secondes si le colonel était au courant de tout ça. Probablement que oui, et comme tout commandant qui se respecte, il laissait faire tant que l’équipe était efficace et que cela ne nuisait pas à l’intégrité de son croiseur chéri. Personne ne vint la saluer, personne ne vint couper son observation latente des lieux. Au moins, elle avait le loisir de poser les yeux n’importe où, l’épaule appuyée sur le chambranle de la porte. L’endroit fourmillait de vie. Chacun y allait de son petit passetemps. Et personne ne faisait chier personne, ce qui rassura Pedge, qui se disait que si elle voulait se caler dans son plumard pour bouquiner, on ne l’embêterait pas. Des fois, il y avait des personnes assez chiantes et envahissantes, et soi le groupe tenait avec, soit il finissait par l’écarter petit à petit.

Bon il était temps. Pedge avait repéré Tyrol. C’était sans doute le plus sérieux de tous ceux qui jouaient à la console, au golf, ou même à la couture. Elle s’était promise d’être humble, aussi n’entra-t-elle pas avec toute son arrogance habituelle. Mais bon, cela restait Pedge, et elle arma une fois, puis deux fois, puis trois fois son poing, pour le faire cogner contre la partie métallique de la porte, espérant avoir un minimum d’attention.

« Bonjour, je cherche le sergent chef Tyrol », fit-elle quand elle capta son auditoire. Elle savait très bien qui c’était dans la pièce, mais qu’importe. C’était, selon elle, plus efficace de demander l’information aux membres. La volonté d’être serviable envers un nouvel arrivant permettait souvent de se faire une idée des gens présents. Il y en aurait forcément un pour lui faire de la lèche, et vouloir tout lui montrer tandis que d’autres seraient plus réfractaires, plus réservés avec elle. Peut-être qu’elle se tromperait et que tout le monde l’ignorerait, et dans ce cas… ben elle prendrait sur elle pour aller voir directement le concerné.


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Ven 6 Oct - 0:07

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Equipe soir:


Finalement, il n’y eut que très peu de réaction. Les deux femmes qui mettaient la table s’étaient contentées de lui faire un geste de loin pour lui dire de rentrer. Les hommes demeuraient imperturbables sur leur partie de carte. Le type à la console se contentait de la fixer étrangement, une clope éteinte coincée dans le coin de la bouche, avec un air véritablement perplexe.
Quand au deux qui faisaient de la couture, la femme à la coiffure très loin de la réglementation fronça les sourcils tandis qu’elle donnait un coup de coude à son ami pour la pointer du doigt. Dès que cet homme rencontra la silhouette de Pedge à la porte, il fronça également des sourcils en cessant sa couture.
Le regard de Tyrol s’était détourné vers l’accès et il acquiesça.

« Oui, par ici ! » Fit-il brièvement en levant la main. L’autre était plaquée contre son oreillette. // Non. Non, il fallait découper la zone trois en premier. Celle que je vous avais pointé ! Tout devait être prêt pour demain matin ! L'Athena est déjà en train de...//
Le technicien grommela, visiblement agacé par la mauvaise surprise. Il replia négligemment ses cartes pour les coincer sous son bras alors qu’il quittait la table.
// Vous ne bougez pas de là ! Je vous rejoins...attendez que...//

En passant à côté d’elle, le sergent-chef s’immobilisa soudainement et se tourna vers ses hommes.
« Hé ! J’en ai pour quelques minutes...faites-lui faire le tour du proprio ! »
Il repartit aussitôt, toujours en conversation radio. Il laissa dans son sillage une très forte odeur de transpiration et de saleté. Le silence retomba soudainement comme du plomb. Le Jukebox sauva quelque peu l’ambiance en enchaînant immédiatement sur l’air de “Run to the jungle”. A part ceux qui jouaient aux cartes, le reste de l’équipe se contentait de jauger la nouvelle arrivante. C’est la blonde à la coiffure non réglementaire qui quitta la couche pour s’approcher d’elle, son ami délaissa sa couture pour faire de même.
« Regardez donc ce que le vent nous amène... » Fît Marta en la regardant de la tête au pied. « Impeccable l’allure : pas même un pli sur l’uniforme de madame. »
L’homme était tout aussi peu accueillant. Il répondit du tac au tac :
« Ca pue l’élite militaire à plein nez ça… »
« Tiens donc ! Les petits pète-culs qui se pensent les meilleurs parce qu'ils ont trainés dans la boue. T’es de ceux-là ? Qu’est-ce que tu viens faire par ici ? » Franck haussa les épaules et la considéra dans un air assez hostile.
« Elle doit croire qu’on peut pas se débrouiller avec un type en moins… »
« Ou elle vient faire sa bonne petite action parce qu’elle a rien à foutre de sa vie chez les gars d’en bas, c’est ça ? »

Le type à la gameboy, Harry, décolla sa clope pour intervenir d’une voix plus forte sans quitter sa couchette.
« Vas-y mollo avec la nouvelle. Je l’ai vu passer chez le vieux, c’est une sardine. »
Marta écarquilla les yeux, comme si l'élément était encore plus à la décharge de Pedge. Elle se retourna vers Welsh.
« T’es pas sérieux ! »
« Un lieutenant je crois, avec un béret vert à l’épaule. »
Il hocha la tête avant de retourner sur sa console. Le regard de requin revint se poser sur Pedge. C’était apparemment encore pire.
« Et ben ça alors, mon lieutenant, comme ça on vient fricoter avec la valtingue ? On veut des petites histoires à raconter à ses copains gradés. Se vanter à la crème de la crème des péteux ? La peau de mon cul ouais ! » Elle lui fît face de tout son long dans un élan de complète provocation. Franck faisait pareil en se tenant à côté silencieusement. Soit il suivait aveuglément, soit ses pensées étaient encore plus sombres et ils les gardaient pour lui. Marta ne tarda pas à les traduire. « Écoute-moi bien, boulet. Rien à cirer de ton grade ou de la raison pour laquelle tu viens jouer les touristes dans notre piaule. Je sais pas ce que t’as fait de “bon” au vieux pour qu’il t’envoie. Mais t’a rien à foutre chez nous. »

Lipton referma son jeu de carte avant de les balancer nerveusement sur la table. Il se retourna en fusillant Marta du regard.
« Tu vas la fermer oui ? Le chef dit qu’elle restera deux semaines. Ca arrivera vite. Alors fait pas de vagues, t’es déjà sur la sellette. »
La blonde regarda son collègue et secoua la tête avant de lui répondre :
« Hé ! T’es dans quel camp toi ? On paume un de nos gars et même pas deux semaines après, on reçoit “ça” en guise de renfort ? Faut le prendre comment ? »
« Comme ça vient. Alors écrase maintenant ! »
Lipton s’était levé, il alla jusqu’au trio et repoussa doucement Marta du chemin de Pedge.
« Retourne dans ta couchette, je m’en charge. »
« Ouais...c’est ça. » Fît la jeune femme très acide. « T’habitue pas trop aux draps, boulet. Tu auras pas le temps de les réchauffer. »
« Tu devrais rendre service à tout le monde en te cassant. Content de t’avoir connu... » Lâcha Frank dans un coup d’épaule provoquant avant de suivre Marta.

Lipton serra la mâchoire. Il n’était pas d’accord sur le comportement mais comprenait le fond de la situation. Une part de l’équipe était encore au beau milieu d’un deuil au moment où une gradée volontaire les rejoignait. Et il faut dire que l’élite militaire souffrait d’un préjugé assez péjoratif. Pedge représentait donc ce que ces deux-là détestaient.

« Bon. Je m’appelle Carwood Lipton. Tout le monde ici m'appelle Lip. Ton nom, c’est quoi ? »

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Dim 8 Oct - 19:49

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Ce n’était pas la farandole pour l’accueillir, mais en même temps, ce n’était pas étonnant. Ils devaient bosser d'arrache pied depuis que le Dédale était en réparation, et ils étaient en plein moment de décompression. Néanmoins, elle s’attendait à un peu plus de considération, surtout dans une équipe réduite comme celle-là. Peut-être parce qu’elle avait toujours été habitué à l’entraide et à la fraternité militaire, celle qui faisait qu’on intégrait le nouveau qui était susceptible de mourir demain. Mais elle devait se rappeler qu’elle n’était pas dans une section de combat, mais dans une section d’appuis. Ils pouvaient subir des pertes, puisqu’ils subissaient l’épreuve du feu indirectement eux aussi mais proportionnellement ils étaient moins exposés que le connard qui avançait dans une rue où les positions d’embuscades étaient légions. Certes, ce n’était peut-être pas aussi vrai dans un croiseur soumis à des tirs ennemis, puisqu’ils se retrouvaient en première ligne pour gérer les avaries, et Dieu savait qu’elles pouvaient être nombreuses dans un affrontement. Il pouvait y avoir tout un tas de facteurs qui entraient en ligne de compte et qui pouvaient expliquer cette réaction d’indifférence générale ou presque.

Le Sergent-Chef Tyrol se manifesta quand même et c’était tout ce que voulait l’ex sous-lieutenant. De ce fait, elle allait pouvoir se placer sous son commandement au plus vite, et intégrer l’équipe officiellement. Sauf que voilà, ce dernier n’avait manifestement pas le temps.

« Bien », fit-elle en guise de réponse dans le vent alors qu’elle se poussait légèrement pour laisser passer l’homme à l’odeur rance. Elle ne manifesta rien de plus alors qu’elle se repositionnait pour regarder à nouveau dans le dortoir. Il n’y avait plus qu’à se faire indiquer sa couchette pour installer ses maigres affaires dans le casier qui était juxtaposé à tout ça, et faire connaissance avec l'équipe. Mais elle n’eut pas le temps d’ouvrir à nouveau la bouche qu’une des femmes du dortoir approcha, accompagné du mec qui faisait de la couture quand elle était arrivée. Au regard des tronches qu’ils tiraient, la jeune femme estima rapidement qu’ils n’allaient pas être accueillant, mais elle resta de marbre, se contentant de les regarder approcher tranquillement. Elle fixait surtout la jeune femme à la coupe de cheveux particulière. Si elle n’avait pas accroché son regard dans un premier temps, c’était surtout parce qu’elle lui tournait le dos et que le côté « propre » de sa tignasse ne l’avait pas choquée. Mais l’autre côté… C’était particulier. Pedge aimait assez en fait. Elle exprimait sa personnalité, même si l’accoutrement capillaire laissait à désirer pour un militaire, surtout que c'était agrémenté d’un tatouage assez imposant. Mais les temps étaient plutôt au laxisme pour tout ça, surtout dans les groupes spéciaux. On laissait les personnalités éclore, pour les magnifier et non les brimer comme avant.

Son impression se confirma dès qu’elle ouvrit la bouche, tout en la détaillant d’un air arrogant, voir prédateur. Elle avait raison de fixer son attention sur la jeune femme blonde. L’autre n’était qu’un accessoire de la belle qui portait clairement la culotte dans leur « duo » de cul terreux. Aussitôt, des barricades s’érigèrent et sa mine resta résolument neutre, tandis qu’ils commençaient à essayer de la jauger. Leur petit jeu était lisible assez facilement. Elle lui posait les questions sans attendre spécialement de réponse, et l’autre répondait sans attendre qu’elle ne réagisse. De toute façon, elle ne comptait pas lui répondre, préférant rester mutique et attendre que ça passe. C’était une forme de bizutage. Rien de plus.

