Le deal à ne pas rater :
Cdiscount : -30€ dès 300€ d’achat sur une sélection Apple
Voir le deal

La ruine d'Amarielle

 :: Galaxie de Pégase :: Planètes explorées
Aller en bas

Invité
Invité

Mar 22 Déc - 22:18

avatar

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna


« Et vous devez le battre de cette façon. Le mélange doit être très homogène, compris ? Très homogène ! »
« Tu me passes les oeufs ? »

Autrefois, quand il était gamin, le dimanche soir le rendait toujours un peu triste. C’était la fin d’un week-end de jeu et de loisir, le début d’une semaine de galère. Surtout lorsqu’il regardait les dessins animés, le fameux bip-bip et coyote, et tout ce que son esprit d’adulte avait effacé depuis.

Il fallait avouer que ce dimanche soir ne faisait pas exception à la règle. Ils avaient à peine repris le cours de leur vie depuis que ce fameux commandant avait été déchu et - contrairement à la pensée générale - il y avait une masse de boulot à abattre. Pour faire simple, il fallait récupérer le retard tout en ramassant les pots cassés de ce tordu.

Heureusement, plusieurs aspects des divertissements d’Atlantis n’avaient pas été interrompus. Au contraire, avec tout ce chambardement, c’était même nécessaire de pouvoir évacuer un peu. Lyanna se remettait encore de ses violentes bagarres contre les gardes. Son vœu d’apaiser sa haine contre le genre masculin avait fait retour à la case départ.
Non...en jetant un coup d'œil dans sa direction, il rectifia sa pensée. C’était même trois pas en arrière.

Darren pensait que cette haine ne disparaîtrait jamais. Ce n’était pas une tare. Plutôt comme une séquelle de la vie d’antan de sa compagne. Il fallait se faire une raison.
Parce qu’il en éprouvait secrètement le besoin, Darren essayait de construire des petits moments de couple que ces derniers événements avaient empêché. Là, ce dimanche soir en l'occurrence, il avait réussi à la convaincre pour le club de cuisine. Avec ses tactiques de fourbe et sa façon d’argumenter, il avait réussi à faire entrer cette barbare dans une salle de cuisine avec une bonne trentaine d’Atlantes.

Ses multiples refus, à l’origine, s’étaient brisés lorsqu’il lui avait tendu le formulaire. Dessus, elle avait pu y lire le sujet de l’enseignement : brownie au chocolat noisette. Avec des produits issus de la Terre, ce qui avait rendu les places très chères.

Donc, Darren et Lyanna se tenaient devant leur plan de travail, suivant précautionneusement les instructions du maître cuisinier.
Darren réceptionna le bol contenant les œufs que sa belle avait cassés. Mais pratique de barbare oblige, et parce que Madame prétendait ne pas être une cuisinière sur sa planète, elle avait broyé les coquilles en laissant des fragments dans tous les sens. Vu son regard innocent, elle ne trouvait pas que c’était un problème.
A moins que ce soit une stratégie pour chaparder un nouveau carré de chocolat dans le bol beaucoup trop proche de sa main. Foutue gourmandise !

« Darren. Ne me forcez pas à mettre ma menace à exécution ! »

Sa belle Amazone était intenable.
Du vrai chocolat au lait issu de la Terre, première qualité pour la pâtisserie…
Ca c’était plutôt mal passé la dernière fois qu’elle avait mis un pied en cuisine. Le maître d’apprentissage étant un homme qui n’hésitait pas à dire ce qu’il pensait. Alors quand il avait harangué Lyanna parce qu’elle avait fait cramer le lait, elle avait pris ça pour une agression. Ça n'était pas passé loin du désastre.
Pour avoir une place ce soir, le militaire avait promis que sa femme se tiendrait à carreau. Ça passait nécessairement par l’obligation de ne pas piocher dans les matières premières. A la prochaine incartade, ils se faisaient tous les deux virer du cours de cuisine. Mais puisque Lyanna se fichait des règles édictées par un mâle...

Un air réprobateur voila son regard tandis qu’il fixait sa compagne. Elle tenait encore l’objet du délit en main, le cadavre chocolaté marqué d’un coup de croc bestial. Avant qu’elle ne puisse récupérer un autre morceau de chocolat, consciente que Darren allait faire passer le ramequin de son côté de la table, elle tenta d’en prendre un autre.
Le soldat fut plus rapide. Il posa son torchon dessus, dans l’espoir qu’en ne le voyant pas, l’appel à la gourmandise cesserait.

« Je gère ! » répondit-il au maître cuisinier tout en défiant Lyanna du regard.

Dans le fond, il comprenait son comportement.
Depuis qu’elle avait été emprisonnée par les gardes, ils avaient cherché à l’affamer, à ce que le manque de vivre, d’eau et de soin la rendent folle. Qu’elle craque et accepte de retourner sa veste. C’était la technique du fameux commandant. Et elle avait subi ce traitement depuis plus longtemps que lui.
Ensuite, le temps qu’Atlantis s’assure que ses stocks n’étaient pas épuisés, empoisonnés ou plein d’autres trucs dans le genre, ils avaient connu une sorte de rationnement.
Le retour à la normale, concernant les douceurs et les friandises, ne s’était produit que très récemment. Autour dire que son amante se fichait parfaitement du brownie puisqu’elle avait un accès anticipé à un chocolat de qualité.

« Passe-moi la farine au lieu de provoquer le cuisto ! » marmonna-t-il plus bas.

Lyanna soupira, avant de s'exécuter en donnant le verre doseur dans lequel se trouvait la bonne quantité de farine.

"D’accord" dit-elle sur un ton las.

Darren continua la préparation. Au moment de placer le beurre et le chocolat au micro-onde, il croisa le regard de Lyanna. Une barbare sanguinaire, vêtue d’un tablier et d’une charlotte - accessoirement sa femme - lui faisait les yeux de biche. Sans mot dire, elle le lorgnait longuement.

« Arrête ! Ça devient super gênant, là ! Ca ne marche pas ! »

En fait, ça marchait complètement. Et Lyanna savait très bien comment s’y prendre pour faire craquer son partenaire. Elle lui lança un regard qu’elle avait vu une fois dans un film, et qui avait fait fondre tous ceux qui l’avaient regardé dans la salle : le Chat Potté du film Shrek, un film très curieux car il était différent de tous ceux qu’elle avait vu depuis. Imaginez la détresse de Darren lorsque ce dernier avait dû lui expliquer le concept d’images de synthèse. Mais la chose qui avait marqué davantage Lyanna avait été ce regard attristé et suppliant qu’elle s’amusait à reproduire quand elle voulait quelque chose. Comme en cet instant.

"S’il te plait ! Juste un !"

A force de le fixer comme ça, le jeune homme finit par céder. Ses épaules se voutèrent puis il rouvrit le micro-onde pour prendre un carré de chocolat.
Il le fit glisser vers Lyanna, espérant être discret.



Lyanna croqua le carré de chocolat, un sourire aux lèvres. Cette simple scène gonfla le cœur de Darren qui lui sourit en retour. Malheureusement, le cuisto les avait grillés et sa voix ne tarda pas à changer l’expression de Lyanna.

« Clive. Vous et votre amie, vous sortez. Je vous avais prévenu ! »
« Et merde... »

Le mâle cuisinier voulait la priver définitivement de chocolat. Et ça, elle n’appréciait pas. Si Darren n’avait pas été là, elle lui aurait sauté dessus toutes griffes dehors. La jeune femme leva les yeux au ciel, se sentant agresser une fois de plus.

"Ca va, ce n’est pas la mort ! Ce n’est qu’un simple carré de chocolat, tu en as plein d’autres !"

Décidément, il valait mieux empêcher Lyanna de prendre la parole. Car excepté envenimer la situation, elle était très loin d’être diplomate avec un homme. Darren grimaça. Sa compagne ne connaissait pas la teneur de leur dernière discussion pour pouvoir revenir au club. Le cuisto voulait un minimum de respect, ce qui semblait légitime. Il lui avait pourtant demandé de jouer le jeu. Mais l’Amazone était toujours aussi impulsive.

"Il est tombé par terre, on n’allait pas le mettre dans le gâteau, ni le jeter" dit-elle en mentant effrontément, ignorant si le cuisinier allait croire cette histoire ou non.
« Dehors ! » cracha le cuisto en désignant la porte.

Tout autour d’eux, on les fixait avec un mélange de mépris et de reproches. Ils représentaient les éléments perturbateurs dans un moment de partage et de convivialité. En gardant la tête froide, le soldat savait que ça pourrait desservir sa compagne d’insister. Elle ressortait tout juste d’une sanction disciplinaire avec la construction d’une route. Son comportement dans le camp Delta ne lui avait jamais été reproché mais il savait de source sûre qu’on avait parlé d’elle dans le milieu. Pendant son absence, elle s’en était donnée à coeur joie dans le camp, s’attaquant aux militaires renégats dès qu’elle en avait la force ou l’occasion.
Si elle se rebellait pour deux carrés de chocolat, elle se plaindrait d’avoir Ridding sur le dos le lendemain.
« Allez, viens. » coupa Darren en lui prenant la main.

Sans attendre, il l’attira dans son sillage sans relâcher son emprise. C’était un acte délibéré, il espérait que son contact la calmerait un peu. Et en l’entrainant si vite sans la relâcher : il se garantissait le fait qu’elle n’embarquerait pas le reste du chocolat sous le nez du cuisto. Il avait bien fait, car Lyanna s’apprêtait à ouvrir le micro-onde pour récupérer le bol entier. Mais elle n’en eut pas l’opportunité tant Darren la pressait de s’éloigner, pour le plus grand désaroi de la jeune femme. Ensemble, ils quittèrent la salle du club de cuisine et sortirent dans le couloir.

Lorsque la porte se ferma dans leur dos en produisant un bruit électronique, Darren se tourna pour fixer son amante, essayant de ne pas trop l’accabler de reproches silencieux. Encore un souvenir de couple foutu à la poubelle. L’amour, ça rendait sacrément patient.

« Ca va, ce n’est pas la mort... » répéta fidèlement Darren en enlevant sa charlotte.
Il se mit à sourire, c’était une expression typiquement Atlante.
« C’est April qui t’a appris ça ? » questionna le soldat sur fond de déduction.

Lyanna retira son tablier, vexée d’avoir été expulsée du cours de cuisine pour quelques carrés de chocolat. Comment allait-elle faire pour en manger, maintenant ?

"Oui, elle le dit souvent".

La jeune femme soupira.

"Elle dit aussi autre chose … heu … il n’y a pas mort d’homme … mais je ne veux pas dire cette phrase !"
« Normal...vu que tu rêves de buter la moitié de la population d’Atlantis. » répliqua Darren avec un air aigre.

Lyanna regarda Darren, avant de baisser les yeux.

"Tu m’en veux ?"
« Non. » mentit Darren.
Il enveloppa sa taille d’un bras avant de la guider tranquillement vers les digues. Une petite marche s’imposait. Il avait remarqué que l’espace et l’air marin la rendait toujours un peu plus à l’écoute.
« Mais bon...les cours de salsa, tu as pas aimé que le prof te dise que tu étais aussi raide que ton épée. La cuisine, on s’est fait viré pour de bon. Tu as failli flinguer le mec qui a posé pour le cours de dessin. Franchement... »
Darren haussa des épaules.
« A ce rythme, on ne voudra plus de nous nulle part. Le but, ce n’est pas de s’isoler des autres comme des ermites... »

Lyanna se blottit contre Darren tout en marchant, passant elle aussi son bras autour de la taille du soldat. Elle avait déjà vu des couples marcher ainsi, elle reproduisait naturellement ce geste. Ce n’était pas pour lui déplaire, Lyanna prenait de plus en plus d’assurance dans son couple.

"Je sais, mais ..."

Elle soupira.

"Ces mâles m’ont énervé ! Tu sais bien que je n’aime pas qu’un mâle me fasse des reproches !"

Lyanna était vraiment têtue quand elle s’y mettait. Elle savait que Darren faisait de gros efforts pour tenter de la sociabiliser avec les autres, mais le chemin était difficile. Et si la sanction qu’elle avait eu avec la création de la route avait permis à la jeune femme de se calmer un peu vis à vis de la gente masculine, ce qui s’était passé depuis avec le Commandant, et le camp Delta avait tout réduit à néant, même si Lyanna n’avait encore tué personne. La guerrière s’arrêta et se plaça au bord de la digue, en regardant les vagues qui s’écrasaient sur le métal.

"Trouves moi des activités où il n’y a que des femmes !"
« Ce serait trop facile. »

Il se plaça à ses côtés, se prêtant à la même observation.

« Il faut que tu progresses. Je ne vais pas te forcer à aimer la gente masculine. Mais il faut que tu puisses vivre en communauté... »

Il avait eu ce discours trop souvent. Il savait par coeur qu’elle effet ça produisait chez sa compagne. Pour commencer, elle se crispait. Puis elle se détendait légèrement en se rappelant qu’elle n’était pas menacée avec lui. Ensuite elle se disait qu’il avait raison. Et pour finir, sa nature faisait que ça ne changeait pas, même pour les sentiments qu’elle lui portait.

« Au moins un minimum. » rectifia Darren. « Atlantis est une communauté, il faut faire ce minimum pour prouver qu’on peut y vivre. »

Lyanna soupira à nouveau, sans cesser de regarder l’océan. Elle savait parfaitement que son amant avait raison. Un silence pesant s’installa entre eux. Darren savait qu’elle détestait ce sujet et il en avait marre d’avoir toujours le rôle du gêneur. Sauf qu’il tenait à elle et qu’il était amoureux. Il ne pouvait se permettre d’être négligent.

« Bon ben...il y a le club d’astronomie. »

La jeune femme fronça les sourcils en entendant ce terme, et elle tourna la tête pour regarder Darren. Elle avait déjà entendu ce mot de la bouche de certains scientifiques sur la cité, ceux pour qui c’était le métier, mais elle n’avait jamais rien compris à leur charabia. Elle n’y s’était donc pas intéressée. Darren leva le nez pour regarder la magnifique voûte étoilée, imitée aussitôt par Lyanna.

« Avec un outil comme nos jumelles mais en beaucoup mieux adapté, on peut voir plus en détail des planètes, des lunes... »
"Des planètes comme Kirana ? On peut la voir d’ici ?"
Le soldat hésita. Il voulait tout de même la faire rêver un peu, la motiver.
« C’est possible. Elle serait aussi petite qu’une tête d’épingle, comme une étincelle éternelle. » dit-il.

Lyanna ne répondit pas, et observa le ciel avec attention. Comme si elle cherchait où pouvait être son monde parmi les milliards de petits points blancs lumineux. Darren savait qu’il faisait jouer sa curiosité. Il n’acceptait pas l’idée de rester sur un échec, un renvoi qui renforcerait la résolution de Lyanna à l’auto-isolement.

« Et même une étoile filante si tu as de la chance... »

Lyanna regarda à nouveau Darren, sans comprendre.

"Qu’est ce que c’est, une étoile filante ?" demanda-t-elle, ignorant qu’elle en avait déjà vu sur son monde, bien que le terme soit différent.
« Hmmm, je suis sûr que tu aimais regarder les étoiles la nuit. » supposa le militaire. « Et puis un soir, soudain, tu voyais une lueur passer comme une flèche de lumière, très rapide, avant de disparaître.. »
"Oui, je regardais beaucoup le ciel. Les amas d’étoiles avaient des formes, et cela nous permettait de nous orienter la nuit".

Lyanna fronça les sourcils, se rappelant d’avoir vu ce que Darren lui décrivait.

"J’ai déjà vu ça … les traînées de feu … elles ne duraient pas longtemps".
« Et bien le type qui dirige le club pourra t’expliquer le phénomène qui produit les traînées de feu. Il pourra même te dire pourquoi ça ne reste jamais bien longtemps... »
Il la prit amoureusement dans ses bras et joua de leurs proximité dans un mélange d’esquisse de danse et de tendresse. Lyanna vint se blottir contre son amant, passant ses bras autour de sa taille, levant la tête pour le regarder. Darren ajouta d’une voix malicieuse :
« Si tu veux bien oublier une minute qu’il a un truc qui pendouille entre les jambes... »

La jeune femme soupira, elle n’avait pas envie d’oublier le fait que c’était un mâle qui donnait des cours d’astronomie. Et qu’il allait lui parler pour expliquer les choses. Mais c’était visiblement important pour Darren. Lyanna réfléchit quelques secondes, avant d’abdiquer en se mordant la lèvre.

"J’essaierais … mais je ne te promets rien !"
« Tu le feras, tu me le promets... » rectifia-t-il.

Il passa une main dans ses cheveux bruns désormais un peu plus courts. Soit elle avait fait un saut chez le coiffeur volontairement. Soit April et Teyla lui avaient tendu une embuscade pour renforcer sa féminité. Darren en était d’autant plus sous le charme. Lyanna, de base, c’était quelque chose. Apprétée en mode femme, probablement parce que ses amies savaient qu’ils sortaient souvent le soir, il était incapable de se montrer indifférent. Sourcils finement épilés, maquillage discret, avec ses petits yeux doux. Le top du top ! Pas étonnant qu’il lui ait cédé le chocolat.
« Tu es magnifique. » lui dit-il sincèrement, regrettant de ne pas avoir financé un appareil photo pour capturer ce visage séducteur qu’elle lui affichait à ce moment précis. Ces paroles firent sourire la jeune femme, il n’y avait que Darren qui pouvait dire ça sans risquer de s’en prendre une.
« Du coup. » il se racla la gorge. « Vu que TU nous as viré de notre soirée en amoureux. On peut toujours se rattraper à la salle de boxe ou dans la chambre. Disons que... »
Il haussa des épaules, mimant un air parfaitement innocent.
« J’envisage plus la tendresse que la brutalité. »
Darren haussa les sourcils.
« Petit massage ? »

Lyanna ouvrit la bouche pour répondre du tac o tac le combat de boxe, car elle avait bien envie de se défouler avec Darren. Cependant, quand celui ci parla d’un petit massage avec un moment détente dans la chambre, la jeune femme ne sut trop que choisir.

"C’est dur de choisir ..."

La guerrière déposa un petit baiser rapide sur les lèvres de son amant.

"On ne peut pas faire les deux ?"

A son tour, il lui déposa un bref baiser.
« Tu me démontes toujours sous prétexte que tu ne sais pas gérer ta force alors...j’vais avoir les mains qui tremblent sur ta peau douce et délicieuse...et donc tu seras frustrée d’avoir eu un massage de vieillard ! »
Il fit mine d’être tiré en arrière par une force invisible.
« Choisit vite, moi j’m’en vais !!!! »

Lyanna se mit à rire devant l’attitude de Darren, qui l’amusait tout le temps en faisant le pitre. Elle prit ses mains dans les siennes en tirant, comme pour l’empêcher d’être attiré par cette soit disant force invisible.

"D’accord, d’accord, je choisis le massage !"
Darren revint jusqu’à elle, se laissant emprisonner dans ses bras plutôt que par la force invisible. En prenant le chemin de ses quartiers, il déconna une dernière en déclarant d’un air pompeux :
« Tu vois bien, c’est moi qui porte la culotte ! »
"Porte la culotte ?" demanda-t-elle sans comprendre.
« Dans un couple, il y a toujours un dominant et un dominé. Le terme “porter la culotte” désigne le dominant ! »
La fin de son explication s’accompagna d’un rude coup de poing sur sa poitrine. Il l’avait gonflé, fier comme un coq, se pavanant tout en cernant la taille de son amante. Quand il rencontra son regard, il hésita à s’empresser de lui dire que c’était une blague. Evidemment, Lyanna prit cette explication au premier degré. Elle fronça les sourcils.

"Mais c’est moi la dominante, entre nous deux !"
« Ah oui ? On verra si tu dis la même chose quand je me mettrai à chanter pendant ton massage ! »
"Ah non, tu ne chantes pas !"
« Dit-elle en acceptant son rôle de dominée. »
"Hé" lança-t-elle sur un ton faussement outrée, car elle ne pouvait pas berner le soldat.

Parce qu’il l’avait suffisamment taquiné, Darren écarta ses cheveux en chemin et lui déposa un baiser chargé de complicité dans le cou. Il lui rappela qu’il l’aimait, à croire qu’il vérifiait qu’elle ne l'avait pas oublié, puis il rejoignit ses quartiers pour lui offrir un de ces moments détente dont elle était friande. Un long massage de son corps, qui s’organisait d’abord par ses envies du moments, ses expérimentations, ses douceurs. Puis c’est elle qui réclamait les endroits qui méritaient de nouvelles attentions.
Que la soirée se finisse de manière plus active ou non, Darren comptait rester avec elle jusqu’au lendemain. Il se lèverait tôt, prendrait une douche, s’habillerait, et l’embrasserait avant de partir bosser. Bref, une vie de couple qui lui avait beaucoup manqué et dont la redondance avait quelque chose de très agréable. Parce que pendant ses patrouilles, pendant ses moments de pause, il s’occupait l’esprit en se demandant ce qu’il lui ferait découvrir. Darren avait déjà mémorisé trois noms de bûcherons pour acheter le bois de sa première clôture, celle qui délimiterait le terrain de sa future école pour filles sur le continent.

Malheureusement, au beau milieu de la nuit, un appel radio brisa ses rêveries. Le contact doux du corps nu de Lyanna se sépara de lui, ce qui lui provoqua un grognement de mécontentement. C’est pourtant elle qui parvenait à émerger plus facilement et qui récupérait son oreillette pour la lui tendre. Darren trouva la force de se redresser et s'asseoir sur le bord du lit.

//Oui ?......c’est moi, oui…..hm ? Maintenant ?....qui ?//

A la fin de l’appel radio, il se pencha au-dessus de l’Amazone et lui offrit le tendre baiser qu’il lui avait réservé avant son départ au boulot.
« Je file. Dors bien. » lui glissa-t-il avant de déposer un dernier baiser sur son front.
Il ramassa ses fringues, s’habilla dans le noir et se sauva en trimballant ses chaussures. Fatiguée, Lyanna se rendormit aussitôt.





eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Lyanna
Guerrière
Planète Kirana
Bannière perso (image 901x180px) : La ruine d'Amarielle 1562430542-image-profil
√ Arrivée le : 14/07/2018
√ Nationalité : Kiranienne

√ Gène : ATA
√ Messages : 179

Mar 22 Déc - 22:20

Lyanna

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna

Le lendemain matin, Lyanna se réveilla, seule dans son lit. Elle regarda autour d’elle, mais Darren était absent. Le souvenir de son départ en pleine nuit lui revint en mémoire, et il n’était toujours pas revenu. Sur le coup, la jeune femme ne s’en formalisa pas. Après tout, son amant avait été appelé pour le travail, il devait être occupé. Bien qu’elle appréciait être dans son lit, elle consentit à contrecœur à se lever. Mais lorsqu’elle s’assit sur le bord du matelas, Lyanna commença à se sentir mal. Elle avait des hauts le cœur, et elle se demandait si elle ne devait pas courir vers les toilettes en cas d’accident. Victime de nausées, la guerrière respira profondément, mais cette désagréable sensation ne passa pas. Que lui arrivait il ?

Lyanna comprit enfin : elle payait pour sa gourmandise. Darren lui avait déjà dit plusieurs fois de ne pas abuser avec le chocolat, car elle pouvait avoir une crise de foie. Son corps réagissait mal à ce qu’elle avait mangé la veille, et elle en payait maintenant le prix. Toujours nauséeuse, la jeune femme se leva péniblement et alla prendre une douche. Puis, elle quitta ses quartiers et marcha dans les couloirs en tombant sur Teyla. Celle-ci l'entraîna vers le mess pour prendre le petit déjeuner. Mais si l’Athosienne prenait son habituel plateau comme chaque matin, ce ne fut pas le cas de la Kiranienne qui se contenta d’une simple bouteille d’eau. Rien d’autre ne pouvait passer. Lorsque Teyla s’interrogea sur cette absence de petit déjeuner, Lyanna lui expliqua avoir mal au ventre à cause du chocolat ingurgité la veille, ce qui fit sourire l’Athosienne. Celle-ci connaissait également la nouvelle passion de son amie.

Après le petit déjeuner, enfin le vidage de sa bouteille d’eau, Lyanna quitta le mess, laissant Teyla discuter avec son groupe d’exploration habituel, et partit à ses occupations. La matinée était déjà bien avancée, mais elle ne reçut aucune nouvelle de Darren. Cette absence commença à inquiéter Lyanna. Et la seule chose qu’elle fit pour tenter de se tranquilliser, bien qu’elle soit toujours un peu malade, ce fut de se diriger vers les quartiers du D4 pour voir s’il n’était pas là bas. Ou si un membre de son équipe avait de ses nouvelles.

Bien qu’elle n’y trouvait jamais un réel plaisir à part lors de ses sorties entre filles avec April, Lyanna connaissait maintenant le chemin pour s’y rendre. Souvent, elle dormait dans le lit drastiquement plus réduit de la chambre de Darren. Le dortoir militaire avait un confort plus spartiate que ses propres quartiers.
Elle savait qu’il aimait tout de même l’y retrouver en revenant d’une mission éprouvante. Lorsqu’il ouvrait sa chambre et qu’il y trouvait sa belle Amazone. La fois où elle lui en avait fait la surprise, il avait laissé tomber son gilet sur le sol avant de l’enlacer. Il avait été touché par l’attention. Ensuite, ils se partageaient le lit, serré l’un contre l’autre, et ils se racontaient leurs journées de travail respectif jusqu’à tomber raide mort de fatigue.
Darren essayait souvent de convaincre Lyanna d’accepter le D4. Notamment Max qui se donnait du mal pour se faire bien voir et Jim qui comprenait véritablement le conditionnement haineux de l’Amazone. Mais si Jim avait davantage une sorte de respect à distance de la part de la jeune femme, les choses étaient différentes avec Max. Car son comportement n’aidait pas du tout Lyanna à se détendre quand il était là. Certes, depuis leur mission en commun, la guerrière ne l’avait plus frappé, mais elle ne ressentait aucune joie d’être à ses côtés.

De fait, lorsque Lyanna passa sa main sur le connecteur, assurée qu’il y avait du monde en entendant de la musique, elle fut surprise bien trop rapidement par un projectile qu’il la frappa en plein visage. Le contact particulièrement moelleux rendait l’agression plus surprenante que violente. Le tout s’était accompagné de la voix nasillarde et très forte de Max.

« ALORS COMME CA ON FAIT LA MORTE ? » avait-il gueulé comme un putois.

Le projectile ? Un rouleau de papier toilette. Lyanna se frotta le nez, et se pencha pour ramasser l’objet, en fusillant Max du regard.
Ce dernier semblait avoir longuement attendu en embuscade, que le bruit de l’ouverture lui permette de jauger son tir pour surprendre complètement sa cible. Mais lorsqu’il se rendit compte que ce n’était pas la bonne brune qui avait pris la sauce et, qu’en plus, c’était celle qui le détestait : Max se plaqua deux mains sur la bouche comme un garnement pris en faute.

« Ah merde ! Désolé ! J’attendais quelqu’un d’autre ! »

Gêné, il sauta de la table sur laquelle il était perché et vint prendre au plus vite la munition que Lyanna lui tendait. Il fallait croire que faire disparaître la preuve gommerait l’acte en lui-même. Balançant le rouleau d’une main à l’autre, Max se montrait toutefois tellement inquiet qu’il n’avait pas l’air d’avoir peur de l’Amazone.
« Lyanna, tu n’as pas eu de nouvelles d’April ? On est tous inquiet là ! »

Si au début, la guerrière voulut s’en prendre à Max pour avoir osé l’attaquer, elle n’en fit rien, et secoua la tête. Pourquoi le militaire lui parlait d’April ? Elle était là pour Darren, pas pour April.

"Non, aucune. Moi, je cherche Darren".
« Quoi ? Lui aussi il est aux abonnés absents ?!? »
"Oui. Il est parti en pleine nuit, il ne m’a rien dit. Depuis, je ne sais pas pas où il est. Je pensais qu’il serait là".

Le jeune homme s’éloigna en lâchant une plainte douloureuse. Rester ici pour prévenir Jim, dans le cas du retour d’April, le rendait dingue.
« Lui aussi, on a voulu le prévenir. Je croyais qu’il était déjà parti à sa recherche. Oh...sérieux. Je devrais être quelque part, avec un bon P90, à chercher mon amie au lieu de végéter ici. »
Il secoua la tête. Puis une idée lumineuse, ou presque, brilla dans son regard.
« Hé ! » s’écria-t-il en revenant aussitôt sur l’Amazone, qui recula d’un pas comme si elle subissait une agression. « Tu as bien un endroit secret avec April, nan ? Un truc de nana ! Heu...un lieu pour les ongles ! Ou un coiffeur préféré ? Une vendeuse de fringue préférée ? Un endroit où on pourrait la chercher ?? »
"Heu ..."

Lyanna ne sut pas quoi répondre à Max. Un endroit où April aurait pu se cacher ? Elle ne voyait pas.

"Je ne sais pas. Oui, peut-être là où on achète nos vêtements, mais … elle l’aurait dit, non ? Quelqu’un a essayé de la contacter ?"
« On s’en fout, on essaie quand même. Je deviens dingue à ne rien... »
Soudain, il entendit le bruit caractéristique de l’ouverture de la porte du dortoir. Max sauta sur le rouleau de papier toilette avec une dextérité assez étonnante et l’envoya droit sur le prochain client. C’était Jim, qui s’attendait à l’assaut et réceptionna directement l’objet.
« Ce n’est que moi, Max. Navré. » fit-il en lui renvoyant le rouleau.
Max perdit pied. Ses épaules s’affaissèrent et il tomba sur le siège le plus proche.
« Je reviens du pôle administratif, c’est pire qu’on pensait. April n’est pas revenue de sa mission. »
Le visage de Max perdit ses couleurs. Lyanna écouta, les sourcils froncés, attendant d’en savoir plus. Elle aimait bien April, alors forcément, elle n’appréciait pas cette nouvelle.
« Merde, on doit y aller, on doit... »
« Ce n’est pas si simple, attends un instant. »

Le patriarche du D4 fit quelques pas vers l’Amazone.
« Bonjour Lyanna. Darren m’a demandé de vous tenir au courant mais je n’ai pas eu de réponse. Vous n’avez pas pris votre oreillette ? »

Par réflexe, Lyanna porta sa main à son oreille, mais n’y trouva rien. Elle se souvint alors l’avoir oublié. Sa nausée l’avait un peu déstabilisée, elle était partie de ses quartiers sans. Elle secoua la tête.

"Non, je l’ai oublié sur ma table de nuit. Qu’est ce qui se passe ?"
« Nos supérieurs ont envoyé Darren en renfort au cours de la nuit. Je l’ai appris récemment. Il devait trouver April et savoir pourquoi elle n’avait pas fait son rapport quotidien. »
Jim ouvrit sa veste. Il révéla avoir coincé un dossier à l’intérieur.
Il l’exposa sur la table, Max se pencha pour regarder mais il laissa la place à Lyanna. Celle-ci regarda le dossier, et se concentra pour lire les mots, essayant de comprendre le sens de ceux qui s’avéraient être difficiles, étant donné qu’il s’agissait d’un dossier militaire. Visiblement le sujet la concernait en priorité. Une photographie prise depuis un jumper laissait entrevoir la Porte des Étoiles très proche d’une plage peu accueillante. Un chemin taillé dans la roche grimpait jusqu’à un temple à l’aspect terne et vieilli. Le ciel était gris, comme un temps maussade d'automne. Tout au long des marches avaient été montées des tentes de fortunes dans un équilibre bancal. Des gens y vivaient dans des conditions déplorables.
« Le refuge de la Dame de Baie. C’est un endroit ouvert à toutes les femmes qui ont fui diverses menaces. Les Wraiths, la vie trop difficile, ou bien des sévices. C’est une société matriarcale qui a beaucoup de mal à accepter les hommes. »
« Merde, pas encore... » se plaignit Max, trouvant que le cas Lyanna était amplement suffisant.
Jim ne répondit pas. Quant à Lyanna, elle se contenta de lui lancer un regard assassin, avant de reporter son attention sur la photographie.

« April enquêtait sur des disparitions assez étranges. Elle donnait de ses nouvelles toutes les six heures. Sa mission se terminait cette nuit. »
Le patriarche du groupe fixa l’Amazone.
« Darren a appelé il y a vingt minutes, par l’intermédiaire de la Porte des Étoiles. Il se heurte au sexisme de la population locale, il a besoin de nous. »
Il marqua une pause avant de préciser quel était le hic.
« Ca impose que je vous fasse le briefing ici et maintenant. Et que l’on fasse équipe tous ensemble. En évitant les heurts de l’an dernier. Pour April, vous jouerez le jeu ? »

Une question difficile pour Lyanna qui n’avait pas fait équipe avec le D4 depuis leur seule et unique mission, où ça s’était très mal passé entre Max et elle. La jeune femme réfléchit, et jeta un bref regard vers le jeune militaire. Sur le coup, elle aurait voulu refuser. Mais si elle refusait, elle ne pourrait pas aller rejoindre Darren, et essayer de retrouver April. Et puis, si elle acceptait de rejoindre le D4, cela ferait sûrement plaisir à son amant, non ? Lui qui voulait qu’elle s’intègre avec des mâles. Lyanna se mordit la lèvre, avant de soupirer discrètement. Puis, ravalant difficilement sa fierté, mais par nécessité, elle acquiesça d’un petit hochement de tête pour Jim.

Jim Holman tourna la photographie. Il y en avait d’autres en-dessous. Une fois que l’on grimpait toutes les marches, un bidonville de tente de fortune s’étalait jusqu’à l’entrée du temple. D’autres clichés représentaient sans mal la pauvreté et la misère qui y régnait. Des femmes aux regards tristes, des enfants squelettiques, des vieilles dames sur le seuil de l’inanition. Les autres clichés représentaient l’entrée du temple, là où on les triait par catégorie, par leur capacité de travail, et où l’on faisait l’inventaire du peu de bien que les réfugiées transportaient.
« Le refuge est un ancien autel religieux abandonné par une civilisation inconnue. Les informations qui suivent ont été recueillies par April, nous pouvons donc nous y fier, elle a toujours été sérieuse dans sa prise de notes. Son enquête a confirmé que la planète n’a pas été sélectionnée pour son côté paradisiaque. Au contraire, il est hostile, la vie est difficile et la mortalité élevée. Mais quelque chose sur cette planète empêche l’arrivée des Wraiths. »
Il bascula de nouveau sur le premier cliché.
« La Porte finit sous la mer la moitié de la journée, durant la haute marée. Pour le reste, nous savons simplement qu’aucune sélection en orbite n’a jamais eu lieu. Les réfugiées préfèrent combattre le mauvais temps plutôt que les Wraiths. Là-bas... »
Jim plaça le dernier cliché.
« Il y a cette vieille dame. Nataëlle, la doyenne du site. C’est elle qui a autorisé le passage d’April de l’autre côté. Et c’est elle qui refuse l’accès à Darren. L’objectif d’origine de la mission d’April consistait à résoudre les problèmes que connaissait ce refuge. Estimer si nous pouvions y envoyer des réfugiées. »
Il se tourna d’un quart vers Lyanna.
« Atlantis a plusieurs accords pour envoyer des populations errantes sur des mondes refuges. Mais les sociétés matriarcales comme la vôtre sont rares, je parle de celles qui ne tolèrent pas le genre masculin. Si April réussissait sa mission, Atlantis avait une ouverture avec le refuge de la Dame de Baie. »
Il referma son dossier et le tendit directement à l’Amazone.
« Nos ordres sont clairs. Nous devons retrouver et ramener April. Mais en restant dans les clous en termes de diplomatie. Votre histoire, Lyanna, elle vous désigne particulièrement pour nous aider auprès des autochtones. Je ne vous demanderai jamais de nous défendre et de leur faire changer de point de vue. Mais si April est menacée, vous devez tout mettre en œuvre pour nous permettre de la rejoindre. Vous comprenez ? »

Lyanna prit le dossier, et le rouvrit pour regarder à nouveau les photographies, ainsi que celle de Nataëlle pour graver son visage dans sa mémoire. De ce qu’elle comprenait, c’était une mission importante, et beaucoup de choses reposaient sur ses épaules. L’idée de venir sur la planète en faisant passer les mâles qui l’accompagnaient pour ses esclaves lui passa par la tête. Mais quelque chose lui soufflait à l’oreille que cette idée ne serait pas du goût de Darren, ni de Jim et ni de Max. Dommage, pour une fois qu’elle aurait pu faire comme sur Kirana. La jeune femme réfléchit quelques secondes, cherchant comment mener cette importante mission à bien. Mais pour Darren et April, elle devait essayer. Lyanna referma le dossier, impatiente de se rendre sur place.

"On part quand ?"
« Dans une demi-heure. »
Son prochain ordre s’adressait à eux deux.
« Ne lésinez pas sur l’équipement. April n’est clairement pas du genre à se faire surprendre. Ce qui l’a réduit au silence est soit solide, soit malin, soit les deux. »
Il retourna sur le cas de Lyanna.
« Et ne vous vexez pas si je vous conseille la tenue d’exploration avec gilet de protection. Pour votre sécurité. »

Lyanna soupira à l’idée ne pas pouvoir se vêtir comme elle voulait. Mais Jim avait hélas raison. Et puis, vu les photographies, la jeune femme aurait sûrement froid si elle y allait en jupe et haut court. Quelle horreur de mettre le pantalon de mâle, mais elle n’avait pas le choix.

"Darren préfère que je mette tout le temps cette tenue quand je pars en mission. Je crois que je n’ai pas trop le choix" lança-t-elle sur un ton résigné.
« Vu le temps là-bas, je pense que ça vous gênera davantage quand Darren vous obligera à enfiler son pantalon de rechange. » rétorqua Jim avec un brin d’humour.

La jeune femme se dirigea vers la porte, puis elle quitta les quartiers du D4 pour aller d’abord dans ses quartiers. Elle y enfila le pantalon, les rangers, le tee shirt et la veste d’exploration Atlante. Pour son plus grand déplaisir. Elle n’oublia pas de prendre également son oreillette qui trainait sur la table de nuit. Lyanna partit ensuite à l’infirmerie afin d’avoir un traitement contre ses nausées. Elle ne voulait pas avoir mal au ventre toute la journée. La guérisseuse qui la reçut lui donna quelques comprimés qu’elle prit immédiatement, mais elle voulut faire un check up vu que la guerrière partait en mission. D’après ses dires, sa tension était bonne, mais elle avait pris un peu de poids, et cela commençait à se voir légèrement au niveau du ventre. Rien de bien méchant, mais les sucreries que Lyanna mangeait souvent sur la cité y étaient pour quelque chose. D’où ses maux de ventre liés certainement à une indigestion au chocolat. Pour le plus grand déplaisir de Lyanna, celle-ci devait freiner sa gourmandise. Elle eut également le droit à une prise de sang pour un bilan sanguin, puis elle fut autorisée à partir en mission. L’air renfrogné à cause de cette mauvaise nouvelle concernant le chocolat, la jeune femme se dirigea vers l’armurerie.

Elle enfila son gilet tactique, le sien rien qu’à elle, doté des fourreaux et des épées dans le dos, ainsi que du couteau à sa ceinture. Heureusement qu’elle avait l’habitude de porter cet attirail dans le camp d’Ishta, la jeune femme s’y faisait peu à peu, même si sa tenue habituelle lui manquait. Comme Darren avait réussi à la convaincre, elle se dota d’un holster de cuisse avec un pistolet 9 mm et deux chargeurs, dont un déjà engagé. Son amant avait essayé de lui donner quelques cours, mais Lyanna n’était pas très douée avec cette arme. Si elle pouvait éviter de l’utiliser, elle le ferait. Dans ses poches, elle y glissa une gourde remplie d’eau, une lampe torche, quelques barres de céréales, et même deux barres au chocolat, malgré les dires de la guérisseuse, bien que les voir ravivait ses nausées. Un PDA, une ration de survie glissée tant bien que mal, un GDO. Et son dernier calvaire : la mise en place des lentilles de vision nocturnes. Pensant avoir le nécessaire, Lyanna quitta l’armurerie, équipée, et se dirigea vers la salle d’embarquement, presque en retard. Au moins, les cachets commencèrent à calmer ses nausées. Elle retrouva Jim et Max, tous deux prêts à partir.

Au centre la salle d’embarquement, Jim était presque méconnaissable avec sa tenue intégrale et son casque militaire. Il portait un fusil de précision pour arme principale. Dans son dos, il était équipé d’un sac plutôt lourd et un lanceur de grenade M79. Max, de son côté, était agenouillé. Il finissait de caser un kit de secours dans son sac à dos. Il ajusta les bretelles puis enfila la lanière de son fusil d’assaut. En arme de réserve, c’était un fusil à pompe benelli. Les deux hommes semblaient s’être préparés pour la guerre, c’est leur angoisse pour la santé d’April qui les tracassait. Ils préféraient être trop bien armés que pas assez.
« Hé, Lyanna... »
Max fit des petits bonds pour ajuster son sac. Il retira deux grenades qui garnissaient la panoplie sur son gilet et les tendit.
« Je savais que tu ne prendrais rien. Celui avec la bande blanche, c’est un flash bang, ça perturbe les sens. L’autre, avec la bande violette, c’est du lacrymogène, ça fait pleurer. »
Il haussa des sourcils, agitant les deux grenades pour l’inviter à les prendre.
« Si la populace te saute dessus, tu seras bien contente de les avoir pour te sauver. Non ? »
Lyanna regarda les deux objets, puis elle en prit une dans chaque main. Bien évidemment, elle ne remercia pas Max. Mais elle se contenta d’un simple et léger hochement de tête. Il ne fallait pas trop lui en demander non plus. De son côté, Jim fit un signe de main aux opérateurs. La Porte se mit en branle.
« Vous avez tout ce qu’il vous faut ? » s’assura Jim, indépendamment de Max.
"Je crois" dit la guerrière en glissant une grenade dans chaque poche de son gilet.
« En cas d’agression, on adopte une formation standard. Un tir de sommation pour les retenir, ensuite on dégrossit les rangs à distance. Ce qui parvient à nous atteindre, ce sera pour vos épées. »
Il acquiesça.
« Je suppose que la tactique vous est très familière avec Darren. »
"Oui, très familière".

