Tentative de fuite

Je fus surpris d'entendre les propos d'Esfir, j'étais loin d'imaginer qu'encore aujourd'hui, la jeune femme avoue être du genre à s'envoyer en l'air avec le premier venu. C'était rare d'entendre une femme dévoiler ce genre de chose. Personnellement, je m'en fichais pas mal qu'elle folâtre à droite et à gauche, elle faisait ce qu'elle voulait. Et j'étais persuadé qu'elle n'était pas la seule sur Atlantis à agir de la sorte. Tomber sur la bonne personne lors de la toute première rencontre avec quelqu'un, il n'y avait que dans les films qu'on voyait ça. Esfir avait l'air gêné d'en dire autant, elle s'en voulait sans doute d'avoir la langue bien pendue.

"Je n'ai pas à avoir d'opinion à votre sujet. Vous êtes adulte, vous êtes libre de faire ce que vous voulez. Ce n'est pas parce que vous êtes une femme que vous devez obligatoirement vous consacrer entièrement au premier homme qui partage votre lit. Vous vous faites plaisir comme vous le voulez ..."

Je m'interrompis quelques secondes, avant de poursuivre, cherchant à réconforter la jeune femme sur l'opinion qu'elle croyait avoir à mes yeux.

"... jusqu'à ce que vous trouviez la bonne personne. Beaucoup sont comme ça, je vous assure. Moi, j'estime que ça ne fait pas de vous une salope. Après tout, on ne dit pas d'un mec qui fait la même chose que c'est un salaud. Vous êtes juste quelqu'un qui adore s'envoyer en l'air, mais ça ne fait pas de vous un horrible monstre".

Je souris à Esfir, du même sourire charmeur qu'elle avait vu toute à l'heure, sans que je le veuille.

"Votre dernière relation a duré une semaine ? Ma dernière à moi a duré ... quoi ... trois heures peut être !? Oui, c'est ça. Et en plus, dans un placard à balai. Elle n'était pas terrible, depuis je la fuis. C'est un vrai pot de colle" lui lançai je sur un ton amusé, pour lui montrer qu'elle n'était pas la seule à être étrange.

Ah, une autre fan d'Harry Potter. Cela faisait du bien à entendre. Etant adulte, c'était plus difficile à caser dans une conversation. Au moins, Esfir n'avait pas explosé de rire en apprenant que j'avais bien aimé le célèbre petit sorcier à lunettes. La russe avait finalement une âme d'enfant, un peu comme moi de temps en temps. La vue d'un fondant au chocolat était une autre preuve d'ailleurs. Esfir souhaitait désespérément avoir ce dessert, mais visiblement, elle n'était pas vraiment emballée par mon marché. La jeune femme tenta même un autre marché dans lequel je serais plus perdant que pour l'autre. Son air innocent et angélique me fit rire, ce petit bout de femme était vraiment amusante.

"Ah oui ? Moitié moitié contre la garantie que vous ne vous sauverez pas tant que je suis là ? Mmmmhhhh ... je sens la grosse arnaque, là" lui dis je en souriant.

Gardant toujours le fondant dans la main, je la dévisageai.

"Que j'accepte ou pas, vous ne pourriez pas partir d'ici tant que je suis là. Déjà d'une, parce que moi, je vous en empêcherais. Et de deux, parce qu'Arès vous barrera la route également. Et ne comptez pas sur vos yeux doux ou les grattouilles pour le faire obéir cette fois ci".

Esfir pensait vraiment que j'allais accepter son marché ? Elle avait tenté le coup ... mais elle avait perdu.

"Bon. Puisque visiblement, mon marché ne vous tente pas, je pense que je vais dévorer ce délicieux gâteau qui ne demande qu'à être mangé".

Tout en parlant pour tenter Esfir, je jouai avec la cuillère, prêt à découper un morceau pour le savourer devant la russe.

Entendre parler de mes exploits dans un placard à balai parut intriguer Esfir, et même l'amuser. Lorsqu'elle répéta ce passage de ma réponse, je lui souris en haussant les sourcils.

"Oui ... enfin ... pas trois heures d'affilé. On a fait des pauses, on est revenus plusieurs fois dedans. Je n'avais rien à faire pendant un après midi, et elle avait le droit à plusieurs pauses dans son travail, alors autant en profiter à fond. Et ... ça prend du temps de faire plusieurs positions, vous savez ? On a eu de la chance de ne pas s'être fait prendre, cela aurait été embarrassant".