Il a fallu qu’un des types présent la voit chez le colonel, et avec ses galons en plus. A croire que c’était une tare d’être officier dans leur monde. C’était déplaisant. Il y avait des relents d’une lutte des classes affichées, chose qui ne devait pas être dans l’armée. Qu’est-ce qu’elle avait envie de lui rentrer dedans. Cette brebis ne serait rien sans un officier qui la magnifiait en lui bottant le cul. Mais madame se pensait supérieure… En fait non, elle faisait clairement un complexe d’infériorité entre les techos militaires et les soldats des sections de combats, sans parler des soldats du rang versus les gradés. Pourtant, les sections d’appuis étaient fondamentales à une armée pour assurer un front logistique et technique qui faisait à lui seul la différence entre deux armées et qui permettait de remporter une guerre.

Et puis… même si elle était une « sardine de l’élite militaire » qui « avait traîné dans la boue », elle venait d’une section d’appui elle aussi, et elle avait connu le regard des « vrais », les fameux qu’on envoyait avec un couteau suisse renverser Cuba, qui avaient une nette tendance à rabaisser tous les autres. Sauf que sans la logistique, ils ne mangeraient pas, sans parler de l'hygiène et de tout le reste. En plus de ça, elle essuyait régulièrement des commentaires désobligeants sur sa fonction à instruire des arabes qui demain seraient les ennemis des États-Unis. L’islamophobie était une gangrène et elle en faisait les frais. Pourtant il suffisait de partager le quotidien de ces gens pour s'apercevoir qu'ils n’aspiraient qu'à la paix et à rentrer chez eux vivant le soir pour retrouver leur famille.

Elle s'était sentie démunie au milieu de cette culture étrangère qui avait du mal, comme en Occident il fut un temps, à faire une place aux femmes dans leur société. Son grade ne suffisait pas à asseoir son autorité et elle avait dû faire preuve de charisme pour parvenir à se faire respecter. Ce serait la même chose ici vue qu'elle n'était qu'une première classe.

Donc qu’elle aille se faire foutre cette connasse en pensant la juger sans la connaître ; en la mettant dans un panier dont elle ignorait même la contenance. La méfiance n'était pas une raison, de même que l'adversité, pour être insultante gratuitement, surtout à ce degré de violence verbale. Si elle n’avait pas compris cela, elle n'avait rien à foutre dans l'armée, et son broute minou également.

Pedge était calme. Elle la regardait, sans animosité, avec une certaine forme de quiétude sur les traits, qui provenait surtout de ses yeux aux paupières lourdes. Certes elle avait entrouvert sa bouche pour respirer amplement par le nez et expirer par ses lèvres, cela lui permettant de se réguler et de ne pas céder à une pulsion regrettable. Elle avait les bras le long du corps, et elle ne semblait pas le moins du monde craintive de l'intrusion dans son espace personnel. Néanmoins, à l’intérieur, même si elle avait le sentiment que cette colère n’était pas uniquement dirigée sur elle, elle encaissait. Cette pimbêche pensait sûrement qu’elle avait tout vu tout vécu, et c’était tant mieux pour elle, mais elle était loin du compte à son sujet. Elle crut comprendre qu’ils avaient perdu quelqu’un dans l’affrontement avec les croiseurs Wraith, et cela n’arrangea pas le sentiment de culpabilité dévorante qui tiraillait les entrailles de la texane. Mais si cette femme n’avait connu que la mort d’un proche dans sa carrière militaire, alors elle pouvait aller se rhabiller. Une envie de lui mettre un coup de boule émergea dans son esprit, ou même de lui cracher à la gueule, mais elle se fit violence pour ne pas passer à l’action.

Elle avait une envie impériale de l’écraser comme un moucheron, de lui montrer qu’elle était insignifiante et détestable, et qu’elle pouvait lui faire fermer sa grande gueule en deux secondes. A elle, et à son copain soumis. Le sous-entendu sur les passes droits qu’elle aurait obtenu en faisant une gâterie au Colonel lui passa au-dessus. C’était regrettable que ça vienne d’une femme, mais ce n’était pas la première fois qu’on la lui faisait celle-là. Pedge n’avait pas bougé d’un pouce quand elle s’étendit comme un serpent devant elle. Non, elle la toisa sans rien dire, la respiration calme et posée, maitrisée, toujours dans une position relâchée, les mains le long du corps. Elle était prête à se défendre néanmoins. Cela dit, ce n’était pas une greluche qui allait lui faire péter un câble. Et puis, elle s’était promise d’être humble. Elle entrait par la petite porte, et faire pénitence dans un environnement pareil serait salvateur… Peut-être. Qu’est-ce qu’elle penserait d’ailleurs, la blondasse, si elle savait qu’elle avait vendu les informations qui avaient permis aux Wraiths d’attaquer leur vaisseau, et qui avait tué l’un dès leur ? L’espace d’un instant elle se demanda si elle ne devait pas avouer qu'elle était à l'origine de la fuite. Ce serait risqué vu l’animosité ambiante. Et puis elle était déjà jugée sur sa simple apparence, ce serait suffisant pour aujourd'hui.


Un des hommes essaya de prendre la défense de l’américaine, tant bien que mal, même s’il essayait simplement de tempérer les ardeurs du binôme.

Bon voilà, elle avait officiellement son nouveau surnom. « Boulet ». Ce n’était pas mal. Elle s’en accommoderait. Elle avait eu déjà pire. « Suppot d’Allah » ; « Le glaçon » ; « Lèche Cul » ; « Miss balai dans le cul », bref celui là avait le mérite d'être poli. Quoiqu'il en soit, quiconque l’appelerait comme ça se verrait gratifier d'une ignorance totale et royale de la texane. Elle ne comprenait pas qu'on traite de la sorte quelqu'un qui venait filer un coup de main. Cela la dépassait clairement.

Le geste physique du type passa, par contre, très mal. Pedge crispa la mâchoire pour ne pas l’attraper par l’arrière de la nuque et lui propulser la tête contre un lit afin de lui péter les dents. Au lieu de ça, elle soupira en effaçant l’insulte et l’agression du plat de la main, en lissant son uniforme, comme pour le débarrasser de la saleté de ce type. Toute façon, les petits roquets à sa mémère comme ce genre d’individu ne savait pas s’exprimer autrement que par la violence. Il avait grillé sa cartouche d'entrée de jeu. La prochaine fois, elle ne laisserait pas passer.

« Allen », finit-elle par répondre au dénommé Lip, alors que son regard finissait de lâcher les deux abrutis et que ce dernier se présentait à elle. « Enchantée. » Elle embrassa la salle du regard. A part lui, personne n’avait vraiment bougé. Une myriade de phrase cynique lui vinrent en tête, comme « on m’avait dit qu’elle mordait mais c'était plutôt une caresse » ou encore « la blondasse a fini de rouler des muscles, elle peut pisser sur mon lit aussi si elle veut, pour marquer son territoire », et d'autres joyeusetés de ce genre mais ce serait purement de la provocation gratuite et ça remettrait de l’huile sur le feu.

« Je crois que mon sergent instructeur serait jaloux d'un pareil accueil. », finit elle quand même par dire sans baisser la voix. Tout le monde pouvait entendre et elle n’en avait rien à foutre. Elle était aigrie et elle n'arrivait pas à le contenir. « Tu peux me montrer ma couchette s'il te plaît ? Je vais me poser un moment. ».

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Dim 8 Oct - 20:55

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Equipe soir:


Sur le moment, Lip ne releva pas la remarque. Il n’avait probablement pas l’intention d’abonder dans le sens de Pedge même si, il le reconnaissait intérieurement, cette façon d’accueillir une nouvelle n’était absolument pas réglo. L’homme aurait pu alors s’investir de la mission de lui assurer un tout autre jugement sur le reste de l’équipe en faisant toute la présentation. Mais à vrai dire, le spectre du défunt de l’unité planait encore chez tout le monde. Il l’invita d’un geste simple à le suivre jusqu’au centre de la salle, au niveau des tables, où se trouvait le compagnon de jeux. Il comptait un certain nombre de cigarettes qui se trouvaient face à lui et les rangeaient dans un vieux paquet usagé. Lorsque Pedge demanda où se trouvait sa couchette, le silence retomba l’espace d’une seconde, comme si elle avait lâché une bombe avant que tous ne se rappelle immédiatement qu’elle ne pouvait pas savoir...et que c’était également la seule de libre.
Carwood désarma gentiment en lui souriant.

« Pas tout de suite, Allen. Autant que je te présente les autres, que tu te fasses ton idée qu’après avoir rencontré tout le monde... »

Là, il venait de répondre aux deux questions.
Il pointa le compagnon de jeu du doigt avant de reprendre.

« Donc : Donald Malarkins, c’est un peu le joueur invétéré de la bande. Sympa au quotidien mais impitoyable quand il s’agit de te plumer aux cartes. Les jeux d’argents sont interdits à bord, sauf au pont douze...et encore : tu ne repars jamais avec tes gains. Donc on parie des clopes, ça reste bon-enfant. »
« Je suis quand même riche Lip, tu y as laissé toutes les tiennes ! » Fît Donald en rigolant. Sans annoncer le geste, il balança le paquet de cigarettes reconstitué dans les mains de son camarade. Il fixa ensuite Pedge. « Toi, on se revoit vite sur ma table de jeu...j’ai hâte de savoir ce que tu vaut ! »

Lipton laissa un fin sourire étirer son visage. Il rangea les cigarettes dans la poche intérieure de sa combinaison orange fluo puis pointa ensuite son doigt en direction du joueur de golf.

« Eugène Rhoes, le mec avec le club de golf. Il en a pas l’air comme ça mais c’est un sacré forgeron. Il a conçu avec quelques gars cette petite piste et la boîte aux lettres. Il a tellement de cales sur les doigts qu’il est le seul à pouvoir se vanter de prendre les grilles du barbeuc à pleines mains. »

L’homme en question leva son club de fortune avec un fin sourire, un simple signe de bienvenue qui ne voulait pas dire plus que ça. Il se contenta simplement d’observer Pedge de loin sans rien dire. Il se retourna finalement, quelques secondes plus tard, pour reprendre sa partie.
Lipton bifurqua vers les deux jeunes femmes qui terminaient de poser les couverts. Il y avait onze places sur deux tables qu’elles venaient de rapprocher entre elles. Les deux brunes se tenaient un peu comme des soeurs inséparables. En les voyant, on sentait clairement qu’elles passaient le plus clair de leur temps à déconner ensemble. C’était une camaraderie très avancée qui devait dater d’un bon nombre d’années maintenant. L’une d’elle, presque hilare, repoussa Lipton de ses deux mains comme pour le chasser du giron de Pedge.

« Sans dec, Lip, tu présentes comme un pied, c’est horrible !!! »

L’homme rigola.