Lyanna sortit ses épées pour les avoir en main, au cas où. Elle voyait très bien ce dont parlait Jim. Darren et elle se battait en parfaite osmose, lui à distance, elle au corps à corps, se protégeant l’un l’autre. Une tactique qu’elle avait apprise il y a très longtemps, quand elle avait apprit à se battre sur sa planète.

"On faisait ça aussi, quand on partait en guerre. J’affaiblissais les rangs ennemis avec les archères. Puis, les ennemis trop proches étaient éliminés par les lances et les épées. Faire le plus de dégâts possible en veillant les unes sur les autres, comme ce que je fais avec Darren".
« Alors ne changez rien surtout. »

Jim se tourna en direction de la Porte des Etoiles, elle était sur le point de s’ouvrir. Max rejoignit sa figure patriarcale, il tournait alors le dos à Lyanna. Il s’estimait discret en se penchant légèrement de côté et en partageant son avis :
« Elle m’a fait un signe de tête, t’as vu ? Ça veut dire merci, ça ! Elle m’a remercié ! »
Lyanna entendit la remarque de Max, et elle soupira en levant les yeux au ciel, consternée par le jeune militaire. La vague soudaine de l’activation restait toujours impressionnante. Jim lui tapota l’épaule pour signaler le début de la mission. Max épaula son arme et passa immédiatement l’horizon des événements. En mode soldat, il n’hésitait pas pour partir à la recherche de son amie.

Ensuite, Jim se tourna vers l’Amazone. Il n’aurait pas pris la liberté de lui tapoter l’épaule de la même façon mais il comptait fermer la marche. En revanche, son regard tomba sur un très léger détail qui lui avait échappé jusqu’ici. A vrai dire, il fallait vraiment avoir les yeux dessus pour le remarquer. Un morceau de métal dépassait tout juste de la limite de sa manche, il lui semblait que c’était un bijou.

« Ce n’est pas le GDO. » dit-il en pointant l’objet, abordant de cette façon le sujet.

Lyanna fronça les sourcils en suivant le regard de Jim. Elle leva la main.

"Non, c’est le bracelet que Darren m’a offert. Mon … machin truc, il est là" dit-elle en sortant le GDO d’une poche de son gilet tactique.
« Vous prenez conscience que si vous passez la Porte, ce bracelet peut se perdre. » fit-il dans une affirmation. « Si ce bijou vous est très cher, vous devriez y songer. Bien que ça ne soit pas mes affaires. »
Il voyait bien que Lyanna n’allait pas se précipiter dans l’horizon des événements. Probablement une habitude de son ancienne vie : ne pas avoir de mâle dans son dos.
Il lui sourit aimablement sur ce dernier conseil avant de s’engager à son tour dans l’anneau.

Alors que le soldat disparaissait à travers la Porte des Etoiles, le regard de Lyanna se posa sur le bracelet. D’un côté, il avait raison, elle ne voulait pas perdre cet objet. De l’autre côté, de quoi il se mêlait ? Elle avait du mal à se séparer d’un objet qui la reliait à Darren. La jeune femme soupira, ignorant quoi faire. Elle s’en voudrait beaucoup si elle le perdait en mission. Dans son champ de vision, elle vit Teyla qui la regardait depuis un moment, ayant appris que son amie partait en mission avec des mâles. Lyanna se mordit la lèvre, avant de s’approcher de l’Athosienne, et de lui confier le précieux bracelet, à contre coeur. Puis, sans un mot, elle prit la direction de la Porte et traversa l’horizon des événements, ses épées en mains.

Le refuge de la Dame de Baie était encore plus maussade dans la réalité qu’en photo. Dès que Lyanna émergea de l’autre côté de la porte, une violente bourrasque de vent l’accueillit d’une gifle sévère. L’eau de la mer agitée accompagnait l’agression d’écume et de sel dont la charge restait désagréable à l’odeur. La première chose que la jeune femme fit de frissonner de froid. Cela lui faisait mal de l’admettre, mais heureusement qu’elle avait enfilé cette tenue. La plage n’avait rien de comparable au sable fin, c’était presque un marais à vrai dire. La marée montait déjà bien au-delà de la Porte, les obligeant à patauger dans la vase. Remontant la fermeture éclaire de sa veste et de son gilet jusqu’en haut, Lyanna suivit les deux mâles, marchant difficilement dans la vase qui engloutissait presque la moitié de ses rangers. S’ils devaient courir, ils allaient avoir des problèmes. Max en éclaireur continuait sa progression, il était protégé par le fusil de précision de Jim qui ciblait les hauteurs. On y percevait malgré la distance une muraille de corps humains minuscules, à peine perceptible sur la ligne de crête. Mais il semblait qu’une armée de réfugiées les guettaient depuis l’activation de la Porte, comme s’ils étaient une attraction vivante. Une ou deux courageuses pensèrent même à faire un salut de la main.

Cinquante mètres plus loin, là où débutait l’escalier taillé dans la roche comme un sentier de chèvre, Darren les attendait. Un sourire se dessina sur les lèvres de Lyanna, rassurée de voir que son amant allait bien. Le fait que le soldat soit là assurait l’absence de menace immédiate, Jim et Max baissèrent leurs armes par habitude, conservant un œil prudent aux alentours. La guerrière en profita pour rengainer ses lames, mais elle resta sur ses gardes. Darren commença par accueillir Max d’une accolade, puis il serra la main de Jim d’un air reconnaissant. L’anxiété semblait l’avoir épuisé de manière prématurée, comme si l’endroit l’avait vidé d’une part son énergie vitale.

Il faisait sombre, mauvais temps.
Il semblait que l’averse allait s’abattre à tout instant mais ça ne venait jamais.
« Content de vous voir les gars. » s’exclama le militaire. Il bourra le casque de Max et sourit. « J’ai galéré à récupérer les notes d’April, j’en ai lu une ou deux pages en vous attendant. »
« Quelque chose d’intéressant ? »

Darren s’apprêtait à lui répondre lorsque la silhouette de sa femme attira son attention. Il savait qu’elle viendrait puisqu’il l’avait appelée. Mais à vrai dire, il ne l’avait plus vu dans un uniforme depuis bien longtemps. Et comme tout le monde le savait, l’uniforme chez une femme, surtout la sienne, ça lui faisait de l’effet. Le moment était bien mal choisi mais ça ne l’empêchait pas d’être surpris par l’effort consenti par Lyanna. Complètement vêtue d’une tenue d’exploration, d’un gilet tactique et d’armes supplémentaires. Elle avait pris sa demande d’aide au sérieux et il était vraiment ravi de la voir là, avec ses équipiers du D4. Il remarquait que Max n’arborait pas un oeil au beurre noir et que Jim ne l’avait pas renvoyé d’emblée. Il ressentait donc un véritable plaisir à cette découverte, de la même façon qu’en ayant déballé un cadeau qu’elle lui aurait offert.

« Salut, heu.... »
Il semblait gêné. Jim le regarda rapidement d’un coup d'œil et répondit à son malaise.
« Je ne suis pas officier, Darren. »
Le concerné acquiesça, connaissant maintenant la ligne plus permissive. Il s’approcha à grandes enjambées de sa compagne, à cause de cette marée désagréable, et la prit rapidement dans ses bras. Lyanna serra son étreinte, profitant de sa présence.
« Désolé pour le manque de nouvelles. » lui dit-il sincèrement avant de lui claquer un baiser sur les lèvres. Le geste avait été expéditif, ils étaient en groupe et en mission. Darren essayait de trouver un juste milieu. La jeune femme ne lui en tint par rigueur, et relâcha son étreinte pour se tenir près du soldat.
« Lyanna aura besoin des notes d’April plus que nous. Ça lui donnera une base solide pour convaincre Nataëlle. »
Darren était d’accord. Il ouvrit sa veste puis plaça un bloc note couvert de rature et d’un long pavé indigeste dans le gilet de son amante. Sur la couverture, April avait dessiné le stéréotype de son visage avec un énorme cigare et une cicatrice virile à l'œil. On aurait dit son emblème qu’elle n’avait plus de mal à dessiner à force de le reproduire.
« Je n’en ai lu qu’une petite fraction. Son bloc note est presque complet. Elle n’a pas chômé. »
Il referma la fermeture éclair du gilet de Lyanna jusqu’au bout comme pour se garantir qu’elle n’aurait pas froid. Visiblement, la lecture serait pour plus tard.
« Apparemment, elle a eu du mal à aller plus loin une fois de l’autre côté. La misère ne se limite pas qu’à l’entrée, tout se monnaye en services. »
« Ça va grandement nous ralentir. »
« Ouais. Mais maintenant on sait pourquoi elle voulait un délai en plus. Si elle devait faire la bonniche pour ces gens, son enquête a dû traîner en longueur. Par contre, elle aura laissé encore plus de traces. »
« Je suis d’accord avec Max. On devrait monter par contre. La Porte sera très vite sous l’eau et nous avec. »

A ces mots, Lyanna jeta un œil en direction de l’océan, d’où elle put voir les vagues encore éloignées. Mais la marée était en train de monter. Jim fit un signe de menton. Le jeune militaire prit la tête, ne plaçant pas son arme en joue cette fois. Il testa de sa botte la marche ridiculement petite et glissante avant de débuter son ascension. Naturellement, Darren s’était placé à côté de Lyanna.
« J’y pense ! Ne distribuez pas vos barres une fois en haut. J’ai commis l’erreur d’en sortir une pour soulager l’affamée qui me faisait face, je me suis fait dépouiller trois minutes plus tard par un gang de fillettes. C’est réellement dangereux de se balader avec de la nourriture dans le coin. »
Il pointa la crête noire de monde.
« D’ailleurs, leurs copines nous attendent de pied ferme. »
« T’en fais pas, je vais combler leur appétit avec deux ou trois sourires. Ça marchera du feu de Dieu, pas vrai Lyanna ? » fit-il sur le ton de la blague.

Lyanna soupira discrètement. Décidément, Max était encore plus désespérant que Darren.

"Si tu le dis" dit elle simplement, préférant garder une certaine distance avec le jeune soldat.

Le pied de Max ripa et il s’interrompit un instant avant de reprendre la progression. Lyanna secoua la tête en prenant un air consterné. Heureusement, les marches s’agrandissaient au fur et à mesure. Ils allaient bientôt croiser les premières tentes.
« Tu sais pourquoi la foule s’accumule à l’entrée ? Les places sont chères ? » fît Jim.
« Je crois que c’est un des mystères qu’April essayait de résoudre pour Atlantis. La doyenne ne les fait passer qu’au compte-goutte. La réponse est peut-être quelque part dans ses notes. »
Il se pencha vers l’Amazone, maintenant qu’il n’y avait manifestement plus de questions, et lui parla à voix basse.
« J’apprécie tes efforts, mon amour. Je ne suis pas naïf, tu le fais à contrecoeur mais...ça me touche vraiment. »

Lyanna sourit aux paroles de Darren, et elle ne put s’empêcher de prendre discrètement sa main, tant qu’elle le pouvait encore.

"Tu as vu, je n’ai pas encore frappé Max. Bien qu’il m’ait attaqué avec un rouleau de papier toilette. Je me suis retenue même si j’en avais envie".

La jeune femme se mordit la lèvre, et regarda devant elle, à mesure qu’ils approchaient des premières tentes. Darren se demanda silencieusement ce qui avait pu conduire son partenaire à attaquer Lyanna à coup de papier toilette. Il était amusé que l’Amazone vienne détailler l’affaire pour lui rappeler combien elle faisait des efforts.

"J’ai emmené deux barres de chocolat, mais je te les donnerais. J’ai mal au ventre depuis ce matin, j’ai envie de vomir. Je crois que j’ai mangé trop de chocolat hier" dit-elle sur un ton plaintif, comme une enfant qui venait de se faire prendre en train de faire une bêtise.

« C’était une étape obligatoire. » nota le soldat tout en souriant. « C’est comme ça qu’on apprend à limiter sa gourmandise. »

Sur le coup, il ne trouvait pas qu’elle s’était autant goinfrée que ça. Elle avait toujours cette petite gourmandise et le vice de piocher dans n’importe quel paquet de chocolat à sa portée mais elle n’avait jamais abusé jusqu’à s’en rendre malade. Pas jusqu’à présent. Darren se demandait alors si elle n’avait pas trouvé un moyen de dévorer quelques barres chocolatées avant leur aventure en cuisine. Lyanna secoua la tête.

"C’est ce que la guérisseuse m’a dit, avant que je vienne ici. Elle m’a donné des cachets pour calmer les nausées, ça commence à faire effet. Mais elle a dit que j’avais pris un peu de poids, et que je devais diminuer le chocolat" raconta la jeune femme, en soupirant. "C’est trop dur. Mais là, je n’ai pas envie d’en manger !"
Clive ne put s'empêcher de rire.
« Je ne suis pas inquiet. Dès que tu allais voir apparaître des petites rondeurs et un début de bourrelet sur ton ventre plat, tu aurais fondu un boulon. Du genre je ne te vois plus pendant deux mois sauf à la salle de sport, limite à dormir dedans. » s’amusa-t-il.
Il posa deux doigts sur son ventre, un peu à hauteur de son nombril.
« Les dames détestent voir cette partie là bouger. »
"C’est normal. Un ventre rond et gros, c’est laid. Et ce n’est pas pratique pour bouger et se battre !"

Le soldat serra les dents pour ne pas éclater de rire. Il était en mission, il fallait rester sérieux. Mais c’était difficile à ce moment-là. Lyanna ne devinait probablement pas que le sujet était plutôt mal vu chez les Atlantes. Ce qu’il lui avait dit, chez une autre, aurait été mal pris. La femme se serait sentie offensée, un brin vexée, tandis que Lyanna assumait complétement le fait qu’elle trouvait l’embonpoint hors sujet. Surtout pour casser quelques gueules.

Pendant l’ascension, à présent que les marches se faisaient plus larges, l’unité rencontrait les premières tentes de fortune. Il était évident que les réfugiées qui s’étaient installées là y avaient été contraintes. Les appuis des tentes étaient hasardeux, bancals, et il semblait que chaque coup de vent manquait de tout faire basculer dans le vide. Un coup d'œil en bas révélait que la mer frappait la paroi rocheuse avec un appétit morbide. La marée était plus rapide qu’on ne pouvait l’estimer. Et la hauteur était assez effrayante. Une chute, c’était la mort assurée.
Darren se pencha légèrement pour observer l’intérieur d’une tente. Il s’agissait d’une simple peau de bête écaillée et percée de trous. Deux vulgaires morceaux de bois servaient de charpente et on trouvait à l’intérieur une quadragénaire uniquement vêtue d’un pagne. La crasse la recouvrait au point qu’il était impossible de dissocier le vêtement de sa nudité. Quant à ses cheveux, ils formaient des plaques et des croûtes éparses.

La réfugiée toisa Darren d’un air mauvais et siffla comme un animal. Elle remarqua qu’il tenait quelqu’un par la main, qu’il s’agissait d’une femme, et Lyanna récolta immédiatement de la même menace. D’un coup de main rageux, la réfugiée ferma le pan resté ouvert de sa tente de fortune. Une bourrasque de vent fit tomber les deux morceaux de bois et la peau recouvrit la femme, la faisant s’agiter dans d’étranges raclements de gorge.

« Quand on sera là-haut... » amorça Jim, également témoin de la scène. « ...vous limiterez vos gestes d’attachements, d’accord ? »
Darren acquiesça et relâcha la main de son amante.
« Le boulot de Lyanna n’est déjà pas facile. Il se compliquera davantage en laissant deviner votre liaison. »

eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Invité
Invité

Mar 22 Déc - 22:23

avatar

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna


Lyanna garda le silence, consentant à ne pas montrer d’attachement à Darren tant qu’elle était ici. En regardant autour d’elle, la jeune femme put constater la misère des réfugiées de tout âge, et cela lui fit mal au coeur de voir ça. Il s’agissait de femmes dans la tourmente, cela ne pouvait que toucher la guerrière qu’elle était. Lyanna suivit le groupe, marchant non loin de Darren, jusqu’à arriver en haut de l’escalier.

Au fil du sentier, les tentes se multiplièrent. La sécurité n’était pas vrai au goût de ces dernières et il fallait pratiquement les enjamber pour pouvoir passer. D’étranges mouettes locales planaient non loin grâce au vent. Parfois, des femmes plus énergiques tentaient de jeter des cordes à noeuds coulant pour les attraper. Mais aucune n’y parvenait, le vent rabattait les cordes bien avant qu’elles ne puissent atteindre les oiseaux. D’ailleurs, ceux-ci n’avaient qu’à bouger une aile pour monter ou descendre d’altitude. C’était mission impossible, seul le désespoir les guidait à une chasse si peu productive.
« Attention Max, ça glisse vachement par ici. »
Le jeune soldat s’immobilisa devant une série de marches faisant un virage en épingle. Une étrange texture très malodorante avait coulé tout le long de la paroi et s’était accumulée sur ces marches avant de déborder et descendre plus bas. Il leva le nez pour essayer de découvrir ce que pouvait être la source de cette infection.
« Me souvient que cette odeur là, je l’avais sentie chez un fermier qui faisait son lisier avec de la merde de vache... »
« Ce n’est pas un troupeau de bovins, là-haut. »
La remarque de Darren suffit pour que Max découvre enfin de quoi il s’agissait. Les latrines de réfugiées s’écoulaient le long de la paroi jusqu’ici. Des déjections et de l’urine de tout un bidonville qui suintaient et macéraient. Max poussa une plainte en se reculant légèrement.
« Je parie que ça empire une fois là-haut... »
« Une véritable infection, oui. »
« Sortez les clopes. »

Darren s'exécuta en même temps que le reste de l’équipe. Il ouvrit une des poches de son gilet tactique puis récupéra son paquet de cigarette.
Sous le regard intrigué de son amante, il coupa une clope en deux qu’il s’enfila dans les narines. Puis il lui expliqua, coupant une nouvelle cigarette à son intention :
« Vaut mieux la puanteur du tabac que celle qui règne là-haut. On les retirera une fois au temple. »
Darren lui tendit les deux morceaux coupés. En lui offrant un petit sourire complice, ses deux narines fourrées de tabac s’écartèrent en lui donnant un air complétement idiot. C’est probablement ce qui l’attendait également. Dans son dos, Max et Jim venaient de reprendre l’ascension encore plus lentement. Ils forçaient volontairement sur leurs pieds pour tester l’appui avant de monter une marche après l’autre. Pendant ce temps, Lyanna fit la même chose que les trois mâles, mais elle fit aussitôt la grimace.

"Ca sent mauvais, ce truc !"

Lyanna n’avait jamais apprécié l’odeur du tabac, et elle était reconnaissante que Darren ne fume jamais à côté d’elle, pour ne pas l’importuner avec ça. Cependant, la jeune femme savait que l’odeur qui les entourait était pire, et elle dut consentir à accepter de respirer l’odeur du tabac. Elle passa ensuite devant son compagnon, continuant l’ascension en faisant attention à ne pas glisser sur les marches humides.

La récompense pour une telle ascension était un spectacle de désolation effrayant. Le temple refuge était encore plus grand et majestueux une fois que l’on se tenait devant. Il semblait surplomber ces manants avec un réel mépris, comme si la structure était chargée d’une conscience qui écrasait ces cloportes par sa simple stature. La pierre avait vieilli, le temps avait rendu l’aspect de ce lieu terne et sans saveur. Mais il n’en restait pas moins impressionnant.

Quelqu’un qui échappait à sa vie, ainsi que les Wraiths, n’avait encore rien accompli une fois parvenu en haut du chemin. La route qui allait jusqu’au temple serpentait au travers d’un bidonville très dense, comme si la pierre elle-même était vue comme sacrée. La route, c’était exactement le seul espace laissé libre par les refugiées. Partout ailleurs, il s'étalait un réseau de tentes et d’abris de fortune, abîmé par le temps, recouvert par la crasse.
Ils collaient bien trop près, n’autorisant ici et là que des petits chemins qu’il fallait emprunter de profil, en rentrant le ventre.

C’en était au point que le bidonville débordait dangereusement jusqu’au bord du ravin, comme si chaque centimètres avait été mis à profit pour l’habitat.
Il était maintenant clair que les déjections du bidonville n’étaient aucunement contrôlées. La terre était terriblement souillée, saturée par cette accumulation dangereuse de population dans le besoin. Cela signifiait que toutes ces femmes pataugeaient dans leurs propres fluides. La puanteur était telle que les cigarettes n’offraient qu’un maigre réconfort. S’il y avait des soignants dans le coin, personne n’en voyait la couleur.

A en entendre les raclements de gorge, les râles et les toux sèches, la maladie comme la famine faisaient le quotidien de ces gens. Et pourtant, malgré cette situation intenable, les femmes continuaient de faire le siège de ce temple. Lyanna voyait diverses réfugiées, dans des états pitoyables, et à tout âge. Certaines étaient à l’agonie, d’autres se tenaient encore bien droit. Mais leur volonté était à l’image du ciel.

Exemple:

Le refuge de la Dame de Baie demeurait impassible face à tant de misère. Ses lourdes portes en bois étaient résolument fermées et ne réagissaient pas aux suppliques des femmes qui se pressaient contre les murs. Elles y déposaient devant leurs bébés mourants, leurs petites filles, suppliant de les prendre elles, quitte à y laisser la vie. Mais les fameuses portes restaient closes. Lyanna soupira en regardant autour d’elle, frappée par le contraste entre le bâtiment imposant et la misère humaine qui se trouvait devant les portes fermées.

"Comment peut on appeler cet endroit un refuge ?"
« Il se trouve après le temple. Ici, c’est une zone d’attente. » lui expliqua Darren.

Les scènes se multipliaient partout ailleurs. Tandis qu’un groupe de fillettes, tant couvertes de crasses qu’elles ressemblaient à des garçons, se jetaient sur Max et Jim : Lyanna perçut un attroupement derrière une série de tente. Des femmes priaient devant une prêcheuse. Cette religieuse était clairement un imposteur. Il était évident que le temple n’envoyait pas son personnel aussi profondément dans le bidonville. Peut-être que cette femme espérait être admise pour ses bons et loyaux services ?

Les filles continuaient de se ruer vers les explorateurs. Les retardataires sautaient par-dessus les tentes, renversant les abris de fortune, n’hésitant pas à marcher sur les corps de celles tombées par l’épuisement. Les quatre qui sautèrent sur Lyanna tentèrent d’ouvrir ses poches en criant dans un mélange de plusieurs langues inconnues, se fichant bien de son avis. La jeune femme n’avait pas l’habitude d’être malmenée de la sorte par des fillettes, mais elle parvint tant bien que mal à protéger les poches de son gilet tout en les repoussant et en les gardant à distance. Comme les autres, elle encaissa les coups des gamines, et posa sa main sur la garde de son couteau au cas où la situation dégénère vraiment. La situation devenait même dangereuse, ces filles distribuèrent immédiatement des gifles en reprochant leur défense. Elles n’acceptaient pas de ne pas accéder directement, et les premières, aux contenus de ces poches.

« Max ! » gueula Jim d’une voix forte.
Il reçut une baffe qui cingla très fort dans l’air et l’encaissa sans broncher. Il tenait une fille qu’il avait retourné de dos contre lui, s’en servant comme bouclier. Hélas pour Darren, trois d’entres elles l’avaient reconnu pour avoir donné des barres de céréales. Elles parvinrent à le faire tomber au sol, ce fut la porte ouverte aux coups de pied. Voyant cela, Lyanna s’approcha de lui comme elle put pour repousser les assaillantes.
« Deux secondes, j’y suis presque... » fit le concerné, qui venait de glisser deux cachets étranges dans sa bouche.

Les agresseurs se départageaient les membres de l’équipe, tentant chacun leur chance. C'était à celle qui parviendrait à arracher la nourriture la première et à fuir avant qu’elle ne soit rattrapée. Jim aurait pu donner l’ordre de jeter des barres céréales au loin pour écarter cette nuisance mais ce n’était pas vraiment une solution. Les filles ne reviendraient que plus motivées encore.
« BEUHHHHHHAAAAAAAAAAA !!!!! »
La soudaine réaction de Max fit crier les filles qui l’entouraient. Un cri strident, d’horreur, qui n’avait rien d’une imitation. Elles sursautèrent brutalement et se reculèrent, l’observant d’un air ahuri avant de partir, les jambes à leurs cous. Quand le gamin de la bande se retourna vers le reste de son équipe, il fixa d’un air gourmand les autres gamines. Il se tenait voûté, les mains en avant, les doigts crochus comme s’il avait des griffes.
Les cachets qu’il avait glissé dans sa bouche, au contact de sa salive, lui faisait suinter une épaisse mousse verdâtre. Dans une autre situation, en le voyant comme ça, les yeux presque injectés de sang et en louchant, il aurait pu faire rire l’assemblée. Parce que tout le monde savait que c’était une blague.
Mais parmi celles qui tentaient de leur arracher leurs biens, elles se retrouvaient confrontées à un inconnu qui semblait vecteur d’une odieuse maladie. Lyanna pouvait reconnaître un stéréotype très fort d’un film d’horreur, avec le grand méchant mi-bête, mi-humain. Il courut sur la bande de filles, la majorité détala dans un hurlement paniqué. Il s’empara du bras de celle qui croyait faire mal à Darren de ses brefs coups de pied et approcha son épaule de sa bouche pleine de pâte verte.
« AAAAAAAAAAAHHHHHHH !!!!! »
La fille hurla à pleins poumons et détala à son tour, les mains sur la tête, comme si elle craignait de recevoir la foudre. Max fit un dernier tour d’horizon en grognant comme une bête jusqu’à ce que l’environ soit vide de ces rapaces. Pendant ce temps, Darren s’était redressé et s’époussetait, un sourire sur les lèvres. C’est visiblement ce qu’il avait attendu.
« BAAAAAAAAAAHHHHAHAHAHA !!!!! »
Le dernier cri de Max devint un rire franc et personnel. Il était bien content d’avoir foutu la pétoche à cette bande de voraces. Il revint auprès de son groupe en s’essuyant la bouche d’un revers de main et crachant régulièrement au sol.
« Ahhh, c’est toujours aussi dégueu le cachet. »
« Bien joué, Max, comme d’habitude. »
« Héhéhé, à ton service sergent. Dommage qu’April ne soit pas là, elle aimait bien le faire avec moi... »
Et pendant ce temps, Darren se pencha vers son amante pour lui dire avec complicité.
« Merci d’avoir volé à mon secours. »
"Je me retenais de leur en coller une, même si c’était des filles !"

Lyanna regarda Darren comme pour s’assurer qu’il allait bien. Puis, elle posa ses yeux sur Max qui s’amusait comme un petit fou. Au moins, sa tactique ridicule avait fait fuir les pestes.

"Consternant !" murmura-t-elle à côté de Darren, mais il n’y avait pas de haine dans sa remarque.
« Mais intelligent. » compléta le soldat en souriant. « Tu as toujours envie de manger quelque chose piqué sur le corps d’un soldat qui bave vert ? »
« Des fois je change de couleur pour le délire. Le violet, ça choque pas mal aussi ! » s’amusa Max en ajustant les bretelles de son sac. « Mais toi, Lyanna, t’es hors compet. Je te vois trop avec du rouge bien sombre façon vampire. Comment tu leur ferais peur ! »
« Hm...oui, ce serait à essayer. » répondit-il, histoire de la taquiner.

Lyanna fronça les sourcils, et regarda Darren.

"C’est quoi, un vampire ?"
« Une créature imaginaire, habituellement une séductrice. Elle se gorge du sang de ses proies pour se désaltérer. »
Il sourit lorsque la comparaison lui vient naturellement.
« Le chocolat chez toi, c’est le sang pour un vampire. »

Lorsqu’elle eut la réponse à sa question, le visage de Lyanna s’illumina alors qu’elle comprenait de quoi voulait parler Max. Son regard se posa sur le jeune soldat, et elle le fixa intensément, les bras croisés. On aurait pu croire qu’elle voulait se jeter sur lui pour s’occuper de son cas, pourtant elle ne fit rien. Elle se contenta simplement de le regarder, avant de prendre la parole.

"Ah oui, je vois bien la situation. Ce serait une bonne idée : je te mords, et comme ça, j’aurais beaucoup de sang qui coulera de ma bouche. Tu en penses quoi ? Ça serait suffisamment effrayant ?"

La jeune femme semblait sérieuse, elle était entrain de défier Max uniquement avec des mots, pour lui faire peur. Bien entendu, elle ne tenterait rien contre lui, elle ne faisait que le taquiner … à sa manière. Elle aimait bien l’intimider, le jeune soldat ne savait jamais si elle était sérieuse ou non.

Entouré par Jim et Darren, il se sentait l’envie de lui balancer une vacherie ou de contrer son humour trop sanguinaire à son goût. Mais il se rappelait de ce moment où il s’était retrouvé seul avec elle, après lui avoir envoyé un rouleau de papier toilette au visage, et songea à ce qu’elle pourrait faire contre lui.
Max hésita, s’essuyant toujours la bouche de la mousse qui le dérangeait maintenant.
« T’es pas cool ! » lâcha-t-il dans une plainte.
"Ca, c’était pour l’attaque au papier toilette, toute à l’heure !" lui lança-t-elle avec un petit sourire victorieux.
« On tergiversera sur l’humour de Lyanna un autre jour. Avançons. »
Max profita que le reste de l’équipe se détourne, dans le but de reprendre la seule route empruntable, pour loucher et faire une grimace parfaitement moqueuse à l’adresse de Lyanna. Il avait l’air de l’idiot du village...qui se moquait d’elle. La jeune femme lui lança un regard plein de sous entendus, avant de marcher à côté de Darren. C’était un véritable miracle qu’elle n’ait pas sauté sur le jeune soldat. A croire qu’elle tolérait peu à peu Max dans sa vie.

Le D4 se rendit jusqu’au pied du temple.
La crasse et la misère lui avait assombri la pierre, comme une corruption qui gangrènait une pureté sur le déclin. Etant donné que ce refuge était très respecté par la population, les réfugiées se rendaient sur ces marches avec un mélange de respect et de crainte. Elles avaient installé à plusieurs endroits des autels sacrés. On y trouvait des colifichets, des restes de bougies, de dessins, des gravures. Tout ce qui semblait représenter l’espoir et un appel à l’aide.

« Ils ouvrent la porte qu’une fois par jour. » les informa Darren en partageant leur observation de cet endroit autrefois majestueux. L’édifice était si grand que des oiseaux volaient à hauteur de toiture, ridiculement petit en comparaison du reste.
« On doit passer à ce moment-là ? »
« Non, ils m’ont ouvert quand je me suis présenté. Atlantis semble faire exception. C’est juste que les refugiées ont tendance à se coller pour essayer de franchir les portes à la sauvette. »
« Y’a un truc que je pige pas... »
Max zieuta ses collègues.
« Si le refuge, c’est après le temple, pourquoi ils n’y vont pas eux-mêmes ? »
Il donna un coup de menton vers les femmes qui les fixaient d’un œil sombre.
« On voit bien qu’elles sont prêtes à tout alors... »
« J’ai quelque chose à vous montrer, vous allez comprendre. »

Darren prit les devants et glissa sur un flanc du temple. Il marcha quelques minutes, jusqu’à la ruine du seul pilier de pierre qui s’était effondré. Son diamètre était si important que toute l’équipe pouvait y grimper. Ils n’étaient que des fourmis en comparaison du reste.
Peut-être par habitude, ou parce qu’il n’avait pas réfléchi, Darren commit l’erreur de prendre la main de Lyanna pour l’aider à grimper dans un élan de galanterie. Jim se racla la gorge pour le prévenir, il donna un coup d'œil qui l’alerta qu’il était déjà surpris par une bande de femmes. S’il était le sujet de leur haine, elles toisaient maintenant Lyanna en l’accusant ouvertement de traîtrise. Deux d’entres elles, encapuchonnées dans une toile de jute pleines de croûtes et de vermines, jetèrent des morceaux de cailloux dans leurs directions sans pouvoir les atteindre.

Depuis ce point d’observation, certains détails se remarquaient beaucoup plus facilement.
Le bidonville s’étalait de chaque côté du bâtiment. Mais très vite, l’équipe remarqua rapidement ce qui expliquait une telle densité. Il y avait un mur d’enceinte, aussi imposant et surdimensionné que le reste du temple. Il serpentait à perte de vue, en un demi-arc de cercle, qui empêchait tout accès en direction des terres. Le rempart était étrangement décoré, grevé de statues de femmes tout au long de sa surface. Les effigies tentaient de grimper ce mur, les mains en avant, paralysées pour l’éternité.

« Là, ici. »

Darren pointa du doigt un petit groupe de femmes. Elles formaient un convoi en chantant dans une langue inconnue. Malgré ça, on comprenait suffisamment bien l’intonation de la voix. Des encouragements. Les poings levés, elles invectivaient une réfugiée d’une trentaine d'années. Elle était brune, aveugle d’un œil, avec quelques taches de rousseur sur le visage. En relative bonne forme physique, elle assura le ballot qui se suspendait à son dos et laissa découvrir soudainement qu’il s’agissait d’un bébé. Elle monta sur un léger promontoire entre les tentes pour regarder toutes celles qui lui témoignaient des encouragements. Elle leur répondit d’un signe de la main puis s’engagea au pied du rempart. Etrangement, les tentes ne se collaient pas à la pierre. Ils avaient beau manquer de place, un bon mètre séparait les abris du mur d’enceinte.

La brune fit quelques mètres en observant les sculptures, comme si elle était en train de les étudier ou de choisir quelque chose. Elle se mit d’accord, assura ses affaires, puis son regard tomba sur celui de Lyanna. Une bonne centaine de mètres les séparaient mais c’était bien elle qu’elle regardait comme ça. La guerrière ne cessait de la fixer, en fronçant les sourcils, sans comprendre ce que la jeune femme voulait faire avec son enfant.
Quelques secondes s’écoulèrent puis la femme décida d’agir. Sous les encouragements encore plus bruyants des femmes, elle sauta soudainement sur les sculptures et grimpa le plus rapidement possible. On criait, on chantait, on s’exclamait dans son dos. Mais bien vite, les extrémités de cette femme devinrent de la pierre. Elle s’écria en les décrochant brutalement de ses appuis, un claquement sourd révélant qu’ils avaient failli fusionner avec le mur d’enceinte, puis elle tenta vainement de bouger les pieds.

En voyant ce qui lui arrivait, horrifiée par ce spectacle, Lyanna fit un pas en avant pour aller lui porter secours. Mais elle fut retenue par Darren qui l’empêcha d’aller plus loin. La guerrière dut assister impuissante à cette scène odieuse. Le phénomène gagna tout le corps de la jeune femme. La réfugiée se pétrifia progressivement sous les regards des spectatrices qui cessaient de chanter. On entendit alors le terrible hurlement d’agonie et de terreur de cette femme, le visage tourné vers le ciel, la main tendue vers cette fameuse liberté auquel elle avait espéré. Elle termina immobile, statue parmi les statues, délaissée par toutes les autres réfugiées qui repartirent tranquillement à leurs occupations. Lyanna serra les poings, en colère d’avoir vu une telle chose sans que personne ne fasse rien. A voir toutes ces statues, ces femmes avaient été très nombreuses à tenter l'ascension. En vain.

Darren conclut, dépité.
« Le temple, c’est le seul accès. »
« J’espère qu’April n’est pas... »
« Mais non, voyons. »

Jim considéra le mur d’enceinte encore un bon moment. Il devait y avoir des milliers de statues qui couraient tout le long des murs, peut-être même plus. Le patriarche du groupe intégra l’information puis se tourna vers ses équipiers.
« Avant d’entrer, on va poser quelques questions. On reste groupé. »
Il fixa l’Amazone.
« Je vous laisse le choix de nous suivre. Sinon Darren reste, le temps pour vous d’étudier les notes d’April sur Natäelle. »

Le regard de Lyanna resta fixé quelques secondes sur la femme et son bébé pétrifiés, avant que la voix de Jim ne la ramène à la réalité. Elle secoua la tête, réfléchissant à ce qu’elle voulait faire. Suivre le groupe ? Ou lire les écrits d’April ?

"Je veux lire ses notes !"
Jim acquiesça.
« Restez ici, on se reverra facilement. »

Il donna une tape sur l’épaule de Darren avant de s’en aller en compagnie de Max. Ce dernier venait de retirer de sa veste des photocopies de la photographie d’April. A cause des différentes langues inconnues, c’était plus évident de montrer un visage avec l’air interrogateur.

Quelques instant plus tard, une fois certain que le binôme s’était éloigné, Darren intervint d’une voix compatissante :
« Je suis désolé, Lyana. Mais tu ne pouvais rien pour elle. »
Il releva le nez pour observer le taudis.
« Il y a des morts tous les jours dans ce bourbier. »

Lyanna soupira, regardant à nouveau le mur.

"Mais qu’est ce qui s’est passé ? Pourquoi sont-elles toutes devenues des statues de pierre ? Ce mur est maudit ?"
« C’est une question que tu pourras poser à Nataëlle. Mais fais moi plaisir, mon amour, n’approche pas ta main de ce foutu mur ! »


eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Lyanna
Guerrière
Planète Kirana
Bannière perso (image 901x180px) : La ruine d'Amarielle 1562430542-image-profil
√ Arrivée le : 14/07/2018
√ Nationalité : Kiranienne

√ Gène : ATA
√ Messages : 179

Mar 22 Déc - 22:33

Lyanna

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna

Lyanna acquiesça d’un hochement de tête. Elle n’avait pas du tout envie de devenir une statue. Sur le coup, elle eut envie de se blottir contre son amant, mais en cet endroit, c’était défendu. Comme Jim l’avait signalé. La jeune femme tenta de trouver un petit coin éloigné, pour être tranquille, mais en vain. Il y avait du monde partout. Alors, il fallait s’occuper. Elle descendit la fermeture éclair de son gilet, et sortit le bloc notes d’April. Elle s’attarda un peu sur la couverture, avant de l’ouvrir et de commencer à lire, avec l’aide de Darren pour certains passages qu’elle avait du mal à lire. Non pas qu’April écrivait mal, mais quelques fois, elle avait certaines expressions que la Kiranienne ne connaissait pas.

N.01 : Le coin est malsain, je n’enverrai pas mon pire ennemi dans ce merdier. Mais toutes ces femmes, celles qui parlent ma langue, me disent qu’un avenir m’attend si je passe le temple. Ils y croient mordicus à leur El Dorado, mais à chaque fois que je leur demande à quoi ça ressemble, personne ne sait me répondre franchement.

J’ai le droit à toute une série de fanstasmes à la con, à mi-chemin entre la corne d'abondance, et une partie fine entre goudous.

Je dois pouvoir parler à l’espèce de ténardière qui tient ce cloaque. Mais si Atlantis croit que je vais rester indifférente à toute la misère que j’ai vu jusqu’au pied de ce temple, ils peuvent aller se faire voir.

Ce refuge porte trop mal son nom…


Lyanna fronça les sourcils en lisant la première note d’April. Il y avait tellement de termes qu’elle ne connaissait pas, elle demanda souvent à Darren de lui expliquer ce que la jeune femme avait voulu écrire. Le pire fut lorsque la guerrière passa son doigt au milieu du texte, sans comprendre, avant de demander à son amant en toute innocence.

"Une corne d’abondance ? Et une partie fine entre goudous ? Qu’est ce que c’est ?"
« La corne d’abondance, c’est un objet ensorcelé. Un mythe. C’est une corne depuis laquelle s’écoule de la nourriture en quantité illimitée. Dans le texte d’April, ça signifie que les réfugiées fantasment sur le fait de manger à leur faim. »
Mais il s’arrêta là, avec un air parfaitement innocent, s’imaginant que son amante aurait oublié la deuxième partie du problème. April et son franc parlé, franchement… Cependant, Lyanna avait de la mémoire, contrairement à ce que Darren espérait. Elle prit le temps d’assimiler l’explication sur la corne d’abondance.

"D’accord. C’est ça, une corne d’abondance" commença-t-elle à dire, le nez dans le bloc notes, comme si elle n’allait pas poursuivre ses investigations. Sauf qu’elle regarda Darren. "Et la partie fine entre goudous ?"