Je ne pus m'empêcher de me montrer taquin à ce sujet, cherchant à amuser davantage la jeune femme.

"Je sais qu'un placard à balai, ce n'est pas très ... romantique. Mais quand vous avez envie, vous aller dans le premier endroit que vous trouvez, non ?"

Bon d'accord, ce lieu n'était pas très approprié pour une relation physique, mais les quartiers étaient si loin. Et puis, pour faire une petite affaire de temps à autre, l'endroit idéal n'était pas une priorité. Du moment que personne ne regardait, c'était le principal. Et je n'étais pas du genre à avoir besoin d'un lit pour faire un peu de sport de ce genre.

Par la suite, après une discussion sur des ouvrages littéraires, un nouvel élément débarqua dans la salle, et mit à rude épreuve la patience et la gourmandise d'Esfir. Après une tentative de marché non accepté, la jeune femme parut vexée que je refuse son deal, et la voilà devant moi, entrain de bouder comme une enfant à qui on aurait privé de dessert. Mais c'était une feinte, car à peine avais je baissé les yeux que la jeune russe s'empara du pauvre petit gâteau avant qu'il ne soit dégusté sous ses yeux.

Alors que sa réaction me fit éclater de rire, il y en eut un dans la pièce qui n'était pas du même avis. Arès se mit alors sur ses pattes, et commença à grogner, montrant les crocs en direction d'Esfir. Sa réaction était typiquement défensive, pour lui son maître venait d'être agressé. Il voulait donc le défendre par instinct et automatisme. Et même si la jeune femme l'avait grattouillé juste avant, cela n'avait aucune importance pour le chien de défense qu'il était. Il revenait à son rôle premier : me protéger de n'importe quelle attaque. Et si je n'intervenais pas, il serait capable de bondir sur Esfir.

"Arès, couché !" lançai je sur un ton ferme.

Aussitôt, mon chien cessa de grogner, et se coucha à nouveau. Je regardai alors Esfir.

"Vous avez risqué gros de faire ça devant lui. Il est là pour me protéger en toutes circonstances. Vous auriez pu perdre votre main".

Je caressai la tête du chien qui était redevenu calme, puis je reportai mon attention sur la jeune femme.

"J'ignorais que vous étiez aussi fourbe".

Mes paroles n'avaient pas été dites sur le ton du reproche ou de la critique. Au contraire, je souriais, j'étais amusé. Voir Esfir dérober un petit gâteau au chocolat que je menaçais de manger devant elle, exactement comme une enfant l'aurait fait, c'était plutôt drôle à voir. Et comme je n'avais eu aucune envie de le manger sous ses yeux, cela ne me dérangeait pas qu'elle me l'ai volé. Je me laissai aller contre le dossier de la chaise, les bras croisés sur mon torse.

"Si j'avais emmené tout un paquet, je parie que vous auriez tout pris. Et vous auriez fait une indigestion".

Je regardai Esfir avec beaucoup d'étonnement. L'entendre aussi libérée sur un tel sujet était surprenant. Cependant, je n'en fus pas choqué pour autant. Avec mes potes, on parlait de choses pires que ça. Bon d'accord, entendre ce genre de propos de la bouche d'une femme était plus rare, mais paraissait il que les femmes étaient pires que les hommes quand le sexe était le sujet de conversation, non ? Je souris à ses remarques, amusé. Elle avait beaucoup d'imagination, dit donc.

"Bonne idée, le tronc d'arbre. Avec une balade en forêt, ça permet de faire ça n'importe où. Et sur la plage, vous avez déjà essayé ?"

N'empêche, la jeune femme avait des idées intéressantes. Ce qui augmenta mon amusement, tandis que je me prêtais à la conversation pour continuer de détendre l'atmosphère.

"Un jumper ? Ca peut être sympa. Mais il faut tomber sur un partenaire pilote".

Je levai les yeux, en prenant un air rêveur, imitant parfaitement Esfir qui avait eu cet air quelques secondes plus tôt.

"Quoi que ... un plan à trois ... ça peut être intéressant !"

Je souris à Esfir, voyant qu'elle venait enfin de se détendre, et de faire abstraction de cette panique qui l'avait envahi, avant de passer à autre chose. D'abord une discussion sur les livres, puis une démonstration de force avec la pire chose pour la russe : la gourmandise.