« Tu sauras faire mieux alors ? »
« J’en suis sûre. Tu parles comme un bouquin, elle va crever d’ennui avant de toucher une clé la fille ! Laisse-moi faire. »

Carwood souriait. Il fît un clin d’oeil sans se vexer de cette petite pique et salua silencieusement Pedge avant de s’en retourner à sa partie de carte. La petite brune qui l’avait accueilli l’approcha et l’invita à s’installer à la table. Qu’elle soit au centre du duo.

« Je suis contente. Une nouvelle femme dans l’équipe : c’est de l’oestrogène en plus dans ce monde de primate, j’y croyais plus ! Je m’appelle Katleen. Et elle, en face, c’est Matty, ma meilleure amie. »

Elle lui tendit la main pour la serrer. Sa “jumelle” fît pareil avant de compléter :

« Ouais, Marta s’est chargée de faire le surplus de gènes de CroMagnon dans l’équipe. C’est la viking qui t’a accueilli tout à l’heure ! Elle est plus sympa qu’elle en a l’air. Et le soumis qui fait sa couture s’appelle Franck. D’ailleurs !!! » Elle capta son attention en élevant la voix. De loin, Marta fusillait Pedge du regard en voyant son intégration se faire. Franck leva le nez de sa couture pour fixer Matty. « Tu fais aussi dans la lingerie fine Franck ? J’ai des dessous qui mériterait bien d’être raccommodé. Vu que tu as l’air plus doué de tes doigts pour faire ça ! »
L’homme répondit d’un magnifique doigt d’honneur levé en l’air. Puis il secoua négativement la tête en rigolant.

« Bon. Autant te le dire tout de suite, ta couchette c’est celle du collègue qu’on a perdu. Alors évite de poser trop de questions sur lui. On a vidé ses tiroirs pour te faire un peu de place, ton casier c’est celui qui porte le nom de “MAC”. »

Le sourire de Matty s’était défait. Elle parut beaucoup plus sérieuse.

« En fait, ne pose simplement pas de questions, surtout à Marta. Je pense que le reste devrait rouler pour toi. »
« Oh, Matty, ferme ta foutue gamelle... » Fît Marta dans une voix particulièrement agressive.
« Bref. » Reprit-elle en ignorant la viking. « Tu sais pas trop dans quoi tu as mis les pieds alors on t’a préparé un petit cadeau de bienvenue. »

Katleen déposa sur la table, devant Pedge, un sac de transport réglementaire de l’armée. Il était plus petit qu’un sac à dos classique et contenait, ficelé avec du ruban de fortune comme pour signaler le cadeau, plusieurs effets à son attention.

« Tiens. C’est de la part de toute l’équipe. Même de ta “meilleure amie” et elle n’a pas craché dedans ! Enfin, pas encore... »

Les deux femmes la regardèrent, confiantes.

« Vas-y, ouvre. »

Il y avait une bonne demi-douzaine de déodorant en gel, deux bouteilles de diluant, un vernis réparateur pour les ongles, une crème contre les irritations cutanées, un gel douche qui semblait avoir été confectionné sur le Dédale. Une inscription faite au feutre indiquait : “Napalm-tout”. Il y avait aussi une cartouche de cigarette et des couches pour incontinents.

« Le kit de démarrage du technicien novice ! » Fît Katleen avec humour. « Tout ça te sera utile. Ce n’est pas une connerie et ça t’évitera les mauvaises surprises. Alors garde-les à portée de main. D’accord ? »
« Saucisses ou entrecôtes ? » Fît une voix inconnue, en les coupant dans leur discussion.

Peter Calamy, le plus imposant et le plus solide de tout le groupe, s’était approché en portant un tablier beaucoup trop petit pour lui. Il tenait une spatule dans la main et mâchouillait nerveusement son cigare du coin de la bouche alors qu’il considérait Pedge. Les deux filles rigolèrent de son entrée catastrophique, ce qui accentua la nervosité du dernier qui ne lui avait pas encore été présenté. Il n’avait pas l’air d’avoir peur de Pedge. Mais il semblait véritablement mal à l’aise en parlant à une femme. Attaquer ce groupe de trois pour poser la question avait dû lui demander un effort considérable et rien que ces rires, pourtant bon-enfant, le gênait beaucoup. Il était déjà sur le point de faire demi-tour.

En grande habituée qu’était Matty, elle l'agrippa par la manche au moment même où il initia le mouvement et le retint d’une pression légère. C’était comme si elle en avait toujours eu l’habitude de ses réactions, au point qu’elle avait parfaitement anticipé le mouvement dans un automatisme stupéfiant. La jeune femme n’avait même pas eu besoin de regarder où elle mettait la main pour le garder auprès d’elle. Et elle ramena ce gros nounours à elle en lui souriant, comme pour le rassurer.
L’homme s’immobilisa et la fixa. Ses doigts jouèrent machinalement sur la spatule en trahissant un stress important.

« Peter, la nouvelle s’appelle Allen. Elle se joint à nous pour deux semaines, tu es au courant non ? »

Il grommela en signe de réponse positive.

« Super...dans ce cas : merguez pour moi. Entrecôte pour Kate. » Son regard se tourna vers Pedge. Peter fît de même en machouillant davantage son cigare. Son expression témoignait d’une certaine méfiance et il ne lâchait pas un seul mot. « Et toi Allen ? Qu’est-ce que tu prends ? »

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Lun 9 Oct - 18:54

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Le blanc qui suivit sa question sur la couchette finit de faire comprendre à Pedge qu’ils n’étaient pas spécialement en colère contre elle, mais plutôt sur le fait qu’elle remplaçait, peut-être un peu trop rapidement, la personne qui était morte récemment. Manifestement, cette personne comptait beaucoup dans l’équipe sinon le malaise ne serait pas aussi perceptible. Le pire dans tout cela était qu’elle ne pouvait pas légitimement se dire que ce n’était pas de sa faute. N’importe qui se serait dit ça, n’importe qui sauf Pedge, puisqu’elle savait qu’elle était à l’origine des informations qui avaient fuité. Elle était donc indirectement responsable. Est-ce que le vieux singe avait fait exprès de la coller dans cette unité ? Spécialement celle-là ? C’était risqué au demeurant. Elle pouvait fort bien dire qu’elle était une traître et l’immersion en terre inconnue tournerait vite au pugilat. Peut-être qu’il testait aussi sa capacité à être franche, et à assumer ses actes comme elle le faisait en démissionnant… Elle n’en savait rien et elle ne comprenait pas bien la démarche. Pourquoi est-ce qu’il l’invitait à reconsidérer sa demande de quitter l’armée après deux semaines, s’il la collait précisément dans un endroit où elle pouvait prendre en pleine face les conséquences de ses actes ? Parce que oui, elle n’avait aucun doute quant au fait qu’elle allait pouvoir s’intégrer dans ce groupe, ce n’était qu’une question de temps, mais elle allait le faire de façon sournoise, sans leur dire la vérité, et franchement, cela ne lui ressemblait pas.

Elle avait envie de faire pénitence et de se faire juger par ses paires, c’était précisément ce qu’elle avait demandé à Caldwell. Alors ? Est-ce pour cela qui l’avait mise ici ? Qu’elle avoue à ses paires et qu’ils fassent justice comme il se doit ? Probablement. Le colonel escomptait surement qu’ils lui pardonnent et ainsi, qu’elle soit soulagée de ce poids et qu’elle ne revienne sur sa démission. Et si tel n’était pas le cas ? Ben, ce serait une question de deux semaines avant de prendre le large. Elle allait donc devoir leur dire, maintenant qu’elle semblait avoir comprise la démarche du Colonel du Dédale.

Pour l’heure, c’était le moment des présentations. Elle allait pouvoir se faire une idée de ses futurs compagnons de bords pour les quatorze jours suivants. Franchement, elle n’avait pas du tout envie de les connaître, surtout que pas un seul d’entre eux à part Lip ne s’était manifesté pour empêcher la blonde et son sbire de lui tomber sur le coin du râble alors qu’elle n’avait strictement rien demandé. Elle aurait été témoin de ce genre de comportement dans sa section qu’elle aurait tout simplement botté le cul de sa collègue. Mais bon, elle reverrait sûrement son jugement en les connaissant, et, pour ne pas passer directement pour la coincée de service, chiante, bornée et casse-couilles, elle opina du chef.

Elle se tourna vers le compagnon de jeu de carte de Lip. C’était donc le monsieur carte de la petite bande. Il y en avait toujours un. Elle nota son nom mentalement en y associant son visage. Elle était assez physionomiste et d’avoir géré des classes d’Afghans, elle savait que sa mémoire des patronymes était excellente. Pedge était une quiche aux cartes, et la dernière fois qu’elle avait joué à un jeu comme-ça, c’était sur la planète des cowboys. Cela avait mal fini. Mais bon, entre militaire de la même base, c’était plutôt bon enfant. Bien entendu, elle ne se démonta pas le moins du monde. « Quand tu veux. », lui répondit-elle du tac au tac en appuyant ses propos par son regard. Au moins, s’il rendait les cigarettes, il devait continuer de trouver des mecs à plumer proprement. Parce que bon, il fallait reconnaître que se faire ramoner à chaque partie de carte n’aidait pas à vouloir y retourner.

Le regard de Pedge suivit l’indication de Lip, l’invitant d’un geste à considérer une autre personne. Le golfeur. Elle répondit d’un signe de tête au bienvenue du jeune homme. Il était vrai qu’il n’avait pas du tout l’air d’un forgeron, avec ses traits délicats et ses airs d’adulte sortit tout droit de l’adolescence. Il n’ajouta rien de plus, et elle fit de même, se tournant une fois qu’il reprenait sa partie pour passer à un autre membre d’équipage.

Elle vit à ce moment-là la complicité qui régissait les lieux et dont elle était pour le moment exclue. Fallait dire que l’accueil avait plutôt jeté un froid. Il venait de passer aux deux femmes de la bande (si on mettait la blonde de côté), lesquelles s’occupaient de mettre la table. Les voir ne faisait pas de doute quant au lien qui les unissait, certainement depuis longtemps. L’une d’elle vira Lip en lui disant qu’il présentait les gens très mal, et cela amusa Pedge même si elle resta de marbre. Elle ne s’ennuyait pas des explications de Lip, mais ce dernier fut évincé de la suite des joyeusetés, et il retourna légitimement à son jeu de carte. Quant à elle, elle se retrouva au milieu du duo, lesquelles lui serrèrent la main amicalement en guise de bonjour. Elle se détendait peu à peu. Sans s’en rendre compte, elle était restée crispée sur un mode défensif suite à l’agression verbale dont elle avait été victime en arrivant, et petit à petit, elle baissait sa garde, reconsidérant les membres d’équipage qui essayaient de faire bonne figure malgré tout.