Plutôt gêné, le soldat regarda ailleurs, comme s’il était en train de guetter les réfugiées qui seraient à l’affût d’un mauvais coup. Il hésita à lui dire que ce n’était rien. Mais maintenant, avec le temps, il connaissait particulièrement bien sa femme. Elle allait le poursuivre durant toute la mission en lui répétant à voix haute la question, et en toute innocence, évidemment.
Jusqu’à ce qu’il cède...alors autant répondre maintenant.
« Ben. Les goudous, ça désigne des femmes qui ne couchent qu’avec des femmes. Généralement, ce n’est pas dit sur le ton du compliment. Et la partie fine...c’est quand tout un groupe se fait l’amour, pêle-mêle, au même endroit. »
Il la regarda enfin et cru comprendre l’interrogation qui lui venait.
« C’est n’est pas répandu. Et si tu te poses la question, non, c’est pas mon truc. Une Lyanna, c’est déjà largement suffisant. »

Autant dire que les explications surprirent beaucoup Lyanna qui mit une image sur chaque détail de la réponse de son amant. La jeune femme se figea, ouvrant la bouche plusieurs fois mais sans réussir à dire quoi que ce soit, incapable d’imaginer qu’une telle chose puisse réellement exister. Déjà, les femmes qui aimaient des femmes, elle n’avait jamais vu ça. Mais alors, des parties à plusieurs, c’était le comble de l’imagination. Ce fut au tour de Lyanna d’être gênée sans savoir pourquoi. Elle voulait tout simplement chasser ces images de son esprit. Elle finit par secouer la tête, et reprit sa lecture comme si rien ne s’était passé.

N.02 : Bon, j’ai rendez-vous avec cette espèce de tyran, Nataëlle.
Elle se planque derrière une armée de gonzesses bien fagotées et armées jusqu’aux dents. Pas plus tard qu’hier, elles ont flingué des gamines qui ont tenté de passer en force, ça a largement calmé les autres.
J’hésite vraiment à rentrer sur Atlantis. J’adhère pas…


Heureusement que Lyanna avait déjà entendu April parler avec ses curieuses expressions, elle en reconnut certaines sans avoir à demander à Darren.

"On dirait que cette Nataëlle n’est pas commode. Je ne la sens pas du tout, cette femme".
« De toute façon, je crois bien qu’il faut avoir un problème pour tenir un refuge dans un endroit pareil. »
La guerrière poursuivit sa lecture.

N.03 : C’est une connasse.
Mais une connasse réaliste.

Je comprends mieux pourquoi ils ne font pas entrer tous ces gens d’un coup.
La planète est à l’abri des Wraiths, des invasions et des sélections. Mais elle est très loin d’être faite pour la vie humaine. C’est dur d’y cultiver de la bouffe et d’élever le bétail. Ceux qui passent ont le droit à une vie de misère mais ils n’ont plus à craindre ni les Wraiths, ni les “mâles” (j’ai cru entendre Lyanna causer).

Nataëlle les choisit sur le volet. Elle ne peut pas se permettre de donner une place à quelqu’un qui ne tiendrait pas le coup.
Je compte en parler à Atlantis. Mais ils galèrent tellement à trouver une place pour les coincées du cul qu’ils vont forcément me demander de continuer.


"Les coincées du cul ?" répéta Lyanna sans vraiment comprendre l’expression.
"Elle parle de femmes constipées ?"
« Tu sais que tu n’es pas obligée de répéter à voix haute ? » lâcha Darren, une nouvelle fois gêné.
Il secoua la tête.
« Celles qui n’aiment pas la compagnie des hommes. »

Lyanna ne put s’empêcher de grimacer légèrement en se mordant la lèvre.
"Comme moi ..."
« Non, pas comme toi. » contra Darren avec un sourire complice. « Même si c’est difficile, tu tolères des hommes. Comme Jim ou Max. Là, April parle des femmes chez qui ça ne passe vraiment pas. »

La guerrière relit à nouveau les notes d’April.

"Donc, cette femme choisit celles qui ont le plus de chances de survie, et laisse mourir les autres dans la misère".

Pendant ce temps, le soldat surveillait les environs. Il n’était pas rare qu’il voit passer quelques femmes, généralement intriguées par sa présence en tant qu’homme. Mais il y en avait aussi, parmi elles, dont les motivations étaient plus malveillantes. C’est comme ça qu’une bouteille en verre venue de nulle part éclata entre eux. Il n’aurait su dire s’il en avait été la cible ou si ces réfugiées visaient Lyanna pour son attachement envers lui.
Darren la fixait avec un regard doux à ce moment-là, conscient qu’elle n’était pas indifférente à la mort de ces femmes errantes. Le bruit d’éclat du verre l’avait surpris. Les éclats avaient rebondi sur leurs jambes sans les blesser. Ce coup en traître déclencha l’agressivité de Darren qui se retourna vivement, pointant l’alentour de son fusil M4 pour menacer les groupes.

Forcément, le ou les responsables s’étaient déjà noyées dans la masse. L’arme de Darren avait le pouvoir de faire reculer les foules, il leur fit connaître la menace par son non-verbal avant de se détendre.
« On les rend grincheuses en tout cas... »

Darren se montra plus prudent tandis que sa compagne continuait de lire les notes d’April.

N.04 : Ça fait quelques jours seulement et j’ai l’impression que ça fait un an.
Tout se monnaie ici. J’ai vu passer quelques valeurs sous forme de bijoux ou de pièces qu’ils appellent les “Tincs”. Mais c’est surtout l’échange de service et le troc qui fait le système financier dans ce monde.

Nataëlle est intraitable. Si je veux passer de l’autre côté et explorer pour le compte d’Atlantis, je dois acheter mon droit de passage. J’ai souvent rêvé de lui dire d’aller se faire sodo. Mais je dois me tenir, toutes les portes ne sont pas fermées pour autant.

Il y a beaucoup de boulots si on sait demander. J’ai affiché ma petite gueule d’ange, j’ai fait mon hypocrite, et j’ai trouvé un terrain d’entente. Elle me donnera ce sauf-conduit si je débusque une traître dans son service de sécurité. Visiblement, quelque part dans le lot, il y en a une qui fait passer des candidates contre espèces sonnantes et trébuchantes.

Je m’oblige à penser que celle-là se fait du beurre sur la misère des autres. Mais j’ai clairement des scrupules. Parce que vu la mentalité, elle ne s’en sortira pas avec une tape sur les doigts.
Si je veux passer, je ne vois pas d’autres moyens que de la trouver.
Et la livrer en pâture à Nataëlle...


Lyanna lisait attentivement les notes d’April, essayant de comprendre certains passages. Notamment le mot “sodo”, inconnu pour elle, qu’elle montra du doigt à Darren.

"Ca veut dire quoi, ça ?"
« Bon sang...April ! » marmonna Darren de façon douloureuse.
Il regarda sa compagne qui lui demandait l’explication de façon si innocente et s’approcha de son oreille pour lui murmurer :
« C’est une pratique sexuelle. L’homme passe par un autre endroit, celui que tu utilises aux toilettes. Dans le texte d’April, c’est une injure. »

Lyanna eut d’abord du mal à comprendre de quoi Darren voulait parler. Visualiser la chose n’était pas aisée. Mais lorsqu’elle comprit enfin, la guerrière ne put s’empêcher de grimacer de dégoût.

"Quelle horreur !"
« Il semblerait que ça puisse plaire aux femmes. Mais franchement je ne parierai pas là-dessus. Le corps humain est pas conçu pour ce genre de “plaisir”. »
Il se retint de l’embrasser, lui qui voulait la rassurer, et lui glissa simplement :
« Oublie ça, c’est de l’April qui râle sur sa mission ! »

Lyanna secoua la tête, essayant de supprimer cette image de son esprit.

"Ouais ben tu n’as pas intérêt à essayer de faire ça avec moi !"

La jeune femme se plongea à nouveau dans la lecture du journal. Darren lui faisait encore les gros yeux à ce moment-là, étonné qu’elle puisse supposer qu’il était dans ce genre de pratique, et s’apprêtait même à le réfuter. Mais Jim et Max revinrent au même moment, provoquant un grand malaise chez Clive qui se racla la gorge.

« Alors ? Des nouvelles ? » demanda-t-il.
Max, dans son dos, se massait la joue droite. Elle était rouge et à vif, signe qu’il avait récolté une gifle assez cinglante. Ou plusieurs...
« On sait comment réagit la fameuse Nataëlle...et vous ? »
Le sergent secoua négativement la tête.
« Certaines de ces femmes ont accepté de parler. April était très appréciée par les réfugiées. Mais les autres n’acceptent pas trop notre condition d’homme. »
« Tu m’étonnes... » râla Max dans sa barbe en regardant sa main, comme s’il s’attendait à y trouver du sang. « Je préfère encore me prendre une beigne par Lyanna. C’est injuste mais au moins, là, je sais pourquoi. »

Jim fixa cette dernière.
« On sait qu’April a passé un certain temps de l’autre côté. Lyanna, si vous vous sentez prête, nous devrions entrer dans le temple. Et vous laisser parler à Natäelle pour nous... »

Lyanna n’était nullement inquiète de voir Max avec une trace de sévice, elle s’en fichait pas mal. Si ça avait été Darren, elle se serait empressée de voler à son secours. Mais elle ne le ferait pas pour un autre mâle, il ne fallait pas exagérer. La jeune femme réfléchit aux paroles de Jim. Rester ici ne servirait à rien pour le moment, excepté s’attirer peut-être davantage de foudres des réfugiées. Vu ce qui venait de se passer avec la bouteille lancée, la situation pouvait dégénérer rapidement. Et dans ce cas, pour qui prendre parti ? Lyanna rangea le journal à l’intérieur de son gilet, avant de remonter la fermeture éclair de celui-ci. Il était temps d’affronter Nataëlle.

"Allons y !"

Lorsque les lourdes portes en bois s’écartèrent dans une craquement sourd, un début d’émeute éclata immédiatement dans le camp. Une dizaine de jeunes femmes, dans la trentaine pour la grande majorité, érigèrent efficacement une zone de sécurité en menaçant les réfugiées d’armes à énergie. La masse grouillante de corps s’accompagnaient de suppliques et de cris désespérés. Toutes tentaient de coller au groupe d’Atlantes dans l’espoir d’entrer dans le temple en même temps qu’eux.

Pour les retenir, les guerrières tiraient au sol. Mais un mouvement de foule eut lieu en réponse, quelques femmes se jetèrent sur le cordon de sécurité qui répliqua aussitôt, sans la moindre pitié. Quelques corps fumants tombèrent sur la pierre du temple tandis que les autres, conscientes de la menace de mort, reculaient brusquement en respectant une certaine distance.

Les gardes ne parlaient pas leur langue. Elles intimèrent l’ordre aux Atlantes d’entrer par des gestes secs et n’hésitant pas à les bousculer à coup de tapes dans le dos. Lyanna était délibérément bien traitée à l’instar de ses collègues. Ce qui ne semblait pas choquer la guerrière, car pour elle, cette situation était tout à fait normale. Toutefois, elle veillait discrètement sur Darren. Il était hors de question que ces femmes le maltraitent sous ses yeux. Si le cordon défensif avait toutefois eu l’air de les protéger, les guerrières poussèrent le D4 dans un coin du temple pendant que les portes se refermaient. Darren, Jim et Max, furent rapidement acculés contre un mur de pierre et menacés par ces mêmes armes.

« On reste calme. » avait discrètement ordonné Jim.

Les femmes guerrières donnaient des airs de peloton d’exécution. Elles n’attendaient qu’un signal ou un geste mal placé pour faire feu. Patients, Darren et ses comparses levèrent les mains en signe de paix. La situation s’était alors stabilisée.
Mais Max découvrit une jeune femme particulièrement à son goût dans le lot et il n’arrivait plus à en décrocher le regard. Les cheveux châtains, cendrés par endroit, elle formait une longue natte tressée revenant sur son épaule et descendant sur le centre de sa poitrine. Elle portait une sorte d’épais poncho en tissu. En descendant jusqu’à ses genoux, le vêtement en pièce unique formait une étrange robe dont la pointe finissait entre ses jambes. Une bonne partie de son aine était découverte. Une solide ceinture, avec des sacoches, venait assurer le tout. Le vêtement ne recouvrait que l’avant et l’arrière, pas les côtés. Dans l’esprit d’un Atlante, c’est une tenue aguicheuse qui aurait valu sa place dans les moments intimes d’un couple. Max ne pouvait s’empêcher de regarder ces belles courbes à l’air libre et s’imaginer le reste.
Les yeux bleu ciel de cette garde lui donnaient un air de louve, une maturité précoce et une férocité martiale.

Manifestement, le joli minois de cette garde ne laissait pas Max indifférent. Il était complètement sous le charme, affichant un sourire benêt. Cette dernière s’en rendit compte et elle le prit visiblement très mal. Ses yeux se rétrécirent, elle lui posa une question dans une langue inconnue. Max fit signe de ses mains qu’il ne comprenait pas. Il lui adressa toutefois un charmant sourire en réponse. Elle vint donc le rejoindre et lui plaquer son flingue dans les parties intimes, le faisant changer de tête instantanément. Profitant du fait qu’il ne bougeait pas, elle lui vola sa montre de sa main libre. Lyanna observa la scène de là où se trouvait. Et autant dire qu’elle n’allait pas bouger le petit doigt pour venir en aide à Max. Au contraire, un sourire se dessina sur ses lèvres. Vu qu’elle n’avait pas le droit de frapper le jeune soldat, une part d’elle était satisfaite de voir une autre femme s’en prendre à lui. Mais elle fut quand même rassurée de voir qu’il n’était pas exécuté sur place, sinon la situation se serait envenimée avec le D4.

Les autres femmes avancèrent. Elles examinèrent l’intérieur de leurs poches sans rien emporter. Elles ne touchaient pas aux armes des Atlantes. Pendant ce temps, une autre garde approcha de Lyanna qui avait été laissée libre dans le hall principal. La quarantaine, solide et sûr d’elle, la garde tourna lentement autour de l’Amazone en l’observant de la tête aux pieds. Elle semblait être la cheffe du groupe de sécurité. Elle effleura des doigts le pommeau d’une de ses épées, tapota brièvement son bras, gifla sa cuisse, testant la courbe et la fermeté de sa silhouette. Elle déduisait ainsi le degré d'entraînement de Lyanna ainsi que son expertise. Être face à une femme guerrière Atlante lui plaisait beaucoup. A la fin de son inspection, elle lui adressa un sourire joyeux et un regard complice, comme si elles se comprenaient entre guerrières. Elle ouvrit le bras pour l’inviter à avancer dans le hall...seule.
En tant que femme, elle était libre de se déplacer dans le temple. La jeune femme jeta un oeil à son groupe, enfin surtout à Darren, avant de suivre la guerrière.

« Vous avez vu ? » se plaignit Max en voyant que Lyanna était accueillie dignement.
« On reste calme. » rappela une nouvelle fois Jim.

L’intérieur du temple était entièrement ouvert. Il n’y avait ni portes ni tissus pour dissimuler les activités. Depuis ce hall, Lyanna pouvait tourner le regard n’importe où et percevoir des scènes de vie. Les dernières réfugiées admises dans le temple étaient encore là. Dans des alcôves de roche, dans des salles spacieuses, on les préparait pour leur nouvelle vie. Les conditions de vie ici étaient nettement meilleures qu’à l’extérieur du temple.

Le voyage commençait par un débarras où on les déshabillait entièrement. Les femmes quittaient leurs vêtements, leurs ballots et leurs effets personnels. Accompagnée d’une garde, la passeuse jetait les effets crasseux dans le foyer d’un brasier actif. On comptait les valeurs, les bibelots et rares bagages de la réfugiée, puis la gardienne partait avec. La passeuse attrapa le bras de la réfugiée et la fit monter sur une petite estrade. Elle lui demanda de lever les bras puis elle usa d’une corde pour déterminer sa taille, ses mensurations, jusqu’au diamètre de son crâne.

La réfugiée était couverte de vermines, de petits insectes parasites, et de larges bandes de crasses couraient sur sa peau. Elle était si sale qu’il était difficile de déterminer la pigmentation de son épiderme. Clair, sombre ?
Le regard ahuri et encore apeuré de la réfugiée appela Lyanna à l’aide. Elle tremblait sur cette estrade, comme si elle avait froid. Mais la passeuse, visiblement très habituée, lui agrippa le bras pour la faire descendre. Elle ne se souciait pas de son état émotionnel.

Un peu plus loin dans la prochaine salle, on les nettoyait entièrement. Elles avaient pour ordre de ne pas bouger tandis que deux femmes vêtues de toge blanche s’occupaient d’elles. Quand Lyanna y porta le regard, elle vit ces deux laveuses faire sortir une femme nue d’un bassin. L’eau était devenue marron, presque noire, avec des morceaux de saletés flottant ici et là. Une autre réfugiée avait été placée sur un siège taillé dans la roche. Son crâne venait d’être rasé entièrement. Les cheveux traînant au sol étaient poussés jusqu’au feu de la cheminée avec des balais. Et pendant ce temps, on lui retirait des parasites piqués dans son cuir chevelu à l’aide de petites pinces.

Les filles étaient ensuite habillées. On leur donnait un bagage qui devait contenir plusieurs changes puis on les amenait dans une vaste salle avec des bureaux taillés dans la pierre. Ici, plusieurs femmes du temple posaient des questions dans plusieurs langues. On essayait manifestement de comprendre leur dialecte puis un test visait à déduire leur degré d’intelligence, de raisonnement. Les candidates avaient désormais visage humain, elles se penchaient sur des problèmes. Calcul mental à l’aide d’un boulier, notions de base en géométrie, questions sur l’élevage ou l’agriculture. Des exercices de couture, d’hygiène et de cuisine. Manifestement, les candidates obtenaient un document en sortant de cette salle de test. Les enfants n’échappaient pas à ce système, quel que soit l’âge.

Dans un autre circuit de salles, parallèlement, les effets personnels de ces femmes étaient nettoyés puis étudiés. Tout ce qui avait de la valeur passait dans des creusets de fourneaux. Les forgeronnes faisaient fondre le métal précieux, les bagues, alliances et colifichets, puis le faisait couler dans des moules. Plus loin, on les frappait d’un symbole similaire à celui que l’on trouvait sur les murs du temple. Ces “Tincs” encore tout chaud étaient comptés, inscrits sur un registre, puis emportés.

Au centre de tout ce dispositif, au centre du temple, se tenait un immense bureau en bois. Un enchevêtrement d'étagères de rangements, de classeurs et de longs parchemins vieillis. L’amas conjugués de ces meubles de bureautique et ces documents laissaient deviner du nombre de candidates passées au fil du temps. Lyanna observa ce bureau, impressionnée par ce qu’elle voyait.



Bureau de Natäelle:

Des piles de documents s’élevaient un peu partout, des crayons artisanaux trainaient ici et là, aux côtés de différents objets et coupe-papier. Régulièrement, les forgeronnes grimpaient sur un grand escabeau en bois pour déposer les pièces nouvellement frappées sur un emplacement précis de son bureau. Les richesses ne revenaient visiblement pas directement dans les poches de leurs propriétaires. Une petite montagne d’or, d'argent et de cuivre ornait la droite de Nataëlle.

Une garde passa devant Lyanna, amenant la prochaine candidate devant l’immense bureau. Celle-ci se présenta fébrilement en donnant son nom, les bras chargés du baluchon de changes, et crut bon de se démarquer en faisant une révérence polie. La vieille dame ne lui adressa qu’un simple coup d'œil. Elle était très âgée, les cheveux blancs à peine peignés, vêtue d’un simple gilet et d’une chemise faite à la main. La gardienne grimpa l’escabeau de l’autre côté et lui tendit une feuille. La vieille bafouilla quelques mots en la récupérant : c’était le résultat des différents tests.




Natäelle:

« Peu intelligente. Pas bonne pour élever un enfant. Un peu hypocrite. Mais bonne endurance physique. Et courageuse... » énuméra-t-elle en étudiant le document.

Comme si elle l’avait senti par l’instinct, elle redressa immédiatement son regard en direction de Lyanna. Elle observa un instant sa tenue, sa stature, avant d’en revenir à la candidate qui attendait la sentence, les yeux baissés.

« Au contrefort. Elle minera la pierre de taille. »

Le verdict semblait sans appel. Dans un mouvement longuement répété, la vieille dame posa un petit coffret en bois sur son bureau puis compta un certain nombre de pièces qu’elle glissa à l’intérieur. Sur l’autre côté de son bureau, il y avait des vivres. Du pain local déjà empaqueté dans un morceau de tissu et une gourde d’eau en peau de bête. Elle plaça un exemplaire de chaque puis y enferma le document après l’avoir signé. La garde, dans un même automatisme, récupéra le coffret et descendit jusqu’à la candidate. Elle déposa l’objet dans ses bras déjà chargé et l’emmena à la sortie du temple, là où April était partie, comme toutes les autres.

« Vous êtes venue avec des mâles ! » gronda Natäelle sans la regarder.
Elle remplissait un document à l’encre et à la plume, l’air concentré, mâchonnant ses joues d’un air sénile. Elle lui avait parlé comme si elle reprochait à une enfant d’avoir pioché dans le pot de confiture.

Abaissant ses lunettes conçues dans un verre très approximatif, elle agita sa main pour que Lyanna vienne prendre la place qu’avait occupé la candidate, lui montrant que c’était bien à elle qu’elle s’adressait. La jeune femme s’avança de quelques pas, et regarda autour d’elle avant de reporter son attention sur Nataëlle.

"Oui ! Ces mâles sont sous mes ordres !"

Inutile de dire que Jim était le véritable chef du groupe, vu son grade. D’un point de vue guerrier, Lyanna était la plus gradée, car son rang au sein de sa tribu la mettait au même niveau qu’un Colonel. Mais sur Atlantis, son statut ne comptait hélas pas. Et dans un endroit pareil, il valait mieux dire qu’elle était la chef d’un groupe de mâles.

"Tu es Nataëlle ?"
Elle grogna.
« Nous n’avons pas cueilli les velmètes ensemble, jeune enfant !! »
La vieille dame la regarda un petit instant pour mieux discerner les traits de la petite impudente qui osait la tutoyer. Lyanna soupira discrètement, elle avait l’impression d’être de retour sur le Continent, quand elle avait fait face à un Natus pour la première fois, avec leur règle idiote de vouvoiement.
« Je suis Nataëlle. » admit-elle ensuite.
"Je cherche April Machado".
« Elle est de l’autre côté. » répondit-elle simplement en recommençant à écrire sur son document.

Lyanna fronça les sourcils, et regarda dans la direction prise par la réfugiée quelques minutes auparavant.

"De l’autre côté ?"

Puis, la jeune femme reporta son attention sur Nataëlle.

"Je dois la voir !"
« Vous attendrez qu’elle revienne ici. »
Sa plume griffonna une signature puis elle se tourna vers l’argent pour compter la nouvelle pile.
« Si elle a envie de revenir... »
"Comment ça, si elle a envie de revenir ? Bien sûr que oui, elle a envie de revenir. Elle est Atlante, et elle doit rentrer en urgence. Je dois aller la chercher !"

La vieille dame continua son travail silencieusement, désintéressée par les propos de Lyanna. Mais puisqu’elle restait devant le bureau, elle consentit à tourner son regard vers elle et quitta ses lunettes.
« Vous êtes au refuge de la Dame de Baie, mon enfant. La promesse d’une vie dure mais sûre. Si votre amie ne veut pas revenir, elle ne reviendra pas. Si vous voulez passer de l’autre côté, vous devez payer votre sauf-conduit. »

Puisque la contrainte était posée, elle replaça ses lunettes et fit un signe de la main. Une nouvelle candidate passait en compagnie de sa gardienne. Lyanna allait répliquer pour envoyer Nataëlle sur les roses, mais une nouvelle réfugiée arriva, coupant court à la conversation. Elle n’aimait pas cette histoire. Dire que April ne désirait pas revenir sur Atlantis, et rester loin de sa famille, le D4, était très curieux. Étrange. La guerrière secoua la tête, puis elle fit demi-tour pour reprendre le chemin en sens inverse. Mais avant de partir, Lyanna s’adressa une dernière fois à Nataëlle.

"Et c’est combien, le sauf conduit ?"
« Cinq cents Tincs. Mille pour chaque mâle que vous amènerez. »

Autant dire une fortune. Lyanna ne répondit pas, et retourna voir son groupe. La fouille étant terminée et puisque le D4 se comportait bien, trois gardes seulement restaient devant eux, armes au flanc. Darren était en train de rassurer Max qui semblait très ennuyé, jetant par moment des œillades vers la louve qui travaillait plus loin. Jim, de son côté, attendait en rongeant son frein, probablement inquiet pour April. Quand Lyanna arriva, tout l’intérêt se porta sur elle. Les regards lui demandaient des nouvelles. La jeune femme s’approcha d’eux, et leur raconta ce qu’elle avait vu. Ainsi que sa discussion avec Nataëlle. Notamment, cette histoire de paiement pour pouvoir rejoindre April.

"Elle a dit qu’on ne pouvait voir April que si celle-ci décidait de revenir. Ou alors, qu’on aille la chercher, après avoir payé une grosse somme. Cinq cents … je sais plus comment, pour moi. Et mille pour chacun de vous".

Lyanna fronça les sourcils, et secoua doucement la tête. Elle ne sentait pas toute cette histoire avec April.

"April ne chercherait pas à fuir Atlantis d’elle même, n’est ce pas ?"
« Fuir ? Pas du tout ! Elle est accro à la cité ! »
« Cette Nataëlle cherche surtout à faire des profits. » estima Jim en regardant le fond du temple. « C’est une opportunité pour elle. »

La guerrière jeta un œil aux autres femmes qui continuaient de surveiller le D4.

"Comment allons nous faire pour la trouver ?"
« April n’avait pas cette somme. Alors comment a-t-elle fait pour passer ? »

Lyanna regarda d’abord Darren, avant de reporter son attention sur Jim.

"Elle a dit dans son journal que Nataëlle lui avait proposé un moyen de paiement. Que visiblement, elle a accepté si elle est passée de l’autre côté".

Rapporter les propos d’April n’était pas plaisant, vu que la jeune femme n’était pas fière de ce qu’elle avait fait. Jim n’était pas né de la dernière pluie, il insista du regard en attendant la suite.

"Il y avait une traîtresse dans les rangs qui s’enrichissait en faisant passer des réfugiées. April devait trouver cette traîtresse en échange du sauf conduit".
« Donc...nous pouvons nous faire mercenaires. » déduit-il à voix haute.
« Vu qu’April est passée, elle a réussi sa mission. Il n’y a plus de traître à chasser. S’il y en a d’autres, elles se font forcément toutes petites... »
« Oh, le côté traître et vicelard, ça les rend encore plus... »


eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Invité
Invité

Mar 22 Déc - 22:36

avatar

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna


Max serra la mâchoire comme s’il s’empêchait de sauter sur un gâteau savoureux. Manifestement, l’une des gardes comprenait quelques mots puisqu’elle porta la main à la crosse de son arme sans la sortir. Le jeune militaire su qu’il avait dit une connerie, même s’il la pensait encore très fort en ayant le visage de la louve dans l’esprit. Il rentra sa tête dans les épaules et alla se placer à côté de Lyanna, l’air de rien, espérant que ça le protégeait un peu.
« Les effectifs de ce site d’accueil ne sont pas bien fournis. Sans leurs armes, le temple aurait été envahi depuis longtemps. » nota Jim en détaillant ce qui l’entourait. Il regarda de nouveau l’Amazone.
« J’y serais allé si ça ne risquait pas de nous coûter deux fois plus cher. Mais je vais vous demander de proposer nos services. Une personnalité comme Nataëlle à la tête de ce temple ne connaît pas qu’un simple problème de trahison. Nous pouvons sûrement marchander nos saufs-conduits contre nos services. »

Darren sentait que l’idée avait déjà effleuré l’esprit de sa compagne. Elle ne l’avait pas proposé pour une raison qu’il lui échappait. Probablement parce qu’elle ne voulait pas négocier à la place de Jim ou qu’elle ne voulait pas perdre de temps dans la recherche d’April ?
Quoi qu’il en soit, il percevait sans mal le malaise de Lyanna. Pour avoir travaillé avec elle sur le projet de route sur le continent, il savait qu’elle était bien plus sereine dans un combat que pendant une négociation.
« Je viens avec toi ? » proposa-t-il avec un petit sourire complice.
Il ne pourrait rien faire en tant qu’homme.
Mais en tant que petit ami de l’Amazone, même réduit au silence, elle serait peut-être moins nerveuse en sa présence.
« En tant qu’esclave soumis à ta juste fureur... » compléta le soldat avec humour.
"Surtout que je lui ai dit que vous étiez sous mes ordres".
« Il ne faudrait pas que vous soyez rattrapée par vos anciennes habitudes. » demanda poliment Jim.

Il ne voyait pas d’inconvénient à ce que Darren la suive. Max, de son côté, s’était légèrement levé sur la pointe des pieds pour voir passer la louve au-dessus de l’épaule d’une garde. Il récolta un coup de coude dans le flanc, le rappelant à l’ordre, de la part du sergent de l’équipe. D’ailleurs, son acte ne passa pas inaperçu aux yeux de Lyanna, qui ne put s’empêcher de surenchérir sur le malheur du militaire.

"Si tu essaies de l’approcher, elle te tuera !"

Son affirmation fit mouche jusqu’au cœur du jeune militaire qui le prit au premier degré. Il fixa l’Amazone d’un regard de chien battu, trouvant qu’elle franchissait une ligne de respect, et s’en trouva vexé. Alors il la fixa d’un regard intense, comme s’il relevait l’injure qu’elle venait de lui faire, et porta la main sur son gilet. Il décrocha le scratch, prit une barre chocolatée, ouvrit l’emballage d’un coup de dent.
Par simple pression, il fit coulisser le gâteau au chocolat et le plaça entièrement dans sa bouche, éparpillant des miettes tout autour de ses lèvres. Son regard devint chargé de malice et d’une forte provocation tandis qu’il mimait le délice, mâchant la bouche ouverte, pour la narguer en guise de vengeance.

En temps normal, Lyanna aurait été capable de frapper Max pour récupérer la barre chocolatée. Ou encore de s’en prendre à lui pour lui faire passer l’idée de se venger de cette façon. Mais cette fois ci, la jeune femme eut un haut le coeur en sentant l’odeur du chocolat, lui rappelant ses nausées liées à son indigestion. Elle détourna les yeux en réprimant cette envie de vomir qui était presque passée. Et tout ce qu’elle fit fut de sortir un anti-vomitif donné par la guérisseuse avant son départ, qu’elle avala avec un peu d’eau. Puis, elle s’éloigna de quelques pas, et reporta son attention sur Darren qui lui proposait de venir. Elle acquiesça d’un hochement de tête, elle voulait son amant à ses côtés. Mais cette idée de vendre leurs services, comme April l’avait fait, la dérangeait. Pourtant, ils n’avaient pas vraiment le choix s’ils voulaient passer sans payer une fortune qu’ils ne possédaient pas.

"Ça ne me plait pas de lui ramener des femmes qu’elle considère comme des ennemis ou des traitresses. On ne sait même pas ce que Nataëlle a fait subir à celle dénoncée par April".
« Ça ne plaît à personne, Lyanna. Mais vous m’excuserez si le sort de ma sœur d’arme m’importe plus que les autres. Je peux y aller à votre place si c’est un problème pour vous. » répondit Jim, un brin sévère.
"Elle ne t’écoutera probablement pas !" répliqua Lyanna, son regard planté dans celui de Jim par fierté. De quoi augmenter la tension entre eux.

Intérieurement, Jim n’était pas de marbre. Son amie était en danger, quelque part, et ne répondait plus aux appels radios. Il avait du mal à encaisser le manque de volonté de l’Amazone sur le moment et crevait d’envie de la mettre en face de son égoïsme. Mais la dispute serait la pire des réactions et il préféra ne rien dire, se contentant de supporter le regard de la jeune femme.

Après quelques secondes, la guerrière secoua la tête et se concentra sur Darren. Elle n’avait pas d’autre choix. Même si le sort de ces pauvres femmes lui importait, Jim avait raison : April était la raison de leur venue ici, et quelque chose d’anormal et d’inquiétant se passait.

"On y va !" dit-elle à Darren, avant de s’éloigner du groupe en direction de l’intérieur du temple.

Les trois femmes, voyant que l’un des mâles bougeait, se mirent aussitôt sur la défensive. Alors que deux d’entre elles leur barraient la route, la dernière agrippa Darren par le col sans ménagement et lui cala son pistolet entre les côtes.
« Ola, doucement... »
Lyanna s’arrêta devant elle, gardant son sérieux. Puis, elle jeta un oeil aux deux autres.

"Je dois voir Nataëlle. Ce mâle m’accompagne !" leur lança-t-elle sans savoir si elles la comprenaient.

Celle qui tenait Darren en joue le relâcha mais les deux autres restaient en place. Finalement, la cheffe de la sécurité apparut et questionna Lyanna du regard. Elle observa la scène, comprit qu’elle amenait un des mâles avec elle, et acquiesça de la tête. Les deux gardiennes se séparèrent pour leur laisser la voie libre.
« Merci ma sauveuse chérie... » murmura Darren entre ses dents.
"Qu’est ce que je ne ferais pas pour toi" murmura également Lyanna, se retenant de lui sourire comme elle le faisait habituellement.

Lorsqu’ils approchèrent du grand bureau, ce fut au tour de Clive d’être impressionné. Il l’observa un petit instant, manquant de partager son commentaire avant de découvrir quelle vieille carne trônait la haut. Nataëlle lui jeta un regard mauvais, comme si une fiente de mouette venait soudainement d'atterrir devant son bureau.
Pour donner le change et laisser paraître sa servitude, le soldat regarda Lyanna puis posa un genou à terre, comme si cela avait été convenu. Il attendit silencieusement et avec une certaine forme de soumission.
« Les mâles ne valent rien. Nous ne les troquons pas contre des saufs-conduits. » lâcha Nataëlle en griffonnant sur son parchemin.
"Il n’est pas là pour être troqué !"

Lyanna n’avait rien dit en voyant Darren mettre un genou à terre, elle avait compris son geste. Elle le regarda d’un air neutre.

"Lève toi !"

Darren s'exécuta en silence, la tête toujours baissée. Puis, la jeune femme reporta son attention sur Nataëlle.

"April n’a pas eu à payer en monnaie pour passer, et je sais comment elle a fait. Je veux le même moyen de paiement qu’elle, pour les trois mâles et moi même".
« Sont-ils puissants ? L’êtes-vous ? »
"Tout à fait, nous le sommes tous les quatre !"

Cette fois, Nataëlle semblait intéressée. Elle cessa d’écrire sur son parchemin et fixa un peu plus attentivement le fameux mâle que Lyanna avait apporté comme exemple. Elle la regarda ensuite longuement.
« Il y a un mois, lors d’une admission, l’une de mes filles-gardiennes a été lâchement battue à mort. La réfugiée qui a donné le coup de grâce s’appelle Adayate. »
Nataëlle continuait de lorgner Darren, comme si elle hésitait. Finalement, ses lèvres s’entrouvirent et elle prononça :
« Amenez-la moi. Je la veux devant mon bureau pour répondre de ce crime. Alors, vous passerez...tous. »

Lyanna serra la mâchoire en apprenant ce qu’elle devrait faire pour passer avec le D4, mais elle ne laissa rien paraître sur son visage.

"Qu’adviendra-t-il d’elle ?"
« Ce n’est pas votre affaire mais la mienne, jeunette. »
Elle balaya l’air de sa main.
« Allez ! Et ne revenez qu’avec ma prisonnière entre les mains. »

Sans un mot de plus, Lyanna fit demi-tour, suivie de Darren. Elle attendit d’être suffisamment éloignée de Nataëlle pour pouvoir parler à son compagnon sans être entendue.

"Je n’aime pas ça !"
« Bien sûr que tu n’aimes pas ça... » répondit-il en messe basse. « Tu réserverais quel traitement à une sœur qui aurait tué Mélina à coup de poings ? »
Darren était ennuyé de lui avoir dit ça. Il savait que ce nom risquait de la choquer. Il faisait référence à une blessure parmi les plus profondes chez son amante. Mais c’était nécessaire pour qu’elle comprenne ce que Nataëlle lui réservait. La cible ne survivrait pas s’ils la ramenaient dans le temple. Il ne fallait pas être naïf, Nataëlle la ferait exécuter. Darren l’avait tout de suite compris. Et Lyanna le savait aussi. En entendant le nom de Mélina, la guerrière serra les poings, une lueur de colère passa dans son regard. Elle savait ce qu’elle aurait fait : exécuter la coupable après lui avoir fait subir mille tortures. Inutile de préciser que c’était ce qui attendait cette Adayate.
Mais l’ennui, c’est que s’ils refusaient la mission, aussi horrible soit-elle, est-ce qu’April survivrait de son côté ? Un cruel dilemme. Lyanna aurait voulu protéger et sauver toutes les femmes de cette planète, que ce soit les malheureuses qui vivaient dans la misère, tout comme April. Mais la situation était compliquée, elle le savait. La jeune femme s’arrêta quelques instants, faisant face à Darren. Elle réfléchit quelques secondes en le regardant, et finit par acquiescer d’un hochement de tête, à contre-cœur.

Darren eut beaucoup de mal à le supporter.
Au milieu du temple, il ne pouvait pas prendre l’Amazone dans ses bras et la rassurer. Il voyait bien à son visage qu’elle souffrait de devoir faire ce choix. Mais les explorations ne mettaient pas toujours les Atlantes dans le beau rôle. Il fallait parfois se salir les mains et c’était moche, c’est vrai.
« J’aimerai avoir une solution qui ne blesse personne... » lui dit-il, affecté par l’état de sa partenaire. « Mais tu ne peux pas sauver tout le monde. Ce serait beau de pouvoir le faire...mais la vie n’est pas comme ça. Elle est injuste. »
"Je sais ..."
« Il y aura beaucoup de femmes à sauver quand on aura construit ton école. Tu pourras faire en sorte de donner tort à cette vieille loque... »
Darren se racla la gorge, vérifiant que personne ne l’avait entendu injurier la doyenne du temple. Il en revint à sa compagne.
« Tu pourras faire mieux que tout ça...mais pas aujourd’hui. »

Lyanna regarda Darren, sentant qu’il cherchait à lui remonter le moral. Elle maudissait cette planète pour ne pas pouvoir venir se blottir dans ses bras. Elle se contenta d’un petit sourire discret, approuvant les paroles de son compagnon. Oui, elle ferait bien mieux que cette peau de vache, pour effacer le mal que cette mission allait faire. Luttant contre son envie de venir sans les bras de Darren, la guerrière reprit la route, et retourna vers le reste du D4 pour leur exposer la situation.

Comme attendu, le groupe n’était pas enchanté de devoir se lancer dans une chasse à l’homme. Mais ils n’avaient pas le choix et Jim prit ses responsabilités. Au moment de sortir, alors qu’ils atteignaient le parvis du temple occupé par les différents autels, le sergent donna un ordre qui surpris Darren.
« Lyanna, vous nous attendez ici. Continuez d’étudier les notes d’April. Méfiez-vous des autochtones agressives. »

Lyanna s’arrêta brusquement, fixant Jim qui venait de lui donner cet ordre. Darren comprit tout de suite que son sergent l’évinçait de la mission. Son ton bref et autoritaire était révélateur de cette stratégie.
« Jim ! »
« Sergent Holman. » réctifia-t-il.
« Mais...Jim ! »
Le concerné se retourna d’un bloc. Il lui expliqua calmement sa pensée.
« Lyanna est bien vue par la majorité de la population. Évitons que ça change... »

Clive ne pouvait pas contredire son supérieur, il avait effectivement une raison légitime de mettre sa compagne de côté. Mais en l’entendant jouer de son grade et imposer ses raisons de cette façon, il déduisait également que la réaction de Lyanna, lorsqu’elle avait défié Jim du regard, n’avait pas été sans conséquence. En lui montrant qu’elle n’était pas prête à se sacrifier pour April, le sous-officier considérait qu’elle n’était pas fiable. Il ne voulait pas compter sur elle pour ces manœuvres indignes. Il estimait à raison que la détresse de la future captive aurait appelé Lyanna à la défendre. Jim n’avait pas l’intention de perdre du temps à la convaincre ou de devoir la renvoyer sur Atlantis.
La décision d’un chef d’équipe…

Lyanna avait également compris la véritable raison de son évincement. Et cela n’avait rien à voir avec l’excuse donnée par Jim sur ses supposées bonnes relations avec la population féminine, qui pouvaient se dégrader si elle participait à la traque d’Adayate. La jeune femme ressentit de la colère qui ne demandait qu’à sortir, et elle dut fair un effort colossal pour se contenir. Même Darren n’avait pas réussi à faire changer d’avis son supérieur. C’était la première fois que la guerrière entendait Jim jouer de son grade avec l’un de ses subordonnés, ce qui trahissait clairement que son ordre n’était pas la véritable raison. Tout ça parce que Lyanna n’aimait pas l’idée de livrer une femme dans la misère sans réfléchir à ce qui allait lui arriver. La guerrière se sentit rejetée, et elle secoua la tête de colère, consciente que la situation ne changerait pas. Et que son amant prenait un risque de s’opposer à son supérieur.

"Laisse tomber, Darren !"

Le ton de sa voix était amer, cela s’entendait très bien. Inutile de dire que Lyanna était furieuse à cet instant.