Et comme la jeune femme n'accepta pas ma proposition, ou plutôt ce qu'elle considérait comme un chantage, Esfir commit l'acte ultime : le vol de petit gâteau au chocolat. Tout ça sous les yeux de mon chien qui prit ce geste comme une agression sur son maître. Et si moi, j'étais amusé par le pseudo vol de la russe, Arès lui ne réagit pas pareil, et se montra agressif à son égard. Lui à qui Esfir avait fait des caresses un peu plus tôt, le voilà redevenu le chien de défense qu'il était, protégeant son maître. Même une fois calmé, comme si rien ne s'était passé, la jeune femme parut choquée, vu son comportement apeuré et intimidé. Elle me tendit aussitôt son larcin, comme une enfant prise sur le fait après avoir commis une bêtise. Elle m'avoua même que son intention n'avait pas été réellement de me voler, mais de partager le dessert.

"Lui, il ne le voit pas de cette manière".

Le ton de ma voix ne contenait pas de colère. Je n'étais pas furieux contre Esfir, mon précédent rire l'avait démontré. Mais l'attitude d'Arès avait refroidi la jeune femme. Je pris le gâteau qu'elle me tendait, remarquant qu'elle n'osait plus avancer la main, de peur que le chien ne s'en prenne à elle après sa démonstration de force.

"Je me doutais que vous avez fait ça pour plaisanter, mais pour lui ..." dis je en regardant Arès qui était redevenu sage comme une image.

"Il n'est pas un gentil animal de compagnie. C'est un chien entraîné pour la défense, et il sait se montrer agressif quand il le faut".

Esfir venait sûrement de se rendre compte que Arès n'était pas un gentil nounours en peluche, malgré toutes les bonnes intentions qu'il avait eu pour elle. En réalité, il avait juste obéis aux ordres donnés. Je lançai un sourire réconfortant pour la jeune femme, voulant la rassurer sur le fait que mon chien n'allait pas lui bondir dessus pour la mordre, puis je coupai le gâteau en deux. Je lui tendis une part, ainsi que la petite cuillère.

Esfir avait raison, le sable pouvait être désagréable quand on était allongé dessus, surtout sans vêtement. Il valait donc mieux aller dans l'eau pour passer un bon moment, et imaginer cette scène me fit sourire, amusé. La jeune femme réagit lorsque j'avais mentionné le plan à 3, elle était drôle cette technicienne. Mais j'étais d'accord avec elle sur un point dans ce scénario.

"C'est vrai, je n'aime pas non plus les plans à trois. J'aime avoir l'exclusivité, et comme vous, je ne suis pas partageur".

Esfir suggéra alors l'idée qu'elle avait appris quelques notions de pilotage, et que par conséquent, pas besoin d'une troisième personne pour faire un peu de sport dans un jumper. Sa remarque me plut, et mon sourire s'agrandit tandis que je regardai la rouquine avec un air séducteur.

"Vous avez appris à piloter ? Très intéressant ..."

Je laissai volontairement ma phrase en suspend, sans en dire davantage. Esfir jouait la carte des sous entendus, alors je me montrai taquin à son égard. Puis, je finis par rire, amusé de voir jusqu'où notre conversation avait dérivé. Au moins, cela avait changé les idées de la jeune femme. Puis, nous parlâmes d'autres choses comme de la lecture, avant de frôler l'accident avec un vol de gâteau, suivi par une tentative de protection sur ma personne de la part de mon chien de défense, ce qui effraya Esfir en la ramenant sur terre à son sujet. Pour la réconforter, je partageai le gâteau avec elle.

"Il fait ce que je lui demande. Je lui avais ordonné de vous protéger, alors il l'a fait. J'ai mis du temps à parfaire son dressage, mais je pense avoir bien réussi".

Tout en mangeant ma part, je regardai Arès qui semblait savoir que je parlais de lui. Il me fixa à son tour, remuant légèrement sa queue. Je caressai doucement sa tête, avant de continuer à manger. Puis, une fois que mon repas fut enfin terminé, je remarquai qu'il se faisait tard.

"Je crois que je devrais vous laisser, vous avez besoin de repos".

J'attrapai le sac vide, avec les emballages mis à l'intérieur, et je me levai de ma chaise. Aussitôt, Arès se leva et se dirigea vers la porte de la chambre.

"Vous ne vous sauverez pas cette nuit, n'est ce pas ?"