Les deux femmes étaient donc meilleures amies, ce qui expliquait l’espèce d’harmonie qu’il y avait entre elles. Les deux jeunes femmes se chargèrent de faire les présentations du reste de l’équipe, et il ne restait que les deux connards. Marta et Franck. Pedge essayait de ne pas trop leur en vouloir, de considérer que peut-être, il y avait eu quelque chose de fort entre le défunt et ces deux-là, mais ça n’excusait pas tout, surtout que de base, ils ne savaient pas qu’elle avait parlé à la Wraith. Donc, ils s’en étaient pris à elle gratuitement, et c’était surtout cela qui avait du mal à passer. Mais bon, les fortes têtes, elle connaissait, et elle allait gérer. Ce serait difficile de s’imposer comme leader naturel sans ses galons qui la plaçait au-dessus. Mais tout bon officier qui se respecte devait acquérir une autorité naturelle et légitime auprès de ses hommes, même au-delà du simple grade. Elle ferait son trou. De toute façon, elle ne comptait prendre la place de personne. Dans deux semaines, elle était partie, et à l’heure actuelle, elle n’était qu’une exécutante. Elle ne voulait pas de responsabilité particulière. Cela faisait du bien de se laisser guider. Quoiqu’il en soit, Marta et Frank semblaient irascible envers les autres même si c’était plutôt bienveillant.

Katleen mit les pieds dans le plat en lui disant ce qu’elle savait déjà. C’était la couchette du défunt. Logique. On n’allait pas lui faire un lit tout nouveau. « Je ne pose pas de question. », répondit-elle en guise d’assentiment. Pas même qu'elle ne dirait qu’elle était désolée. C'était de sa faute et elle l'était, mais ce n'était pas ce qu'il voulait entendre. Elle allait devoir s'en ouvrir, c'était certain. Elle fut tirée de ses réflexions par un sac posé devant elle. Un cadeau de la part de toute l'équipe. Ils savaient qu'elle venait, la preuve résidait sur la table dans le nombre de couvert. Onze. Bon elle pouvait aussi se dire qu’elle n'était pas comptée puisqu’actuellement ils n'étaient que neuf et il manquait Tyrol. Donc dix. Il en manquait un, ou deux. Après, le sergent chef avait dû prévenir le reste de l'équipe qu’ils allaient avoir une nouvelle. Enfin bref, elle préférait pas trop se projeter positivement vu l’accueil. Mine de rien elle restait sur la défensive.

Avec prudence elle ouvrit le sac, pour y découvrir toute une panoplie de déodorants, savons, vernis réparateur, crème hydratante, et même du produit composé artisanalement, portant une mention assez explicite. Les couches interpellèrent la jeune femme. Qu'est ce que ça foutait là ça ? Pedge ne fumait pas mais elle préféra garder la cartouche de cigarettes pour les futures parties de carte. C'était comme obtenir un peu d’argent. On lui confirma que ce n'était pas une blague. Soit, elle faisait confiance aux vétérans du domaine pour préjuger ce qui était bon ou pas.

« Et bien m…. », allait elle dire quand on la coupa dans son élan par une question un peu sortie de nulle part. Entrecôte ou saucisse. Elle se retourna vers la personne qui venait de causer pour se retrouver face à un type imposant qui mâchouillait un cigare éteint. Pedge le toisa puisqu’il était en train de la considérer. Il ne semblait pas bien à l’aise, engoncé dans son tablier trop petit pour lui. Elle eut rapidement la certitude qu’il avait un problème pour causer avec les femmes, mais pas parce qu’il était macho, mais plutôt timide. Il fit demi-tour aussi sec sans avoir obtenu de réponse, ce qui fit arquer un sourcil à la jeune femme. Heureusement, Matty le rattrapa, apparemment habituée aux frasques de monsieur. Elle l’orienta gentiment vers les deux autres, afin qu’il finalise sa demande. Il était vraiment stressé. C’était le genre de petits détails qu’une prédatrice comme Pedge enregistrait l’air de rien.

« Salut », fit-elle sans trop s’avancer, alors qu’elle se faisait présenter. Autant le dérider tout de suite, même si son problème venait surtout de la gente féminine à première vue. « Entrecôte, ça ira bien merci. ». Elle conservait son air neutre. Néanmoins, la perspective de manger une pièce de viande grillée au barbecue avait de quoi faire saliver son appartenance texane. Cela devait faire une éternité qu’elle n’avait pas mangé de la sorte.

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Sam 14 Oct - 9:48

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Equipe soir:


Peter grommela.
Une sorte de grondement positif et rustre qui lui permettait d’éviter de parler davantage, ne pas montrer entièrement sa timidité, et ainsi “répondre sans répondre”. Il malmena son cigare entre ses dents tout en jetant un regard mêlant un peu de curiosité à la méfiance sur la nouvelle. Puis il se retourna pour repartir sur son barbecue. La viande était en train de rissoler sur le grill, quelques saucisses aussi. Il n’avait pas demandé la cuisson alors il fallait s’attendre à avoir du saignant. L’odeur aurait pu mettre en appétit mais la ventilation modifiée en hôte aspirante était véritablement efficace.

« La peluche de la section ! Il fait ours avec son air peu avenant et intimidé mais c’est un gars adorable. Et il a le coeur sur la main. » Fît Katleen avec une certaine tendresse amicale.

Peter, qui l’avait entendu, se contenta de hausser nonchalamment les épaules sans les regarder. C’est comme s’il s’en fichait complètement, quitte à s’en montrer insensible, alors que c’était en réalité l’inverse. Il appréciait ces jeunes femmes qui avait saisi son problème et le respectait sans moquerie. C’était un peu comme des petites soeurs sur lesquelles il veillait le plus souvent. Et aussi étonnant que ça puisse paraître : Marta faisait également partie du lot.

Le chef Tyrol apparut soudainement par l’ouverture du sas en portant trois gros saladiers recouverts d’une feuille d'aluminium. L’un d’eux dégageait des filets de fumée dans le faux jours et le plastique transparent s’était teinté d’une buée.

« Fini de jouer les gars, j’ai rapporté la graille ! »

Lipton et Marta s’était tout de suite approché pour l’aider à porter les saladiers. Donald quitta sa couchette et sa game boy pour sortir de son casier une énorme poche de chips tandis que le forgeron, Eugène, sortait les bières. Le sergent-chef échangea quelques mots avec ses hommes avant que son regard ne se porte sur Pedge.
« Hé, Allen, c’est ça ? » Questionna-t-il de loin. « Suis-moi, on va aller chercher ta dotation avant que ça ferme. »

Les deux filles lui firent une tape avec une synchronisation complètement involontaire, une sur chaque épaule. Katleen prit son sac d’offrande et son propre barda tandis que que Matty s’exprimait :

« Vas-y, fonce. On fait pas attendre le “botteur de culs” ! » Fît-elle en accompagnant l’exclamation d’un clin d’oeil. « On te laissera tes affaires sur ta couchette : Go ! »

La jeune femme opina du chef à l’attention de Tyrol quand ce dernier revint avec de la nourriture supplémentaire et qu’il l’interpella. Quelque part, Pedge ne comprenait pas pourquoi ils n’allaient tout simplement pas au Mess régulièrement, et qu’ils faisaient ce genre de repas plus sporadiquement, plus exceptionnellement. Après tout, ils devaient être débordés par le temps, et les minutes qu’ils passaient à rassembler les victuailles n’étaient pas gagnées ailleurs. Enfin qu’importe, ils fonctionnaient bien comme ils le voulaient, elle n’était personne pour remettre en cause des habitudes… Et peut-être qu’ils avaient fait ce repas simplement pour lui souhaiter la bienvenue. Une possibilité qu’elle ne devait pas laisser de côté.

« Je ne comptais pas le faire attendre », répliqua Pedge à l’attention des deux jeunes femmes. Elle inclina la tête à leur attention. « Merci les filles », fit-elle d’une voix détendue, même si son faciès n’exprimait rien de plus que d’habitude. Elles s’y feraient. Comme eux tous d’ailleurs. Elle se permit un clin d’oeil en retour avant de se porter vers l’entrée du dortoir pour aller chercher sa dotation, comme le lui avait si bien dit le sergent-chef.

« Peter, c’est prêt dans combien de temps ? » Questionna indépendamment le sergent.
« Dix minutes, chef. »
Gallen fixa Pedge sur son arrivée et hocha la tête. Il prit la direction de la sortie avec elle.
« Ok, ça nous laisse le temps de faire un tour. Bel accueil protocolaire hein ? Tu débarques à peine et je me sauve... » Il tourna dans le couloir en direction des douches communes, un peu plus loin se trouvait l’étrange coopérative. « Tu n’arrives pas au meilleur moment Pedge. C’est la course ! On est à flux tendu ici. »

Il avait utilisé son prénom de manière personnelle, il appelait tout le monde ainsi dans son unité, même les nouveaux. Et il avait dû obtenir cette information de la part de Caldwell, c’était certain qu’ils avaient dû discuter ensemble avant son retour sur le Dédale. Mais la proximité dont il faisait preuve, et qui échappait quelque peu au protocole militaire dans un endroit si strict, témoignait surtout du fait qu’elle était en présence de la base de la pyramide. En quelque sorte, on pouvait dire que ces techniciens étaient les enfants des gueules noires qui travaillaient le charbon dans les cales des navires d’antan. Le travail était dur, physique et éreintant. Ils étaient tous dans la même galère et partageait le même amour du métier. Alors on ne s’encombrait pas du grade tant que le respect demeurait.

« Tes débuts ne seront pas une partie de plaisir avec nous. On vient tout juste de terminer les réparations d’urgences. Il y a encore une centaines d’opérations à effectuer et nous devons être dans les délais pour retourner à l’ancrage. Les gars dépassent allègrement les douze heures par jour, ça peut parfois monter jusqu’à quinze. On est tous à bloc. »

Donc les horaires par huitaine ne concernait que les services habituels. Le Dédale avait tellement subi dans l’embuscade que ses techniciens enchainaient les longs cycles sans les compter. Ce n’était pas une blague ! Et ils tenaient ce rythme impressionnant depuis un certain temps déjà. Et que dire de Tyrol puisqu’il chapeautait les trois équipes à la fois pour ensuite faire son rapport au colonel. S’en était démentiel. Et c’est là-dedans que Pedge avait mis les pieds.

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Mar 17 Oct - 16:09

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S’il savait pour l’accueil protocolaire… Est-ce qu’il serait contrarié ? Peut-être. Peut-être pas. Il mettrait ça sur le compte des chamailleries de dortoir, et il laisserait surement passer. Elle haussa des épaules :

« Les priorités avant tout, je n’allais pas m’envoler », répliqua-t-elle d’un ton égal.

Elle comprenait parfaitement que c’était la course, ne s’offusquant pas de se faire appeler par son prénom. Elle n’était pas le moins du monde effrayée par la montagne de travail qui attendait. Elle servait dans l’armée depuis plus de quinze ans maintenant, et les journées de huits heures, elle ne connaissait pas.

« J’espère que ma présence sera plus utile que le contraire, afin de soulager un peu l’équipe. Pas évident de former une novice dans ces conditions. ». Au moins, elle gardait la tête froide, et elle avait conscience qu’elle ne serait pas dans une posture des plus simples, tant sur le plan humain que sur le plan des compétences qu’elle n’avait pas. Néanmoins, le travail ne lui faisait pas peur, et cela, il s’en rendrait vite compte.