« En avant Darren ! »
« A vos ordres. » répondit-il automatiquement en le suivant.
Ils partaient investiguer dans le camp et trouver la fameuse Adayate. Tandis qu’il descendait les marches, Clive se tourna et envoya un regard aimant à sa femme, lui disant qu’elle ne devait pas s’inquiéter et accepter l’ordre de Jim. Il se détourna ensuite à contre-coeur pour le suivre.

« La cible serait un homme qui ne s’appelle pas Clive, tu te serais tout de suite portée volontaire... » ponctua Max, dont la vengeance ne se limitait pas au chocolat. « Tu aurais même été contente de le buter toi-même. »

Le jeune militaire la laissa sur ce reproche pour rejoindre ses camarades. Lyanna faillit laisser libre cours à sa colère en plantant son couteau dans le dos de Max. Ce fut un miracle qui la poussa à ne rien faire, même si elle en avait très envie. S’en prendre au jeune soldat n’aurait fait qu’empirer la situation, elle le savait parfaitement. Elle avait envie de lui dire que oui, elle aurait été trop heureuse de tuer un mâle à cet instant, comme lui. Mais cela n’en valait pas la peine. La jeune femme secoua la tête de rage, et tourna les talons pour regarder ailleurs.

La voilà seule près des portes du temple. Personne n’osait approcher. Et maintenant qu’elle était seule, les réfugiées la laissèrent tranquille, bien que la plupart la dévisageaient sur un air à la fois craintif et dédaigneux pour avoir discuté avec des hommes. Lyanna fit quelques pas et trouva une marche pas très sale où elle put s’asseoir, tout en ayant une vue d’ensemble sur le bidonville qui s’étendait en contrebas. De là où elle se trouvait, la jeune femme put distinguer la Porte des Etoiles, même si cette dernière était petite vu la distance. Enfin, elle voyait plutôt le haut de la Porte, car la marée était montée.

Lyanna soupira en regardant le bidonville, n’aimant pas être impuissante face à toutes ces femmes et ces filles en détresse. Pour se changer les idées, elle sortit le journal d’April, et continua sa lecture, tout en veillant sur ce qui se passait autour d’elle. Darren n’était pas là cette fois, pour l’aider à comprendre les mots qu’elle ne connaissait pas. Aussi, elle dut s’y reprendre plusieurs fois dans sa lecture.

N.05 : Je suis passée mais en ce qui concerne mon amour propre, je me pose encore la question. Nataëlle n’est pas tendre avec la trahison. La première chose que j’ai faite en passant l’accès, c’est d’aller me trouver un coin pour pleurer un coup.

Si les mecs savaient ça, ils dégoulineraient de compassion et je me haïerai pour cette faiblesse. Je ne leur raconterai pas ce que j’ai fait. Jamais. Et je te préviens, Max, si tu lis mon bloc-note intime : JE TE COUPE LES COUI**** AVEC LES DENTS !! MAINTENANT FERME MON BLOC-NOTE !!!!



eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Lyanna
Guerrière
Planète Kirana
Bannière perso (image 901x180px) : La ruine d'Amarielle 1562430542-image-profil
√ Arrivée le : 14/07/2018
√ Nationalité : Kiranienne

√ Gène : ATA
√ Messages : 179

Mar 22 Déc - 22:38

Lyanna

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna

A la lecture de ce passage, Lyanna s’interrompit en fermant les yeux. April était passée par le même dilemme qui s’opposait à elle en cet instant. Sauf que là où Jim et Max auraient de la compassion pour April, pour elle même c’était bien différent vu qu’ils lui reprochaient tous les deux de ne pas agir de cette manière. La guerrière sortit sa gourde, et but un peu d’eau avant de manger une barre de céréales. Elle n’avait rien dans l’estomac, et les nausées s’étaient calmées. Inutile de prendre de risque avec le chocolat, alors elle se rabattit sur une simple barre céréalière, même si elle aimait moins ça. Tout en mangeant, elle surveilla les réfugiées, se souvenant de ce que Darren lui avait dit à son arrivée. Les femmes avaient l’air intéressé par cette barre de céréales, mais elles ne l’approchèrent pas. Peut être avaient elles peur de la guerrière, de son regard noir, de la fureur qui émanait d’elle, ou bien des épées qui se trouvaient dans son dos. Lyanna termina son encas, et continua sa lecture.


N.06 : Jour de pluie. La température est plutôt douce, l’endroit est plus accueillant que je ne le pensais. Quand on voit la falaise avec son ruisseau de merde humaine et la nature qui entoure ce camp, ça pose la question sur le reste du refuge.
Mais je me trompais. La devanture ne fait pas le magasin.

En fait, c’est assez beau.
Il y a de grandes plaines, des bois par-ci par-là, plusieurs hameaux de cabanes et de huttes. Tout a été construit par des femmes au fil du temps. On trouve des structures branlantes, des taudis, mais aussi des maisons bien faites et solides. Il y a même des routes pavées, des places de marchés, divers ateliers et forges.
Qui a dit que les gonzesses ne savaient pas vivre seules ? Hein ???

Mais je me pose quand même la question : pourquoi la vie semble si misérable ici ?
Partout où je vais, je vois des gens pauvres, qui vivent au jour le jour. Leurs outils sont usés jusqu’à la corde. Il n’y en a pas une qui n’a pas de trou dans la culotte...

Je crois tenir un début de réponse mais il faut que je regarde ça de plus près.
Ça ne va pas être évident d’enquêter. Je n’ai pas un sou en poche et, rien que pour connaître mon chemin, on m’a demandé de l’argent…
Ou bien d’offrir mon corps !

Elles sont complètement fumées sur cette planète !



*******


N.07 : J’ai bien fait de m’accrocher !

Le refuge de la Dame de Baie n’est pas un endroit facile à vivre mais l’état d’esprit le vaut bien dans certains hameaux. Je finance mon enquête en vendant mes services de mercenaire. Généralement, je bute des bestioles bien laides. (La faune est assez agressive dans le coin. Ce n’était pas conçu pour les humains à l’origine. Nous sommes l’espèce invasive).

J’aimerai dire du mal de cet endroit. Mais je me suis fait des amies et j’ai ma petite renommée. Je commence à aimer cette mission.
Atlantis me manque, bien sûr. Et pour rien au monde je viendrai m’installer ici. Mais...le refuge a du potentiel. Passé la vieille salope qui tient la barrière de péage, on oublie les quelques truandes qui quémandent des fellations sur la route, et je pense qu’on tient notre refuge pour Amazones.
Je crois même que ça pourrait plaire à Lyanna. Elle serait une shérif tellement badass ici...

J’ai passé quelques temps avec des agricultrices aussi. J’ai enfin fini par résoudre l’énigme.
C’est l’eau !

J’y suis si habituée que je n’ai pas réalisé sur le coup. Elle est étrangement pauvre de qualité. Il peut y avoir des averses de mousson, ça ne nous transit pas de froid, c’est un peu visqueux au toucher, et on ne tombe pas malade.
Sur Terre, rester sous la pluie peut nous causer un rhume, une grippe, une sinusite. L’humidité et la température influent négativement sur notre santé.

Mais là, c’est comme s’il y avait du volume sans consistance nutritive. Je ne suis pas botaniste, je parle avec mes mots. Mais cette eau nourrit mal l’humain. La nature, oui. Mais l’homme n’a pas été prévu dans l’équation.

Là, il peut pleuvoir pendant une journée entière, les meufs sortent sans se couvrir. Des pros du concours de tee-shirt mouillé, c’est dingue ! Une goudou se croirait au paradis.
P.S : Si je peux revenir, j'emmènerai Max avec moi, il péterait un câble en voyant tous ces tétons qui se baladent dans la cambrousse.
PPS : Si tu lis toujours mon bloc note, j’étais vraiment sérieuse, mais ce coup-là j’utiliserai ma lime à ongle !



*******


N.08 : Elles m’appellent LA CORSAIRE !!!
Ça claque. Je veux que tout le D4 adopte ce surnom !

Plus sérieusement, les jours se suivent et ne se ressemblent pas.
J’en apprends beaucoup sur le refuge. De grands cours d’eau coupent différentes régions de ce vaste endroit. Je ne sais pas jusqu’où vont les différents villages mais il y en a encore pleins. Ils sont si loin que j’ai dû m'acheter une barque pour m’y rendre plus vite. J’ai aidé pas mal de commerçantes à échapper à des brigandes embusquées. Mes munitions s’épuisent et je ne suis pas en pleine forme. J’ai reçu quelques vilains coups et les blessures ne sentent pas la rose.
Je vais bientôt devoir rentrer.

J’ai gagné mon ultime surnom après avoir sauvé la maire d’un village de pêcheurs. Elle était prise en otage, les garces réclamaient la bouffe qui devait aider la population à passer l’hiver. Elles ne seront plus un problème maintenant, c’est de la place en plus pour les prochaines filles qui seront plus honnêtes.

Je n’ai toujours pas trouvé de raison à la misère à part le problème d’eau. Je sens bien qu’il y a quelque chose de plus mais personne ne veut se confier. Même avec ma réputation ou mes offres commerciales, ça les effraie plus que la mort.
Je pense essayer de...


Lyanna fut soudainement interrompue dans sa lecture par une série de tirs brefs. Est-ce que le D4 avait éliminé la cible parce que sa traque avait mal tourné ? Étaient-ils attaqués ? Darren était-il en danger ?
Non, les voix du D4 éclatèrent immédiatement dans son oreillette.

//Hostile en fuite en direction de la falaise, elle passe sous la grande tente !//
//Darren, prends-là à revers. On la rabat sur toi !//

Le regard de Lyanna balaya le bidonville. Elle s’inquiétait pour Darren, et elle espérait qu’il ne lui arrive rien. Immobile, le journal toujours ouvert dans ses mains, la guerrière finit par apercevoir le lieu où le D4 se trouvait. Il y avait des cris de terreur et de colère qui ponctuaient les passages des poursuivants dans le camp. Il y avait de la casse, il y avait des femmes bousculées, des tentes renversées. Lyanna put voir dans les remous de la population et des structures la course de ses collègues. Ils étaient en train de cerner la cible comme s’ils chassaient le gibier. Adayate apparut soudainement après avoir fait un bond. Elle avait les cheveux noirs, les dents cassées, et une peau scarifiée. Encore bien en forme, elle courrait en toute hâte pour échapper au D4. Elle comprit qu’elle allait se faire coincer et prit une décision suicidaire en se rendant directement vers le mur d’enceinte.

//Elle va se supprimer en touchant le mur ! Attention !!!//
//J’lui passe devant ! A toi, Jim, A TOI !!!//

Une détonation brutale donna un coup final à la course poursuite. Le groupe sauta immédiatement sur Adayate qui hurlait de rage et de détresse. Jim et Max parvinrent à la maîtriser pendant que Darren lui passait un serflex aux poignets. Mais déjà, des projectiles de toutes sortes commençaient déjà à voler dans leur direction.
Jim couvrit son équipe tandis qu’ils traînaient la cible en direction du parvis du temple, jusqu’à rejoindre les grandes portes où se trouvait Lyanna, toujours assise. Quelques tirs au sol rappelèrent à la meute les coups de semonce du cordon de sécurité et les réfugiées restèrent à distance, n’hésitant pas à jeter tout ce qui leur passait sous la main.
« Darren, fais-vite ! »

Adayate se retrouva au sol, immobilisée par le genou que Max posait sur sa poitrine tandis qu’il pointait la foule de son fusil sans tirer. Darren, de son côté, s’était placé au niveau de la jambe droite. Il sortit son kit médical et entreprit de lui poser un pansement compressif.
« Ça va aller. Je vais vous stabiliser la blessure. »
Adayate se secoua dans tous les sens en hurlant comme une bête sauvage. Elle criait dans un langage inconnu, agitant tellement des jambes qu’elle répandait son sang partout, Darren ne parvenait pas à lui poser le bandage.
« Lyanna, j’ai besoin de toi. » l’appela-t-il. « Il faut que tu lui tiennes la jambe sinon je ne pourrai rien faire. »
« La foule revient, je tire ? »
« Sommation uniquement. On ne tue personne ! »
« Tir de sommation, reçu ! »

Une nouvelle rafale percuta le sol, repoussant immédiatement la nouvelle tentative de l’émeute. Lyanna resta quelques instants sans bouger, même lorsque Darren l’appela à l’aide pour soigner la prisonnière. Sur le coup, elle eut envie de leur dire de se débrouiller sans elle, quoi de plus légitime vu qu’elle avait été évincée. La guerrière était toujours furieuse par rapport à ce qui venait de se passer, trouvant la décision de Jim totalement injuste à son encontre. Autant dire qu’elle était en colère contre lui, ainsi que Max pour sa remarque provocante. La jeune femme regarda la scène qui se déroulait sous les yeux. Et même si livrer cette réfugiée leur permettrait de retrouver April, Lyanna ne put s’empêcher de se sentir très mal à cette idée. Après tout, Adayate avait voulu se jeter sur le mur maudit pour y mourir rapidement. Cela voulait tout dire sur ce qui l’attendait lorsque la vieille mégère lui mettrait la main dessus. Même si elle était une meurtrière, il ne fallait pas oublier qu’il s’agissait d’une misérable qui luttait pour sa propre survie.

Lyanna serra le journal d’April dans ses mains, puis finit par soupirer. Elle rangea le bloc notes à sa place, avant de se diriger vers le D4. Sans un regard ni pour Jim, ni pour Max, ni pour Darren, la jeune femme s’accroupit et plaça son genou sur la jambe de la réfugiée afin de l’immobiliser. Elle était si proche de son amant, mais elle continuait de détourner le regard ailleurs, agissant à contrecœur, contre ses principes d’aider les femmes démunies et en danger.

Clive n’avait pas le temps de s’occuper de sa femme.
Pris dans l’action, il disposa le pansement compressif maintenant que cette jambe ne gesticulait plus. Il pinça entre ses lèvres une ampoule de morphine puis serra le nœud assez fort. Adayate râla de douleur jusqu’à ce qu’il lui pique l’autre cuisse et appuie sur l’ampoule. Ses mouvements de défense devinrent moins violents, la douleur ne se mêlait plus à sa colère.
« Stabilisé ! »
« Lyanna, Darren, déplacez-là jusqu’aux portes. Max, avec moi, on couvre leur retraite. »

Darren assura la bretelle de son arme pour la passer au flanc. Il se dégagea ainsi les mains pour agripper une aisselle de la prisonnière. Lyanna ne bougea pas, comme refusant l’ordre de Jim. Elle ne voulait pas participer à cette histoire, même si visiblement, elle n’avait pas vraiment le choix. Quelle autre solution avait elle ? Si seulement elle pouvait connaître une autre façon de passer de l’autre côté sans livrer une innocente. Enfin, innocente, la jeune femme avait quand même tué quelqu’un. Mais elle méritait la mort, et non ce qui l’attendait avec Nataëlle. Des voix firent tourner la tête à la jeune femme qui regarda dans la direction des réfugiées, prêtes à se jeter sur eux. Même si elle n’aimait pas ça, elle ne devait pas rester là. En soupirant, Lyanna consentit à se lever pour prêter assistance à son amant. Clive attendait que sa compagne fasse la même chose pour pouvoir l’emmener. Pendant ce temps, Adayate comprenait qu’elle n’était plus capable de se libérer. Les liens qui entravaient ses poignets résistaient et elle avait un trou dans la cuisse.
« Ahec ! Anes’at olba dec ! » s’écria-t-elle dans une supplique.
« Lyanna, il faut y aller ! » insista Darren.
La captive fixa aussitôt la guerrière.
« Lin’ha’na ! Lin’ha’na ! » glapit-elle en la regardant avec désespoir. « Tac velec ! Ed jilo oueste em ! »

Lyanna eut le malheur de croiser le regard de la fugitive. Cette dernière, bien que ne parlant pas sa langue, avait tenté de prononcer son nom. Et son regard était éloquent. Elle ne voulait pas être livrée à Nataëlle. Le cœur de Lyanna se serra dans sa poitrine, et elle se sentit très mal. Elle tourna la tête pour ne plus la regarder, tandis que ses yeux se voilaient par des larmes qui menaçaient de couler.

« Qu’est-ce que vous attendez ? Foncez ! » s’écria Jim avant d’envoyer une nouvelle rafale dans le sol.
Les émeutières ayant bien compris qu’il n’y avait aucun mort depuis quelques minutes, elles se montraient de plus en plus enhardies. Max se courba lorsqu’une hache venue de nulle part le frôla de quelques centimètres.

Les portes s’ouvrirent sur le D4, et pendant que les guerrières sortaient pour assurer leur passage, Darren et Lyanna trainèrent Adayate qui essayait de puiser dans ses dernières forces pour leur échapper. Ce ne fut que lorsque les portes se refermèrent que la guerrière lâcha la fugitive, maintenant que cette dernière ne pouvait plus aller nulle part. Lyanna ne se sentait pas bien, et elle s’éloigna du groupe, comme pour mettre de la distance avec eux. Elle parcourut la salle principale, et chercha un endroit pour s’isoler, furieuse contre tout le monde. Et contre elle-même.

Les cris de panique de la captive redoublèrent d’intensité. Sa voix formait des échos dans le temple qui semblait suivre Lyanna à chaque pas, comme pour la harceler et la maudire. Le reste du D4 l’amenait en direction du bureau de Nataëlle, talonné de prêt par le cordon défensif qui comptait bien faire feu s’ils faisaient un geste déplacé. En l’absence de Lyanna, toute excuse légitimerait leur mise à mort.

L’Amazone peina à trouver une salle libre. A vrai dire, c’était un réfectoire dont l’ensemble de l’ameublement était taillé dans la roche. Quelques gardiennes mangeaient par groupe épars, ne prêtant que peu d’attention à Lyanna qui venait de s’y réfugier. Pendant un petit instant, Adayate cessa de faire vibrer sa voix dans les murs. Lyanna l’entendit malgré tout se faire rosser sans pitié.
Par le D4 ? Par le cordon défensif ?
D’ici, elle ne pouvait pas le savoir, mais elle devinait sans mal le nombre de coups de poings et de pieds que cette captive récoltait sans pouvoir se défendre. Lyanna le ressentit comme un coup de poignard en plein cœur, comme si elle sentait la souffrance de la fugitive. Elle tenta de respirer calmement, mais elle n’y parvint pas.

Son regard tomba sur l’une des gardiennes attablées. La plus proche, isolée, la fixa en haussant un sourcil, se demandant pourquoi l’Atlante était devenue si émotive. C’était la louve qui avait menacé Max.
Pendant qu’elle plongeait ses ongles dans un morceau de pain pour n’en récolter que la mie, elle mastiquait de la bouche tout en la fixant d’un air curieux.

Soudain, un ultime hurlement provenant de la captive dessina une chute dantesque. Elle avait été jetée quelque part, dans un puits à l’intérieur du temple, formant un caisson de basse naturel qui rappela à tous les occupants du temple ce qu’il coûtait de tuer une gardienne. La voix d’Adayate tonna longtemps, vraiment longtemps, perdant en volume uniquement à cause de la profondeur.
Le choc très étouffé et le long écho, malgré le côté faible, n’en restait pas moins impressionnant quant à la violence du choc. La captive s’était fracassée au fond du puits comme si elle avait chuté depuis une hauteur vertigineuse. Lyanna ferma les yeux quelques secondes devant ce constat. Au moins, la pauvre femme ne souffrait plus, même si elle aurait du avoir une mort rapide, et non un tabassage effroyable avant d’être jetée comme un vulgaire déchet.

Le dernier écho se réverbera encore lorsque la louve s’empara d’une main sauvage de sa corne. Elle quitta son siège lentement, sa mâchoire mastiquant continuellement la mie de pain, puis elle s’approcha jusqu’à l’Amazone, la lorgnant encore plus intensément. Elle ne comprenait visiblement pas cet émoi, elle ne réussissait pas à faire le lien avec le devenir d’Adayate. Tout ce qu’elle voyait, c’était une femme, une guerrière, qui était affligée d’une étrange sensibilité.
Alors elle leva sa corne dans sa direction, laissant l'effluve d’un alcool fort agresser ses narines, et plaqua l’objet contre sa poitrine.
« Sé ! Sé ya’tel ! »

Lyanna ne comprit pas un mot de ce que la guerrière lui disait, mais l’odeur qui émanait de la corne lui démontra que l’alcool présent dedans devait être fort. Et donc pas au goût de la jeune femme qui secoua la tête, en fronçant le nez.

"Non merci" dit-elle simplement.

La jeune femme prit sa propre gourde, et but une gorgée d’eau sous le regard de la guerrière. Elle rendit la louve encore plus curieuse. Cette dernière avait naturellement retiré sa corne. Maintenant, elle humait l’air à distance, à la recherche d’une odeur différente. Elle pensait manifestement que la gourde de Lyanna contenait un alcool inconnu et s’apprêtait à le lui demander. Mais son regard fût attiré par une forme dans le dos de l’Amazone et une profonde agressivité changea son visage.
« HE !!! TEGH !!!! TEGH !!! » gueula-t-elle avec un grand geste de main. Sauf qu’elle tenait encore la corne. L’alcool s’envola en un arc de cercle du mur jusqu’au plafond. Son attitude fit froncer les sourcils de Lyanna qui se retourna alors, afin de voir ce qui se passait.

Dans son dos, Darren s’agenouilla humblement, comme il l’avait fait devant le bureau de Nataëlle. Il hasarda un bref regard vers Lyanna puis attendit qu’elle agisse. Il valait mieux que ce soit rapidement car toutes les guerrières du réfectoire vivaient ça comme une intrusion. Elles s’étaient toutes levées, récupérant leurs armes, avec la farouche envie de faire la peau au militaire. Lyanna se doutait que ces femmes ne seraient pas tendres avec Darren. Après tout, elle avait été à leur place presque toute sa vie. Alors, elle se leva et se plaça devant son partenaire, face aux guerrières.

"Tout va bien, calmez-vous ! Il est avec moi !" dit-elle en levant les mains, cherchant comment faire pour se faire comprendre.

Le regard meurtrier de la louve vint sur l’Amazone avec la même agressivité. Elle lui reprocha, par une expression non-verbale, de défendre un mâle. Elle la contourna pour faire face à Darren et lui cracha dessus avec tout le dégoût qu’il représentait. Le soldat baissa un peu plus la tête, serrant les dents, se retenant de dire quoique ce soit. Lyanna eut envie de dégainer ses épées, mais cela compliquerait la situation. Les guerrières étaient nombreuses, et bien qu’en cet instant, elles semblaient la détester autant que le militaire, ce n’était pas dans son intérêt de s’en faire des ennemis. Il n’y avait qu’une seule solution pour essayer de calmer les choses.

"Darren, va-t-en !"

Clive s'exécuta aussitôt.
Il se redressa en baissant le nez, évitant le regard de la louve qui cherchait véritablement à croiser ses yeux pour déclencher la bagarre. Il ne lui donna pas ce plaisir, il n’allait pas entrer dans ce jeu par fierté. Sans attendre, il fit demi-tour et quitta le réfectoire sans jeter un regard en arrière. Les gardiennes restèrent encore là un petit moment, comme pour vérifier qu’il ne change pas d’avis, puis la vie reprit son cours. Elles se réinstallèrent tranquillement. Lyanna soupira, et but une autre gorgée d’eau, avant de ranger sa gourde. Puis, elle quitta à son tour la pièce.

Quand Lyanna rejoignit Darren, il se trouvait en compagnie de ses camarades, ce qui stoppa net la jeune femme qui resta à une certaine distance du D4, les bras croisés sur la poitrine, toujours en colère et attristée. Il s’essuyait le visage d’un revers de main. Ses joues rouges trahissaient clairement la colère qui bouillonnait en lui et les efforts qu’il déployait pour la dissimuler. Max, à côté, était agenouillé, tripotant son arme avec une nervosité palpable. Les remords l’accablaient et il ne disait rien, ne blaguait plus, n’avait plus cet air enjoué.
Quant à Jim, il était résolument fermé.

Une bonne ambiance dans l’équipe.
Le sergent finit par soupirer. Il posa une main sur l’épaule de Max pour qu’il cesse de se torturer l’esprit et lui donna son sauf-conduit. Un parchemin enroulé que le jeune militaire récupéra sans même le consulter et qu’il glissa dans son gilet d’un air las. Darren prit son exemplaire, le visage dur. Il échangea un petit regard avec Lyanna et lui laissa déduire le manque sentimental qu’il éprouvait.
Il ne pouvait plus l’appeler par ces surnoms attachants : “chérie”, “mon amour”.
Il ne pouvait plus la toucher, la rassurer du regard, ou même se rassurer de sa présence.
Même lui sourire serait un crime dans ce lieu.
Lyanna souffrait également de cet éloignement, alors qu’en cet instant, elle avait terriblement besoin de lui vu son mal être. Elle devait se faire violence pour ne pas se jeter dans ses bras. Si de simples mots pour le protéger avaient suffi à rendre les autres guerrières folles de rage, alors qu’est ce que ces dernières feraient en voyant la jeune femme dans les bras d’un mâle ?

Jim n’était pas du genre à fuir ses responsabilités. Il assumait ses actes aussi durs soient-ils. Il s’approcha de Lyanna et lui tendit silencieusement son sauf-conduit sans dire un mot. Sauf-conduit que la guerrière s’empara également sans prononcer un mot, sans même un regard pour le patriarche du groupe. Elle déroula le parchemin, et le parcourut rapidement.
« Ce papier est un aller simple. Une fois qu’on sera passé, il n’y aura pas de retour possible. Pas sans notre sœur d’arme en tout cas... » dit-il finalement à l’adresse de son équipe. « Vous avez le droit de renoncer. Vous pouvez rentrer sur Atlantis. Vous n’avez qu’à me le dire et je trouverai des remplaçants. »

L’exemple d’Adayate n’était qu’un échantillon de ce qu’ils pouvaient trouver dehors. Le sauvetage d’April n’en était qu’au début et les difficultés s’accumulaient déjà. Jim avait fait sa proposition sans reproches, sans jugement. Il n’y avait rien de lâche à dire stop. Il lui fallait des équipiers solides qui décideraient de s’engager d’eux-même. Il ne pouvait pas choisir à leur place et les contraindre à des actions moralement discutables.
« C’est April. » répondit Max, le regard dans le vide, comme si cette affirmation valait un argument imparable. « Je viens ! »
« C’est April. » répéta Darren.
Il hocha la tête.

Le regard de Jim se décala vers Lyanna.
Il attendit silencieusement de connaître son choix.

Lyanna se sentait déjà tellement mal que l’idée d’abandonner maintenant était impensable pour elle. Si elle faisait demi-tour pour retourner sur Atlantis, le sacrifice d’Adayate, avec le calvaire qu’elle avait vécu avant sa mort, n’allait servir à rien. Et en plus, Darren partait à la recherche d’April, alors la jeune femme voulait le suivre où qu’il aille. Il était hors de question qu’elle retourne chez eux sans lui. Le seul problème dans l’équation était Jim et Max, mais Lyanna devait faire avec eux si elle voulait retrouver April, même si cela allait être difficile de les supporter et de faire comme si rien ne s’était passé. Elle était toujours furieuse contre eux, en particulier contre Jim car c’était lui le chef. Et après, on lui reprochait à elle d’agir sans aucun état d’âme. Comme quoi, les Atlantes savaient faire la même chose. Lyanna roula le parchemin, et le rangea dans son gilet. Sans un regard pour le D4, elle commença à prendre la direction du lieu où ils pourraient passer de l’autre côté.

"Je viens ..." lança-t-elle sur un ton froid et distant, avant de rajouter ce qu’elle avait sur le cœur, comme si c’était vital que ça sorte, tandis qu’elle continuait de s’éloigner. "Après tout, c’est pour ça qu’une femme a été torturée avant d’être jetée encore vivante dans un profond trou pour que son corps pourrisse !"

C’était plus fort qu’elle, mais il fallait que sa sorte. Après tout, Lyanna était rancunière quand elle était blessée, et l’horrible sacrifice d’Adayate avait été un coup dur pour elle, cette guerrière qui venait de trahir ses principes. Cette rancœur et ce mal être qui la bouffaient de l’intérieur devaient sortir. Sa réplique n’allait sûrement pas plaire à Jim. Mais en cet instant, après ce qui venait de se passer, elle s’en fichait totalement. Elle avait ce fichu sauf conduit. Et si Jim cherchait à la renvoyer sur Atlantis, alors elle ferait cavalier seule pour retrouver April.

Le sergent Holman ne lui répondit pas.
Ce dernier reproche lui rappela sans mal la dernière fois où elle avait frappé Max avant de s’en aller, refusant de rentrer à la base. Elle adoptait le même comportement et le sergent ne pouvait pas se permettre la discorde. Lyanna était en colère. Et à l’instar du groupe qui tentait de gérer ça tant bien que mal, elle n’hésitait pas à s’extérioriser. La volonté de s’isoler, de ne pas combattre avec le groupe, et cette foutue haine de l’homme, tout cela mettait la cohésion de l’équipe en péril. Même Darren se sentit concerné par le reproche. Ça lui fila un coup en plein cœur et il préféra ne pas regarder Lyanna qui s’éloignait. Le jeune homme se disait que cette planète occupée par des femmes n’allait qu'accroître ses anciens démons. Ça allait s’aggraver.
« Voilà. C’est comme ça qu’elle aime April. » marmonna Max dont le regard s’était assombri. « C’est vraiment facile de venir nous reprocher maintenant que... »
« Max...pitié. »
« Oubliez ça, les enfants. Elle finira par se calmer et nous aussi. »
Il tendit la main et aida Max à se redresser. Darren suivit le mouvement.
« On va y arriver. »

Le passage pour l’autre côté fut bien plus difficile de leur côté. Si Lyanna avait pu se rendre à la sortie sans encombre, les membres du D4 furent contraints de présenter sans arrêt leur sauf-conduit. On les fouilla à plusieurs reprises, on les bouscula, et quelques autres crachats volèrent dans leur direction.

La sortie leur offrit néanmoins de l’air de bien meilleure qualité. Ce n’était plus aussi nauséabond et, malgré la grisaille, ce morceau de campagne se montra très accueillant.
« On est toujours sur la même planète ? » lâcha Darren d’un air étonné.
Dès la sortie, plusieurs commerçantes les appelaient en montrant divers articles. Elles avaient établi des petits comptoirs de vente pour équiper les nouvelles. Leur disposition en cercle donna l’impression d’être entré dans une brocante à la vie foisonnante et joyeuse. Plusieurs candidates fraîchement acceptées trainaient ici et là, étudiant soigneusement leurs futurs achats, en comptant la somme qui leur était allouée.

Étonnamment, le D4 fût plutôt bien accueilli. Si quelques personnes leur jetaient encore des regards agressifs, les commerçantes avaient tant besoin d’argent qu’elles les appelaient également à consulter leur étal. La misère dont April avait parlé se discernait sans aucun mal. Les vendeuses étaient débraillées, émaciées, et visiblement en sous-nutrition.

Le temps était toujours aussi maussade. Mais cette fois, l’environnement était plus accueillant. Après le marché, des hautes herbes s’étalaient en un plateau bien dégagé. Un chemin s’éloignait vers l’intérieur des terres, la promesse d’un renouveau pour les femmes qui débutaient cette nouvelle vie. Un premier hameau composé d’une dizaine de huttes autour de trois solides cabanes se devinait. Quelques cheminées émettaient de la fumée, signe d’un meilleur confort de vie. Lyanna s’était un peu éloignée, sans se soucier du D4 et des problèmes qu’ils rencontraient lors de leur passage. Elle s’arrêta et observa les lieux, cette étendue verte qui s’étendait presque à perte de vue. Un paysage bien différent de ce qu’elle avait vu jusqu'ici. Si le problème de pauvreté mentionné par April pouvait être réglé, rien n’empêcherait toutes les femmes bloquées de l’autre côté des remparts de venir ici, et de commencer une nouvelle vie. Toutes ensemble. Sans aucune sélection. La jeune femme se sentait toujours mal, son estomac était noué. Prendre l’air ne pouvait lui faire que du bien, même si pour le moment, elle n’avait pas du tout la tête à profiter du paysage qui l’entourait.

Jim guida son équipe parmi le marché et rejoignit Lyanna qui préféra ne pas les regarder.
« Nous allons nous séparer et commencer à enquêter. Questionnez les commerçantes, celles qui veulent bien répondre. Et vendez vos services si vous le pouvez. Nous devons financer nos recherches, j’imagine qu’April est passée par là. »
Il pointa le hameau du village.
« On s’y retrouve dans deux heures. Trois grand maximum. C’est noté ? »
Autant dire que les mots de Jim soulagèrent la guerrière. Elle savait parfaitement que, s’il fallait se séparer, elle ne serait ni avec lui, ni avec Max. De quoi calmer sa colère, peut-être. Max acquiesça. Il sortit de sa veste les photographies imprimées d’April et en tendit une à Lyanna sans la regarder. Il partit aussitôt auprès des commerçantes. La première lui jeta un chiffon à la figure mais la seconde pencha le visage vers lui pour écouter sa requête. La discussion était manifestement plus facile ici que dans le temple.

Darren était resté à côté de sa compagne. Il ne pouvait toujours pas la toucher mais il ne pouvait pas s’éloigner. Elle croirait sûrement qu’il faisait la gueule, qu’il lui reprocherait sa réaction contre le D4 : il ne voulait pas lui infliger ça.
« On va faire le tour. » affirma-t-il à l’adresse du sergent.
Ce dernier acquiesça avant de partir à son tour.

Voilà. Ils étaient tous les deux seuls.
C’était une terrible malédiction de jouer les collègues de boulot. Ce n’était pas drôle.
Darren vit Max se prendre une gifle. Ce dernier ne broncha même pas, repliant sa photo, avant de s’approcher d’une autre commerçante.
« Tu tiens le coup ? » demanda-t-il alors, presque timidement.
C’était simplement pour amorcer la conversation.

Lyanna se mordit la lèvre, le regard baissé, gardant le silence quelques secondes. Puis, elle secoua la tête sans oser regarder Darren.

"Non ..."

La jeune femme en venait même à se demander si elle avait bien fait de venir sur cette maudite planète. La misère des ces femmes, et la façon dont elles étaient traitées, lui était insupportable. Alors en plus, avec ce qui venait de se passer, les choses étaient très difficiles pour elle qui ne cherchait qu’à trouver une solution pour aider tout le monde, malgré ce que Darren lui avait dit.

Darren secoua la tête, conscient que l’affaire Adayate l’avait foutue par terre. Il ne pouvait même pas la prendre dans ses bras...
« Je sais que ça ne te rassurera pas. Mais chér...heu...Lyanna...j’ai forcé sur la dose de morphine volontairement. Elle n’a pas senti la douleur. »
Il ne savait pas quoi dire d’autre pour essayer de la soulager. Cantonné à de simples mots, il ne pouvait tout bonnement pas compenser la magie d’une étreinte amoureuse.

Lyanna leva alors les yeux vers Darren. Elle lui lança un regard déchirant où on pouvait y lire la colère qu’elle ressentait. Mais également de la souffrance.

"Bien sûr que si, elle a senti la douleur. Quand on reçoit des coups, c’est toujours douloureux. Et son dernier hurlement de terreur n’était pas celui de quelqu’un qui ne ressentait rien".

La voix de Lyanna se mit à trembler, et la jeune femme sentit les larmes monter. Elle détourna aussitôt le regard pour se contrôler et ne pas se laisser aller. C’était bien la première fois depuis longtemps qu’elle se montrait aussi … faible. La dernière fois qu’elle avait ressenti ça, ses Soeurs venaient d’être exterminées.

"Dis moi que tu n’as pas participé à ça !" demanda-t-elle à Darren au sujet du tabassage de la malheureuse.

Sur l’instant, le militaire ne répondit rien, surpris que sa compagne puisse envisager cette idée. Elle n’aimait pas les hommes, elle appréciait mal le D4, alors elle pensait qu’ils avaient rossé la captive par ordre de Nataëlle.
« Regarde-moi » lui demanda Darren.
S’il avait pu, il aurait glissé ses doigts sous son menton pour l’obliger à le faire. Il attendit que ces beaux yeux se redressent pour rencontrer les siens et il répondit avec toute la sincérité possible.
« Je te jure sur notre amour que je n’ai pas levé la main sur cette femme. Ce sont les sbires de Nataëlle qui ont battu notre prisonnière avant de la jeter dans un trou. »

Lyanna s’accrocha au regard de Darren. Elle avait tellement envie de venir se blottir dans ses bras pour y trouver le réconfort dont elle avait terriblement besoin. Dommage qu’il n’y ait pas un petit coin tranquille quelque part. Aux paroles de son amant, la jeune femme se sentit un peu rassurée, et acquiesça d’un hochement de tête. Au moins, Darren et son équipe n’avaient pas battu la pauvre fugitive. Elle respira profondément pendant de longues secondes, avant de secouer la tête pour essayer de penser à autre chose qu’à l’horrible sort de la captive.

"On doit trouver April. Sinon, Adayate sera morte dans la souffrance pour rien".

La photo de la militaire à la main, Lyanna se mit en route. Elle se dirigea vers les différents comptoirs pour essayer d’avoir des informations sur April.

Darren préférait ne pas insister. Il ne savait pas où se situait la morale de livrer une meurtrière battue par les personnes qui s’en considéraient lésées. Il ne voyait que la détresse de Lyanna dans le tableau. Clive ne savait pas bien si cela lui rappelait la destruction complète de son village et l’impuissance qui l’avait traumatisée depuis. Ou si, tout simplement, elle n’acceptait pas qu’une femme puisse mourir, quel que soit son crime. Lyanna avait besoin de temps pour s’en remettre. Mais le militaire ne pensait pas qu’elle en aurait été aussi affectée. Quelque part, Jim avait bien fait de la mettre à l’écart de sa capture.
« D’accord. » avait-il murmuré pour toute réponse, se sentant tout à fait impuissant contre la déprime de sa compagne.

Darren la regarda partir, l’observant un instant, avant d’aller de son côté pour interroger les commerçantes. Il s’arrangeait toutefois pour être proche, quelques étals plus haut, toujours en vue de la guerrière.

Lyanna n’eut pas à insister longtemps avant de découvrir quelqu’un qui connaissait April.
« Vous connaissez la Corsaire ? » fît une vendeuse de couverture, fixant intensément l’uniforme Atlante de Lyanna.

Heureusement que la guerrière avait lu le journal d’April pour comprendre ce dont parlait la vendeuse. Elle acquiesça d’un signe de tête, un petit sourire aux lèvres, bien qu’elle se forçait encore un peu, encore perturbée par les derniers événements.

"Oui, je la connais. C’est une amie".

La vendeuse regarda de nouveau l’image imprimée qu’elle tenait dans ses mains, le regard chargé d’affection et de reconnaissance. Revoir ce visage lui faisait manifestement plaisir.
« Je suis sur la Madra. Un cours d’eau habituellement tranquille. Ma fille jouait pendant que je lavais mes couvertures et des bandits l’ont enlevé pour me rançonner. »
La commerçante regarda de nouveau Lyanna, un grand sourire sur le visage.
« Je ne croyais pas les rumeurs sur le compte de cette Atlante. Mais elle est apparue, descendant la Madra sur son bateau, j’ai cru rêver. Je lui ai promis milles richesses, bien plus que je n’en possédais réellement. J’étais désespérée. Mais...elle m’a répondu qu’elle avait simplement besoin d’un endroit chaud pour dormir. Et de quelqu’un pour l’aider à soigner ses blessures. »
Elle secoua la tête, émue.

eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Invité
Invité

Dim 10 Jan - 17:51

avatar

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna


« Elle m’a ramené ma fille contre le gîte et le couvert. J’ai bien voulu la garder auprès de moi tant j’étais reconnaissante. Mais deux jours plus tard, elle filait comme le vent. Ca fait une semaine déjà... »

La vendeuse monta sur la pointe des pieds, cherchant à regarder au-delà de la silhouette de Lyanna. Elle appela un nom plusieurs fois et, soudain, une fillette se glissa au travers de la foule pour rejoindre gaiement sa mère. Celle-ci lui donna l’image imprimée et la fillette se mit à bondir de joie en serrant le portrait contre son cœur.
La fille n’avait pas oublié celle qui était venue la libérer. Sa réaction fit davantage sourire Lyanna qui, l’espace de quelques secondes, semblait oublier la mort d’Adayate. Elle s’accroupit devant la fillette qui continuait de serrer la photo d’April contre elle.

"Je te la donne, si tu veux" lui dit-elle en désignant le cliché de la militaire.
La guerrière eut alors l’idée de sortir une des barres chocolatées de son gilet, et la tendit à la fillette.
L’enfant rayonnait. Elle n’avait jamais connu autant de surprise et de cadeaux qu’en ce jour. En pressant contre elle autant la photo que la friandise, elle se dandina d’un pied sur l’autre en laissant éclater sa joie. Elle lui fit un signe de main, comme si elle souhaitait lui faire une confidence à l’oreille. Elle attendit que l’Amazone se penche pour venir déposer un baiser d’enfant sur sa joue.