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Ven 27 Oct - 8:16

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Ils approchèrent du comptoir. Un homme un peu plus âgé s’y tenait, il était vêtu de sa tunique orange fluo, démontrant son appartenance à une autre équipe de technicien. Il était couvert de saleté et des grumeaux d’une matière étrange étaient encore collés à ses cheveux. Gallen poursuivi en chemin :

« Je sais que tu es une sardine. Mais je ne peux pas réorganiser mes gars pour convenir au respect de ton grade. Ca va être à toi de t’adapter à nos méthodes, à notre façon de vivre. Ca ne sera pas rose. Tu vas vivre des moments difficiles. Mais je pense que tu t’y attends non ? » Il lui fît un sourire entendu. Une certaine aura chaleureuse se dégageait de lui. Gallen était quelqu’un de particulièrement humain qui gérait ses gars au mieux. Il ne savait pas tout de Pedge ou des raisons de sa présence. Mais il préférait mettre les choses au point pour éviter les frictions. Il ignorait encore, à ce moment là, l’accueil un peu brutal dont elle avait été la cible. « La règle est simple : tu n’es pas venue aux portes ouvertes des techniciens. Je te veux motivée, volontaire et à bloc. Tu es l’une des nôtres maintenant. Alors ne te laisse pas dire le contraire. Suis les habitudes des gars sans rechigner, accepte les moments de cohésion et surtout : ne t’isoles pas du reste du groupe. Tu auras tes moments à toi, bien sûr, mais je ne veux pas voir de division dans la section, c’est enregistré ? »

« Effectivement, je m’y attends, et je suis une première classe pour l’heure, donc la sardine fera ce qu’on lui dit. », répliqua-t-elle sans ambages. Elle n’avait pas de problème avec cela. Qui plus est, elle était la première à prôner l'obéissance à son supérieur, alors elle n’allait pas traîner des pieds parce qu’elle était censée être plus gradée. Il fit une mise au point parfaitement inutile pour la jeune femme, mais ce n’était pas un mal de remettre les points sur les « i » de temps en temps, surtout avec un nouvel élément dans l’équipe. Au moins, la règle était fixée dès le départ et elle ne bougerait plus. Les termes étaient clairs.

« Reçu », répondit-elle en tout et pour tout. Pedge n’était pas une fainéante, et elle n’avait pas besoin de le dire. Elle le prouverait amplement dans les prochains jours, et les actes valaient tous les beaux discours. Pour ce qui était de la cohésion d’équipe… Elle ferait au mieux. Elle ne voulait pas se mettre quelqu’un à dos, mais il fallait croire que sa simple présence dans l’affaire était rejetée par au moins deux personnes. Mais bon, ça leur passerait surement, elle en était convaincue. Ils apprendraient à la connaître. Le temps de se renifler le cul tous ensemble et on dira par la suite qu’elle avait toujours été là.

Les voilà qui étaient désormais auprès du technicien qui tenait la coopérative.

Le technicien qui tenait la coopérative salua chaleureusement le chef.

« Hé ! Salut patron ! Tu m’amènes enfin de la chair fraîche ? » Il eut un rire un peu lourdingue. Mais à voir son état, et la dure journée qu’il avait dû avoir, on pouvait comprendre qu’il se contentait d’un minimum en terme d’humour.
« Pedge Allen. Elle va nous aider pendant deux semaines. Tu as sa dotation ? »
« Ah, ouais ! Elle est arrivée il y a une heure. »
Le technicien se pencha puis souleva un ballot réglementaire de l’armée qu’il posa sur le comptoir. Il y avait plusieurs tenues fluorescente ainsi qu’une bandoulière d’outils dont elle ne comprendrait pas l’utilité.
« Voilà. Tu as tout ce qu’il te faut là-dedans. J’ai reçu une allocation de points de ressources pour toi. » L’homme lui donna une carte magnétique puis tendit la main en direction de l’arrière boutique où se trouvait plusieurs étalages. Il y avait une petite partie épicerie avec des articles provenants de la Terre. Des objets plus rares venant de la culture Athosienne. Des produits de première nécessité, quelques livres et magazines. Enfin, tout ce qu’il fallait pour améliorer un petit peu plus la vie difficile des techniciens. Elle acquiesça, n’ajoutant rien voyant qu’il n’avait pas fini. Elle espérait qu’il lui expliquerait en quoi consistait les points, parce qu’elle ne voyait pas bien de quoi il s’agissait. Au pire, ce serait un sujet de discussion avec les membres de l’équipe.
Le gérant bénévole poursuivit son explication, il pointa une petite tablette au passage qui faisait office de catalogue. Il parla avec fierté :
« Donc, quand tu passes ton temps à bucher et que tu veux pas passer par les voies classiques. Si tu veux pas t’emmerder à patienter chez l’intendant principal ou si tu veux du rhab, un truc qui sort de l’ordinaire, passe faire tes courses ici midinette. Moi, je suis le type qui te dégote tout ce que tu veux...enfin soit raisonnable, me sort pas : “j’veux le pistolet de ronon, lolilol, lol et re-lol”. Nan, ça, ça marche pas... »
« Je pense qu’elle a saisi, Brad. »
Pedge le regardait fixement. Il pensait sérieusement qu’elle parlait comme ça ? Pourtant, quand on la considérait deux minutes, il semblait évident qu’elle n’allait pas sortir ce genre débilités sans nom.
« Ok ok, chef, je finis. T’as deux cents cinquante points sur ta carte. Si on est pas là, tu fais tes courses toute seule comme une grande. On connait pas les voleurs dans le coin, alors t’y mets pas ! Mais fait les durer, tes points, ça peut partir vite. Tu verras que quand tu passes ton temps à cavaler, cet endroit, c’est comme ton antre d’ali-baba personnel. Hésite pas si tu as des questions, il y a aussi Derek qui la tient quelques heures le matin. Et Ellie en journée. Ils sont tous très sympas tu verras. »
« Tu as ce que je t’ai demandé ? »
« Mais bien sûr, patron. Pour qui tu me prends ? C’est dans le sac de la jeune. »

Gallen acquiesça.

« Parfait. Je lui montrerai tout à l’heure. »

Il pressa le bras de Pedge pour la guider vers les douches communes qui se trouvaient non loin. D’ailleurs un technicien venait d’en sortir en ayant le draps enroulé autour de son bassin. Il passa devant eux, torse nu, sans se sentir gêné et apparemment très soulagé de s’être décrassé.

« Le côté femme se trouve sur la droite. Il y a un coin pour se changer. Débarrasse-toi de ta tenue réglementaire et enfile le reste. La combinaison se resserre automatiquement autour de tes membres et de ton corps en appliquant une pression assez particulière. C’est le système de protection alors ne sois pas surprise, c’est normal. »

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Dim 29 Oct - 9:28

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Heureusement pour elle, il lui expliqua ce qu’il entendait par nombre de points sur sa carte. C’était sympa, et plutôt utile, et cela permettait de faire sauter le circuit habituel, qui était, il fallait le reconnaître, assez long.

« D’accord, je n’hésite pas. », finit par dire Pedge quand il eut terminé. Non, elle n’hésiterait pas à passer se ravitailler. Finalement, les cadeaux de l’équipe prenaient tout leur sens, puisqu’ils avaient utilisé des crédits personnels pour lui acquérir les différents produits indispensables à tout technicien.

Elle était curieuse de savoir ce dont il retournait. De quoi parlaient-ils ces deux là ? Qu’est-ce que Tyrol devait lui montrer ? Si Pedge n’était pas très expressive, elle devait reconnaître qu’elle était assez curieuse de nature, et qu’elle avait du mal à résister à la tentation de savoir. Mais comme il confirma au taulier de la coopérative qu’il allait lui montrer prochainement, elle fit preuve de patience, récupérant son lot d’affaire. Bandoulière avec divers outils, tenues bien voyantes, et tout le toutim.

Il orienta la jeune femme vers les vestiaires, pour qu’elle se change et arbore directement la tenue qui serait la sienne pendant les deux prochaines semaines. Changement d’uniforme, pour un changement d’unité, pour un changement de vie radical. Quelque part, elle avait hâte de l’essayer, histoire de voir à quoi elle allait ressembler. Elle fut tirée de ses pensées par un apollon torse nu qui s’extirpait de la porte des vestiaires pour repartir vers son dortoir, probablement. La jeune femme laissa trainer ses yeux sur les formes dessinées du buste du jeune homme. Discrètement ou presque.

« Sur la droite, d’accord », fit-elle en reprenant le fil de la conversation avec Gallen. Il la tutoyait, elle ne se priverait donc pas de le faire. Elle n’aimait pas trop ça avec ses supérieurs, mais cela semblait être la norme, et adopter la norme était une condition sine qua non pour s’intégrer dans un groupe. « Ne t’inquiète pas, j’ai l’habitude de porter du cuir », répliqua-t-elle pour le rassurer quant à la pression de la combinaison. C’était faux, c’était de l’humour à la Pedge, dit sur un ton qui pouvait laisser penser le contraire.

Elle entra dans le vestiaire des femmes, et elle se changea, délaissant, presque à regret, son uniforme réglementaire d’Atlantis pour enfiler celui des techniciens de bord du Dédale. Il n’était pas trop chiant à enfiler et comme le sergent chef lui avait dit, elle se resserra toute seule sur son corps quand elle fit grimper la fermeture éclaire sur sa poitrine, épousant ses formes à la perfection. C’était enveloppant, et assez sympa en fait. Ce n’était pas serré au point de couper la circulation sanguine, mais cela faisait comme une seconde peau. Elle aimait bien ce style de vêtement, moulant agréablement. Bon, le côté carotte nucléaire ne lui plaisait pas des masses, mais elle s’y ferait rapidement. Cela deviendrait son uniforme. Elle fit vite, pour ne pas faire attendre le reste de l’équipe. Les dix minutes ne devaient pas être loin d’être écoulées, et elle ne voulait pas les faire patienter. Marta trouverait sûrement un prétexte pour râler. Elle défit son chignon strict pour se faire une queue de cheval, moins coincé que ce qu’elle portait en arrivant.

Elle ressortie du vestiaire pour rejoindre Gallen.

« Je suis prête », dit-elle en approchant. Elle avait passé la bandoulière de la sacoche, sans trop s’intéresser encore à son contenu. Il y avait différents appareils déjà accroché à la combinaison, dont un dosimètre servant à mesurer le débit de dose que le porteur recevait en étant exposé à une source de radiation. Etait-il passif ou actif, elle n’en savait fichtrement rien. Même les chaussures étaient renforcées, ce qui était logique. La semelle était confortable, mais elle sentait que son pied allait devoir prendre sa place pour que la chaussure s’adapte à elle. Elle tenait son casque d’une main, et les gants étaient pliés à l’intérieur de celui-ci. Les lunettes high tech étaient posées sur son nez. Elle ne se faisait pas à l’écran HUD qui trônait dans les verres. C’était… déroutant. Il y avait une barre de chargement avec marqué dessus « protocole de pratique novice » et un titre persistant qui signifiait aucune objectif actuel. Elle ne savait pas si elle devait les garder sur le nez, alors dans le doute… Même si à la réflexion, elle s’était dit que personne ne les portait quand elle était passée voir sa nouvelle et chaleureuse équipe.

Pedge technicienne de l’espace était de sortie. Le défilé de mode pouvait commencer.