Lyanna sourit, puis se redressa pour reporter son attention sur la vendeuse. Cette dernière fouilla dans ses poches et comptabilisa rapidement les quelques pièces qu’elle avait gagnées. Elle s’en amputa d’une bonne moitié qu’elle posa de force dans la main de Lyanna.
« Si vous trouvez la Corsaire, dites-lui que Léolde lui est éternellement reconnaissante. Elle peut revenir quand elle le souhaite pour dormir et se restaurer. D’accord ? »

Sur le coup, Lyanna faillit refuser cet argent, car la vendeuse et sa fille devaient sûrement en avoir plus besoin qu’elle. Cependant, retrouver April n’allait pas être simple, la militaire avait bien dit que tout se monnayait ici. Elle aurait besoin de cet argent pour la retrouver. La guerrière regarda les morceaux de métal dans sa main, avant de serrer le poing pour remercier la vendeuse. Puis, elle les rangea dans l’une de ses poches.

"Tu sais où elle est partie ?"
« Je regrette. J’ai trouvé le lit vide au petit matin, les draps bien pliés. Elle n’était plus là... »

Lyanna cacha sa déception. Elle aurait bien aimé savoir quelle direction prendre pour effectuer les recherches.

"Est ce qu’elle allait bien ? Tu m’as parlé de blessures !"
La vendeuse parut ennuyée.
« Une vilaine entaille à l’épaule, du côté du dos. Ce n’était pas très joli alors j’ai refait son bandage avec du linge propre. Malgré tous mes conseils, la Corsaire a refusé de rester alitée. Je n’ai pas su où elle comptait aller. »
Elle pinça des lèvres.
« Elle a sauvé ma raison de vivre. Je ne pouvais pas me montrer ingrate de curiosité... »

Lyanna soupira en apprenant la nouvelle. Si April était blessée, cela poserait sûrement un problème pour la retrouver, car le temps leur était compté. Une autre question lui traversa l’esprit.

"Sais tu si elle a parlé à quelqu’un d’autre, ici ?"
Là encore, elle n’avait pas de réponse précise.
« Sa réputation a filé plus vite que le vent. Nombre de femmes ont dû parler d’elle, je pense que vous trouverez. Les gîtes, les bains, les médicastres... »

Une cliente venait de lui faire un signe. C’était une candidate tout juste sortie du temple qui voulait une couverture tant pour se protéger que pour dormir dehors. La vendeuse fit un signe poli à Lyanna, signalant la fin de la discussion, avant de reprendre son travail. Lyanna lui fit un signe de tête pour la remercier, puis elle s’éloigna en faisant un signe de main à la fillette. La guerrière rejoignit Darren qui continuait de poser des questions de son côté.

"April est passée par ici, cette dame a eu à faire avec elle. Mais elle ne sait pas où elle est allée, April est partie il y a une semaine. Et elle était blessée".

Darren salua son interlocutrice, repliant sa photo d’April, pour se concentrer sur les informations de sa compagne.
« C’est une bonne nouvelle. Si cette dame l’a vu, on a un premier indice. Un lieu à rejoindre, même s’il est vieux d’une semaine. » lui expliqua-t-il avec optimisme.
« Sa blessure, est-ce qu’elle était grave ? Elle en parle dans ses notes ? »
"La vendeuse m’a dit qu’elle avait une vilaine entaille à l’épaule. April a parlé de vilains coups, mais sans plus. Elle a parlé de beaucoup de choses, mais je n’ai pas eu le temps de finir. Elle s’inquiète de quelque chose de grave, sur cette planète. Elle cherche quelque chose".
« Je sais. »
Lyanna fronça les sourcils, sans comprendre comment son compagnon pouvait être au courant. Darren la regarda.
« Elle est comme toi. Elle n’aime pas l’injustice. »
Le militaire détourna le regard pour couvrir l’étal.
« Il n’y a pas beaucoup de femmes qui ont voulu me répondre. A vrai dire, il n’y en a presque pas. Mais les regards arrêtent d’être agressifs quand ils voient ma photo. Je ne sais pas ce qu’April leur a fait mais elle est très appréciée. Et si elle n’est pas revenue pour faire soigner ses blessures, c’est parce qu’elle était tombée sur quelque chose de très gros. »
Il soupira et compléta, inquiet :
« Si gros qu’elle a dépassé le délai de mission et risqué de perdre le contact avec Atlantis. Je connais une Amazone qui aurait carrément fait pareil ! »

Evidemment que Lyanna aurait fait la même chose. April et elle se ressemblaient beaucoup pour certaines choses. Elle regarda autour d’elle, avant de désigner la vendeuse.

"April a fait de bonnes choses ici. Cette femme par exemple, elle a reçu l’aide de la Corsaire. Sa fille s’est faite enlevée, et April est apparue pour la retrouver et la ramener à sa mère. Et puis, elle est repartie aussi vite qu’elle est arrivée".
« La corsaire ? » questionna Clive avec un regard amusé. « Tu sais...ses notes sont personnelles mais tu devrais quand même partager les informations importantes. »
Un coup de coude complice lui échappa. L’automatisme s’était déclenché avant que son esprit ne dise stop. Ce qui n’était pas pour déplaire à Lyanna. Ce simple geste eut le mérite de lui remonter un peu le moral, et elle ne regarda pas les réactions autour d’elle, pour savoir si cette accolade avait été remarquée ou non.
« Max et Jim ont trouvé un moyen de se faire de l’argent on dirait... »

Pourquoi gâcher le plaisir en parlant de sujet déplaisant ? Lyanna réprima un soupir, et se força à tourner la tête en direction du reste du D4 à contrecœur. Effectivement, entre deux étals, ils s’étaient installés à une table. A l’aide de papier de parchemin et de stylos, ils faisaient les greffiers. L’alphabétisation était rare et le concept de courrier tout autant. Le tout nouveau service, très original, impressionnait les clientes qui fermaient les yeux sur leur condition d’homme. L’idée d’envoyer une lettre à une personne plaisait beaucoup. Max se chargeait d’écrire les propos de la cliente tandis que Jim notait des détails sur l’endroit à livrer la missive. Idéalement, celles qui payaient un petit plus s’assuraient que le binôme lirait la lettre à haute voix.

« Pas bête du tout. » avoua Darren en remarquant qu’une file d’attente était en train de se former. Ils allaient en avoir pour un moment.
Lyanna détourna rapidement les yeux, pour reporter son attention sur Darren. Comme il parlait d’argent, la jeune femme sortit les quelques piecettes de sa poche.

"La vendeuse m’a donné ça, pour April. Elle n’a pas eu le temps de les lui donner pour la remercier".
« Tu les lui remettras en mains propres. » lâcha Darren, comme une promesse quant à la réussite de leur mission. Il lui offrit un petit sourire charmant pendant qu’elle remettait son argent en poche.
« Je vais aller au hameau. Il y a probablement un refuge, une auberge, des gens à qui montrer la photographie. Tu veux rester ou tu me suis ? »

La guerrière regarda autour d’elle mais elle ne voulait pas quitter Darren. Elle avait besoin de sa présence en ce moment.

"Je viens avec toi, je n’ai plus la photo d’April".

Cette réponse lui convenait.
Il avait espéré qu’elle dise oui, ne serait-ce que pour marcher côte à côte. Au sujet de la photo d’April, il laissa son humour s’exprimer.
« Tu l’as mangé ? Tu cherches une alternative au chocolat ? »

La question de Darren eut le mérite de réussir à décrocher un petit sourire à Lyanna.

"Bien sûr que non. Je l’ai donné à la fillette qu’April a sauvé. Elle avait tellement l’air contente de l’avoir. Et je lui ai aussi offert une barre chocolatée. J’ai encore l’estomac retourné, je n’en mangerais pas".

Ensemble, ils quittèrent ce petit marché au pied du temple et se rendirent jusqu’au hameau. Le silence s’installa un petit instant entre eux puis le soldat reprit ses vieilles habitudes. Comme sur la cité, il aimait lui parler, partager. D’autant plus que, sur le chemin, il y avait beaucoup moins de monde. Les voilà un peu plus tranquilles.
« April t’a raconté qu’elle était devenue reine d’une bande de primates ? »
Il savait qu’elle serait étonnée et très intriguée par cette histoire. Lyanna fronça les sourcils et secoua la tête en regardant Darren.
« On était parti sur une mission de récupération. Un contingent d'anthropologues étudaient des ossements de primates, tes lointains ancêtres. L’évolution de l’humain découle d’eux... »
Il s’interrompit un instant en regardant deux femmes qui attendaient sur le bord du chemin. Dès qu’elles eurent leur attention, elles dévoilèrent une série de colifichets.
« La protection contre les créatures ! Ou celle-ci, contre les maladies ! Quinze Tincs, prix d’ami ! »
Darren secoua poliment la tête et poursuivit son chemin. Lyanna, quant à elle, eut un air désolé, en faisant un signe pour expliquer qu’elle n’avait rien pour les payer, avant de suivre son partenaire.
« Donc. Nos anthropologues étudiaient les ossements, se croyant en sécurité, parce que l’espèce s’était soi-disant éteinte. Belle erreur, ils fouillaient dans un cimetière, la tribu de primates soit disant disparue est venue leur rouler dessus. Résultat, la débandade. Sur les cinq, il n’y en a qu’un qui a pensé à courir jusqu’à la Porte... »
Clive tiqua un peu.
« Bon, on a pas pu jouer les gentils. On a dû en flinguer quelques-uns mais...puisque c’était tous des mâles, ça ne compte pas ? »
Il la faisait marcher, ça se voyait à son regard. Lyanna était amusée par cette question.
"Ça dépend. Ils ressemblaient plus à des humains ? Ou à des animaux ? Si ce sont à des humains, alors non, ça ne compte pas !" dit-elle, en retrouvant cette complicité qui leur était interdite sur cette planète.
« Bien sûr que non. A quoi peut bien servir un mâle, dans cet univers, à part servir de cible d'entraînement ? » exagéra le soldat dans cette même complicité.
Il lui sourit et reprit son histoire.
« Il ne nous restait plus qu’un savant à retrouver. Mais ça demandait de s’enfoncer dans les grottes où les primates vivaient. Un éboulement a séparé April de notre équipe. On l’a entendu se faire agresser par les primates et je t’avoue que...on l’a pensé morte. »
Et maintenant...le clou du spectacle !
« Plusieurs heures plus tard, on trouve enfin le camp ennemi. On est en colère, gonflé à bloc, prêt à venger notre hystérique. Et là, la surprise du siècle, tous les gorilles nous laissent gentiment passer. Ils nous offrent des fruits et de l’eau ces cons-là...April... »
Il se mit à rire.
« April était sur un trône, de la peinture sur la goule, une couronne d’os sur la tête. Une vraie despote. Quand elle nous a vu, elle a déclaré en riant avoir trouvé un D5...en fait, elle avait tué le mâle Alpha et pris sa place. Elle attendait simplement notre arrivée en se goinfrant de bananes locales. »

Lyanna se mit à rire, entraînée par Darren et son récit. Imaginer April à la tête d’une bande primates était amusant.

"Ils ont laissé partir leur femelle alpha ?"
« En fait...on a dû attendre la nuit pour se sauver en catimini. La tribu était en en furie lorsqu’ils se sont aperçus de la disparition. On a sauté à travers la Porte et quand le chef de mission a descendu les marches, tu ne vois pas notre April qui gueule à toute l’assemblée : JE SUIS LA REINE MACHADO, AGENOUILLEZ-VOUS, PRIMATES !! Elle nous comparait aux bestioles de la planète ! »

Lyanna imaginait très bien la scène, ce qui la fit sourire. Au moins, cette histoire racontée par Darren eut le mérite de lui faire oublier sa peine et sa colère pendant quelques minutes pendant lesquelles la jeune femme ne pensait qu’à son amant.

"Sacré histoire. Elle a dû surprendre tout le monde avec ces mots. Elle n’a pas eu de problème ?" demanda-t-elle, sachant que certaines personnes sur Atlantis n’avaient pas le sens de l’humour, comme Ridding.
Darren se racla la gorge.
« Il se trouve que le chef de mission était officier. Un lieutenant. Et on ne traite pas son lieutenant de primate donc...elle a fait deux jours au trou. »
Le soldat s’empressa d’ajouter :
« Non, très chère, j’entends déjà ta voix qui hurle tout ce que tu penses des officiers “mâles” avant même que tes lèvres ne bougent. Et on est venu lui tenir compagnie durant ce temps. Un steack frites en prison, c’est une expérience intéressante ! »
"C’était exagéré de la mettre en prison pour ça !"

Darren ricana.
« Tout ce qu’un officier dit ou fait est exagéré pour toi. Pourtant je t’aurai bien vu en lieutenant Ridding... »
Lyanna ouvrit de grands yeux, et prit un air faussement courroucé lorsque Darren l’imaginait dans la peau du mâle qu’elle détestait le plus sur Atlantis. Le militaire se pencha vers elle, tout sourire, en insistant encore plus.
« Tu enfermerais le premier rebelle venu dans un garage par exemple ! »
"Bien sûr que oui, je ferais la même chose. Enfin non, c’est trop grand pour lui. Je le mettrais dans une toute petite cellule. Et tous les autres mâles aussi !"
« Pourquoi est-ce que je pose la question ? » répondit-il comme s’il se reprochait cette bêtise. Il claqua des doigts, trouvant soudainement la réponse. « Ah mais bien sûr ! C’est pour t’entendre parler et râler sur les hommes. Me rappeler qu’il n’y a qu’un seul et unique mâle que tu portes dans ton cœur ! »

Lyanna sourit aux paroles de Darren, et elle se retint de venir l’embrasser. Ce n’était pas vraiment le bon moment, vu qu’ils n’étaient pas seuls. Elle resta alors près de lui, et le suivit en direction du hameau. Ce chemin n’existait que parce qu’il était fréquemment emprunté. Personne n’avait pris la peine de le travailler, de creuser des caniveaux ou de niveler la route. Comme l’on pouvait attendre dans tous les petits terrains de campagne, une mince bande d’herbe survivait au centre de la route. Rarement, le binôme croisait des étals placés sur la bordure. Une grande peau de bête était relevée par deux simples piquets en bois pour fournir un abri. Mais il n’y avait pas de table, la femme était assise à même le sol autour de ballots.
S’il ne risquait pas de se faire continuellement démarcher, Darren aurait eu la curiosité de demander ce qu’il se trouvait dans ces grands paquetages de peau ficelés. Le regard hostile de la commerçante le rassura sur sa décision de passer son chemin.

Le chemin traversait ensuite une colline déboisée. Il n’en restait que des souches sciées à la base. L’aspect terne et cramoisi du bois laissait deviner que la coupe avait eu lieu quelques dizaines d’années plus tôt. Ce travail peu soigné donnait une impression de catastrophe naturelle. D’ailleurs, après avoir franchi la colline, Darren trouva les restes d’une cabane de bûcheronnage détruite par les aléas du temps. Il n’en restait plus que ses fondations et une façade, celle dont les piliers étaient les plus épais.
En s’arrêtant un instant, le soldat trouva dans le bois des craquelures et du carbone, signe qu’un incendie avait touché le bâtiment. Ça semblait vieux. Mais était-ce un accident ou un acte volontaire ?

Lyanna et lui progressèrent tranquillement, discutant de tout et de rien, jusqu’à entrer dans le hameau. Il fallait passer sur un pont en bois rudimentaire, quelques vieilles planches entassées les unes sur les autres, sous lesquelles passait des eaux usées. La mauvaise odeur était bien plus acceptable cette fois. Quelques barrières de bois délimitaient un terrain visiblement à l’abandon, puis, enfin, ils passèrent devant les premières maisons.
Là, les regards chargés de méfiance et d’animosité contraignirent Darren à cesser sa proximité envers l’Amazone.

Le bâtiment en bois le plus imposant et solide semblait être une auberge. A côté, on trouvait la hutte d’une herboriste, un petit poulailler qu’une vieille dame tenait avec difficulté. Quelques habitations. Malgré tout, la pauvreté semblait de mise. Une demi-douzaine de femmes en guenille et de tout âge siégeaient à l’entrée de l’auberge pour demander une pièce.
Trois candidates se tenaient un peu à l’écart, discutant dans une langue inconnue, en hésitant sur quel chemin emprunter pour quitter le hameau.

« Il y a quelqu’un que tu voudrais interroger en premier ? » lui demanda Clive avant d’arrêter de marcher.

Lyanna réfléchit à la question de Darren, regardant autour d’elle pour savoir par où commencer les recherches. Il valait peut être mieux aller voir l’herboriste, ou la dame âgée qui s’occupait d’un poulailler. Bref, quelqu’un qui travaillait ici, et qui pouvait donc avoir vu April passer dans cette ruelle.

"Je dirais … peut être l’herboriste" dit-elle à son amant, avant de le regarder pour constater qu’il ne l’écoutait pas vraiment.

Darren avait entendu du bruit dans un petit cabanon en bois que le vent avait fait écraser. Il pencha la tête de côté, cherchant à y voir plus clair, et discerna une adolescente qui pleurait. Elle était assise contre ce qu’il restait du cabanon, serrant dans ses mains un gilet si vieux qu’il ne pouvait pas lui appartenir. L’adolescente ne se rendait pas compte qu’elle était observée. Elle porta le gilet jusqu’à son visage et inspira fort, cherchant à prendre l’odeur et ne plus l’oublier. Intriguée, Lyanna posa à son tour ses yeux sur ce que Darren regardait, et vit la jeune fille en détresse. Et qui lui fit de la peine. Devait-elle continuer d’aller interroger les habitantes pour avoir des informations sur April ? Ou bien aider cette petite qui semblait préoccupée par quelque chose.

La guerrière reporta son attention sur l’herboriste, puis sur l’adolescente, réfléchissant au choix à faire. Finalement, elle se décida, et désigna la jeune fille d’un signe de tête.

"On commence par elle. On dirait qu’elle a un problème".
« Vas-y. Je vais vérifier que ce n’est pas un traquenard. » répondit le soldat avec sa petite complicité.
S’il s’agissait d’un piège, Darren neutraliserait les brigandes planquées dans les fourrées pendant qu’elle donnerait la fessée à la petite impudente qui osait les piéger. Reprenant tout son sérieux, Clive épaula son M4 et s’éloigna sur le flanc pour disparaître derrière quelques arbres.

Lorsque Lyanna apparut dans le champ de vision de la petite, cette dernière parut d’abord surprise. Elle regarda son visage, ne la reconnut pas, puis découvrit l’uniforme qui n’avait rien de familier. En poussant une plainte, l’adolescente recula à quatre pattes, tenant toujours le gilet, puis fit demi-tour dans le but de s’enfuir à toutes jambes. Sauf qu’elle tomba contre Darren, ou percuta son torse plutôt, pour finir sur le séant dans l’herbe.
Prise entre les deux équipiers Atlantes, l’adolescente chercha un moyen de fuir, l’air affolée, avant de comprendre que c’était impossible.
« Je n’ai pas d’argent ! Je n’ai pas de Tincs ! » cria-t-elle de terreur. « Je n’ai pas de valeur...je...je suis orpheline. Je n’ai pas de valeur !!! »
Darren demeura immobile, se tourna d’un quart pour observer les alentours, à l'affût de toutes menaces. Il croisa le regard de Lyanna et secoua la tête pour dire qu’il n’avait rien trouvé. Ce n’était pas un piège.
« Pitié... » gémit l’adolescente au bord de la crise de larmes.

Lyanna leva les mains pour montrer qu’elle n’avait rien qui pourrait lui nuire. Rassurée par Darren de savoir qu’il n’y avait aucun danger, la guerrière capta l’attention de l’adolescente qui était terrorisée.

"Tout va bien, je ne te veux pas de mal".

La guerrière resta immobile et calme, elle ne fit aucun mouvement brusque pour ne pas effrayer la jeune fille.

"Je ne suis pas là pour voler tes affaires".

La jeune restait par terre, à moitié sur le dos, une main levée comme si elle craignait de recevoir un coup de pied. Le détail n’était pas sans importance parce que ce geste semblait trop naturel, comme s’il avait été répété à de nombreuses reprises. Darren se fit dans l’idée qu’elle avait dû être battue et pas qu’un peu. Puisque Lyanna se montrait gentille, la fille se demanda ce que ça pouvait bien cacher. Elle la regarda, avec un mélange de terreur et d'espoir qu’elle aurait préféré museler.
Elle resta là sans rien dire, pendant quelques secondes, avant de se tourner vers Darren. Le militaire n’avait pas bougé d’un centimètre, il lui sourit pour faire bonne figure et coller au sentiment que Lyanna lui inspirait.
« Je...je n’ai pas d’affaires. » répliqua-t-elle en fourrant le gilet dans son pantalon troué. Elle le faisait si vivement, avec les mains tremblantes, qu’on aurait cru qu’elle dissimulait un diamant. D’un bond, elle se redressa et tenta de se sauver. Darren fut plus rapide et s’interposa délicatement, faisant simplement deux pas qui venaient interrompre sa progression.
« Moi c’est Clive. Et ma maîtresse s’appelle Lyanna. »

L’adolescente recula un peu, tout de même plus rassurée de se dire que cette personne était contrôlé par la femme Atlante. Finalement, elle se tourna vers elle et observa sa tenue. Un long silence de sa part se ponctua de quelques tremblements nerveux.
« Ces vêtements...vous...vous êtes la Corsaire ?!? »
Son regard venait de briller d’espoir.

Lyanna baissa les yeux pour regarder sa tenue, avant de reporter son attention sur l’adolescente. Elle secoua doucement la tête, en baissant les mains.

"Non, je ne suis pas la Corsaire. Mais je suis son amie, et je la cherche".

Si l’adolescente la confondait avec April, inutile de lui demander si elle l’avait vu pour essayer de la trouver. Lyanna se montra toujours aussi calme, essayant de tranquilliser l’adolescente qui était toujours apeurée. Elle avait bien remarqué sa réaction. Cette attitude, la guerrière ne la connaissait que trop bien. La jeune fille avait dû vivre un enfer pour être terrifiée à ce point là. Mais pourquoi ? Que lui était-il arrivé ?

"Comment t'appelles tu ?"
« Je….Nini. Je m'appelle Nini. »

Lyanna acquiesça d’un petit hochement de tête, cherchant toujours à rassurer l’adolescente.

"C’est très joli".

La guerrière se mordit la lèvre, et réfléchit aux questions qu’elle aimerait lui poser sans provoquer une panique chez la petite.

"Nini, je t’ai vu pleuré toute à l’heure. Quelque chose ne va pas ? Tu as des problèmes ? Je peux peut-être t’aider".

Lyanna désigna d’un signe de tête le gilet qui dépassait à moitié de son pantalon.

"Ça a un rapport avec ce vêtement ?"

L’adolescente chercha aussitôt à cacher ce qui en dépassait sans réussir.
« Non. » s’écria-t-elle bien trop rapidement. « C’est à ma maman. C’est tout ce que j’ai de maman. Ça n'a pas de valeur. Et je ne le vends pas ! »
Elle fit demi-tour et voulut s’en aller. Encore une fois, Darren se plaça sur la trajectoire en mimant une innocence presque outrageuse.
« Toi...laisse-moi passer. » siffla-t-elle d’un ton mal joué. Sa colère était loin d’être aussi intimidante qu’elle le souhaitait.
« Bien sûr ! » répondit Darren d’un ton très avenant.
Il pointa Lyanna d’un geste de la main.
« Mais il faut la permission de ma maîtresse avant »
Il souriait de nouveau mais, pour qui le connaissait assez, ce n’était pas adressé à l’adolescente. Il prenait un malin plaisir à jouer l’esclave mâle, probablement depuis leur dernière discussion sur une “Lyanna lieutenant”. Cette dernière dévisagea Darren avec un regard plein de sous entendu en comprenant ce qui voulait dire sa remarque. Elle aimait bien ça, il fallait l’avouer. Puis, elle reprit son sérieux, et se concentra à nouveau sur Nini.
L’adolescente parut prendre dix ans et ses épaules s’affaissèrent.
« Personne ne peut m’aider. » lâcha-t-elle finalement dans un sanglot très brutal. « Je dois payer pour maman. Mais je sais qu’ils ne me la rendront jamais. Ils s’arrangent toujours pour que ça coûte plus cher ! »

eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Lyanna
Guerrière
Planète Kirana
Bannière perso (image 901x180px) : La ruine d'Amarielle 1562430542-image-profil
√ Arrivée le : 14/07/2018
√ Nationalité : Kiranienne

√ Gène : ATA
√ Messages : 179

Dim 10 Jan - 23:31

Lyanna

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna

Voyant l’adolescente fondre en larme, Lyanna s’approcha doucement d’elle, et posa une main compatissante sur son épaule. Il n’en fallut pas plus pour qu’elle se colle entièrement contre elle. Le geste avait de quoi surprendre et il révélait également que Nini avait été isolée bien trop longtemps. Sa galère ne datait pas d’hier. Elle était dans un tel état de détresse qu’elle se jetait dans les bras d’une simple étrangère aimable. Lyanna serra doucement son étreinte, et fronça les sourcils aux paroles de Nini, cela ressemblait au récit de la mère dont la fille avait été enlevée. Voilà pourquoi l’adolescente avait eu de l’espoir qu’elle soit la Corsaire.

"Ta mère a été enlevée ? Tu sais par qui ? Ou bien où est ce qu’elle se trouve ?"
L’adolescente quitta son étreinte à contrecœur et secoua la tête. Comprenant que Lyanna envisageait de l’aider, elle n’osait même pas la regarder dans les yeux, comme si c’était le risque de l’importuner et perdre son aide.
« Elle travaille à la ferme du Bois Raide. » dit-elle en reniflant. « Il y a quelque temps, on a été expulsés de notre cabane. Maman n’arrivait plus à payer. Alors on est allé à la ferme, il y avait du travail. Norda a dit qu’on pouvait dormir sous l’appenti avec les chevaux. »
Le poids du drame l’écrasa un peu plus.
« Mais...c’était payant...elle ne l’avait pas dit. Pour rembourser l’appenti, il a fallu travailler plus dur. Ensuite, elles nous ont fait payer les repas, puis la location de nos outils, puis bien d’autres choses encore. »
« Donc au lieu de vous payer. Elles vous endettent progressivement... » déduisit Darren.

L’adolescente le regarda et acquiesça lentement.
« Maman m’a dit de m’enfuir. Elle m’a aidé, à la nuit tombée, à quitter la ferme sans que Norda ne lâche les chiens sur moi. Mais je suis seule maintenant. Maman a dit que j’étais forte, que je devais faire ma vie, gagner de l’argent et être heureuse... »
Répéter les derniers mots de sa mère lui fit tant de mal qu’elle tomba à genoux dans l’herbe. Elle se remit à pleurer, plus timidement cette fois. Elle se cramponnait au morceau du vêtement qui dépassait de son pantalon avec émotion.
« Elle m’a même donné son gilet pour que je n’ai pas froid la nuit. Son seul vêtement chaud ! Mon seul bien ! Mais je ne peux pas...c’est avec maman que je suis heureuse...je dois trouver une solution pour tout rembourser. Tout, jusqu’au moindre sou ! Et...alors...peut-être la laisseront-elles partir ? »

Lyanna eut le cœur serré à mesure qu’elle écoutait le récit de Nini. Cela la touchait grandement. Elle n’avait pas pu aider Adayate, alors elle voulait venir en aide à cette adolescente. Sans geste brusque, la guerrière s’accroupit à côté de Nini.

"Cette Norda, elle vit toute seule ? Il y a d’autres personnes avec elle ? Ou d’autres femmes qui sont comme ta maman ?"
« Il y a quatre femmes avec maman qui travaillent dans la ferme. Certaines sont là depuis plusieurs saisons. Et elles ont d’énormes dettes. Norda tient la ferme, elle a un bâton, des chiens, et une arbalète aussi. Elle donne des ordres à Palie, sa sœur, et Eoguelle, son amie. »
La mention de ces deux noms l’avait fait frémir de peur. Par sa proximité, Lyanna pouvait sentir ses tremblements. Elle était terrifiée. La guerrière comprit rapidement que ces deux femmes avaient maltraité l’adolescente.
« Si on a pas fait le travail assez vite, elles nous battent. Et si on a pas tout fait, elles nous emmènent à la punition. C’est horrible...rester au soleil, avoir si soif. L’eau est payante...à la fin de la punition, Norda vient personnellement noter le nombre de verres qu’on a bu. Il faut rembourser, tout rembourser... »

Lyanna était révoltée par ce que ces femmes faisaient à d’autres. Elle regarda Darren pour lui faire comprendre qu’elle voulait aider Nini et sa mère, bien qu’ils n’étaient pas sur cette planète pour ça. Mais la Kiranienne ne pouvait pas rester là sans rien faire. Elle baissa son regard sur l’adolescente, et frotta doucement son dos pour essayer de la calmer.

"Je vais tout faire pour aider ta maman, d’accord ?"
« Mais...je n’ai rien...pour payer. » dit-elle, effrayée à l’idée que ça suffise à faire reculer Lyanna.
"Ne t’en fais pas, je ne demande jamais d’argent pour aider quelqu’un".

Clive terminait de déballer une barre de céréales. Il la coupa en deux, gardant l’autre morceau dans son emballage pour une prochaine fois. Le soldat le rangea tranquillement dans sa poche puis s’approcha de l’adolescente. Cette dernière, qui ne savait pas ce qu’était un homme jusqu’à ce jour, s’accrocha au bras de Lyanna par simple appréhension.
« Lyanna est une femme pleine de bonté. Tu pourras lui rendre service en retour après notre aide... » dit-il sur le ton de la confidence.

Darren lui tendit la collation et l’invita à le manger. Ce n’était pas par simple générosité, il voulait pouvoir parler avec sa compagne, seul à seul. Le soldat attendit patiemment que l’adolescente soit occupée, surprise par le délicieux goût du sucre qu’elle découvrait, et il lui fit un petit signe de tête l’invitant à s’éloigner.

Clive avait pris un petit peu d’avance, patientant que son amante puisse rassurer sa protégée avant de le rejoindre.
« Il y a de sacrés truandes dans cette ferme... » affirma-t-il.
C’était une façon de lui dire qu’il la soutenait. Lui non plus n’avait pas l’intention de laisser ça là. Faire cesser l’esclavage dans une ferme ne correspondait pas à la mission. Mais puisque tout se monnayait et que la réputation d’April changeait manifestement les regards : ce détour leur ferait un excellent coup de pub.
« Tu vois la chose comment ? »
"Nini a dit qu’elles étaient trois, avec une arbalète et des chiens. C’est ce qui est le plus inquiétant, mais je pense qu’avec ça" dit elle en désignant le M4 de Darren, "ça peut se régler rapidement".

Lyanna réfléchit quelques secondes. L’important était d’éviter de mettre les esclaves en danger.

"Nous ne sommes que tous les deux. Nous pouvons déjà aller les voir pour discuter. Histoire de jauger la situation".
« Et tu vas leur dire quoi ? » lui demanda-t-il en lui confiant ses doutes. « Arrêtez d’exploiter ces pauvres femmes, comportez-vous bien ? »
"Si je dis ça, elles ne m’écouteront pas, j’en suis sûre. Mais leur parler pour … je ne sais pas … les menacer, ou les obliger à laisser les esclaves partir. J’ai envie de voir comment elles sont avec leurs armes. Si elles sont confiantes, ou au contraire, si elles seraient déroutées de voir quelqu’un comme toi et moi, si lourdement armés".
« On ira les voir, je ne suis pas contre cette idée. »
Il se montrait rassurant sur le sujet. Darren n’était clairement pas dans l’optique de laisser cette affaire sans réagir. Mais il voyait également un peu plus loin et cernait un autre problème que Lyanna ne prenait pas en compte.
« Mais regarde autour de toi. Si on libère ces esclaves, elles iront où ? Rejoindre le troupeau qui mendie devant l’auberge sûrement. Ce n’est pas une vie plus enviable...»
Il réfléchissait en même temps.
« Même si c’est plein de mauvais souvenirs, cette ferme est un endroit stable. Elles connaissent le boulot, elles auront de quoi faire de l’argent. Ce n’est pas ça qui doit changer mais les bourreaux qui profitent de cette force de travail. »
Une idée lui vint alors, faisant étinceler son regard. Il oublia son devoir d’éviter tout rapprochement et cerna la taille de Lyanna sous le regard ahuri de l’adolescente.
« Ma mie. Voudriez-vous devenir l’heureuse propriétaire d’une ferme bucolique et fort attrayante du Bois Raide ? Il se trouve justement qu’elle vient d’être proposée à la vente ! »

Autant dire que la réaction de Darren surprit beaucoup Lyanna. Eux qui n’avaient pas le droit à toutes sortes de gestes intimes, pas même une petite accolade, sans éveiller la fureur chez les femmes de cette planète, voilà que le soldat la prit par la taille en se montrant entreprenant. Elle fronça les sourcils, sans comprendre.

"Mais à quoi tu joues ?" lui murmura-t-elle.

Il ne s’écartait pas pour autant. Darren pressa davantage sa main, regardant en direction de l’auberge où plusieurs villageoises s’arrêtaient déjà pour les regarder, atterrées.
Le soldat blêmit puis jura silencieusement. Lyanna découvrit que son naturel était tout simplement revenu au galop. Il fit marcher son cerveau et échafauda un plan rapidement.
« Comme sur Héstevic, tu te rappelles ? Tu gifles le vilain mâle qui ose poser la main sur une si belle femme...et tu me vends à la ferme du Bois Raide. Doit bien y avoir quelqu’un qui adorera faire les intermédiaires pour grappiller un bonus ! »
En passant par la population locale, ils allaient endormir leur méfiance. Ce serait une bonne stratégie pour pénétrer dans la ferme, faire “essayer” Darren à ces bonnes femmes avant l’achat, ce qui allait permettre d’étudier la disposition des lieux, les chiens, les armes, l’emplacement des esclaves.

Il aurait pu le lui proposer sans l’étreindre. L’ennui, c’est qu’il ne l’avait absolument pas voulu. En parlant tout simplement avec Lyanna et en voulant faire le pitre, Darren avait agi comme sur Atlantis. Un moment d’égarement et son naturel était revenu au galop. Il devait maintenant poursuivre sur sa lancée, car sa blague ne l’était qu’à moitié. Une idée avait germé dans sa tête.

Se faire vendre en tant qu’esclave pour repérer les lieux. Ne pas conclure l’accord. Puis trouver un moyen de devenir propriétaire de la ferme ensuite. Si Lyanna détenait l’endroit, le devoir de nommer les occupants lui reviendrait non ?
Il lui raconterait son plan sur le chemin. Mais pour le moment, il devait nettoyer ses conneries en demandant à sa femme un petit coup de main.

Darren lui fit un sourire presque pervers. Mais sa voix contrastait fortement avec son petit jeu d’acteur.
« Je sais comment te rendre convaincante si tu n'oses pas. » murmura-t-il en descendant dangereusement sa main vers son derrière.

Lyanna comprit enfin ce que Darren était en train de faire. Lui le mâle, elle sa maîtresse aux yeux de toutes les autres femmes. Alors, lorsqu’elle sentit la main de son amant qui descendait vers son fessier, un geste qui pouvait paraître très déplacé pour les autres, la guerrière accepta de jouer le jeu afin d’infiltrer la ferme pour mieux s’occuper de Norda et de ses deux sbires. Réagissant rapidement, Lyanna se montra faussement furieuse, et gifla Darren. Peut-être un peu trop fort, mais elle se devait d’être convaincante.

« C’était une gifle ça ? » murmura-t-il dans une plainte.
"Comment oses tu, mâle ?" cria-t-elle pour que tout le monde l’entende.
« Mais….je…. » joua le soldat avec un air effrayé.

Sans attendre, voulant jouer son rôle à la perfection bien qu’elle s’en voulait de malmener l’homme qu’elle aimait, la guerrière attrapa son bras, et le tordit pour l’obliger à s’agenouiller pour le remettre à sa place.

"J’en ai assez de toi ! C’était ta dernière erreur, je t’avais prévenu !"

Intérieurement, Darren ressentit une étrange flatterie. Vu les circonstances, ce n’était pas vraiment le moment. Mais il sentit comment Lyanna se forçait contrairement au passé. Durant leur mission sur Héstevic, même après s’être rapproché, c’est quelque chose qu’elle aurait pu faire naturellement. D’ailleurs, ils avaient quasiment employé la même technique pour s’infiltrer dans une maison de passe.

Mais en l’entendant crier, même si la force de son coup l’avait un peu vexé, il ne pouvait s’empêcher de relever cette grande différence.

Sa chérie éprouvait des difficultés à faire l’Amazone tueuse d’hommes en colère. Le soldat était tout autant surpris que satisfait de s’en rendre compte. Son jeu, bien sûr, passait très bien auprès de la population locale. Mais pour celui qui connaissait le phénomène, l’agressivité contre lui était moins gratuite et moins spontanée.

Le soldat rangea cette agréable découverte dans un coin de son esprit. C’était à son tour de sortir sa tirade.
« Pardon maîtresse ! Je ne le referai plus ! Je croyais...pardon ! » couina-t-il en essayant de s’accrocher à sa jambe. Il cessa de se plaindre uniquement parce qu’il était sur le point d’exploser de rire. Il regarda à l’opposé du public féminin qui s’était formé non loin d’eux, le visage bariolé d’un grand rictus amusé.

Lyanna tira sa jambe pour faire lâcher prise à Darren, et se montra toujours aussi furieuse.

"Reste par terre, sinon tu le regretteras !"
« Oui...oui... »
Prostré sur le sol, à quatre pattes, il joignit ses mains pour la supplier silencieusement. Elle l’entendit ronfler, un ricanement majoritairement retenu par ses lèvres scellées. Le reste passait par le nez et il se reprit rapidement.

Lyanna s’éloigna de quelques pas, en regardant les femmes qui observaient la scène. Autant dire que le regard mauvais qu’elles jetaient à Darren démontrait clairement qu’elles étaient de mon côté. Il fallait en profiter.

"Je veux me débarrasser de ce mâle, mais j’ai besoin d’argent ! Qu’il me rapporte quelque chose, vu qu’il est inutile ! Quelqu’un sait à qui je peux le vendre pour le dresser comme il se doit ?"

Quelques femmes l’observèrent en murmurant. Darren représentait une bonne force de travail mais sa condition d’homme déplaisait.
“Il mangera trop” disait-on.
“Il peut se révolter” dit une autre.
“Non...non...il va besogner mes chèvres !” répliqua une autre en secouant la main.

Là, ce fut Lyanna qui dut se contrôler pour ne pas éclater de rire en entendant les arguments donnés à l’encontre de Darren. Bon d’accord, il mangeait pas mal, mais c’était un homme. Et puis, vu sa corpulence, il pouvait facilement opposer une résistance à quelqu’un qui le chercherait. Mais de là à s’occuper de pauvres chèvres ? Mais quelle idée était passée par la tête de cette femme ? La guerrière se mordit discrètement la lèvre, en gardant son visage furieux pour continuer son rôle. A croire que personne n’allait lui donner la bonne idée de vendre son amant à Norda.

Et c’est là qu’une femme éclairée se sépara du groupe pour aller jusqu’à Lyanna. C’était une vieille mégère de la même classe que Nataëlle. Elle examina brièvement Darren qui continuait de la supplier de ses mains puis acquiesça.
« La ferme du Bois Raide pourrait vous le prendre. » dit-elle en haussant les épaules. « Mais les tenancières, elles parlent pas aux étrangers. Pour un quart de ce qu’il rapporte, je vous accompagne ! »
Nini, pendant ce temps, s’était cachée dans les ruines de la cabane sans comprendre ce qui se jouait. A son regard écarquillé, elle croyait véritablement à la vente de Darren à la ferme qui avait réduit sa mère en esclave.

Lyanna se montra tout de suite intéressée par la proposition de la vieille femme. Darren avait eu raison concernant l'appât du gain pour vendre un mâle. Elle regarda son interlocutrice, puis le militaire.

"Je suis intéressée. Si ces tenancières me payent bien pour acheter ce mâle, tu en seras bien récompensée".

Si la femme âgée les accompagnait, il leur serait plus difficile de discuter. Et il leur fallait un plan avant d’arriver chez Norda. Du coin de l'œil, Lyanna aperçut Nini qui semblait perdue parce qu’elle voyait. La guerrière se devait de la rassurer. L’adolescente ne devait pas comprendre ce qui venait de se passer. Il fallait aussi s’occuper d’elle. Lyanna se tourna vers la vieille femme.

"Attends moi, je reviens dans quelques minutes. Ce mâle porte du bon matériel, je n’ai pas l’intention de le lui laisser".

D’un geste ferme, elle agrippa le bras de Darren pour le forcer à se lever.

"Debout, mâle !"

Lyanna entraîna le soldat loin du groupe de femmes qui continuaient de les regarder. Au détour d’une petite maison, la guerrière s’assura qu’ils étaient seuls, avant de soupirer en regardant son amant. Elle en profita pour venir se blottir dans ses bras, un geste qui lui manquait terriblement depuis leur arrivée sur cette planète. Autant profiter de ces quelques minutes.

"Je suis désolée, je ne voulais pas te frapper si fort. Excuse-moi".

Clive était encore immobile, les yeux un peu écarquillés, surpris par ce geste de tendresse. Il ramena ses deux bras sur elle après avoir vérifié que personne ne les guettait puis il céda à la tentation. Le soldat plongea son visage dans son épaule, lui déposant un bref baiser sur le cou avant d’inspirer son parfum naturel. Ca lui avait grandement manqué.

Quelque part, il commençait un peu à comprendre cette loi de non-fraternisation entre militaires. Darren ne savait pas comment parvenait à tenir ces couples secrets qui s’étaient formés dans plusieurs unités. Clive s’était dit que ce serait au moins aussi facile que sur Héstevic. Mais maintenant qu’ils étaient privés du moindre geste de proximité l’un de l’autre, c’était incroyablement difficile de ne pas montrer son attachement.

Normalement, il aurait dû être sérieux et repousser toute tendresse pour leur retour sur la cité. C’était logique et professionnel. Mais bon sang...que c’était dur ! Que c’était difficile de ne pas l’embrasser, de lui sourire. En plus de ça, l’Amazone était attachée, aimante. Ces moments où elle s’abaissait en excuses parce qu’elle l’aimait et regrettait le mal qu’il avait lui-même demandé, c’était très rare. Généralement, par simple fierté, sa compagne ne reconnaissait jamais avoir eu tort.

Le geste était adorable, Darren ne pouvait pas le refuser. Il ne voulait pas.

« Une gifle, ça se fait avec le plat de la main. » détailla-t-il pour la taquiner.
Il se sépara un peu d’elle pour lui sourire. Il était passé par des centaines d’épreuves douloureuses. Ce n’était pas un coup porté par la femme qu’il aimait - surtout un coup qu’il lui avait demandé de donner - qui allait le vexer. Un soldat, c’était fait pour encaisser.
« Je ne suis pas inquiet. Si je perds mes dents, c’est toi qui me préparera ma soupe jusqu’à la fin de tes jours. » lâcha-t-il, amusé.

Il avait beau se raisonner, le soldat ne parvenait pas à quitter cette étreinte qui s’était installée. Les bras étreignant sa taille pour la garder contre lui.

"On fait quoi, maintenant ? Comment comptes-tu t’en prendre à Norda et ses deux sbires en étant leur esclave ?"

Il s’apprêtait à répondre lorsque son regard fut attiré par une petite forme. Le couple découvrit que Nini s’était rapprochée, de façon particulièrement intimidée, alors qu’elle cherchait encore à comprendre leur étrange manège. Lyanna qui s’énerve, Lyanna qui demande pardon, le couple qui s’enlace tendrement. Que de scènes étranges qu’elle ne concevait pas dans son quotidien.

« Ne te cache pas voyons. » lâcha Darren en l’invitant à venir.

La gosse avait eu le pouvoir de le raisonner. Clive délaissa son amante, laissant le froid s’engouffrer brusquement entre eux. Lyanna retint un soupir de mécontentement, mais elle se résigna à mettre fin à cette étreinte, car c’était la seule chose à faire. Mais qui sait quand elle pourrait avoir un nouveau geste d’affection pour son partenaire ? D’un simple échange de regard communicatif, Darren promit à sa femme de trouver un moment, tôt ou tard, pour poursuivre le câlin.

La guerrière lança un regard doux à l’adolescente pour la tranquilliser, un regard qu’elle n’avait que pour les femmes, ou seulement Darren. Personne d’autre n’avait eu le droit à ce regard bienveillant et compréhensif. Nini s’approcha en regardant ses pieds sales. Darren répondit à sa compagne tout en quittant son sac à dos.

« Je vais commencer par jauger la mentalité des esclaves et trouver la mère de Nini. » lui expliqua-t-il en lui passant la bretelle de son M4 autour du cou. Il décida de garder son gilet tactique. Surtout si un carreau d’arbalète menaçait de lui percer la couenne.
« Je vais préparer une petite rébellion commune et trouver un moyen de leur prendre la ferme. Toi, pendant ce temps, il faudra que tu fasses le tour pour repérer les lieux. Je vais sûrement avoir besoin d’une bonne diversion. Un petit incendie de grange ou un truc dans le genre... »
"J’ai ça pour les surveiller à distance, sans trop me rapprocher" lui lança la guerrière en sortant la paire de jumelles qu’elle avait emmenée, et dont le militaire avait appris à s’en servir.
« C’est parfait. »
Darren savait ce que valait sa femme au combat mais il ne l’avait jamais vu se mouvoir dans la nature. Ca faisait partie de sa vie autrefois, lorsqu’elle dirigeait ses sœurs, et qu’elles approchaient des cibles furtivement. Clive, en bonne tête brûlée, était excité à l’idée d’infiltrer la ferme malgré le danger et les mauvais traitements qui l’attendaient fatalement. Sauf que Lyanna n’était pas dans la même optique que son compagnon. Elle s’inquiétait pour lui, car elle considérait que c’était son devoir de le protéger, comme lui le faisait avec elle. Le fait d’être éloignée de la ferme ne lui plaisait pas, car si le soldat avait un problème, la jeune femme ne pourrait pas réagir rapidement.

« A moins que tu aies besoin que je te maquille. » la provoqua-t-il, lui rappelant leur dernière mission d’infiltration nocturne. Il abusa en ajoutant, avec une légèreté pleine d’ingratitude : « Depuis le temps, tu as perdu un peu, non ? »
"Hors de question que tu me mettes encore cette peinture. Je peux très bien me débrouiller toute seule pour me dissimuler dans la nature !"

Lyanna lança un regard noir à Darren pour répondre à sa provocation. Sauf que, contrairement au tout début de leur première mission, la guerrière n’était pas en colère, son regard mauvais ne l’était pas. Cette réaction fit sourire le soldat. Darren adorait la taquiner sur ses capacités de combattante.

"Tu verras si j’ai perdu avec le temps !"

La jeune femme regarda le militaire retirer ses affaires, surtout le M4 afin de ressembler à un esclave sans défense.

"Qu’est ce que tu vas faire de ça ? Tu le laisses ici ?"
« Je le laisse sur toi. » réctifia Darren avec humour. « Je suis le seul nanti à pouvoir te faire porter mes affaires sans me faire couper les bourses. »
Il croisa le regard interloqué de Nini et il ne put s’empêcher d’abuser.
« Et si, elle en serait vraiment capable. »

Lyanna se retint de répondre à Nini que oui, elle pouvait très bien le faire. Enfin, par sur Darren. Mais pour les autres mâles, cela lui ferait vraiment plaisir. Aidée du militaire, elle passa la sangle du M4, et plaça l’arme en bandoulière. Ce n’était pas pratique pour la guerrière, mais elle pourrait toujours s’en séparer une fois près de la ferme. Elle en profita pour prendre le briquet du soldat qu’elle glissa dans son gilet, au cas où elle en aurait besoin. Elle avait vu comment Darren s’en servait, bien qu’elle ne l’avait jamais fait elle-même. Mais s’il fallait trouver quelque chose pour détourner l’attention des esclaves, le briquet serait plus utile pour Lyanna.

« Tu me prives de mon moyen de fumer une clope ! » dit-il avec un sourire.
"Tu n’as pas besoin de fumer dans l’immédiat. Et en plus, ça a une odeur nauséabonde, alors tant mieux !"

Pour finir, Darren sortit son neuf millimètre qu’il glissa dans son dos, au niveau de sa taille.
Il regarda ensuite Lyanna, tout sourire, en ouvrant les bras, lui demandant silencieusement à quoi il ressemblait.
« Je fais une bonne victime ? »

Lyanna le regarda de haut en bas.

"Je le reconnais : tu fais un très bon mâle esclave !"
« Il faudra attendre d’être rentré pour vérifier ça. » lâcha-t-il avec un sourire mesquin.
"Ne me tente pas, tu pourrais le regretter !" lui répondit-elle pour le taquiner, quoique que sa menace pouvait être sérieuse.
« Jusqu’à maintenant, j’ai plutôt bien aimé. »

Le soldat ne parlait visiblement pas de discordes. Il lui glissa un petit clin d'œil avant de reprendre une attitude plus professionnelle et de s’approcher de Nini. Il lui demanda de décrire sa mère et de lui fournir un secret. Une information qu’elle seule pouvait connaître.

Ils ne pouvaient pas emmener Nini avec eux.
Si elle était découverte, sa présence éveillerait les soupçons des esclavagistes. Lyanna, de son côté, avait besoin de se déplacer rapidement et furtivement. Elle ne pourrait pas s’occuper de la fillette et réaliser sa mission en même temps.

Darren connaissait sa compagne. L’état de Nini ne la laissait pas indifférente. Elle aurait l’impression de l’abandonner. Alors c’est Darren qui se chargea de ce moment douloureux. Il lui expliqua qu’elle devait rester ici et qu’ils viendraient la chercher dès qu’ils auraient résolu le problème.
Nini essaya vivement de s’accrocher à eux. Elle argumenta, se plaignit, tenta même du cinéma dans l’espoir de les convaincre. Mais Darren s’interposa entre Lyanna qui devenait évidemment la cible de ce chantage émotionnel et la comédienne.

Cette requête impliquait que cette jeune fille devait survivre sur place, sans avoir de quoi manger, ni se réchauffer, ni d’endroit où dormir. Ce n’était pas un bon moment à passer mais elle avait réussi à tenir jusque là. Quelques jours de plus n’allaient pas l’achever, surtout avec l’espoir de revoir sa mère.

Si Lyanna avait l’intention de changer cette réalité, le soldat ne lui en laissa pas l’occasion. Il avait besoin d’elle en couverture, elle devait être pleinement concentrée. Darren ne comptait pas échouer sa mission de sauvetage à un tel moment, tandis qu’ils s’occupaient de quelqu’un d’autre.

Nini finit par abdiquer. La promesse de Lyanna lui réchauffait tout de même le cœur et elle promit à son tour d’être présente à cet endroit jusqu’au retour de sa mère. Ou le leur.

Une fois partis, Darren reprit son rôle d’esclave. Il piaillait d’une voix presque nasillarde, suppliant Lyanna de lui laisser une dernière chance. L’homme agissait avec défaitisme, les épaules et le dos voûtés, comme s’il allait au devant d’un peloton d'exécution. Il ne regarda pas la vieille dame qui les attendait au bord de la route, les bras croisés, l’air en colère. Avec sa voix de mégère, elle reprocha à Lyanna d’avoir pris tout son temps et que ce temps d’attente, justement, serait à lui payer en plus.

Elle les guida en-dehors du hameau, sur un petit sentier de terre battue, sur lequel ne se devinait que le passage d’un chariot en bois. Le mélange de traces profondes et légères suggéraient que les esclavagistes descendaient leur récolte justement dans ce village.

Bientôt, ils croisèrent quelques champs d’une espèce inconnue. A première vue, ces parcelles n'étaient pas bien travaillées. Des espèces de plantes invasives progressaient dans les champs en étouffant les plantes comestibles. On aurait pu croire qu’il s’agissait de l’un des problèmes dont parlait April mais, même pour quelqu’un qui n’était pas dans la culture, tout ça ressemblait fort à un travail d’amateur.

Au travers des multiples terres éparses, toutes dans le même état de délabrement, le chemin remontait jusqu’à flanc de colline où l’on percevait une grande cabane. A mi-chemin entre une longère et un chalet, le bâtiment semblait avoir connu des jours meilleurs. Il était peu entretenu, couvert de mousses, de lézardes et de dangereux affaissements. Un bon tiers s’était déjà effondré. On avait abandonné ce toit qui s’était couché jusqu’au sol en bloquant les portes. Pour le reste, les murs à l’agonie étaient simplement étayés avec des morceaux de bois.

On poussait clairement la structure jusqu’à son dernier jour par du bricolage sommaire. C’en était au point que l’on pouvait douter que des paysans y vivent. On ne laisse pas végéter son propre gagne-pain, non ?

« Ne me faites pas ça, ma maîtresse ! » gémit de nouveau Darren. « Je vous masserai les pieds ! Je vous baiserai les orteils ! Tous les soirs !!! »

Non, décidément, c’était dur de rester sérieux.
Soit le chemin l’emmerdait, soit il voulait tester la résistance de sa belle à son humour. Voir les deux !

"Silence, mâle ! Je ne veux plus t’entendre ! Tu me casses les oreilles !"

Lyanna aurait voulu sourire de voir Darren jouer ce rôle, mais n’étant pas seuls, elle ne pouvait pas se laisser aller. Sauf que le militaire semblait faire tout ce qu’il pouvait pour la faire rire, et ce n’était pas le moment. Après avoir vérifié que la vieille dame ne les regardait pas, la guerrière lança un regard courroucé à son compagnon pour lui suggérer silencieusement d’arrêter de faire le pitre. Puis, elle reprit son sérieux et regarda devant elle, détaillant la maison en sachant qu’il y avait beaucoup de travail à faire pour la rénovation.

En tournant la tête, le soldat repéra déjà deux personnes dans un champ un peu mieux entretenu. Avec des outils vétustes et sur le point de rompre, deux femmes traçaient des sillons pour planter des semis. La terre avait une sale gueule, couleur argile, à la texture de glaise, rien de bien fertile. Lyanna se rappela alors les mots d’April dans son journal, concernant l’eau de cette planète qui ne semblait pas être normale. Même la terre travaillée n’aidait pas non plus à ce que les champs puissent donner de bonnes moissons. Les femmes s'interrompirent en chœur lorsqu'elles découvrirent Darren. Les deux esclaves, déjà, lui adressaient un faciès de compassion silencieuse qui en disait long sur son avenir, bien qu’il s’agissait d’un homme. Au travers de leur vêtement en toile de jute, coupé directement à partir de sac à patates, on devinait les traces de diverses sévices. D’anciennes cicatrices se devinaient en dessous de plaies à peine refermées et purulentes. Lyanna serra les dents en voyant cela. Elle ressentit alors de la colère contre Norda d’avoir ainsi violenté ces pauvres femmes. Et elle n’aimait pas l’idée que Darren allait être à leur merci. Si elle avait eu plus de temps pour préparer un plan, elle n’aurait pas hésité à aller chercher Max ou Jim pour qu’ils prennent la place de son amant. Au moins, elle n’aurait pas eu de scrupules.

Soudain, une voix beugla. Il fallut attendre de voir le phénomène pour l’attribuer à une femme. Bien portante, elle se matérialisa sur le porche de la cabane. Une femme obèse, portant la méchanceté sur le visage et l’expression. Elle s’était glissée dans une robe si petite que les coutures avaient craqué. Le regard noir d’une haine vicérale et gratuite, elle leur intima l’ordre de reprendre le travail sous peine d’une “amende” de cinquante tincs. Elle tenait de sa main droite un étrange molosse sans poil, tout aussi hideux qu’elle, qui se mit à râler en direction des pauvres femmes. Celles-ci usèrent de leurs bêches comme si leurs vies en dépendaient.
Elles étaient doucement mais sûrement en train de creuser leurs tombes...

eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Invité
Invité

Mer 13 Jan - 19:55

avatar

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna


« Vous, là ! » gueula-t-elle aussi fort que son chien.
Elle fit deux pas en direction de Lyanna et Darren. Ces simples mouvements mirent en branle ses bourrelets qui dépassaient des trous dans la robe. Si la région connaissait la famine comme April le décrivait dans son journal, ça ne semblait pas être le cas de Norda.
« Qu’est-ce que vous foutez dans ma ferme ! Dégagez ! »

La vieille dame prit les devants.
L’esclavagiste la toisa avec agressivité. Elle la prenait pour un insecte insignifiant, jusqu’à ce qu’elle découvre le nouvel esclave frais et dispo. Son regard brilla d’une lueur pleinement malsaine et son esprit fit différents calculs. Avec son chien, elle s’approcha, bouscula la vieille dame, pour faire le tour de Darren. Elle tâta ses cuisses, ses biceps, ronflant de sa forte respiration. Lyanna dut se faire violence pour ne pas lui sauter à la gorge de la voir poser ses mains sur SON mâle. Elle garda son air impassible et froid en l’observant.

« Hmmm...un candidat potable. Mais c’est un homme...ça ne vaut rien. » fit-elle avec un désintérêt mal joué. « Toi la maigrichonne. Tu me le vends combien ? A la journée ? Ou c’est permanent ? »

Clive ne s’attendait pas à découvrir quelqu’un d’aussi nauséabond. Il secoua négativement la tête, essayant de faire passer ça sur sa fausse détresse, mais ce comportement le dépitait. Tandis qu’elle tournait une nouvelle fois autour de lui, le chien hideux s’intéressa à sa rangers. Il leva ensuite la patte et se soulagea longuement sur sa jambe.

Le militaire adressa un regard suppliant à Lyanna qui, cette fois, ne semblait pas totalement simuler. La guerrière serra les poings, mais elle se contrôla au prix d’un gros effort. Mais quelle idée ils avaient eu là ? Le regard de Darren sur elle aurait pu la faire craquer, aussi elle détourna les yeux et observa Norda.

"De façon permanente, je veux m’en débarrasser. Il est bavard et il m’insupporte, je ne veux plus de lui. Il est fort, solide et endurant, il peut faire les basses besognes, même les plus difficiles. Certes, c’est un mâle, mais il travaille mieux et plus vite que deux femmes. Il te rapportera beaucoup, tu feras une bonne affaire".

Lyanna regarda Darren, avant de reporter son attention sur Norda. Voilà maintenant qu’elle devait donner un ordre de prix, alors qu’elle n’en avait pas la moindre idée. Déjà que sur Atlantis, ces leçons étaient toujours difficiles pour elle. Darren continuait de faire ses comptes et il ne parvenait toujours pas à lui faire comprendre le concept de salaire, d’épargne pour l’avenir, et de factures. Se trouver sur cette planète n’arrangeait pas la situation. Combien devait-elle proposer ? 10 tincs ? 50 tincs ? 200 tincs ? Elle réfléchit quelques secondes.

"Si c’était une femme, combien tu l’achèterais ?"

Norda éructa puis cracha un gros mollard sur le sol.
« Une femme comme elle ? » dit-elle en pointant la vieille d’un coup de menton. « Ou comme toi ? »
Ce n’était pas plus élogieux dans sa façon de présenter la chose. Lyanna fit mine de ne pas le prendre mal, et resta dans son rôle.
"Une femme comme moi. Elle, tu n’en tirerais rien vu son âge avancé !"

Au moment où Norda allait proposer son prix, un cri de détresse très vif fit sursauter tout le monde. Une esclave apparue depuis le flanc de la longère. Ou plutôt, elle s’envola avant d'atterrir lourdement sur le sol et se ramasser en boule. Elle supplia d’une petite voix paniquée, se roulant sur le dos pour présenter ses bras et ses jambes en défense. Les signes tipiques d’une femme battue que le binome avait retrouvé chez Nini. Le mastodonte qui l’avait fait décoller du sol était du même gabarit que Norda. Sauf qu’elle avait une longue natte bardée de fer barbelé.

A l’instar de sa sœur qui était une opportuniste et une radine, Palie était sans conteste la sadique du groupe. Elle portait une tunique trop petite composée de vêtements volés ici et là aux esclaves. A sa ceinture et en diagonale de sa poitrine s’alignaient tout un tas d’outils de torture et de trophées effrayants. Parmi ces quelques couteaux, tire-bouchons, scalpels et coupe-phalanges, on découvrait de vieilles oreilles coupées, des langues et un globe oculaire conservé dans une petite fiole. Comme les maquettes de navire en bois dans les bouteilles, on aurait pu se demander comment elle avait pu glisser l'œil à l’intérieur.

Tout aussi forte et mauvaise, Palie progressa d’un pas lourd jusqu’à sa victime qui supplia sa clémence. Mais le sourire mauvais et chargé d’une satisfaction malsaine indiquait clairement qu’elle ne comptait pas accepter la reddition. Elle se pencha et écarta ses mains pour accéder à ses cheveux. La dame hurla de plus belle, cherchant à lui échapper, mais en vain. Elle reçut un sale coup en plein visage qui la sonna et lui fit prendre conscience de la réalité. Si elle résistait, elle risquait de recevoir une blessure handicapante. Et si elle était diminuée, elle serait moins productive au champ, et plus lourdement endettée.

La victime leva de nouveau ses deux mains. Mais elle les écarta suffisamment pour laisser comprendre à son bourreau qu’elle comprenait la leçon. Palie sourit de plus belle. Elle harponna la chevelure rousse de sa victime avec violence. Suffisamment pour la redresser puis elle la guida vers le bac à compost. Sans crier gare, elle la fit basculer à l’intérieur tête la première avant de refermer le couvercle. Palie prit ensuite le seau contenant les pots de chambre de la nuit, soit toutes les déjections humaines, et le versa allégrement par le trou d’entrée.
Les cris de la victime s’émenuirent à mesure qu’elle subissait un brutal état de choc.
Durant toute la scène, Lyanna avait gardé le silence. Mais la colère grondait en elle. Certes, dans son village, il lui était arrivé de torturer les esclaves pour les punir. C’était des mâles, leur briser des os, leur couper la langue, leur arracher les dents, c’était plaisant à réaliser. Mais ici, la guerrière regardait une femme en corriger une autre avec un pur sadisme. Comme ce que Nataëlle avait fait. Ou plutôt, Lyanna en était sûre, ce qu’elle avait ordonné à d’autres de faire. La jeune femme serra à nouveau les dents, craignant pour Darren en voyant le deuxième monstre de la maison agir. Celle-là, si elle osait violenter le soldat, elle serait la première à mourir de la main de Lyanna.

« Arrête de jouer ! On a un nouveau pensionnaire ! » gueula Norda.

Palie redressa la tête en formulant un “Ah ?” réjouit, signe qu’elle en avait un peu marre de ses vieux jouets. Quand elle comprit qu’il s’agissait de Darren, elle passa sur lui un regard sadique qui lui promettait mille tourments et elle vint le saisir par le col. Elle l’emmena d’un bon coup de pied au cul. Elle le bouscula plusieurs fois sur la route, sans raison, avant de le menacer de son arbalète entre les omoplates. A cette vue, Lyanna eut envie de se jeter à leurs trousses pour lui faire ravaler son envie de s’en prendre à Darren. Mais elle ne devait pas, ou tout le plan tomberait à l’eau. Elle était obligée d’assister au spectacle, impuissante. Pour ne plus voir cette scène, la guerrière détourna les yeux et regarda Norda.

Une fois que son nouvel esclave disparut, Norda acquiesça.
« Cent tincs. »
"D’accord pour cent tincs" répondit Lyanna, ignorant si elle aurait pu en demander davantage, ou si ce prix était déjà élevé.
« Alors entre. »

L’intérieur de la masure était étrangement bien ordonné.
C’était également un immense garde-manger où régnait de délicieuses odeurs. Des fruits et légumes se battaient pour partager la place aux jambons séchés, aux saucisses et diverses pâtisseries. Quand Lyanna franchit le seuil de la porte, elle découvrit ce décorum qui suffirait à nourrir le hameau à lui-seul. Plusieurs composants, qui ne sortaient pas des champs, avaient dû être échangés contre de précieuses parties de la récolte. Il en allait de même avec la charcuterie. Les deux frangines mangeaient clairement sur le dos des esclaves qui s’échinaient tous les jours.

La troisième femme se trouvait à l’intérieur de la cuisine, affublée d’un tablier et d’un torchon entre les mains. Elle avait discrètement observé l’échange depuis la fenêtre ouverte et suivi le passage de Darren. Son plan de travail était couvert de farine sur lequel elle n’avait pas terminé de battre sa pâte. Une marmite mijotait tranquillement dans l’âtre de la cheminée et, un peu partout autour d’elle, des assiettes contenant des pâtisseries n’attendaient que les crocs des frangines.
D’ailleurs, Norda prit à pleine main un chou à la crème qu’elle enfonça d’une traite dans sa bouche.

Cela ne dérangeait visiblement pas Eoguelle. C’était une grande brune d’une quarantaine d’années au visage neutre. Ses grandes cernes trahissaient le manque de sommeil et, si elle dissimulait parfaitement ses émotions, son regard à lui-seul témoignait d’une immense tristesse.
Elle n’avait rien de la méchanceté et de l'agressivité des deux sœurs. Elle semblait surtout avoir baissé les bras depuis des années. Au final, elle faisait véritablement tâche dans cet environnement cauchemardesque. Comme si elle s’était perdue, avait demandé son chemin aux démons de la ferme, et n’en était plus jamais repartie.

Elle croisa le regard de Lyanna avec cette réserve étonnante de sentiments. Une neutralité bien trop parfaite pour être naturelle. Elle sentit que l’Amazone n’était pas dupe et, comprenant qu’elle risquait d’être percée à jour, elle baissa les yeux avec une certaine timidité.
Norda fit une halte dans la cuisine. Elle mastiquait bruyamment son chou, provoquant de nouvelles nausées chez Lyanna qui dut détourner les yeux pour éviter à son estomac de rejeter la barre de céréales qu’elle avait mangé un peu plus tôt.
« Où est le troisième gâteau ? » cracha Norda après avoir mentalement fait le compte.
Sa voix avait été étonnamment douce et respectueuse. Même si le tout dégoulinait d’une honteuse hypocrisie.
« Dans le four. Il sort bientôt. »

Eoguelle fixa une dernière fois Lyanna avant de se retourner vers son plan de travail. Norda vint à côté d’elle pour examiner le seau bourré d’épluchures de pommes et en prit une poignée pour la renifler. Elle cracha dedans volontairement, prit le seau et l’agita devant la pâtissière.
« Tu ne le mets pas au compost, ce sera leur dîner de ce soir. »
« D’accord. » répondit Eoguelle, imperturbable.

Satisfaite, Norda quitta la cuisine en s’emparant d’un nouveau chou. Elle laissa sa bouche libre tout juste assez de temps pour ordonner à Lyanna de l’attendre là. On l’entendit monter à l’étage et ouvrir une porte. Elle allait rassembler la somme d’argent. Pendant son absence, Lyanna laissa ses yeux parcourir la pièce, recherchant des détails qui pourraient l’intéresser. Comme par exemple la présence d’armes, ou d’autres choses importantes à prendre en compte en cas d’assaut.

« J’aimerai vous souhaiter la bienvenue. » murmura Eoguelle.

Le manque d’échange humain - et surtout civilisé - se devinait dans sa voix douce. Elle quitta son plan de travail pour ouvrir ce qui semblait être le double fond d’un placard. La pâtissière en sortit discrètement un gâteau fin et long, de la taille de l’index, finement décoré de fruits confits et sucrés. Elle l’enveloppa prestement dans un morceau de linge puis le donna à Lyanna.

« Vous le mangerez plus tard, ma jeune amie. Dissimulez-le ou vous allez créer le scandale. »

Lyanna fut très surprise par le comportement d’Eoguelle, après avoir affronté les deux monstres qui tenaient cette maison. Elle fronça légèrement les sourcils, et prit le tissu en l’observant quelques secondes. Elle avait peine à croire que cette femme agissait sous les ordres de Norda, vu sa différence flagrante avec les soeurs. La guerrière finit par acquiescer d’un petit hochement de tête, tout en rangeant le gâteau dans une poche de son gilet.

"Merci".

Eoguelle lui adressa un petit sourire qui s’évanouit très vite lorsque la porte claqua à l’étage. Elle fonça à ses fourneaux, faisant mine de ne les avoir jamais quitté, et ne tourna pas un regard vers Lyanna.
Norda plaqua dans les mains de Lyanna une bourse de pièces.
« Cent tincs ! Tu peux être satisfaite, je ne donne jamais ce prix là. »
Elle balaya l’air de sa main.
« Maintenant disparait. Sinon je te fais rejoindre mes métayères ! »

Lyanna ne demanda pas son reste. Elle remercia à peine Norda, juste pour garder son rôle, et quitta précipitamment la maison, afin de ne plus voir cette abondance de nourriture qui commençait à lui soulever le cœur. A moins que ça ne soit l’odeur. Ou alors, l’idée que des pauvres femmes mourraient de faim à l’extérieur, tandis que ces tyrans se complaisait dans l’opulence alimentaire. Une fois à l’extérieur, la guerrière respira profondément pour calmer cette nouvelle nausée. Son regard se posa sur la vieille dame qui lui avait servi de guide. Et qui attendait le dû promis. Lyanna prit quelques tincs dans la bourse, et les lui donna. La dame âgée regarda les piécettes, fit un signe de tête, et sans un mot, elle quitta les lieux. La guerrière rangea le reste dans son gilet, et s’éloigna de la ferme sans un regard en arrière.

Après être partie, Lyanna eut du mal à retrouver Darren.
Elle fit un long cercle d’observation autour de la propriété en se servant du couvert des bois, manquant plusieurs fois d’être repéré par les bêtes qui la reniflaient de loin. Mais lorsqu’elle usa de ses compétences pour se placer sous le vent et en crête d’arbres, elle parvint enfin à examiner le secteur. Contrairement à certaines de ses Soeurs qui en avaient fait leur vocation, Lyanna n’était pas douée pour la survie en nature, ou pour la chasse. Mais elle savait parfaitement qu’il fallait rester à une certaine distance pour que les animaux ne sentent pas son odeur, tout en trouvant un bon point d’observation. Il lui fallut un moment, à tourner autour de la ferme, pour trouver le site idéal. En haut d’une colline, dissimulée dans la végétation, surplombant la ferme et les champs alentour. La guerrière sortit les jumelles, et commença à observer les lieux, cherchant chaque personne qu’elle avait vu lorsqu’elle avait vendu Darren. Elle étudia le terrain efficacement, comprenant que Palie se chargeait seule, avec deux chiens de garde, de la surveillance. Ou plutôt, elle distribuait sa tyrannie au point qu’aucune esclave ne songeait à lui résister. Pour Lyanna, cette femme, et surtout les deux bêtes affreuses, devaient être neutralisées en premier, mais elle cherchait encore un moyen d’y parvenir.
Le terrain de jeu de Palie se trouvait un peu plus loin en descendant, à côté d’un vieux puits à l’abandon. Elle s’amusait à faire danser un fer chauffé au rouge sous le nez de Darren, lequel était attaché à un poteau. Le soldat forçait sur ses liens, essayant vainement de s’échapper, suppliant la clémence de son nouveau bourreau. Mais pour qui connaissait suffisamment Clive, surtout avec des attaches aussi pathétiques, ce n’était qu’un simulacre pour endormir la méfiance de Palie.

Il pouvait se débarrasser des entraves et lui faire bouffer son tison dès qu’il en avait envie, ce n’était qu’un jeu auquel il était bon acteur. Pendant ce temps, les esclaves s’occupaient des champs les plus proches. Nini avait été une bonne source d’informations et Lyanna compta effectivement cinq femmes réduites en état d’esclavage. Celle qui était enfermée dans la boîte à compost et deux binômes. Le premier creusait les sillons pour planter les semis. Les autres, manifestement plus résistantes, récoltaient ailleurs des tubercules locaux. Elles remplissaient une charrette qu’elles peinaient ensuite à tirer. Dans le lot, Lyanna cru reconnaître la blonde en haillon correspondant à la description de Nini.

L’Amazone œuvra plusieurs heures, oscillant entre sa surveillance pour Darren et l’étude du terrain. La ferme avait été beaucoup plus vaste autrefois, il ne manquait pas d’étables et diverses structures sans surveillance. Elle n’aurait aucun mal à lancer une diversion ici et là si elle parvenait à régler la question des chiens.

Finalement, Darren fut relâché et envoyé défricher l’un des champs à l’abandon. Menacé par l’arbalète de Palie, il se mit immédiatement au travail. Le soldat joua de la bêche avec énergie, hasardant des coups d'œil craintifs vers la sadique qui tirait parfois des traits entre ses jambes. Elle riait à gorge déployée avant de lui ordonner de lui rendre son carreau. Il se prenait ensuite un coup de pied qui le renvoyait aussi abruptement au travail. Ce qui mettait Lyanna dans une colère noire, qui faillit dévaler la colline sur le champ, armes en mains, pour aller tuer ce monstre. Mais la jeune femme n’en fit rien, elle ne voulait pas compromettre leurs chances de sauver la mère de Nini, ainsi que les autres esclaves. Elle dut prendre sur elle, et résister à ses violentes pulsions protectrices pour son amant.
Dans l’ensemble, Darren n’était pas en péril. Mis à part la menace et les quelques coups qu’il se prenait, le soldat jouait suffisamment son rôle pour paraître convaincant, et ne pas attiser la fureur de Palie qui préférait le harceler plutôt que le punir.
Lyanna avait une bonne vue sur lui, ainsi que sur le reste de la ferme. Rien ne pourrait lui échapper, mais pour l’instant, elle ne pouvait que se montrer spectatrice. L’heure n’était pas encore venue pour attaquer Norda, il fallait avant tout un plan. Alors, elle pouvait en profiter pour lire quelques pages du journal d’April. Gardant ses jumelles à proximité, Lyanna sortit le journal, et l’ouvrit à la dernière page qu’elle avait lu, avant d’être interrompue par la capture d’Adayate. De temps en temps, elle jeta un œil à Darren pour voir s’il allait bien, avant de poursuivre sa lecture.

N.08 (suite) :

Je n’ai toujours pas trouvé de raison à la misère à part le problème d’eau. Je sens bien qu’il y a quelque chose de plus mais personne ne veut se confier. Même avec ma réputation ou mes offres commerciales, ça les effraie plus que la mort.
Je pense essayer de me trouver un médecin, quelque chose, puis je vais creuser. Il y a forcément des bavardes dans le lot et s’il y a un indice : je le saisirai.

Quelque chose me chiffonne tout de même.
C’est un refuge pour femmes, ok. Mais celles qui sont venues enceinte, comment se sont-elles démerdées si elles avaient un garçon ? Ca m’est arrivé de poser la question pour voir si elles les butaient à la naissance.

Je sens un malaise.
Mais dans l’ensemble, ça ne les dérangerait pas qu’il y ait des hommes dans le refuge s’ils y sont nés après l’admission.

D’accord. Mais jusque-là, je n’en ai pas vu un seul.



*******


N.09 : Je commence vraiment à aimer cet endroit.
Je veux dire...on pourrait en faire quelque chose de bien, sincèrement.
Souvent, je tombe sur des péquenots avec l’intelligence d’un haricot. Mais par endroit, il y a vraiment...de l’humain. Des femmes qui ont réussi à fuir les Wraiths, la destruction de leur civilisation, pour faire vivre leur culture ici.
Par moment, elles me font beaucoup penser à Lyanna. Il faudrait que je l’invite, un de ces jours, elle serait sûrement soulagée de voir qu’elle n’est pas la seule à avoir connu ce drame.

Je sais que je devrai rentrer sur Atlantis. Mais je dois être à des centaines de bornes de la Porte maintenant. Et je n’ai toujours pas terminé mon enquête. Il y a quelque chose de plus que l’eau. Quelque chose qui empêche une vie prospère et idéale pour ces femmes. Si seulement je réussissais à percer le mystère, on pourrait apporter des solutions à ces réfugiées.
Et ce misérable trou à rat deviendrait un havre de paix, de sécurité...

Si je fais demi-tour maintenant, va-t-on vraiment m’y renvoyer ? Ou Atlantis va-t-il s’en contenter ?
Je sais que je tenais un discours différent au début. J’ai relu mes premières notes et je n’ai pas changé d’avis. Certaines meufs sont complètement ravagées dans le coin. Et j’ai dû en tuer plus d’une pour protéger les autres...
C’est parfois à se demander si les Wraiths méritent vraiment de disparaître.

Ils avaient le mérite de faire le ménage chez les connes !



*******


N.10 : Je n’ai pas eu la force d’arrêter.
J’ai à peine fait cent mètres sur le chemin du retour avant de repartir aussi sec sur mon bateau. J’avais du mal à comprendre Lyanna quand elle me parlait d’Héstevic, à quel point ça lui avait pris aux tripes d’aider ces filles dans la maison de passe. Maintenant je comprends.

Ma vie est sur Atlantis, c’est clair.
Jim me manque beaucoup.
Max, Darren et Lyanna.
Ça fait quoi, trois semaines maintenant ?

Je continue de faire mes rapports à Atlantis et j’exige de nouveaux délais. C’est en pourparlers mais je ne suis pas confiante. Ils vont me demander de rentrer.

Il y a un grand village dont j’ai entendu parler. La bourgmestre s’appelle Vada et j’ai reçu une lettre de sa part. Je ne savais pas qu’ils savaient écrire dans notre langue. Elle s’est visiblement donnée du mal pour me contacter et m’inviter à la rejoindre.

Je sens qu’elle pourrait répondre à certaines de mes questions.
Mon bateau est prêt, je hisse la voile dès que je finis d’écrire.

Je reviendrai sur Atlantis.
Je retrouverai mes amis.

Mais en attendant, putain, que j’adore mon job !!!



*******


N.11 : La ville d’Espérance.
Je m’y suis réveillée, tremblante de fièvre et couverte de sueur.
On m’a retrouvé à la dérive sur mon bateau, des pêcheurs qui connaissaient ma renommée manifestement.
Sans ça, mon équipement aurait disparu, ma trésorerie, et mon journal aussi.

Vada a été la première à venir me voir après mon réveil.
Elle m’a rassuré sur le fait qu’on ne m’avait pas volé et que j’étais une invitée de marque.
Je n’aurai rien à payer.

Je me méfie, ça cache quelque chose.
Je dois aussi comprendre pourquoi mes antibiotiques n’ont pas agi.
Une sorte d’apothicaire passe me voir toutes les heures. Je n’ai pas trop le choix que de me fier à sa médecine, vu que la mienne me dit merde. J’avoue que je me sens mieux.
J’ai bien cru mourir sur le chemin. Je ne pouvais même pas écrire mes adieux…

...
Elle m’invite à dîner avec elle ce soir.
A voir...



La voix de Jim la coupa dans sa lecture. Elle qui était concentrée sursauta légèrement en entendant une voix. Elle jura à voix basse, car c’était la deuxième fois qu’on l’interrompait alors qu’elle cherchait à savoir ce que April avait fait, et où elle aurait pu aller. Et voilà que maintenant, Jim se faisait entendre. A vrai dire, Lyanna l’avait un peu oublié maintenant que Darren et elle s’occupaient de cette affaire.
Le message radio semblait s’adresser à eux-deux.

//Les enfants. Vous m’expliquez pourquoi je ne trouve personne devant l’auberge ?//

eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Lyanna
Guerrière
Planète Kirana
Bannière perso (image 901x180px) : La ruine d'Amarielle 1562430542-image-profil
√ Arrivée le : 14/07/2018
√ Nationalité : Kiranienne

√ Gène : ATA
√ Messages : 179

Mer 13 Jan - 20:20

Lyanna

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna

Lyanna reprit les jumelles, et chercha Darren qui travaillait toujours dans le champ. Heureusement, Palie s’était un peu éloignée pour surveiller les femmes, mais elle continuait de garder un œil sur le militaire. Ce dernier pouvait-il répondre sans attirer l’attention de la tortionnaire ? La guerrière n’en savait rien, mais elle avait peur qu’il se fasse remarquer. Alors, à contre-cœur, elle décida de répondre en soupirant, avant d’appuyer sur son oreillette.

//On est indisponible pour l’instant. J’ai vendu Darren comme esclave pour sauver une mère de famille//

Bon, peut-être que Lyanna aurait pu expliquer un peu mieux la situation, mais elle n’avait pas envie de parler à Jim. Elle s’était donc tenue à une version très raccourcie de ce qu’ils faisaient, mais qui pouvait bien entendu être très mal interprétée par le Sergent du groupe sans autre explication.
Effectivement, celui-ci le prit assez mal.
//C’est une blague ?// demanda-t-il d’un ton qui couvait sa colère.
//C’est son plan à lui !// annonça Lyanna qui sentait que Jim était à deux doigts de s’emporter contre elle.
Darren épongea la sueur qui perlait sur son front. Il en profita pour appuyer discrètement sur son oreillette.
//Elle a raison Jim. On a un cas assez violent d’esclavagisme ici. Ces femmes ne passeront pas l’année, elles sont sur le point de calencher.//
//Et j’imagine que c’est Lyanna qui te couvre ?//
//Exact. Ne t’en fais pas, je sais ce que je fais. Libérer ce camp de travaux forcés nous fera un sacré coup de pub.//

Jim examina la situation. Il était en droit d’annuler cette initiative, récupérer les deux aventuriers et les faire rentrer sur Terre. S’il n’avait pas pleinement confiance en Lyanna, il connaissait Darren. Une tête brûlée qui prenait des risques et qui pouvait y laisser la santé. En fin de compte, il ne savait pas trop qui des deux était le plus raisonnable.
//Lyanna. Je veux être tenu au courant de votre situation toutes les deux heures. Vous comprenez ?// demanda-t-il sur un ton qui ne laissait pas vraiment le choix. //Max et moi partons livrer du courrier dans la région. Ça nous permettra de gonfler la trésorerie et d'interroger une bonne partie de la population locale sur April. Ne prenez pas de risque d’ici notre retour.//
//Compris sergent.//
Il tourna brièvement la tête.
//Je coupe ! La gueuse m’attend au tournant !//

Lyanna ne répondit pas à Jim sur le fait de lui rendre un compte rendu de la situation toutes les deux heures. Elle n’avait pas envie de le faire, mais elle n’avait visiblement pas le choix. Au moins, Max et lui seraient quelque part loin d’ici, sans les déranger. Une bonne chose pour elle. Aux paroles de Darren, la jeune femme remarqua que Palie s’était approchée du soldat, mais heureusement, elle ne porta pas la main sur lui. Ce dernier était parvenu à se montrer discret. Lyanna reposa alors les jumelles, et retourna à sa lecture, non sans contacter Jim une dernière fois.

//Essaie de savoir où se trouve un village appelé Espérance, dirigé par une certaine Vada...//
// April y est passée, c’était dans son journal ? //
//Oui, elle est allée là bas, mais elle est blessée, et elle n’allait pas bien, d’après ses écrits//
// Je vous transmets les infos dès que je les ai. //
//Compris// dit elle en imitant les paroles de Darren, enfin presque, avant de se replonger dans le journal.