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Mer 1 Nov - 9:18

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Lorsque le chef vit Pedge le rejoindre en tenue complète, le casque sous le bras avec les gants dedans, les lunettes d’apprentissage sur le nez, il eut l’impression de se voir à ses débuts, lorsque le Dédale était sorti de l’usine de montage. L’homme avait eu son expérience sur la base d’ancrage du Prométhée mais ce croiseur-là, SON croiseur, lui avait donné un feu d’enfer : une ivresse d’apprentissage et d’exercice sans limite.
Malgré le fait qu’on s’économise en gagnant en expérience, le sergent avait reçu des recrues pleines d’entrain, un peu foufou, le genre à se dire que les anciens ont perdu l’ardeur et qu’ils les remplaceront sans peine. C’était, quelque part, un peu touchant de voir chez les autres ce que l’on avait autrefois vécu.
Là, Gallen voyait arriver une Pedge qui s’était visiblement transformée en ce qu’il lui avait demandé : quelqu’un de motivé, volontaire et à bloc.

Il ne pu s’empêcher de rire en secouant la tête, dans un ton bien loin de toute moquerie, et qui témoignait surtout d’un attendrissement face à l’aspect novice de la militaire. Peut-être comprenait-elle également, puisqu’elle avait entraîné des troupes étrangères, en ayant vécu des expériences similaire de troupes inexpérimenté prête à faire un massacre. Des gars qui savaient pas encore se servir d’un fusil et pourtant prêt à tout retourner.
Tyrol visa le visage de Pedge de ses deux doigts, veillant à ce qu’elle ne bouge pas, pour lui retirer les lunettes qu’elle avait sur le nez.

« Ca, Pedge, ce n’est pas pour tout de suite. Ne me les abime pas surtout, c’est un matériel d’expérimentation créé par tes collègues d’Atlantis. C’est le seul exemplaire. Alors ils me pendront par les... »

Le chef n’eut pas le temps de terminer la fin de sa phrase. Lui qui était face à Pedge en la pointant des lunettes alors refermées, dans un air parfaitement pédagogue, fût figé dans le flash d’un appareil photo. Il tourna la tête pour voir Brad, derrière son comptoir, qui remontait déjà la roulette de l’appareil jetable. Il se contenta de hausser les épaules toute en s’écriant :

« Et bien quoi ?!? Faut bien qu’elle se ramène des souvenirs ! »

Et il envoya l’appareil photo dans les bras de Pedge malgré le fait qu’ils soient encombrés par le casque. Elle avait intérêt à avoir des réflexes.

« C’est mon petit cadeau perso, jeunette. C’est un nouvel univers que tu explores alors profite-en pour capturer les moments qui te plaisent. »
« Toujours très attentionné ce Brad. Allez, on va se dépêcher. Les autres vont râler de devoir nous attendre... » Fît Gallen en lui rendant les lunettes.

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Mer 1 Nov - 17:37

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Le rire de Tyrol accompagna le retour des vestiaires de Pedge. Celle-ci ne le prit pas pour de la moquerie, mais plutôt comme de l’affection bienveillante d’un mentor sur un novice, et sans trop savoir pourquoi, cela l’agaça un peu. Elle ne savait pas si c’était de la pitié, de la compassion, ou bien tout simplement de la gentillesse, toujours est-il qu’elle détestait se sentir dans la peau d’une néophyte. Et pourtant, c’était bien ce qu’elle était et elle allait devoir faire avec. Il voyait surement en elle quelqu’un de motivée, qui en voulait, et qui avait les dents qui rayaient le parquet. En tant que formatrice, elle en avait vu des types gonflés à bloc, prêt à tout casser, à en découdre, et ce n’était pas tout le temps les meilleurs même si leur motivation, bien canalisée, se révélait être un moteur de réussite puissant. Néanmoins, elle n’était pas là à vouloir tout révolutionner, non, elle restait dans son rôle de nouvelle, prête à tout, mais sans le dire. Elle ferait ce qu’on lui dirait de faire, en bonne subordonnée qu’elle était.

Bref. Il lui retira les lunettes qu’elle avait mise sur son nez, en prenant soin de montrer son geste avant toute chose, fait qu’elle apprécia car elle était typiquement capable de se reculer sa tête juste pour qu’il ne la touche pas. Pour le coup, elle le laissa faire, continuant de se faire guider dans cet univers qu’elle ne connaissait absolument pas. Il lui expliqua rapidement qu’elle était la nature des lunettes, sans avoir vraiment le temps de poursuivre qu’ils furent illuminés brièvement par le crépitement d’un flash d’appareil photo. Le type derrière le comptoir en tenait un et manifestement, il était content de lui.

Elle réceptionna l’appareil jetable à deux mains pour qu’il ne tombe pas, le plaquant sur son torse dans la réception. Il aurait gueulé « réflexe ! » en le jetant que c’était pareil. Heureusement, le casque qu’elle tenait ne l’encombra pas pour la manœuvre. Elle aurait détesté, mais d’une force, montrer une maladresse d’entrée de jeu, même si le lancer n’était pas fairplay.

« Merci Brad », fit Pedge en le prenant en photo pour ponctuer son propos, avant d’emboiter le pas du chef Tyrol pour repartir vers le dortoir. Elle appréhendait un peu de voir les réactions des autres maintenant qu’elle était intégrée, du moins par l’uniforme, dans le groupe. Groupe qu’elle ne devait pas diviser. En chemin, elle en profita pour poser une ou deux questions à Gallen, histoire de ne pas rester sur sa faim.

« Et donc, ces lunettes servent à quoi exactement ? A me guider en tant que novice dans les tâches techniques ? ». Cela la stressait un peu à dire vrai. Elle n’avait aucune connaissance théorique sur le sujet, et elle n’aimait pas beaucoup ça.

« C’est ça... » Répondit Tyrol. « Tes collègues d’Atlantis ont accepté de réaliser ces lunettes qui intègrent une intelligence artificielle. Celle-ci se comporte comme une surface d’analyse qui cible et souligne tes objectifs. »

Il poursuivit son chemin tout en continuant son explication.

« Ces lunettes sont encore en l’état de test. Elles ont été conçues dans le cas où les réparations devraient se faire par des membres d’équipages inexpérimentés. Elles ne remplaceront jamais notre expertise. Mais pour un débutant, c’est un atout incontestable... »

« Je vais essayer de ne pas les casser alors », dit-elle, n’étant pas certaine d’être à la hauteur de la tâche. Elle espérait qu’elle ne ferait pas de connerie. Le pire serait de blesser un membre de l’équipe involontairement par son inexpérience… Elle se garda bien de s’en ouvrir à Tyrol, continuant sa marche silencieusement.

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Sam 4 Nov - 8:43

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Equipe soir:


Ils retournèrent ensemble en direction du dortoir.
Toute l’équipe s’était mise à table et consommait une bière en attendant le retour du binôme. Ils riaient tout en discutant. Seul Peter restait à son barbecue, il avait réchauffé les viandes et les disposaient sur un plateau. Matty fût la première à voir revenir Pedge dans sa nouvelle tenue. Elle fît un geste à son voisin de tablée, Harry, pour qu’il lui passe la télécommande qui gérait le jukebox. Elle appuya sur plusieurs boutons, un air goguenard sur le visage, et les premiers pas de Pedge en direction de l’équipe fût accompagné par la musique de “Bad to the Bone de ZZ top”. Une véritable terminator de la mécanique qui se présentait à eux.
Les équipiers s’esclaffèrent tous en levant leurs bières dans sa direction. Matty et Katleen lui avait reservé une place entre elles deux et, avant qu’elle ne puisse s’installer, Gallen fît baisser la musique pour faire une annonce.

« Bon, je sais que vous avez eu le temps de faire connaissance. Mais autant finir ça de manière officielle. Je vous présente Pedge Allen, qui se porte volontaire pour nous aider durant deux semaines... »

Les équipiers s’étaient regardés avec une étincelle dans les yeux. Ils s’étaient mis d’accord d’un simple regard et entonnèrent en choeur, avec des voix dignes d’enfants de maternelle, dans un son d’accueil général :

BONJOUR PEDGEEEEEEEEEE

C’était comme si une dizaine de gamins souhaitaient la bienvenue à leur professeur le jour de la rentrée. Tyrol répondit par un rire gêné tout en leur demandant de se calmer. Dans le lot, seule Marta avait gardé le silence. Elle maintenait un regard noir et hostile à l’encontre de Pedge. Ne comprenant visiblement pas pourquoi elle était si bien accueillie par le reste de l’équipe. Le fait que Franck avait participé pour chambrer Tyrol lui avait également déplu. Alors elle se contenta d’avaler une gorgée de sa bière comme si elle faisait un signe de croix dans son dos. Le genre de signe qui dit “cours toujours, tu m’auras pas, moi.”

Les deux filles invitèrent Pedge à s’installer. Peter lui déposa une entrecôte bien chaude dans l’assiette et lui annonça, toujours dans sa façon un peu bourrue, qu’il lui avait fait sa cuisson saignante.
« C’est que t’es sexy dans ta combi orange fluo ! Tu pourrais poser pour le calendrier du Dédale ! » La taquina Katleen en lui passant une bière. Elle lui fît un clin d’oeil, comprenant très bien que ce n’était pas son genre, déjà, et que c’était une belle connerie à ne pas faire.
Matty compléta dans cet étrange environnement d’amitié symbiotique :
« Elle blague. Mais le pire, c’est que ça existe vraiment. Il y en a un tous les ans. »
« Un délire de l’équipage qui se vend sous le manteau avec les points de ressources. » Intervint Donald, le joueur de carte, en se servant dans l’un des saladiers. Il était en face de Pedge et s’attaquait à une énorme entrecôte avec un amas de frites. Il lui tendit le saladier après le refus de Kate. Les frites étaient encore fumantes et dégageaient une odeur appétissante. « Pas de visage, c’est la règle. Pour l’anonymat et la discrétion. Mais les femmes y sont si rares...je pensais au moins t’y voir Matty ! »
« Qui te dit que je n’y étais pas l’année dernière ? Si ça se trouve, je prends mon pied à afficher mon sublime corps de rêve sur un calendrier à la con pour faire baver la moitié des mâles en rut du vaisseau. C’est ton rêve, hein mon grand ? »
Ils s’esclaffèrent.
« Moi je vois bien Marta, avec son air de viking effarouchée, quelques clés à molette et du cambouis plein ses contours...hum...ce délice... »
La concernée l’ignora royalement en finissant sa bière. Le sourire de Kate se mua en une expression génée.
« Je t’ai connu plus drôle... »
« C’est l’imposture qui me file la gerbe...Et puis merde, tiens. J’ai pas faim. » Fît Marta en repoussant son assiette.

Le sous-entendu était à peine voilé mais l’ambiance ne retomba même pas. Il était maintenant évident qu’elle se comportait ainsi depuis un certain temps et ses collègues ne répliquèrent pas, la laissant dans son air boudeur alors qu’ils discutaient ensemble. Au moins, la règle d’interdiction d’isolement de Gallen semblait être respectée par tous, y compris elle. Car elle ne quitta pas la table et se contenta d’observer. A un moment donné, elle participa même à la conversation, se radoucissant quelque peu, comme si elle était venue elle-même à la conclusion que sa réaction était stupide.