N.11 (suite) :
Elle m’invite à dîner avec elle ce soir.
A voir ce que ça va donner. Je suis peut-être faible mais j’ai encore la force de lui coller mon canon dans le cul et d’appuyer sur la détente.

On ne m’appelle pas la Corsaire pour mes manières raffinées.
D’ailleurs, pendant que je délirais sur mon bateau, je me suis vue avec un couteau entre les dents et un cache-oeil. Bizarre. En y réfléchissant, mes actes ne correspondent pas du tout à la définition. Un Corsaire, ce n’est pas celui qui avait le droit d’attaquer les bateaux ennemis avec les encouragements de sa nation ?!?

Ça doit probablement dire autre chose chez elles. Il faudrait que...

J’entends des pas !



*******



N.12 : La ville d’Espérance a pour but de foutre la pile à cette vieille salope de Nataëlle. Pas mal ! Franchement j’adore l’idée !

Vada est la petite-fille de la fondatrice de cet endroit.
Sa bonté et ses manières m’étonnent. Je suis déjà tombée sur des types qui avaient de bonnes intentions pour leur peuple mais ils en tiraient toujours quelque chose en échange. Richesse, pouvoir, renommée…

Mais Vada est très humble. C’est dingue.
Elle veut que le concept de refuge ne soit pas ce bourbier où règne la misère, le pillage et la rançon d’otage. Son projet consiste à montrer l’exemple pour que les futures candidates le fassent perdurer. Que cet endroit soit véritablement un havre de paix.

J’ai le droit de me déplacer librement en ville. J’ai retrouvé mon navire bien amarré au pontard. Et j’ai beau farfouiller, il n’y a pas de merde dissimulé sous le vernis. La ville d’Espérance est, comme son nom l’indique, pleine d’espoirs.

Les femmes sont courtoises, instruites, et bienveillantes.
Du coup, revers de la médaille oblige, elles sont devenues des cibles parfaites pour toutes les pourritures qui rôdent dans le coin.

Vada ne veut pas me dire pourquoi elle n’a pas de service de sécurité.
Je sais qu’il y a une armurerie en ville et des baraquements de soldats. C’est la première fois que je découvre une formation militaire sur cette planète.

Mais qu’il s’agisse de sa bourgmestre ou des habitantes, elles éludent le sujet à chaque coup.

Vada a une sacrée belle gueule.
Si j’étais goudoue, je la sauterai.

Bon sang...ma fièvre me fait délirer.
Faut que je me fasse un mec. Sérieux, ça manque dans le coin.


En terminant sa lecture, Lyanna secoua la tête aux derniers écrits d’April.

"Tu n’as pas intérêt à t’approcher de Darren, sinon je mords" dit-elle à voix basse pour elle-même, en souriant.

Lyanna savait parfaitement qu’elle ne risquait rien venant d’April. Jamais cette dernière n’irait convoiter Darren, elle avait confiance en la militaire. La guerrière relit certains passages, et se demanda si la jeune femme était toujours à Espérance. Vu ce qu’elle avait écrit, ce lieu avait l’air presque paradisiaque par rapport au reste de la planète. Si tous les autres villages et hameaux pouvaient être semblables, la vie serait sans doute meilleure pour tout le monde. A condition bien sûr que le problème de l’eau soit réglé, ainsi que cette étrange histoire que la militaire cherchait à savoir.

La guerrière fit une pause dans sa lecture, et le posa sur le sol, avant de surveiller un peu plus longuement le camp. Elle regarda d’abord Darren, puis le reste de la ferme, notamment les bâtiments. Il y avait une grange non loin du chalet à moitié en ruine, mais le plus dur serait de l’approcher à cause des chiens. Lyanna se leva pour essayer de trouver un autre point de vue, un autre angle. Cependant, elle se sentit soudainement faible, ses jambes eurent du mal à la soutenir. Sa tête lui tournait. Comme si elle n’avait plus de force, la jeune femme se laissa tomber sur le sol pour reprendre ses esprits. Que lui arrivait-il, tout à coup ? Elle s’était rarement sentie aussi affaiblie. Pas étonnant. Elle n’avait rien dans l’estomac depuis la veille, excepté une petite barre de céréales. Son corps avait du mal à suivre sans apport d’énergie. Lyanna consentit à faire une petite pause, et sortit de son gilet le petit gâteau que Eoguelle lui avait offert. L’observant d’abord sous tous les angles, comme pour s’assurer qu’il n’avait rien de dangereux, la guerrière le mangea lentement, buvant de l’eau de temps à autre, histoire de remplir un peu son estomac sans risquer une nouvelle nausée.

La pâtisserie était très bonne. Finement dosé en sucre, elle se liait parfaitement aux fruits confis. On aurait cru l’un de ces produits tout fraîchement sorti du club de cuisine. C’était peut-être pour ça que cette femme avait gardé le respect des soeurs.
Grâce à ses compétences culinaires…

Ce petit encas lui fit du bien, et elle décida de rester sur son point d’observation, reprenant sa surveillance le temps d’aller mieux.

Arrivé à la fin de sa journée de forçat, Darren rangea ses outils puis approcha des esclaves qui s’étaient réunies. L’une d’elles trouvait encore la force de le bouder. Mais pour les autres, elles acceptèrent de donner leur nom et de se présenter. Le moment du repas fut parfait pour creuser et enquêter.

Le soldat rencontra sans peine la mère de Nini. Il discuta tranquillement avec elle sans lui révéler son identité. Tandis qu’il perçait les quelques ampoules sur ses mains, il vit Eoguelle poser un seau d’épluchure de pommes au centre du groupe. Dès qu’elle quitta le cercle d’esclaves, elles se jetèrent dessus comme des affamées, piochant les plus grandes poignées dedans.

Darren observa la scène sans rien dire.
Il attendit qu’elles cessent d’avoir la bouche pleine de ces déchets avant de les questionner. Manifestement, les sœurs ne se contentaient pas que de les endetter. Ca ne suffisait pas de leur faire payer la location des outils, de leurs vêtements en toile de jute, des soins dus aux morsures de chiens...elles faisaient également payer les restes qu’elles consommaient. Les miettes que ces esclavagistes leurs jetaient…

Il parvint rapidement à sympathiser avec la majeure partie du groupe, évitant l’erreur de brandir une barre de céréale vu la réaction pour des épluchures de pommes. En jouant de charisme mais aussi de sympathie, d’échange, de cette chaleur humaine dont il avait le secret, Darren endormit la méfiance générale et en apprit beaucoup sur l’endroit. Il avait hâte de pouvoir le raconter à sa femme.

Lorsque le soleil finit de décliner, les esclaves s’entassèrent difficilement sous l’appentis du bétail, risquant de se faire marcher dessus. Palie, toutefois, réserva un bien meilleur traitement à Darren. Son lit...s’il parvenait à la contenter, il aurait le droit à la chaleur de son énorme corps grassouillet.
Elle prit très mal le refus poli mais catégorique du soldat. Elle l’enferma illico dans une nasse suspendue. Les maillons de métaux allaient rendre son assise inconfortable pour la nuit, l’empêchant de dormir. Mais Darren s’en foutait.
Parce que, d’ici, il avait une bonne vue environnante de la ferme...et donc de sa femme...quelque part dans la nuit.

//Tu es là, mon amour ?// dit-il dans sa radio, une fois certain d’être seul.
//Oui, je suis là. Je n’allais pas t’abandonner// lança Lyanna qui n’avait pas manqué une seconde de la scène.

Darren mira le paysage.

//Appuie sur le laser de mon fusil. C’est de l’infrarouge. On ne le voit qu’avec nos lentilles...//

Lyanna laissa les jumelles, et leva l’arme de son amant, difficilement vu le poids et la sangle qui la gênait. Après avoir cherché quelques secondes, elle trouva l’infrarouge qu’elle alluma et pointa en direction du soldat.
Assis dans sa nasse le mieux possible, Darren vit le faisceau sortir d’un bosquet en hauteur de colline et zébrer le ciel. Cela le fit sourire.
//Ah...te voilà. Veillant sur moi, ce bel ange gardien, muse de mon cœur !// dit-il tranquillement et sans se moquer. //Ce n’est pas comme ça qu’on imaginait notre première soirée en mission, hein ?//
Il ajusta sa position. Lyanna sourit à ses paroles, elle avait une terrible envie de le rejoindre pour le libérer de cette cage.

//Pourquoi es tu enfermé, et non avec les autres ?//
//Le monstre à l'arbalète m’a proposé son corps pour matelas. Je lui ai dis que je demanderai ton autorisation avant.// fit-il pour taquiner sa jalousie. //Je peux lui dire oui, mon ange ? Je pèle un peu ici...//

Autant dire que la jeune femme devint jalouse, mais elle savait que Darren n’irait pas avec ce monstre, et qu’il ne faisait que la taquiner.

//T’autoriser à aller avec elle ? Comme si elle te plaisait. Tu veux vraiment te retrouver dans ses bras ? Vas y, je te donne mon accord// lui lança-t-elle pour le provoquer gentiment.
//Mais oui. Puis après, mamour va aller saigner la chose pour avoir osé me toucher. On va encore passer deux mois à tout expliquer à Ridding ! Non merci !// s’amusa-t-il en réponse.
Il laissa filer quelques secondes avant de reprendre.
//Tu as pris un malin plaisir à vendre ton mâle ?//

Cette remarque amusa Lyanna, qui hocha la tête en souriant.

//En effet, et pour cent tincs. Elle voulait vraiment t’avoir.//
//Tu m’as vendu pour cent misérable pièces, sérieux ?!?// s’étonna le soldat. Il secoua rageusement ses barreaux, feignant un air vexé. //Je suis dégouté ! Tu sais quoi ? Prochaine galipette, je t’en donnerai pour cent Tincs avant de ronfler comme ce bétail bizarre à côté de moi ! Ca t’apprendra !//
//Heu….vous êtes sur le canal général. On vous entends là...// intervint Max.
//Papa et maman discutent de leur futur fils. Bouche toi les oreilles !//
//Ca va pas la tête ? Pas de mâle !//
//Faites chier ! Y’a d’autres canaux pour ça !//
//Je vais t’enseigner la frustration sexuelle, chérie. Ca t’apprendra à me vendre pour trois radis !//

Lyanna ne prit même pas la peine de répondre à Max qui entendait leur conversation personnelle. Au contraire, elle fut amusée de voir que Darren s’en fichait complètement, et continuait de lui parler comme si de rien n’était. Monsieur était vexé d’avoir été vendu pour si peu d’argent. La guerrière se mordit la lèvre.

//Cent tincs, c’est une fortune ici, d’après ce que j’ai vu. Estime toi heureux, elle a dit que tu ne valais rien, normalement//
//C’est bien ma femme qui parle ? Celle qui ne sait pas faire ses comptes et ne voit pas du tout l’intérêt d’échanger de la monnaie contre services ou biens ?// rétorqua le soldat.
//Darren, tu encombres inutilement le canal.//
//Le patron a parlé, place au boulot ! Et aux révélations...chérie ?//
Il fit mine d’attendre qu’elle concentre son attention sur lui. Lyanna n’appréciait pas de se faire rabrouer par un mâle, même si c’était un membre du D4, mais elle resta silencieuse au lieu de répondre à Jim. Elle soupira, et décida de jouer le jeu, pour Darren.
//Cette ferme ne leur appartient pas. La plus vieille des esclaves était déjà là avant qu’elles déboulent et c’était manifestement une autre existence. Norda et Palie ne sont pas les proprios. C’était Eoguelle et une autre femme qui a disparu depuis presque dix ans.//
//Comment est ce que tu sais tout ça ?//
//Je fais un peu mon célibataire. Quelques sourires par-ci par-là. Et les confidences pleuvent.//
Il ricana. Certain que ça ne plaisait pas à sa compagne.
//Hé !!!//
//Sérieusement. Ces femmes sont au bout du rouleau. Rencontrer quelqu’un d’avenant leur a apporté un peu de baume au cœur. Et j’ai su les tranquilliser. La plus vieille est vachement bavarde, ça m’a bien arrangé !//
Le soldat vérifia une nouvelle fois qu’il n’était pas surveillé puis il sortit une barre de céréale.
//Donc...à l’époque. Eoguelle et une certaine Freida tenaient la ferme. Ce n’était pas le luxe mais elles employaient une bonne partie du village sur les champs. La récolte et ses rentes étaient partagées équitablement. Ça permettait tout juste à chacun de vivre. Mais il y avait des raids de brigandes régulièrement.//
Darren savait qu’il était parti pour un long monologue. Il commença à déguster son encas tout en conservant sa vigilance. Il ne fallait pas que l’un des deux esclavagistes le surprenne en train de parler. Mais de toute évidence, elles devaient se taper la cloche dans la masure.
//Apparemment, un raid plus violent que les autres a coûté quelques vies. Freida et Eoguelle ont cherché à engager des gros bras pour protéger leur commerce. C’était ces deux brutes. Je crois que tu as compris le principe...//
Il secoua la tête, affligé par tant de bassesse.
//Elles ont commencé par se faire payer en vivres. Puis elles ont augmenté drastiquement le coût de leurs services. Je ne sais pas trop comment elles ont réussi à prendre le dessus. Les proprios auraient du sentir le coup venir. Je pense que Freida devait être le seul rempart contre ces deux garces. Alors elles s’en sont occupées avant de prendre le contrôle de la ferme. //
Darren replaça le sachet dans une poche de son gilet tactique et termina.
//La vieille dame est plutôt catégorique Tout a basculé depuis le départ de cette Freida. Les métayères qui n’ont pas réussi à fuir l’endettement sont mortes d’épuisement. Quant à Eoguelle, les avis sont plutôt partagés à son sujet.//
//Elle n’a pas l’air comme les deux autres. Elle s’occupe des repas, d’après ce que j’ai vu. Et elle semble plus gentille que les deux monstres//
//La rumeur veut qu’elle était attentionnée envers les esclaves. Elle leur planquait des gâteaux sous les déchets à bouffer. Mais forcément, il a fallu que ces gourdasses se battent pour avoir la cerise et tout a été découvert. Eoguelle se contente simplement de servir les restes maintenant... //

Cela expliquait mieux pour quelle raison Eoguelle lui avait offert un gâteau, et la crainte qu’elle avait ressenti en entendant la porte claquer lors du retour de Norda.

//Je comprends mieux pourquoi elle m’a offert un gâteau, tout à l’heure. Elle semblait effrayée à l’idée de se faire prendre//
//Je crois bien que cette femme est l’occasion qu’on cherchait.// confia Darren. //Je dois creuser encore un peu de mon côté. Mais il paraît que Freida n’a pas été tuée. Elle a été virée par les deux garces...//
Il acquiesça pensivement.
//On gagnerait beaucoup à ce que Eoguelle reprenne le contrôle de sa ferme. Et j’ai bien l’impression que ça ne marchera pas sans Freida.//
//Donc, il faut retrouver Freida. Mais comment on va faire ? On ne sait même pas où elle est !//
//Je suis prêt à te parier qu’Eoguelle en a une petite idée !//
Il hésita avant d’ajouter.
//Ecoute ma belle. J’ai entendu l’autre folle gueuler, il y a une heure. Eoguelle est censée descendre au village demain pour acheter des matières premières. Je crois que c’est ton occasion de la travailler !//
//Darren, si ta compagne quitte son point d’observation, tu seras sans soutien.// lui rappela Jim, signe qu’il suivait l’échange. Il n’interdisait pas l’idée pour autant.
//Et je n’ai pas envie de partir, ni de te laisser tout seul !//
//Je suis le plus vaillant du lot. Elles ne vont pas me descendre tant que je sers à quelque chose. Je risque de prendre un seau de pisse sur la tête en revanche. Alors si ça arrive...Lyanna louera un bain géant sur les MAIGRES deniers de ma vente. Et elle me nettoiera amoureusement !//
//Pitié Darren, j’ai l’image dans la tête...HEURKKK// s’écria Max avec un air nauséeux.
Autant dire que ce plan ne convenait pas du tout à Lyanna.

//Darren, tu ne peux pas me demander ça ! Et s’il t’arrive quelque chose pendant mon absence, avec ces folles, même si tu fais bien ton travail ?//
//Je sais me défendre chérie. En revanche, ce que je ne peux pas faire pour l’instant, c’est travailler Eoguelle pour connaître la position de Freida. Ca, c’est dans tes cordes !//
Il haussa les épaules après s’être calé une cigarette entre les lèvres.
//Sinon, on peut rester là à jamais. Moi rêvant de toi, de ton corps, te sachant là-haut. Sans qu’on puisse se rejoindre. Et toi, veillant sur moi, en train de me regarder bosser avec mes muscles saillants, huilés par la transpiration.//
//Mon dieu, ce film d’horreur.//
//Ouais. Et ce serait romantique !//
Il palpa ses poches.
//Sauf qu’elle m’a piqué mon briquet !!!//
//Tu n’en as pas besoin dans l’immédiat//

Lyanna réfléchit quelques secondes au plan de Darren. Elle ne voulait pas le faire, quitter son poste et laisser le militaire tout seul. Mais elle n’avait pas le choix. Il avait raison : de sa position, il ne pouvait rien faire à part observer et écouter. C’était à elle d’interroger Eoguelle sans être découverte par Norda et Palie. Elle soupira, abdiquant à contre-cœur.

//Bon d’accord, j’irais au village demain. Mais tu as intérêt à rester en vie pendant mon absence. Si j’apprends qu’elles t’ont fait du mal, je fonce dans le tas//

Des paroles en l’air, car Lyanna ne risquerait pas la vie des esclaves ni celle de Darren en se jetant dans la gueule du loup sur un coup de tête, ses épées fendant l’air devant elle. Mais son envie de protéger son mâle était si fort qu’elle serait prête à tout pour lui. La nuit était tombée, l’air se rafraichissait, et la guerrière ne pouvait hélas pas faire de feu pour se réchauffer, afin de ne pas trahir sa position. Elle retira péniblement le M4 qu’elle posa non loin d’elle, et s’assura que son gilet était fermé jusqu’au col. Tout semblait calme, les deux monstres étaient peut-être parties se coucher, à moins qu’elles ne soient encore en train de s'empiffrer. Mais il n’y avait visiblement aucun danger. Lyanna s’approcha d’un arbre qui se trouvait à côté d’elle, et s’y adossa, en recroquevillant ses genoux contre elle. De là où elle se trouvait, elle pouvait toujours voir la ferme grâce à ses lentilles nocturnes.

La guerrière frissonna un instant à cause du froid, se doutant qu’elle allait passer une très mauvaise nuit, tout comme Darren assis dans sa cage. La guerrière continua de parler avec son amant, comme pour se rassurer de sa présence. Tout en discutant, elle sortit les plaques militaires de son compagnon, et joua avec ces objets qui venaient de l’homme qu’elle aimait, et qui ne la quittaient plus. Mais l’heure avancée et la fatigue finirent par avoir raison du soldat qui avait besoin de repos. Lyanna le laissa sombrer dans les bras de Morphée, et resta immobile, comme si elle effectuait un tour de garde pour veiller sur lui. Mais étant également fatiguée, elle finit aussi par s’endormir.

De temps en temps, Lyanna se réveilla, dormant à peine plus de vingt minutes par ci par là. Elle avait le sommeil léger, et son anxiété la maintenait sur le qui vive. Dans un bon lit chaud et douillet, blottie contre Darren, elle aurait dormi profondément. Mais pas cette nuit. A un moment, elle bascula sur le côté, avant de se retrouver allongée sur le sol, en position foetale pour tenter de garder la chaleur de son corps. Le froid ne l'aida pas à bien dormir. Mais au moins, malgré la fatigue, elle continua de veiller sur Darren et la ferme, silencieuse, jusqu’à ce que les premières lueurs du soleil se lèvent, perçant quelques nuages gris dans le ciel. Ses nausées revinrent à son réveil, la jeune femme se sentit mal, et elle avala aussitôt un anti vomitif avec un peu d’eau. Par chance, elle n’avait pas rendu le gâteau d’Eoguelle. A moins que la pâtisserie ne soit directement impliquée dans son état nauséeux ? Auquel cas, il aurait mieux valu le régurgiter au plus vite. La guerrière espérait qu’elle ne couvrait pas une maladie, car elle ne pourrait plus se battre si elle était trop affaiblie. Et cette mission deviendrait très périlleuse. En attendant que ses crampes d’estomac passent, la guerrière reprit sa surveillance, s’adossant à nouveau à l’arbre.

Lyanna fut donc aux premières loges pour voir Palie descendre Darren de la nasse sans ménagement. Elle débloqua simplement la chaîne de suspension, le faisant tomber lourdement au risque de le blesser. Avec son arbalète, elle le poussa jusqu’au champ en le faisant passer devant les esclaves qui s’empressaient déjà devant un nouveau seau d’épluchures. Pas de déjeuner pour lui. A partir de maintenant, il regretterait chaque instant où il avait prononcé son refus. Elle ne lui autorisa même pas la liberté d’aller se soulager. Il devait prendre son outil et se lancer immédiatement à la tâche.
Darren fit le dos rond, réservant sa petite vengeance pour plus tard. Le visage encore défait par le sommeil, il fit mine d’être effrayé et reprit là où il s’était arrêté la veille. La parcelle connaissait maintenant deux visages : une partie propre et vierge de toute herbe invasive, et l’autre complètement en désordre.

L’Amazone ne pouvait rien faire d’autre que d’observer la scène, les provocations continuelles de Palie qui reprenait son jeu avec plaisir, et les autres esclaves ensuite poussées par les chiens agressifs de Norda. Pendant plus d’une heure, presque deux, Lyanna était restée à son poste dans l’attente d’un signe indiquant le départ d’Eoguelle. Cela lui avait permis de lire quelques pages de plus du journal d’April.


N.13 : J’ai la pression.
Atlantis m’avait donné l’ordre de rentrer alors j’ai joué sur différents tableaux. J’ai pipeauté et truandé autant que j’ai pu. Genre j’avais besoin de l’avis d’un sociologue, d’un diplomate, ou d’un traducteur, pour finaliser une tâche. L’astuce, c’est de balancer la demande dans l’administratif en visant les endroits les moins performants.
Je vais gagner quelques jours mais ça ne suffira pas.

Je travaille activement pour Vada et ses conseillères. Mes munitions ont affreusement baissé. Pour les économiser, je me suis dégoté une bonne hache bien glauque. Lyanna, tu serais fière de moi !

En ce moment, j’enquête sur un détournement des denrées alimentaires. Espérance n’est pas riche mais ses citoyennes mangent à leur faim. Première fois que je vois un partage aussi équitable des ressources, ça fait chaud au cœur.

Quand Vada a le dos tourné, j’en profite pour fouiller dans sa bibliothèque. Les ouvrages dans ma langue sont rares. Celles qui savent lire et écrire encore plus. Un bouquin, du coup, c’est une ressource de luxe.

Je ne suis pas archéologue mais j’ai déjà grillé un truc. Il n’y a rien avant une certaine date. Tout commence à l’ère 14.5.6. J’ai demandé, fait la conversion, c’était en juillet 2018.
On m’explique pourquoi il n’y a aucun document, aucune trace d’histoire avant cette date ?


*******

N.14 : Je vais mieux. Fini la fièvre.
Je ne délire plus mais je suis toujours en manque d’un mec.
Ça, ça n'a pas changé.
Atlantis me les casse sévère. Ils menacent d’envoyer un groupe me chercher.
J’ai menti, encore ! Je leur dis que je suis en passe d’obtenir une invitation pour les diplomates. Pendant ce temps, je continue mon enquête. Je suis à deux doigts, si proche du but !

A chaque fois que je pose des questions sur le mystérieux mal qui les appauvrit, tout le monde me fuit. Les citoyennes font mine de ne pas m’avoir entendu. Les conseillères répondent par une autre question. Et c’est la même chose pour cette histoire de date.
J’ai le sentiment que les deux phénomènes sont liés.

Il n’y a que Vada qui réagit bien.
Je vois bien qu’elle crève d’envie de me le dire. Mais comme les autres, je lis la peur dans son regard.

Nous sommes devenues amies.
C’est vraiment quelqu’un de bien. On aurait dû la monter sur ce foutu bureau à l’entrée du site. J’ai insisté, en jouant honteusement sur ses sentiments, en lui promettant de remplir une mission personnelle de son choix contre un seul indice.

Elle veut me parler au milieu de la nuit.
Soit j’ai une touche, soit j’ai enfin l’occasion d’obtenir une putain de piste !



*******


N.15 : Elle voulait que je retrouve son fils.
C’est bien ce que je pensais, il y avait des hommes sur cette planète. Mais on ne les trouve nulle part.
Au début, je pensais que les femmes d’ici les butaient. J’avais entendu Lyanna me décrire cette pratique dans son peuple. Elle m’en parlait tellement naturellement que j’en avais parfois froid dans le dos.

Mais non.
Il n’y a plus un mec dans les environs parce qu’ils se sont tous fait kidnapper de nuit.
Franchement, qui peut chercher à faire ça ?

Force de travail, esclave - Non, pas vu.
Reproduction forcée - Pas vu, jamais entendu parler.
Nettoyage sanglant par des coincées du cul ? - pas pertinent.

Rien que pour en apprendre plus, j’ai accepté.
Mais je me méfie, Vada m’a clairement annoncé qu’elle ne pouvait pas tout me dire.
Quand je lui ai demandé depuis quand il avait disparu, elle m’a confié la date.

Ère 14.5.6. Juillet 2018, tiens-tiens...



*******


Lyanna fronça les sourcils aux dernières phrases d’April. Cette découverte concernant la présence d’hommes sur ce monde, enfin des enfants, mystérieusement enlevés. Que se passait-il sur cette planète ? Qui avait intérêt à enlever des garçons ? Et pour quoi faire ? Et quel était le lien entre cette fameuse date, la disparition des mâles et ce phénomène qui touchait la planète pour l’appauvrir ? Beaucoup de questions qui n’avaient hélas aucune réponse. Mais la guerrière était comme la militaire, elle voulait en apprendre davantage. Elle voulait trouver la vérité. Et plus vite ils retrouveraient April, plus vite ils connaîtraient sûrement le fin de mot de l’histoire. Et peut-être améliorer le quotidien de ces femmes.

Soudain, le hennissement d’un cheval de trait à l’allure étrange attira l’attention de Lyanna. Un attelage descendait la route qu’elle avait autrefois emprunté pour vendre son compagnon. Doucement, le chariot se dirigeait vers le village. Une seule personne tenait les rennes. Vu la dimension du spécimen, ça ne pouvait correspondre qu’à Eoguelle, sa cible.

Le chariot se déplaçait lentement, plus encore que la marche d’un humain. La bête peinait et soufflait, signe qu’il tirait un lourd chargement. Visiblement, la pâtissière partait vendre une partie de la récolte avant de faire ses courses au village. Ça laissait amplement le temps à l’Amazone de la suivre et de préparer son embuscade.

Avant qu’elle ne puisse contacter Darren pour signaler son départ, ce fut lui qui l’appela.
//Le colis n’est plus dans la boîte aux lettres. Je répète, l’oiseau quitte le nid ! La saucisse est sortie du hot dog !// fit-il avec humour.
//Mais qu’est ce que tu racontes ? C’est quoi une boîte aux lettres ? Et un hot dog ?// demanda Lyanna qui ignorait ce qu’était un message codé.
//Heu….bon. Plus tard alors ! C’est une longue leçon qui t’attendra sur la cité !//

Le soldat profitait que sa tortionnaire soit partie gueuler sur une autre esclave. Mais puisque celle-ci avait commis l’erreur de chuter avec sa brouette de légumes, Palie était en train de l’attacher à un poteau, en plein soleil, ce qui lui brûlait la peau. Évidemment, cela attira l’attention de la guerrière qui en oublia le chariot, luttant contre une terrible envie de dévaler la colline pour aller au secours de la malheureuse.
//Ne regarde pas ça, mon ange.// lui conseilla-t-il alors, moins amusé, et persuadé qu’elle observait la scène avec les dents serrées. //Bientôt tu les libéreras.//

Darren avait raison, Lyanna avait une mission, et ce fut un crève coeur pour elle de reporter son regard sur le chariot au lieu de la femme lentement torturée. La guerrière soupira, et rangea ses jumelles et le journal d’April, avant de quitter sa cachette. Avec prudence, elle s’enfonça dans la végétation pour contourner la ferme et éviter les chiens, afin de regagner l’avant du bâtiment pour pouvoir suivre le chemin emprunté par Eoguelle. Au même moment, le militaire s’épongea le visage et reprit son ouvrage. Il attendit que Palie cesse de le regarder pour activer de nouveau sa radio.
//J’veux mon baiser du matin ! C’est pas parce qu’on a découché cette nuit que j’y ai pas le droit...//

S’il y avait une habitude que Monsieur refusait qu’on lui enlève, c’était bien celle-là. Il s’était offert ce petit luxe depuis que l’Amazone dormait toute blottie contre lui. Lorsqu’il se réveillait après elle, il discernait d'abord son sourire. Il écoutait ensuite sa voix douce qui lui disait bonjour.

Comme d’habitude, Darren lui demandait si elle avait bien dormi.
Mais il le savait déjà. Parce qu’elle ne faisait presque plus de cauchemars maintenant.
Il lui arrivait encore de s’agiter brusquement au milieu de la nuit. Il lui suffisait alors de la caresser un peu, lui dire des mots doux, souvent qu’il était là pour elle, puis Lyanna se détendait.

Mais son grand plaisir. C’était voir cette beauté aux cheveux en pétard, les yeux mi-clos, pousser sur ses jambes pour grimper jusqu’à son visage. Il sentait alors ses douces lèvres se presser contre les siennes, tandis qu’elle était légèrement contorsionnée comme une tigresse. Oh oui, c’était son meilleur moment du réveil.

Même lorsqu’il devait foncer sur une urgence, qu’on l’avait requis pour une mission, il lui arrachait un baiser avant de se sauver. Comme lorsqu’il était parti à la recherche d’April.

Alors, vu que Lyanna s’en allait choper la cuisinière ce matin : son bisou, il le réclamait !!! Lyanna, qui continuait de marcher, bien qu’un peu ralentie par le M4, fronça les sourcils à la demande de Darren. Le soleil commençait-il à avoir raison du soldat ? Certes, elle donnerait n’importe quoi pour venir l’embrasser, comme elle le faisait tous les matins. Mais là, c’était physiquement impossible.



eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Invité
Invité

Mer 13 Jan - 20:23

avatar

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna

//Et comment veux tu que je fasse ? Je déboule comme ça dans le champ, et je te saute dessus pour t’embrasser, sous les yeux du monstre à qui tu as refusé les avances hier soir ?// demanda-t-elle en souriant, amusée par cette scène qu’elle imaginait. //Tiens, c’est une idée très sympa// Le son de son souffle légèrement rapide trahissait qu’elle était en train de trottiner pour rattraper le chariot en longeant un sentier dans la forêt.
//Elle mourrait de jalousie, trop fort.//
Il avait également le souffle court.
//Nan mais...// reprit-il. //Le baiser, tu me l’envoies par la rad...//
Un coup brutal interrompit soudainement la phrase de Darren.
Un peu distrait, il n’avait pas remarqué le retour de Palie. Elle lui avait collé un sacré coup de crosse d’arbalète dans le dos, l’envoyant sur le sol boueux de la rosée du matin.
Lyanna l’entendit lui hurler dessus, lui imposant une amende de trente tincs qu’il devra payer par le labeur de ses bras en plus de son travail d’esclave. Darren se confondit dans des excuses pitoyables, balbutiant qu’il récitait une chanson pour enfant afin de se donner de la force. Mais la mégère était intraitable. Elle le fit se relever d’un coup de pied au cul et le menaça de son arbalète, n’hésitant pas à lui piquer le dos de la pointe.
La conversation était malheureusement terminée.

Il n’en fallut pas plus à Lyanna pour qu’elle s’inquiète après la scène qui venait de se passer. S’étant arrêtée, la jeune femme ne sut quoi faire.

//Darren ? Darren, tu m’entends ? Réponds moi !//

Mais aucune réponse. Palie avait dû voir qu’il parlait dans son coin. Avait-elle trouvé la radio ? Leur plan était il compromis ? Le militaire était-il en danger ? Maintenant qu’elle s’était enfoncée dans la forêt pour retourner au village, la guerrière n’avait plus du tout de visuel sur la ferme. Elle ignorait ce qui s’y passait. Pendant quelques secondes, elle sembla perdue.

"C’est pas vrai" dit-elle pour elle-même, dans un murmure.

Lyanna jeta un œil en direction du chemin qu’elle venait de prendre, et elle fut sur le point de retourner à la ferme pour s’assurer que Darren allait bien. Mais cela voulait dire qu’elle laissait passer sa chance de discuter et convaincre Eoguelle.

//Lyanna. Ici Jim.//
Le sergent marqua une pause. Son souffle indiquait qu’il marchait activement.
//Vous êtes toujours sur le canal principal. J’ai tout entendu. Ne vous inquiétez pas pour Darren, c’est un débrouillard. Vous devez poursuivre la mission !//
Sur le coup de la crainte qui l’envahissait, Lyanna en oublia presque sa colère contre Jim lorsque ce dernier la contacta. Laisser Darren se débrouiller seul ? C’était difficilement concevable pour la jeune femme.
//Mais je ne vois plus la ferme. Je ne sais pas s’il ...// répondit-elle sans parvenir à terminer sa réponse, craignant le pire.
//Une coupure radio ne signifie pas ça.// reprit-il doucement. //Notre ami est surveillé. Il a visiblement été surpris en train de parler donc il ne peut plus se permettre de prendre ce risque. Je vous assure qu’il est toujours là. N’allez pas à la ferme.//
//Hé Lyanna, tu m’entends ?// ajouta Max à la suite. //Dis, on a une petite astuce entre nous au D4. Quand on ne peut pas parler, qu’on peux pas envoyer d’info verbalement, on joue avec l'émetteur.//
Lyanna entendit le déclic qui se produisait avant chaque début de parole se produire deux fois dans un rythme régulier, signe d’une manipulation humaine.
//Deux fois, comme ça, c’est pour dire “on est là”. Ou “tout va bien”. Stresse pas ! Dès qu’il pourra, il t’enverra ce signal, ok ?//

Lyanna écouta les paroles de Jim et Max qui tentaient de la rassurer pour qu’elle poursuive sa mission. Le patriarche avait raison : rien ne prouvait que Darren était actuellement en danger. Et à entendre Max, il fallait simplement attendre ce signal. La guerrière respira lentement pour calmer son angoisse. Ses nausées s’étaient un peu calmées, mais elles étaient toujours présentes, la jeune femme ne se sentait pas très bien, fatiguée à cause de ses maux de ventre et de la mauvaise nuit qu’elle venait de passer. Après quelques secondes, elle finit par acquiescer d’un hochement de tête.

//Ok … ok// dit-elle simplement en reprenant le terme de Max sans trop s’en rendre compte, un mot terrien.

La guerrière resta un instant immobile, le regard dirigé vers le sentier qu’elle venait d’emprunter, attendant l’arrivée de ce fameux signal. Qui ne vint hélas pas. Elle ne pouvait pas rester là à attendre, elle n’avait pas d’autre choix. Prenant difficilement sur elle, Lyanna secoua la tête, et reprit sa route pour retourner au village.

//Je continue la mission//
//C’est bien. Soyez patiente. De notre côté, nous serons bientôt de retour au hameau.//

Sous ces mots, Lyanna disparut dans la forêt en trottinant.

Une demi-heure plus tard, Eoguelle garait son chariot devant l’entrepôt du hameau. Visiblement habituée, elle reçut une bourse très rondelette de la part d’une dirigeante. Elle la salua d’un signe de tête, s’empara d’un panier d’osier et quitta son attelage pour s’enfoncer entre les bâtiments au centre de la place. Pendant ce temps, des manutentionnaires commençaient à décharger les récoltes pour pouvoir les entreposer. Lyanna arriva au même moment, restant à l’écart pendant qu’elle regardait les vivres être déchargées. La jeune femme fut surprise par la quantité impressionnante récoltée par cette seule ferme. L’esclavage produisait manifestement un certain rendement…à moins que les deux monstres ne puisent dans des réserves qui ne se reconstituaient pas.

Ce petit village n’était pas bien grand, les divers sacs et ballots semblaient importants. Alors pourquoi tant de misère ?

Lyanna comprit rapidement pourquoi.
Les manutentionnaires qui déchargeaient le chariot ne menaient pas les vivres dans l’entrepôt. En réalité, elles les montaient dans de nouveaux chariots que d’étranges femmes aux regards colériques conduisaient. Elles attendaient simplement d’avoir le coffre à ras-bord avant de partir sans un regard pour celles qui avaient fait tout le travail. Cinq chariots côte à côte engloutirent toute la récolte apportée par Eoguelle sans qu’un seul sac ne soit laissé au hameau. Mais que se passait-il ici ?

Eoguelle, d’ailleurs, ne se rendait pas compte d’être surveillée.
Sous la surveillance discrète de Lyanna, la cuisinière se déplaça d’une cabane à l’autre. Elle acheta des herbes pour ses plats, des plaques d’un beurre local, des sacs de farine, des fruits, et tous les ingrédients nécessaires pour ses pâtisseries. Son panier en osier se remplissait rapidement, elle effectuait donc souvent des allers et retours pour alimenter son chariot. C’était, manifestement, un moment qu’elle affectionnait beaucoup. C’est pour ça qu’elle ne se pressait pas.
Peut-être parce qu’elle était bonne cliente, Eoguelle était souvent reçue avec le sourire. Mais l’Amazone s’aperçut bientôt qu’il ne s’agissait pas que de ça.

A chaque fois qu’une enfant se trouvait au pas de la porte d’une cabane, d’une masure ou d’un atelier d’artisanat, elle sortait un linge dissimulé sous sa veste. Eoguelle l’ouvrait sous le regard plein d’étoiles de la fillette et elle lui donnait une pâtisserie identique à celle offerte à Lyanna la veille. Décidément, cette femme était bien différente des deux autres.

Eoguelle, avec son air désintéressé et soumis, réalisait des friandises sous le nez des deux monstres. Elle les stockait, les dissimulait, pour ensuite les offrir aux enfants du hameau.
D’ailleurs, elle leur souriait d’un air maternel et protecteur, contrastant très fortement avec l’absence d’émotion à l’intérieur de la ferme. Plus rarement, mais ça arrivait, elle glissait une ou deux pièces dans la main des mendiantes devant l’auberge.

Eoguelle allait bientôt revenir à son chariot pour déposer ses courses. Ces allers et venues représentaient une bonne occasion pour pouvoir l’accoster. D’autant plus que les manutentionnaires avaient quitté la zone. Voyant que Eoguelle s’éloignait vers une nouvelle chaumière, la guerrière quitta sa cachette et se rapprocha du chariot, voulant attendre son retour. Elle pourrait ainsi lui parler.

Le problème, c’était que Lyanna découvrit la présence de Nini, à deux pas de là, en train de la fixer d’un air angoissé. Elle malmenait entre ses mains la seule manche du gilet dépassant de son pantalon, se demandant si elle avait été dupée ou non. Elle avait clairement reconnu la troisième dirigeante de la ferme et fait le lien avec la présence de Lyanna.
Pris dans ce schéma de pensée, Nini se mit à secouer la tête, au bord d’une crise de panique. Dans ses yeux naïfs de fillette, elle s’était imaginée que Lyanna bossait pour les monstres de la ferme...et qu’elle était venue l’y ramener dans ce chariot, pieds et poings liés.
La privation, le soleil, la soif. Le fouet, l’arbalète !!!
Elle recula de quelques pas, sur le point de crier.

Lyanna fut surprise de lire une peur panique sur le visage de Nini, elle ne comprit pas du tout ce qui se passait dans sa tête. Puis, son regard alla d’abord du chariot, puis vers l’endroit où Eoguelle avait disparu, avant de comprendre à quoi l’adolescente pensait. Il fallait réagir vite avant que Nini ne se mette à hurler, et n’avertisse Eoguelle.

"Nini, attends !"

La jeune femme s’éloigna du chariot, et avança lentement vers l’adolescente, les mains levées pour lui montrer qu’elle n’avait rien à craindre.

"Ce n’est pas ce que tu crois, je ne suis pas ici pour toi. Laisse moi t’expliquer, d’accord ?" tenta-t-elle de la rassurer d’une voix douce et calme.

L’esprit de la fillette se débattait entre des ordres contradictoires. Elle voulait fuir mais ses jambes tremblaient trop. Elle voulait hurler mais sa respiration était anarchique. Elle voulait alors s’agenouiller pour la supplier mais ses muscles s’étaient tétanisés. Incapable de pouvoir choisir une réaction particulière, elle se retouva à mi-chemin les genoux au sol, sur le point d’uriner sous l’effet de la terreur.

De ce qu’avait vu Lyanna depuis son perchoir, des sévices imposés aux esclaves dans cette ferme, elle savait très bien que la fillette vivait une résurgence psychologique. Comme si son subconscient, pour la protéger de ces dangers, lui rappelait clairement la souffrance afin qu’elle s’en écarte. Ce n’est pas Lyanna qu’elle voyait mais ses propres cris sous les coups de fouets, ses appels à l’aide sans réponse, la douleur, la peur qui dévorait l’estomac, l’idée que la torture n’aurait jamais de fin.