Pendant un petit moment, le groupe dina dans la joie et la fraternité tout en composant des sous groupes. Certains allaient de leurs petites histoires de réparations, d’autres racontaient d’anciennes anecdotes. Lipton et Franck prévoyaient d’aller faire un saut le lendemain sur le pont douze pour assister à un match très attendu. Marta et Eugène s’accordaient sur le dessin d’un avion biplan à forger pour le cadeau d’anniversaire d’une amie sur Atlantis.

Par politesse, Katleen et Matty n’avait pas envahie Pedge de questions, préférant la laisser manger tranquillement. Mais à leurs visages, on voyait bien qu’elles crevaient de curiosité à son égard. Car après tout, ce n’était pas souvent qu’on tombait sur quelqu’un venu participer aux réparations durant la période la plus rude.
Mais une question, surtout, les intéressaient davantage. Matty et Katleen ne se génèrent pas en se départageant mystérieusement à “pierre-feuille-ciseau”. Kate perdit la partie et tira la tête en arrière, maugréant sa malchance, avant de tourner son visage vers Pedge.

« Bon. C’est à moi de te demander alors...ta bague, c’est une alliance ou des fiançailles ? On est pas d’accord à ce sujet et moi je soutiens que tu n’es pas mariée. Ca va venir ou je suis complètement nulle en déduction féminine ?!? »

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Sam 4 Nov - 14:58

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Comme toujours, et malgré la musique qui venait de changer pour accompagner son arrivée, Pedge resta impassible. Ce n’était pas évident pour elle d’être la dernière arrivée, et elle détestait se taper l’affiche. Mais bon, il fallait bien passer par différents rituels pour s’intégrer complètement dans une unité, et elle accepta tout cela avec philosophie, même si elle ne fit rien pour coller au rôle de madame muscle qu’on voulait lui donner. Tyrol officialisa sa présentation en la présentant à l’équipe. L’ambiance était déjà plus chaleureuse qu’à son arrivée, plus conviviale, et les choses passaient dans l’ordre. Toute à l’heure, elle avait un peu été jetée dans la fosse aux lions avec un peignoir de soie et un peigne à cheveux comme seule arme. Elle inclina modestement la tête quand ils firent un « bonjour » général digne d’une section de maternelle. Cela l’amusa quelque peu. Elle était capable de répondre quelque chose comme « bonjour les enfants », mais elle se retint, de peur que la chienne agressive de la meute ne montre les crocs en le prenant mal. Pourtant, ça n’aurait été qu’une réponse qui suivait le thème de ce qu’ils lui donnaient comme accueil actuellement. Cette dernière était d’ailleurs en train de la fusiller du regard, mais cela ne déstabilisa pas du tout la texane qui savait à quoi s’attendre désormais. Son regard passa sur elle, comme sur tous les autres, sans vraiment s’arrêter. Elle faisait partie du décor de la pièce, de la vie commune de l’unité, et elle ferait avec. L’idée même de prendre une photo maintenant lui passa au-dessus de la tête. Pourtant, cela aurait fait un souvenir sympa.

Elle alla prendre place entre les deux meilleures amies, lesquelles lui avait laissé un petit bout de banc pour se faufiler. L’entrecôte saignante arriva à ce moment-là, et elle mit l’eau à la bouche de la jeune femme. Une pièce de viande cuite au barbecue. Le pied total. Et le gars s’y connaissait en cuisson. Elle aurait détesté manger une semelle. L’idée même du calendrier n’était pas étonnante en soi. Il y avait toujours ce genre de chose qui circulait dans les armées. Enfin… Bien souvent, c’était des calendriers tout fait, style « Pirelli », avec des bombes atomiques qui irradiaient le cul avec leur seins et leurs derrières galbés (et bien retouchés) outrageusement. Pedge n’était pas contre ce genre de pratique. Elle ne voyait pas de mal à admirer un corps bien fait, et si cela permettait à certain mec ou à certaine femme de se faire du bien en pensant à ces mannequins… Il n’y avait pas mort d’homme. D’ailleurs, vue la réaction de Marta, Pedge en vint à se dire qu’elle devrait se mettre les doigts dans la culotte de temps en temps pour faire moins mal baisée. Tout comme les autres, elle l’ignora, préférant ne pas rentrer dans son jeu. Elle cherchait simplement le conflit pour exploser, et elle n’avait pas envie d’être le déclencheur, déjà qu’elle était le catalyseur de son humeur exécrable. Bien malgré elle. « Je ne prends que le mois de juillet ou d'août », finit-elle par ajouter dans la discussion sur le calendrier. Ces deux mois étaient connus pour accueillir que les plus beaux clichés. Bien entendu, elle blaguait, entrant dans la conversation comme elle le pouvait. Jamais elle n’irait s’afficher sur ce genre de support, cela serait assez néfaste pour sa carrière, selon elle, et puis, elle n’était pas exhibitionniste. Elle avait déjà suffisamment de défaut comme ça sur le plan sexuel pour en ajouter davantage.

Les frites étaient bonnes, la viande aussi, et il n’y avait pas meilleure façon pour accueillir un texan chez soi. Pedge se régalait. Elle appréciait aussi qu’on ne lui posait pas trop de question. Elle prenait ses marques, sans trop parler, comme à son habitude. Néanmoins, elle avait une oreille qui trainait et elle n’hésitait pas à répondre ou participer si on la sollicitait, quand elle n’écoutait pas les anecdotes et autres histoires intéressantes. Tout était nouveau pour elle. Un autre monde commençait à s’étaler devant ses pieds. Et c’était grisant, elle devait bien le reconnaître. Son humeur augmentait de façon positive.

La militaire observait le petit jeu des deux filles, étant donné qu’elle était calée entre ces deux-là. Elle ne comprit pas tout de suite qu’elles essayaient de déterminer laquelle des deux allait lui poser une question plutôt personnelle. Question qui tomba sur sa bague. Machinalement, Pedge la caressa du bout des doigts. Isia avait dû répondre à son mail d’ailleurs…

« Ni l’un ni l’autre. » Elle savait qu’elles ne se satisferaient pas de cette réponse, aussi expliqua-t-elle un peu. « C’est une amie qui me l’a offerte suite à un pari. Nous avions passé la soirée de la saint Valentin ensemble, et c’était pour simuler un couple que nous ne sommes pas vraiment. » Et pourtant, elle l’affichait et la gardait, comme un lien d’appartenance à la chirurgienne. Elle la fit tourner distraitement entre ses doigts. C’était un peu la seule chose qui la rattachait à Atlantis désormais. Elle espérait avoir comblé leur curiosité, néanmoins elle s’attendait à quelques réactions. Elle comprenait que c’était atypique comme « cadeau », surtout quand il était porté.


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Jeu 9 Nov - 12:14

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Equipe soir:



Les âmes soeurs parurent déçues l’espace d’un instant.
Elles s’attendaient à une histoire beaucoup plus palpitante, comme un déclaration d’amour enflammée au beau milieu de la cité, avec une demande en mariage et une romance bien ficelée. Mais non. Un cadeau ? Cadeau qui se plaçait à l’annulaire et qu’elle ne retirait pas ? Pire encore, Pedge jouait avec en expliquant une mise en scène plutôt étrange. Les deux jeunes femmes se penchèrent en arrière pour s’échanger un regard en ayant eu exactement la même pensée. C’était plutôt original et très romantique comme façon de faire : “On est pas ensemble hein, c’est une blague, juste un délire...mais on garde la bague au doigt...et du coup...ben on est ensemble…”
Matty et Katleen rièrent de bon coeur face à la même déduction. C’était plutôt mignon et attendrissant comme situation. Pour elles, c’est comme si Pedge se trouvait une excuse pour ne pas assumer directement, envers elle-même et les craintes qu’elle pourrait avoir, son attirance pour son élue. Elles répondirent à sa confidence en entrant dans son jeu.

« C’est génial comme relation, je trouve. » Fit Matty en lui donnant un petit coup d’épaule complice. « La simulation a dû te plaire... »
« Elle est jolie ta “fausse” petite amie ? Tu as une photo à nous montrer ? »
« Ce n’est qu’un jeu entre deux personnes adultes, ce n’est pas ma petite amie, fausse ou non. », répondit Pedge du tac au tac, même si elle se sentait gênée sur le moment, surtout que les deux filles ne semblaient pas dupes. Mais la texane faisait tout pour le dissimuler, d’ailleurs, elle rangea ses mains sous la table. « Oui elle est jolie mais je n’ai pas de photo à vous montrer. ». Ce qui n’était pas faux. Elle comprenait que les deux filles se gargarisent de sa réponse un peu bancale, qui ne demandait qu’à poser des questions supplémentaires. « Elle est libre de faire ce qu’elle veut et moi aussi. Voilà tout. », finit-elle par ajouter, se sentant obligée d’apporter des précisions, mal à l’aise. Elle ne s’était pas fermée, assumant parfaitement de papillonner comme elle le voulait. Elle sentait qu’elle allait avoir le droit à d’autres questions, et c’était de bonne guerre.

« Voilà tout... » Répéta ironiquement Kate.
Elle lui fît un clin d’oeil avant d’ajouter : « J’ai bien l’impression que ton histoire n’est pas aussi banale que tu le prétends.»
« Ouais, tu minimises un max, Pedge. T’es grillée... »
« Et pas de photo ? Dommage. Tu verras pas celle de mes enfants... » Fit-elle en feignant une gros chantage plutôt bancal. La concernée haussa des épaules, ne sachant pas trop quoi répondre qu’une attitude parfaitement innocente.

Kate et Matty n’étaient pas moqueuses. Elles trouvaient ça très original et le malaise de leur nouvelle amie les amena à ne pas poser plus de questions. Matty avait simplement glissé à l’oreille Pedge, comme en guise de conclusion : « Tu n’es pas sauvée, Pedge. On en reparlera forcément ! »
« Quand vous voulez les filles, je n’ai rien à cacher », fit-elle avec un clin d’oeil. Le malaise passait tranquillement. Cela ne tenait pas vraiment à leur question, mais plutôt à celle que les interrogations des deux amies suscitaient en son for intérieur. Au final, elle était bien en peine de définir la relation qu’elle entretenait avec la doctoresse, et elle se rendait compte qu’elle ne souhaitait pas forcément savoir pourquoi elle s’attachait à elle.

Le repas touchait à sa fin. Le comportement de Marta s’était dégradé tout au long du repas malgré ses différentes conversations. Son regard nerveux et colérique se posait souvent sur Pedge sans qu’elle ne prononce le moindre mot. Le chef semblait s’en être rendu compte mais il n’était pas intervenu tout de suite. Il savait pourtant que sa technicienne était une vraie bombe à retardement. Assis en bout de table comme un patriarche, occupant un siège apparement incontesté, Gallen Tyrol préparait les affectations pour la vague de réparation suivante. Malgré l’environnement joyeux et bon enfant, une pression de plomb s’était soudainement abattu sur tout le monde. Gallen se racla la gorge et prit la parole. Il se leva en posant son casque au milieu de tous en s’exclamant :

« Allez les enfants, toutes les bonnes choses ont une fin. C’est l’heure... »

Tous les hommes démontèrent tranquillement la seconde plaque de leurs dog tag sans broncher : celle que l’on retirait à la mort d’un soldat. La lenteur de leur geste et le silence gênant témoignait d’une anxiété très intense mais que tous dissimulaient. Quelque chose qui était loin d’être exagéré et que Pedge ignorait totalement les concernant. C’était comme s’ils étaient soudainement devenus des soldats condamnés à mener une attaque impossible. La même tension tirait leurs traits. Les uns après les autres, ils placèrent leur plaque dans le casque de protection de Tyrol. Chaque choc de plaque produisait un son métallique qui ressemblait étrangement à des pièces de monnaies tombant dans une tirelire.
Katleen donna une tape sur l’épaule de Pedge et secoua négativement la tête.

« Non, toi, tu gardes tes plaques. »
Cette phrase déclencha soudainement la colère de Marta. Comme si c’était l’étincelle attendue dans la poudrière nationale. Le cataclysme du siècle était en route.
Matty développa sans se rendre compte de ce qu’il se tramait :
« Ca va te paraître très glauque mais généralement, quand on perd quelqu’un au boulot, on ne retrouve plus grand chose de lui. »
« Faire des réparations sur des dommages et des avaries d’une telle envergure nous exposent à tout un tas de risques. On intervient sur des secteurs qui sont loin d’être sûrs. Et si on le fait pas, c’est le reste de l’équipage qui est menacé. Alors on se choisit par le hasard, c’est un peu devenu notre tradition. » Compléta Lip en déposant sa plaque. Marta l’imita rapidement. Au passage, elle ajouta dans son éternelle provocation et en contredisant totalement les propos de Kate :
« Ouais. Moi j’attends de voir si notre starlette à les couilles de nous suivre face au danger. Vu que certains tirés au sort partiront faire la “valse”...tu n’as qu’à poser ta plaque avec les nôtres, Pedge. » Son regard noir et irritant la défiait clairement. « Après tout, t’es une béret vert en plus d’une sardine. C’est bien comme ça que tu te baladais en allant voir le vieux non ? Les gens dans ton genre, ça pisse toujours plus loin que les autres et ça porte le melon. Alors tu vas nous le prouver... »

Le chef intervint rapidement d’un air sévère :

« Ta gueule, Marta. Tu vas te calmer et la mettre en sourdine tout de suite. Je te rappelle que c’est une volontaire, elle ne sera pas affectée sur les zones à risques. »
« Ouais » Répondit-elle, mauvaise. « C’est bien ce que je pensais. Brillante idée de nous foutre ce boulet dans les pattes, chef. Pile quand on doit passer notre temps à risquer notre peau. Sacré renfort qu’on a là. Perdre Mac, ça suffisait pas ? Il en faut un autre ? »
« Soldat, vous dépassez les bornes ! »

Gallen était devenu le gradé et avait quitté toute notion d’humanité chaleureuse. Quelques collègues tentèrent d’intervenir mais en vain. Tout ça était monté si vite et d’un rien qu’une bonne moitié de l’équipe se contentait d’observer, complètement surpris, la scène qui se déroulait devant eux. Leur voix s’étaient tues contre la montée progressive de la tension entre Gallen et Marta. Elle s’était levée, les mains à plat sur la table, et déclarait d’une voix vibrante de colère et loin de toute objectivité :

« C’est parfait, chef. PARFAIT ! Cette connasse n’a qu’à aller se branler dans les draps de Mac, se taper son rata et se foutre les pieds sous la table en nous attendant. Pendant qu’on court les risques. »

Elle explosa de colère en fixant l’assemblée.

« Mais continuez à la couvrir de vos sourires. Avec vos petits rires, vos bisous et vos caresses. Tas de fayots ! »

Un silence total venait de recouvrir le dortoir. Ils étaient tous atterrés. Marta en pleurait de rage. On aurait cru que Pedge avait été l’élément déclencheur, qu’elle disait tout haut ce que tout le monde pensait tout bas. Et qu’elle seule n’avait pas su tenir.

« Après tout, si on crève comme des cons, on sera vite oublié. En même pas un mois, comme Mac. C’est bien ce qu’il faut en déduire non ? »
« Suivez-moi soldat, j’ai deux mots à vous dire ! »

Gallen était rouge de colère. Il l’embarqua avec lui jusqu’au couloir en laissant le reste de l’équipe dans une ambiance complètement défaite. La plupart tentèrent de retourner à leur occupations ou discussions mais ce fût en vain.

« Elle va vraiment si mal ? » Hasarda Kate.
Franck acquiesça lentement en fixant le reste de l’équipe.
« Elle m’a dit qu’elle le voyait partout...elle n’arrive pas à se le sortir de la tête. »
Peter machouilla son cigare puis soupira dans un grognement de peine.
De son côté, Matty fît un coup d’épaule à Pedge en murmurant :
« Hé, désolé pour ce qu’elle t’a dit. Je voudrais que tu oublies ses conneries, c’est la haine qui parle. Elle est invivable depuis quelques temps. Et pour nous tous... »

Tyrol revint un instant plus tard. Il semblait plus calme et Marta ne le suivait pas. Il l’avait surement envoyé en cellule pour lui apprendre le respect. Mais le problème était beaucoup plus profond et difficile à régler.
Le chef récupéra le casque puis le tendit à Pedge.

« On continue. Pedge, c’est à toi. Une main innocente pour faire le tir au sort. »

Il insista particulièrement sur le mot “innocente”.
C’était sa façon à lui de s’excuser pour l’attaque dont elle venait clairement de faire l’objet.

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Ven 10 Nov - 18:54

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Une ambiance de plomb tomba soudainement sur le groupe quand Gallen sonna la fin des réjouissances. Ils défirent tous leur plaque d’identification, et forcément, pour coller au corps du groupe, la texane commença à en faire de même, un peu curieuse de savoir pourquoi ils faisaient cela, quand Katleen l’en empêcha. L’explication vint de sa comparse. Pedge n’était pas super ravie de se voir mettre de côté et protégée de la sorte, mais elle s’était promise de ne pas faire de vague, aussi préféra-t-elle la fermer… Pour le moment. Elle comprenait néanmoins qu’ils fassent cela. C’était glauque, mais réaliste, et Pedge était seulement en train de prendre conscience de la réalité dangereuse que côtoyait ces techniciens, surtout après le complément de Lip. Elle n’avait pas Marta dans son champ de vision, sinon elle aurait certainement vue que la blonde s’apprêtait à entrer en éruption. Elle commençait à la gonfler d’être la cible facile de son aigreur. Mais sérieusement. Et après on venait lui parler de symbiose d’équipe, comme quoi elle ne devait pas foutre le bordel et tout ça. Sa simple présence était une erreur, alors que pouvait-elle y faire ? La texane se ferma et, plus par crainte de faire la conne, elle alla chercher du regard un élément du décor intéressant pour ne pas la regarder.

Elle commençait vraiment à la saouler. Sa journée avait été éprouvante, elle était loin de son milieu naturel, loin de son affectation de base, elle se retrouvait dans un vaisseau qu’elle ne connaissait que pour l’avoir emprunté quelques fois, et elle portait sur son dos le poids de la culpabilité des morts de son équipage dans un engagement inégal face à trois croiseurs Wraiths. Et maintenant cette pouffiasse lui collait une tartine à la moindre occasion. L’officier préféra intervenir. Pedge ne savait pas si elle était frustrée de cette intervention ou si elle était soulagée, mais cela ne calma pas vraiment Marta qui remit une couche, provoquant l’ire de Tyrol qui avait perdu toute bienveillance à son égard.

Avec toute la volonté du monde, Pedge encaissa la nouvelle charge agressive de Marta, qui déversait sa haine sur elle comme un adolescent le faisait sur un mouchoir. Elle regardait un point dans l’espace, en attendant que ça passe. Gallen avait pris les devants, et elle ne pouvait pas le supplanter. Mais elle avait une furieuse envie de se barrer, et bien malgré elle, elle se crispa, la mâchoire verrouillée. En fait, elle avait surement raison, la Marta. Elle n’était qu’une usurpatrice. Non seulement elle était responsable des avaries et des morts, mais en plus de ça, elle venait dans une équipe de technicien prendre la place d’un mort qu’elle avait tué indirectement. Elle n’écoutait plus vraiment ce qui se passait dans le dortoir. Ses oreilles sifflaient. Elle en voulait à Caldwell. Au final, elle avait demandé à démissionner et à être jugé, et il avait refusé la première demande. Par contre là, il satisfaisait la seconde. Il l’avait placé dans une équipe lésée par ses actions sur la Magna, par son bavardage à cette reine, et elle prenait en pleine face toute sa culpabilité. C’était parfait. Absolument parfait.

Pedge était plus seule que jamais, et sa tourmente ne faisait que commencer. Elle avait pris la décision d’être transparente, et après l’évènement Marta, il aurait certainement été plus sage de la fermer, mais au point où elle en était… Elle laissait les membres de l’équipe, qui n’était, au final, pas la sienne, divaguer sur le sujet maintenant que Marta était partie en compagnie de Tyrol. Pedge restait mutique, et elle n’eut aucune espèce de réaction quand Matty tenta de rattraper le coup.

La goutte d’eau vint de Tyrol et de sa putain de main innocente. Un violent tremblement la parcouru, tandis qu’une peur sauvage s’emparait de ses tripes. Elle devait leur dire, et, elle devait bien se l’avouer, elle avait les pétoches. Elle se condamnait volontairement, en se jetant en pâture aux lions en affirmant haut et fort qu’elle était une gazelle.

« Marta à raison. Je ne mérite pas d’être ici. », commença Pedge sombrement, n’esquissant pas un mouvement pour saisir une plaque. Elle ne savait pas trop comment tourner la chose, et après une inspiration lente par le nez, elle présenta les choses comme elles lui venaient dans la tête : « L’embuscade Wraith contre le Dédale n’était pas un hasard. » Comme toujours lorsqu’il s’agit d’embuscade. Elle gardait une mine résolument neutre. « Ils ont eu des informations, et c’est moi qui les leur ai données. Je suis responsable directement des morts et des avaries. » Elle baissa les yeux, provoquant l’échappée de sa mèche de cheveux qui vint se placer devant son visage. Elle la remonta derrière son oreille un peu nerveusement. En fait, elle était à deux doigts de perdre toute contenance. Elle ajouta néanmoins, faisant preuve d’une maîtrise et d’un sang-froid exceptionnel. « Ce matin, la sardine que je suis, est allée démissionner. Le colonel Caldwell a refusé ma démission et m’a envoyé ici. Je voulais être jugée par un tribunal militaire, et maintenant je comprends que ça ne devait pas lui suffire. Donc j’accepte que ce soit ses propres hommes, sa famille, qui me juge. »

Le silence était pesant, et désormais, Pedge attendait les réactions. Elle ne pouvait faire que ça. Elle ne pouvait pas se lever et s’en aller. Ce serait une insulte de plus à l’ensemble de ces hommes et femmes. Non, elle devait faire face, accepter son châtiment. Il n’y avait rien de plus terrible que de se faire juger par ses pairs dans l’armée. Pas par les pontes qui pouvaient se trouver dans un tribunal militaire, non, par ceux qui faisaient le sel d’une armée, son corps, son âme, sa vie. Les gars du rangs quoi.

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