Nini ne parvenait toujours pas à fuir.
Comme si les mains de Lyanna émettaient une onde magnétique, la fillette se ramassa sur elle-même à mesure que l’Amazone venait. Le regard horrifié, à croire que ce contact la liquifierait dans d’horribles souffrances, la petite gémit d’une petite voix.
« J’ai peur ! » avoua-t-elle, en tremblant comme une feuille, dans une supplique à fendre l’âme. « Ne m’emmenez pas là-bas. De grâce... »

Lyanna avançait toujours aussi lentement, jusqu’à ce qu’elle finisse par arriver près de Nini. Elle s’accroupit près d’elle, veillant à n’avoir aucun geste brusque susceptible de la terrifier davantage.

"Je suis ici pour elle, pas pour toi. Je ne te ferais aucun mal, aie confiance en moi. J’ai besoin de lui parler parce que je pense qu’elle peut m’aider à lutter contre Norda et Palie, libérer ta mère et les autres esclaves. Tu comprends ?"

La guerrière posa doucement sa main sur l’épaule de Nini.
Au début, la fillette avait tressailli. Mais le contact fut doux, la chaleur humaine inonda le corps de la jeune fille qui ouvrit les yeux un peu plus grand. Elle peinait à croire qu’il s’agisse véritablement d’un piège, envoûtée par cette forme d’attention.

"Ecoute moi ! Tu dois retourner dans la bâtisse. Elle ne doit pas te voir. D’accord ?"
« Oui...oui... »
Elle se redressa, les jambes encore flageolantes. Mais quelque chose passa dans son regard et elle balbutia, le coeur chargé d’espoir :
« Ma maman ? »
"Je l’ai vu avec les autres. Je la sortirais de là, je te le promets. Maintenant, vas te cacher".

Au moment où Nini allait repartir dans la grange abandonnée, Lyanna l’en empêcha avant de sortir sa seconde barre chocolatée de sa poche, qu’elle tendit à l’adolescente. Histoire qu’elle ait quelque chose dans l’estomac le temps de mener la mission à bien. Au début, elle hésita beaucoup. Lyanna fut obligée d’ouvrir un morceau du plastique et de répéter le geste pour qu’elle s'exécute. Prise au dépourvu par cette générosité, Nini garda l’objet entre les mains comme si elle avait obtenu un lingot d’or. Elle fit deux pas, recula soudainement pour la serrer brièvement dans ses bras, puis elle s’élança comme si la vie de sa mère en dépendait. En l’espace d’un instant, elle avait disparu du secteur, engloutie par la vieille bâtisse.

Ce fut là que l’Amazone entendit deux déclics dans son oreille. Le signal était léger, succinct, à peine si elle pouvait le distinguer clairement. Alors qu’elle se posait la question, la voix de Jim suivit.
//Je crois bien que ce message vous est adressé, Lyanna.//
Le sergent amenait ainsi la confirmation que le double déclic avait été envoyé par Darren.
Ce dernier avait dû saisir un moment sans trop de danger pour rassurer tout le monde.
Lyanna ferma les yeux, et soupira, soulagée de savoir que Darren allait bien. La voilà rassurée, même si elle avait hâte de reprendre sa surveillance pour agir en cas de besoin. Elle ne put s’empêcher de lancer une remarque à son amant, s’en voulant un peu de s’être autant inquiétée, bien que ses paroles trahissaient le soulagement et la taquinerie.

//Tu m’as fait peur, idiot !// dit-elle à voix basse, sachant qu’elle n’aurait pas de réponse de la part du militaire.
Un rire sadique de la part de Max ponctua brusquement cette intervention.
//Ayé ! Mamour est vénère ! Elle va t’arracher les poils des couilles un par un !//
//Ca suffit. Silence radio à partir de maintenant. Je ne veux pas que Darren se marre devant la menace.//
//Ah...heu...désolé !//

Le soulagement était visiblement partagé par Max, à sa manière. Toutefois, cette conversation provoqua une mauvaise distraction pour Lyanna.
Eoguelle débouchait tout juste entre deux bâtiments, son panier d’osier chargé à ras-bord. Elle reconnut sans aucun mal la tenue de la guerrière et s’arrêta net, la bouche légèrement entrouverte par la surprise. La pâtissière regarda immédiatement autour d’elle, cherchant à déterminer si on l’observait en compagnie de Lyanna. Un petit voile d’appréhension avait fuité au travers de ce masque qu’elle s’était empressée de mettre.
Mais c’était bien trop tard.

Consciente que Lyanna ne se trouvait pas ici par simple hasard, Eoguelle posa son panier sur le banc conducteur de l’attelage puis lui tourna le dos. Elle s’éloigna d’un pas simple, peu rapide, laissant comprendre qu’elle ne cherchait pas à fuir. Non, elle se rendait simplement dans l’entrepôt, laissant la porte entrouverte en signe d’invitation.
A l’abri des regards indiscrets.
Lyanna regarda autour d’elle à son tour. Elle s’en voulait d’avoir eu ce moment de distraction qui avait failli tout gâcher. Ignorant si elle devait suivre Eoguelle, la guerrière finit par emboiter son pas, entrant dans le bâtiment, sa main posé sur le manche de son couteau au cas où.

Lorsque Lyanna la rejoignit, il n’y avait pas eu d’embuscade. Eoguelle se tenait dans un recoin, à l’angle mort de la fenêtre proche, et observait Lyanna d’un air inquiet.

« Bonjour » dit-elle dans une politesse forcée cette fois. « Comptez-vous me vendre votre silence ? »

La guerrière fronça légèrement les sourcils, et resta à bonne distance d’Eoguelle. Elle ne savait pas encore vraiment que penser d’elle.

"En fait … je te cherchais pour te remercier. Ce gâteau était très bon".
« C’est beaucoup d’attention pour une simple offrande. » répondit-elle avec la même méfiance. « C’est généralement orienté. »

Lyanna se doutait que Eoguelle ne serait pas dupe. Et que sa présence ici, avec elle, n’avait rien à voir avec de simples remerciements pour un gâteau. La guerrière réfléchit, puis elle sortit la bourse que Norda lui avait donné en guise de paiement pour Darren. Elle en sortit quelques pièces qu’elle fit tinter dans sa main, avant de regarder Eoguelle.

"Tu as raison, autre chose m’amène à toi. J’ai besoin d’informations".

Eoguelle regardait ce petit manège avec un certain dépit. April avait pourtant dit que tout se monnayait sur la planète. Le troc dominait, les Tincs avaient donc une grande valeur aux yeux des habitants. Mais étrangement, Eoguelle n’était pas réceptive, son regard ne se perdait jamais sur la bourse pleine de pièces. Il semblait même, parce que ça avait été manipulé par Norda, qu’elle trouvait le tout nauséabond.
« Allez voir les mendiantes à l’entrée de l’auberge. » dit-elle finalement. « Elles laissent souvent traîner l’oreille pour vendre des informations. Et vous réchaufferez leurs corps d’un bon repas. C’est chose bien peu courante par ici, étrangère. »
Le dernier mot n’avait pas été envoyé sans raison. La pâtissière ne se montrait pas agressive. Mais visiblement, la cupidité n’était pas du tout une motivation.

"A vrai dire, j’ai déjà entendu quelques informations intéressantes. Et ces informations te concernent directement. Tu es la mieux placée pour me répondre".

La dame soupira.
Elle hasarda un coup d'œil vers la fenêtre avant de répondre.
« Si je réponds à vos questions. Vous ne parlerez jamais à Palie, ni Norda, de mes activités ici. »

La remarque d’Eoguelle eut le don de décrocher un sourire chez Lyanna qui secoua la tête.

"Oh ça non, je n’ai pas du tout l’intention de leur parler de ça. Ni à l’une, ni à l’autre. Tu es rassurée ?"
« Si votre parole est de valeur, peut-être bien. Il se raconte que La Corsaire porte ces mêmes vêtements mais vous n’êtes pas cette personne. J’ose croire que vous avez la même noblesse d’âme. »
"Nous venons de la même planète, et elle est mon amie. Elle aide les gens en détresse, ce qui est également mon cas. Je n’aime pas voir de l’injustice chez les femmes de ce monde, alors si je peux apporter mon soutien, je le fais sans hésiter" lança Lyanna en choisissant ses mots pour que Eoguelle comprenne où elle voulait en venir.

Cette fois, elle la toucha en plein cœur.
La dame baissa les yeux à l’instant où elle prononça le mot “injustice”, son masque se fissurant sous un terrible sentiment de honte et de remords.
« Notre ferme n’est pas le plus bel exemple de justice que vous pouviez trouver sur votre chemin. »
Elle secoua la tête.
« Je ne sais pas de quel crime votre esclave s’est rendu coupable. Mais même du plus atroce, il n’aurait pas mérité d’avoir été laissé ici. Je vous conseillerai, si vous avez soif de justice, de le récupérer au plus vite. »
Eoguelle se racla la gorge.
« Tant qu’il est encore entier. »

Lyanna ne put s’empêcher de ressentir un frisson de crainte lui parcourir l’échine aux dernières paroles d’Eoguelle. Elle espérait que Darren ne soit pas mutilé. S’il faisait bien son travail comme un esclave obéissant, il ne risquait pas ce genre de sanction, non ? La jeune femme se mordit la lèvre, se demandant si elle devait parler de lui à son interlocutrice. Après tout, cette dernière pouvait très bien reporter le sujet de cette discussion aux deux autres, non ? Mais en même temps, Eoguelle voudrait peut-être sortir de leurs griffes.

"Il sait se débrouiller pour ne s’attirer de problème".

La jeune femme réfléchit quelques secondes en soupirant.

"Eoguelle, j’ai besoin de ton aide. J’ai appris des choses concernant cette ferme. A ton sujet. Et au sujet de Freida. J’ai besoin de savoir où elle se trouve".

Cette soudaine déclaration fit basculer son interlocutrice. L’espoir d’avoir la visite de La Corsaire s’était insinué dans son cœur depuis qu’elle avait entendu les rumeurs. Elle avait écouté les récits de l’Atlante de la bouche même de celle qu’elle avait sauvé des bêtes. Alors, malgré tous ses efforts, malgré sa résignation, elle avait de l’espoir.

Ce jour-là, lorsqu’elle l’avait vu, avec cet accoutrement étrange, elle avait songé sa libération imminente. Puis en l’entendant vendre un mâle à Norda, tout s’était écroulé comme un château de cartes.

Aujourd’hui, Eoguelle avait peur de croire. Elle avait peur d’avoir la foi en vain et d’être flouée, de payer au centuple son rêve de liberté. Entendre le nom de Freida la bouscula aussi sûrement que si elle avait reçu un coup de masse sur la tête. A sa réaction, Lyanna avait appris deux choses.
Eoguelle était amoureuse de Freida depuis toujours.
Et comme Darren l’avait supposé, elle était effectivement la motivation de cette femme.

« Vous...vous...connaissez...Freida ? » balbutia-t-elle, le souffle court.

Lyanna secoua la tête.

"Je ne connais que son nom. Je sais juste qu’elle était la propriétaire de la ferme, avec toi. Et que, avant l’arrivée de ces deux sœurs, votre ferme était juste vis-à-vis des autres femmes, même si les temps n’étaient pas toujours simples. Est ce que je me trompe ?"

La guerrière voyait bien que Eoguelle attendait que quelqu’un renverse la situation, et qu'elle-même ne pouvait pas le faire. Pas toute seule. Le sujet lui tenait tellement à coeur qu’elle était incapable de l’ignorer. Son faciès passait par tout un ensemble d’émotions.

"Ecoute, je ne vais pas te mentir. Je suis là pour m’occuper de Norda et de Palie, et m’assurer qu’elles ne nuiront plus à personne. Mais je dois retrouver Freida pour qu’elle reprenne sa place, et que toutes ces femmes n’aient plus à souffrir pour survivre. Toi y compris".



eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Lyanna
Guerrière
Planète Kirana
Bannière perso (image 901x180px) : La ruine d'Amarielle 1562430542-image-profil
√ Arrivée le : 14/07/2018
√ Nationalité : Kiranienne

√ Gène : ATA
√ Messages : 179

Mer 13 Jan - 20:26

Lyanna

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna

Comment refuser.
Comment dire non ?
Seulement guidée par la peur, Eoguelle amorça des pas rapides en direction de cette porte, avec l’intention peu assumée de fuir. Pourtant, sa conscience matérialisa un mur invisible qui lui bloqua cette échappatoire. Elle songea à ce qu’était son passé, reprenant exactement les termes de l’Amazone. Ce temps n’était pas simple mais les métayères mangeaient. Elles étaient en bonne santé, elles faisaient vivre leur famille. Tout cela avait été détruit par deux ordures qui engloutissaient maintenant le panier d’une équipe entière. Il avait fallu ce drame pour qu’elle comprenne à quel point cette période était belle.

Eoguelle tournait le dos à cet espoir. Et elle prenait conscience que cette chance ne se reproduirait plus jamais. La croisée des chemins...risquer sa survie pour vivre...cela lui rappelait la déchirure de son couple avant que tout ne s’écroule pour de bon.

« Nous avons eu une très violente dispute avant sa disparition. » avoua-t-elle d’un ton tremblant. « Il y en avait déjà eu, autrefois, mais elle revenait toujours. »

La pâtissière se montrait clairement désemparée. Sa faiblesse était évidente, cela l’exposait dangereusement à cette inconnue. Il y avait tant de risques et, en même temps, c’était une occasion trop importante.

« Je fus faible, je le paie chaque jour de ma vie. La dernière fois que j’ai entendu parler de Freida, c’était en l’ère 14.5.6. Elle cultivait des plants sauvages dans la forêt d’Héliande. Les deux messagères que j’ai tenté d’envoyer autrefois ne sont jamais revenues. »

Lyanna n’avait pas cherché à empêcher Eoguelle de se diriger vers la porte. Elle restait là, à l’observer, et à l’écouter. La guerrière fronça les sourcils en entendant la date : 14.5.6. La même date inscrite sur le journal d’April. Cette fameuse date où des faits étranges semblaient s’y être déroulés. La disparition de Freida était-elle liée à toute cette histoire ? Beaucoup de questions qui restaient pour l’instant sans réponse. Au moins, Lyanna avait maintenant un point de repère.

"Où se situe cette forêt ? A combien de jours de marche ?"

Eoguelle hésita une dernière fois. Elle accepta de miser le peu qu’il lui restait sur Lyanna.
Retrouver son amante d’autrefois lui étreignait dangereusement le cœur. D’ailleurs, elle pressait inconsciemment l’une de ses mains contre sa poitrine, comme si ce myocarde était sur le point d’en sortir comme un alien.

« Un petit chemin de chèvre y mène. Régulièrement, un signe en triangle fait de brindilles balisent le sentier. Cela vous demandera une demi-journée de marche. Plus encore pour trouver Freida. Mais si vous découvrez des cultures au milieu des bois...elles lui appartiennent. »

Elle comptait s’en aller.
Mais juste avant, elle passa sa main à son cou, révélant une simple ficelle lui servant de collier. Elle retira ce bijou de fortune qui découvrit un anneau cuivré très basique à l'extrémité. Son alliance. Elle le remit délicatement à sa nouvelle alliée.

« Dites-lui combien je donnerai tout pour la retrouver auprès de moi... »

Lyanna prit la bague, et l’examina attentivement. Elle se souvint que Helen Ridding avait un peu le même genre de bijou, qui la liait à son époux. Hochant la tête en signe d’acquiescement, la guerrière rangea l’alliance dans la poche de son pantalon, avant de regarder Eoguelle qui ne demandait qu’à fuir.

"Je la retrouverais. Et je la ramènerais pour qu’elle reprenne la ferme avec toi, et donne une vie plus confortable aux autres. Plus solidaire et plus juste. Comme avant".

Lyanna espérait que retrouver Freida ne prendrait pas trop de temps, car c’était ce qui lui manquait. Ainsi qu’un plan d’attaque.

"J’ai vu qu’il y avait deux chiens dans la ferme. Sais tu comment je pourrais m’y prendre pour les neutraliser ? Un poison, peut-être ?"
« J’ai pour tâche de les nourrir. » admit Eoguelle, peu rassurée par l’idée qui se frayait dans son esprit. « Si vous pouviez m’envoyer un signal, je ne sais comment...je me chargerai de les ensommeiller. A tout jamais. »

La guerrière acquiesça, et réfléchit quelques secondes à la façon de donner un signal à Eoguelle.

"Le mâle sera le signal".

Tout était dit. Du moins, la pâtissière ne voulait pas rester là.
Avec toutes ces émotions, ses nerfs ne demandaient qu’à se relâcher et il fallait qu’elle se retrouve seule avec elle-même. Elle ne dit rien de plus à Lyanna, elle ne lui fit aucun signe de tête, elle se contenta de filer à une allure extrêmement rapide. Lorsqu’elle grimpa sur l’attelage et fouetta la monture plus que de raison, elle serrait les dents pour retenir les sanglots qui menaçaient de l’envahir. C’était un barrage en train de rompre.

Lyanna en avait terminé avec elle.
Un groupe de femmes habitant le hameau s’était légèrement réuni, comme si elles étaient attirées par un événement inhabituel. L’Amazone allait se rendre compte que Jim et Max étaient là, en train de distribuer quelques lettres et faisant la lecture à voix haute à celles qui le demandaient. Les démonstrations de haine et de mépris perduraient. Elles étaient simplement atténuées par le service rendu.

Le regard de Jim tomba sur Lyanna et il lui fit un signe de la main. Elle pouvait le rejoindre si elle le souhaitait. La guerrière jeta un dernier coup d'œil à la charrette qui disparut bientôt de son champ de vision, avant de se reporter sur le chef d’équipe. Si elle s’écoutait, elle repartirait tout de suite à la ferme. Cependant, Jim lui avait demandé de lui faire un rapport régulièrement. Elle n’avait pas trop le choix que d’accepter son invitation, même si elle n’en avait pas très envie. Après quelques secondes d’hésitation, la jeune femme se dirigea vers les deux militaires.

Max récitait une lettre qui parlait de la famille d’une jeune adulte qui tenait un nourrisson dans ses bras. Il lui expliquait plusieurs termes qu’elle ne semblait pas comprendre, apparemment impressionnée par cette technique visant à “écrire des sons”. Jim, de son côté, remit le papier et remercia son destinataire. La dame concernée le lui arracha des mains avant de lui tourner le dos. Maintenant qu’elle avait ce qu’elle voulait, elle pouvait lui montrer l’étendue de son dédain.
Le sergent de l’unité n’en fit pas grand cas. Il rejoignit Lyanna avant qu’elle n’atteigne le groupe. En assurant son arme qu’il tenait en bretelle, il la salua d’un signe de tête.

« Votre chasse a été productive ? » questionna-t-il en guise de salut.
"J’ai eu l’information que je voulais concernant la localisation potentielle de Freida. Encore faut il qu’elle soit toujours là bas" répondit-elle sur un ton neutre.
« Est-ce que vous pensez pouvoir la trouver ? »

Lyanna réfléchit quelques secondes avant de répondre. Si Freida se trouvait toujours dans la forêt d’Héliande, elle la trouverait sûrement. Maintenant, la convaincre de revenir serait peut-être une autre histoire. Mais si elle n’était plus là bas, comment la retrouver ? La guerrière finit par hausser les épaules.

"Je pense, oui".

Jim lui posa quelques questions.
Lorsqu’il apprit que le trajet aller et retour demanderait une journée dans l’ensemble, sans compter le temps de recherche de Freida, il sembla ennuyé. Le sergent fit un calcul simple dans sa tête. Pertinent d’un point de vue stratégique, bien moins d’un point de vue fraternel.

« Bien. Je vais vous demander d’y aller. Atteignez la forêt d’Héliande, localisez la cible et ramenez là ici, dans ce hameau. Mais je ne peux pas vous laisser seule. Max vous accompagnera. »

Il parlait sérieusement. Et évidemment, cela ne plut pas du tout à Lyanna qui, jusqu’ici, ne s’était jamais retrouvée seule avec le gamin du D4, et encore moins autant de temps. La jeune femme se mit bien entendu sur la défensive.

"Je n’ai pas besoin de lui, je peux me débrouiller seule !"
« Je le sais bien. Mais vous êtes sous ma responsabilité et mon circuit de lettres ne m’a pas laissé sans informations. La criminalité dans la région est élevée, vous n’irez pas seule au devant du danger. »
Il donna un coup de menton en direction de Max.
« Malgré votre animosité, j’ai besoin que vous jouiez le jeu. Ne serait-ce que pour Darren qui risquera sa vie une journée de plus dans cette ferme. »

Lyanna jeta un regard rapide à Max, avant de soupirer discrètement. Elle n’avait vraiment pas le choix si elle voulait retrouver Freida. Et Jim savait comment s’y prendre pour la faire céder, en lui faisant du chantage émotionnel. Placer Darren dans l’équation était bien joué. Cela fonctionna très bien, vu que la guerrière était inquiète rien qu’à l’idée de ne plus avoir un œil sur son amant pour veiller sur lui. De cette façon, Lyanna ne pouvait que difficilement refuser, même si elle agissait à contre-cœur.

"Mais la ferme est sans surveillance. Elle ne va pas le rester toute la journée, non ?"
« Elle ne le sera pas longtemps. Je vais me charger de protéger Darren et vérifier que cette Eoguelle ne nous trahisse pas. »

Jim savait ce qu’il demandait. C’était dangereux de former un binôme qui s’entendait mal par nature. Il comptait sur le comportement professionnel de chacun. Dès qu’il le put, il fit un signe à Max pour lui ordonner de le rejoindre. En apprenant la nouvelle, il eut exactement la même réaction que Lyanna.
« C’est pas drôle ! » gronda-t-il. « Lyanna, elle serait carrément du genre à me laisser crever plutôt que de couvrir mes arrières. Limite, c’est même elle qui m’achèverait par pur plaisir ! Et après, au retour : “Oups, désolé mon Darrenou chéri, j’ai vraiment TOUT tenté pour le sauver !!!” »
Il n’avait pas hésité à livrer sa pensée, enfonçant les mains dans ses poches comme un garnement boudeur. Lyanna l’avait écouté sans broncher, les bras croisés sur sa poitrine, en lui jetant un regard noir. L’idée de Max était terriblement tentante, il fallait bien l’avouer, mais la guerrière se força à rester silencieuse. Dire tout haut ce qu’elle pensait n’allait pas l’aider du tout, elle se doutait qu’un certain officier l’attendrait à nouveau au tournant s’il avait vent d’un comportement inadéquat pendant une mission de sauvetage. Elle se contenta simplement de secouer la tête en soupirant.
« Donc tu abandonnes April à son sort ? »
Max jeta un regard noir en direction du patriarche. Comme pour Lyanna, il utilisait les bons leviers pour le convaincre de faire sa mission en équipe. Il finit par hocher la tête sans regarder l’Amazone une seule fois. Il avait exactement le même ressenti d’accepter à contrecœur.
« Ecoutez. » dit-il tranquillement. « Vous êtes tous les deux des soldats. Votre mission consiste à en sauver une autre, perdue sur cette planète. Pensez-y à chaque fois que vous ne vous supporterez pas. Vous êtes adultes. »
« Ouais, ouais, ok. Mais j’te préviens Lyanna, tu me fous pas une pêche comme sur la planète des drogués !! J’sais pas….genre...on convient d’un code ? »
Il fit mine de réfléchir.
« Cobra. Refuge. Panier. » énuméra-t-il en guise d’exemple.
Il haussa des épaules.
« Ou un simple “Ta gueule”, ça marche aussi ! Mais j’ai le droit de l’utiliser également... »
"Tu n’as pas intérêt" répondit Lyanna du tac o tac. "Tu n’as qu’à garder tes distances, et il n’y aura pas de soucis !"

Tête de mule ? Oh oui, Lyanna était bornée. Elle resta froide avec Max, furieuse de se retrouver en binôme avec lui, alors que le moindre dérapage pouvait arriver n’importe quand. La guerrière donna le M4 de Darren à Jim, puis elle s’éloigna de quelques pas, avant de se retourner pour lancer un regard noir et pressant à Max.

"Bon alors, on y va ? Plus vite on part, plus vite ça se terminera !"

Max était déjà dépité. Il souffla en se disant que le début l’emmerdait déjà pas mal. Mais puisque Jim insistait du regard, il abdiqua.
« C’est que...le coup de la piste de chèvre avec les triangles bizarres, c’est de l’autre côté. » dit-il en pointant une autre direction. « Me suis demandé ce que c’était en passant... »
Autant dire que tout ce que Max récolta fut un regard encore plus assassin de la part de Lyanna.
« Profitez-en pour vous échanger les informations. Nous n’aurons peut-être pas d’occasion au retour. » leur conseilla une dernière fois le sergent.
Après avoir passé la bandoulière du M4 de Darren à l’épaule, il les salua et se mit en route, les laissant seul.
Pour éviter de froisser Lyanna, Max fit un pas de côté pour lui ouvrir la route et présenta son bras, lui proposant de passer devant. Comme ça, elle ne le verrait pas et il se tiendrait à une distance raisonnable. Sans un mot, les poings serrés comme si elle rêvait de tordre le cou du militaire, Lyanna lui passa devant et marcha d’un bon pas sans se soucier de lui. Lorsqu’elle aperçut le chemin, elle l’emprunta, plongée dans ses pensées en espérant que ce duo se terminerait le plus vite possible. Un silence pesant s’installa entre eux, mais au moins, la guerrière continuait d’avancer la première, mettant une certaine distance avec Max, sans se retourner une seule fois pour s’assurer qu’il la suivait.

Le jeune homme suivit le mouvement sans rien dire. ll préférait ne pas mettre le feu aux poudres, bien qu’il se sentait un poil vexé par ce comportement de mauvaise foi. Sur l’instant, il se promettait de ne plus jamais l’aider et de la laisser mijoter dans son angoisse. Surtout lorsqu’elle s’inquiéterait pour Darren. C’était finalement bien mérité, non ? Parce que c’est en se montrant bon avec les autres qu’on obtenait leur aide.

Lui avoir parlé à la radio pour lui apprendre leur code était une main tendue. Et il se disait qu’après s’être royalement servie, elle lui retournait un coup de bâton comme récompense.
« C’est vraiment une vicieuse. » maugréa Max dans sa barbe tout en marchant.

Elle allait si vite qu’il était parfois obligé de trottiner pour combler un trop grand écart.
Ce comportement lui donnait l’impression d’être traité comme un faible pour s’être montré généreux et optimiste. Est-ce qu’elle le respecterait plus s’il se montrait chien avec elle ?
Il savait que ça vexerait Darren et c’est bien pour lui qu’il essayait de mettre de l’eau dans son vin.

« Hé, on peut parler ?... » hasarda-t-il dans son dos, maintenant qu’ils étaient dans les bois. « Jim a dit de s’échanger des infos. Elle parle de moi, April, dans son journal ? »

En entendant la voix de Max, Lyanna leva les yeux au ciel. Elle ne l’avait pas entendu la traiter de “vicieuse”, vu que le militaire l’avait dit tout bas. Mais ses questions, elle aurait préféré ne pas les avoir entendu. Oui, Jim a dit qu’ils devaient discuter de leurs trouvailles. Et si Darren avait été là, il aurait approuvé à coup sûr. Lyanna était donc coincée, et elle soupira une fois de plus. Max chercha à savoir si April avait parlé de lui dans son journal. Au moins, le début de cette discussion eut le mérite de faire un peu ralentir le pas de la guerrière. Cette dernière, bien que n’ayant pas envie de parler, finit par abdiquer, non sans garder un ton froid et distant.

"Oui, elle a parlé de toi ..."

Tout en continuant d’avancer, Lyanna se retourna pour regarder Max, avant de finir sa phrase.

"Elle t’a menacé plus d’une fois !"
« Ah ? » fit-il un peu étonné, s’arrêtant un instant.
Il chercha à comprendre. La lumière se fit bien vite dans son esprit.
« Elle a écrit un secret alors !! C’est quoi ?!? » s’exclama-t-il, la curiosité vibrant dans sa voix.
Comme si cette hypothèse lui avait donné un regain d’énergie et de courage, il rejoignit Lyanna et marcha à ses côtés, attendant de connaître la fameuse cachotterie. Voir Max marcher à ses côtés ne fut pas vraiment plaisir à la guerrière qui lui jeta un regard de travers, avant de reporter son attention sur le chemin tout en continuant de marcher. Elle savait parfaitement pourquoi April avait menacé Max, mais elle n’allait pas dévoiler la vérité. Cela aurait été une trahison envers la militaire.

"Oui, elle a un secret. Et non, je ne te dirais rien !"
« Ouais ben tu mens ! J’connais April depuis plus longtemps que toi et je suis sûr qu’elle a écrit un truc sympa sur moi. » grommela-t-il. « Alors j’men fous, quand je la verrai, je lui... »

Le soudain cri de douleur que poussa Lyanna lui coupa la parole. Le jeune homme sursauta, plutôt surpris que l’Amazone ai pu un jour exprimer de la douleur, puis il fit quelques pas de plus en la regardant. Il ne comprenait pas pourquoi elle était aussi tendue, la mâchoire serrée, sur le point de poser un genou à terre. Il se fendit d’un petit « Quoi ? » sans nuance de colère ni animosité. Car il sentait que la douleur de sa sœur d’arme était réelle et que quelque chose se passait. Ça forçait l’armistice.

Dans un premier temps, il crut qu’elle avait été prise d’une crampe fulgurante au mollet. Le genre de truc qui ne prévient pas et qui vous fait passer pour une guimauve auprès des copains du cantonnement. Il revint vers elle en faisant un pas, s’armant d’un sourire un peu moqueur et s’apprêtant à lui expliquer sa technique pour chasser la crampe. Après tout, la guerrière était penchée en avant, les genoux légèrement fléchis, la main posée au niveau du genoux. Et elle avait visiblement mal. Mais sa petite vengeance mesquine se brisa soudainement lorsqu’il découvrit les contours d’un piège à loup refermé sur la botte de Lyanna.

Le piège lui comprimait salement la jambe, à tel point que les dents de métal cisaillaient le cuir de la botte. Ca lui avait certainement tranché les chairs, mais impossible de le savoir pour l’instant. La pression exercée par la mâchoire du piège était trop importante, et Lyanna serrait les dents pour étouffer un gémissement plaintif. L’esprit de Max vira du tout au tout, son regard changea à cause de la gravité de la situation. Dans un réflexe conditionné par son métier et son entraînement, il s’était saisi de son fusil, attendant une attaque qui ne semblait pas venir. Quant à Lyanna, trop occupée par le piège, elle ne le regarda pas agir. Elle se pencha un peu plus, et tenta d’ouvrir la mâchoire métallique pour libérer sa jambe. En vain.

Max regarda alors par terre. Il y avait un lit d’humus sur le sentier. Les arbres avaient perdu naturellement leurs feuilles et ça avait fait une couche glissante. Sauf que des tordues s’étaient amusées à piéger le terrain. Max voulut approcher de Lyanna mais il entendit enfin du bruit dans les broussailles.
Sans hésiter, il pointa son fusil dans cette direction et gueula.
« APROCHEZ ET C’EST LA MORT !!! VOUS ÊTES PRÉVENUES, IL N’Y AURA PAS D’AUTRE SOMMATION ! »
Entendre Max crier attira l’attention de Lyanna qui délaissa le piège pour regarder dans sa direction. En réponse, des voleuses parfaitement camouflées par des branches et du feuillage se jetèrent sur eux en hurlant. Max appuya sur la détente, produisant une première rafale courte qui perça les cuisses de la plus proche. La prochaine, plus active, lui sauta directement au corps à corps, chassant d’un coup de machette le canon de son fusil.

Alors que l’équilibre de Lyanna était clairement menacé, que ce piège à loup comprimait douloureusement ses chairs, une autre voleuse armée d’un bâton poussa un cri sauvage en l’attaquant. D’un puissant revers, elle visait sa tête...pour ne pas abîmer ces beaux vêtements qu’elle comptait voler.

Lyanna dégaina ses deux épées avec vélocité, et parvint in extremis à parer le coup de bâton qui faillit l’atteindre. Par réflexe, elle recula, mais sa jambe prisonnière la rappela à l’ordre. Une violente douleur traversa son mollet lorsqu’elle tira sur la chaîne, ce qui permit à son adversaire de l’attaquer à nouveau. Sauf que cette fois, la guerrière réagit avant elle, et balaya l’air dans sa direction, menaçante, pour lui montrer qu’elle n’était pas une proie facile. La voleuse ne pouvait pas avancer sous peine de se faire entailler, alors elle joua avec son bâton qu’elle abattit plusieurs fois dans la direction de Lyanna. Cette dernière resta le plus calme possible, évaluant la situation, ainsi que la posture et les gestes de son adversaire. Ce ne fut pas simple avec la douleur qu’elle ressentait, mais elle avait connu pire.

Soudain, alors que la voleuse passa à nouveau à l’attaque, Lyanna calcula son geste, et abattit sa lame sur le bâton, du côté tranchant. Avec la vitesse du coup, le bois se fracassa, et l’arme de la voleuse perdit un bon morceau. La guerrière lui lança un regard noir, se mettant en position défensive. Elle avait beau avoir une femme devant elle, Lyanna la considérait comme une ennemie. Comme un mâle.

"DEGAGE !!!"

Manifestement, les voleuses ne parlaient pas la même langue. Mais celle qui lui faisait face comprenait très bien l’ordre de Lyanna. Elle se fendit d’un petit sourire provocant avant de revenir à l’assaut. Son arme de fortune étant plus courte, elle se pencha pour ramasser une grande portion d’humus qu’elle jeta contre elle. Lyanna n’était peut-être pas aveuglée mais cet amas de terre, de feuilles, et de végétaux en décomposition la dérangea, d’autant plus qu’elle ne pouvait pas reculer pour esquiver cette pluie occultante.
Et immédiatement, la voleuse abattit le reste de son arme directement sur le piège à loup, en vicelarde, percutant l’endroit où les mâchoires la faisaient souffrir. Ce qui arracha un nouveau cri de douleur à la guerrière, qui mit cette fois un genou à terre, tout en maintenant une épée en l’air à l’horizontale, en guise de bouclier, le temps de reprendre ses esprits et de s’essuyer les yeux.

Pendant ce temps, Max se défendait comme un diable. Il avait beau donner l’air d’un gamin, il était entrainé au combat comme les autres soldats d’Atlantis et il n’avait pas obtenu sa place grace à son humour merdique. Le fusil plaqué contre le torse, inutilisable à une si courte portée, il parvint à se dégager suffisamment pour s’emparer de son poignard de combat. Il le positionna en pic à glace et s’appuya d’un pied sur l’autre, se mouvant pour ne pas trop faire une cible évidente.

Comme on le lui avait appris, il se servait de la première assaillante pour gêner l’autre. Il avait déjà reçu un ou deux coups de machettes que son gilet avait très bien amorti. Mais Max allait finir par se faire buter s’il n’attaquait pas à son tour.
Il saisit soudainement une occasion. De la tranche de sa main libre, il frappa dans la gorge de son opposante pour lui couper le souffle. Réaction typique d’une victime qui ne s’y attend pas, elle plaça ses deux mains à sa gorge, à la recherche de son souffle. Non seulement elle venait de lâcher son arme mais en plus : elle ouvrait sa cage thoracique à son poignard.

Avec brutalité, Max gueula en lui plantant sa lame dans la poitrine. Fixé entre les chairs, il changea sa prise pour tenir l’arme de manière classique puis il planta de nouveau le poignard sur un zone vitale. Il trouva le cœur et vrilla la lame dans un dernier geste en profondeur. L’ennemie ne s’était pas encore effondrée que la deuxième lui filait un coup sur le bras, lui arrachant un cri de douleur. Le combat se poursuivit dans les plaintes d’efforts et les hurlements.

Du côté de Lyanna, l’opportuniste s’était reculée. Son moral défaillait face à la défense vigoureuse de l’Amazone. Elle ne s’attendait pas à une telle énergie...et surtout à une telle maîtrise martiale. La guerrière était parvenue à retirer la terre et l’humus de ses yeux, et elle s’était redressée, faisant tournoyer ses lames dans ses mains. Elle voyait bien que son adversaire perdait espoir de l’atteindre, et bien qu’elle même ne pouvait pas se jeter sur la voleuse, elle empêchait cette dernière de l’atteindre. Parvenue à hauteur de la voleuse aux jambes noyées de sang, l’attaquante récupéra les deux couteaux émoussés et entreprit de les jeter sur Lyanna, profitant de son immobilité.
Elle lança les couteaux l’un après l’autre avec rapidité, se disant que si le premier était paré, le deuxième ferait mouche. Elle n’avait toutefois aucune véritable maîtrise dans ce genre de manœuvre. Voyant le danger, Lyanna n’eut pas d’autre choix que de se jeter sur le côté pour éviter les couteaux. Elle se retrouva au sol, son pied tirant fortement sur le piège, ce qui lui fit encore plus mal. Mais avant que la voleuse n’en profite, la guerrière leva son épée dans sa direction, menaçante, prête à la frapper si elle approchait. Lentement, elle se redressa, en essayant de ne pas prendre appui sur sa jambe blessée.

L’opportuniste agissait dans un élan primaire. Elle se fit l’idée que Lyanna ne pourrait pas être plus affaiblie et que c’était le moment idéal pour frapper. Elle courait déjà sur l’Amazone en hurlant, les entrailles dévorées par un mélange de peur et d’excitation. Pour se motiver, en voyant le temps ralentir faussement, elle s’imaginait dépouiller ce corps de tous ses biens. Porter ses vêtements la ferait briller en société, elle se ferait passer pour La Corsaire. Ensuite, elle troquerait tout ce qui brillait et qui avait un peu de valeur, comme ces deux rectangles métalliques qui pendait à son cou. La lutte avait fait ressortir cet étrange collier qu’elle estimait de grande valeur et elle se disait que Lyanna recèlerait plus de trésors encore.

Donc la voleuse se jeta sur ma guerrière, ne remarquant même pas la pointe de l’épée courte s’orienter pour l’accueillir en fin de trajet. La pointe perfora son vêtement misérable, pénétra son corps comme dans du beurre en perçant le foie.
Une gerbe de sang éclata sur le bras de Lyanna comme si un enfant lui avait envoyé une bombe à eau. Sa lame présente autour de la plaie contractée jugula le reste de l'hémorragie qui se répandait alors à l’intérieur de la voleuse, laquelle avait emporté Lyanna dans le choc, basculant avec elle en arrière, avant de tomber sur le sol. La jambe de la guerrière tira à nouveau sur le piège, ce qui lui arracha un cri de douleur, tandis que son adversaire tentait de prendre le dessus.

Elle hurlait comme un démon, profitant d’être juchée sur l’Amazone pour se saisir de son bras valide, celle qui tenait l’autre épée, et la battre au sol jusqu’à ce qu’elle lâche prise. Au bout de quelques secondes, bien qu’elle s’y accrochait, Lyanna fut obligée de lâcher son arme. L’adrénaline qui envahissait le corps de la voleuse la rendait étonnamment ignorante à la douleur. C’était rare mais ça arrivait. Elle semblait envahie par une profonde rage et une grande convoitise. Rien ne semblait pouvoir l’arrêter.
Même lorsque Lyanna tourna sa lame dans ses chairs meurtries, la voleuse continuait de la dominer, essayant vainement de l’étrangler. Mais elle s’attaquait à une combattante aguerrie qui avait connu bien pire comme épreuve, elle ne fit que lui égratigner la gorge de ses ongles. Lyanna lâcha l’épée qui était toujours plantée dans le corps de son adversaire, puis elle lui donna de violents coups de poing au visage. Mais en vain, la voleuse semblait ne pas ressentir la souffrance que de telles attaques auraient dû lui donner. Contrairement à la guerrière qui ressentait une violente douleur à la jambe. Etre ainsi allongée l’obligeait à tirer au maximum sur le piège. Et donc à accentuer la pression des mâchoires sur son mollet, cisaillant un peu plus sa botte. La voleuse changea alors de tactique, voyant qu’elle ne parvenait pas à ses fins. Son regard se posa sur une grosse pierre non loin d’elle, et aussitôt, tout en continuant de maintenir Lyanna au sol, elle s’en empara avec un seul but : tuer la guerrière.

Max, de son côté, prenait le dessus sur son dernier adversaire. Il lui avait collé un coup de poing dans la tempe, ce qui l’avait sonnée, et il l’avait ensuite privée de son arme. Mais sans qu’il ne cherche vraiment à contrôler le terrain, trop occupé à se battre, il se rendit compte que la voleuse sur Lyanna récupérait une grosse pierre dans le but de la massacrer.

« Putain ! » jura-t-il en saisissant fébrilement son neuf millimètres.

Entre la proximité immédiate de Lyanna et l’hystérie de sa cible, il ne pouvait pas faire un carton. Il tira quatre cartouches, deux séries de deux dans un temps rapproché. Les premières volèrent au-dessus de l’épaule de l’opportuniste. Mais les seconde atteignirent ses doigts qu’ils sectionnèrent dans un claquement brutal. La pierre lui glissa des mains, maintenant que quelques accroches avaient disparu, et elle se pencha pour la récupérer sans comprendre ce qui lui arrivait.

Max avait bien l’intention de la finir. Mais pile au moment où il pressa la détente, une bûche lui percuta l’avant-bras et dévia son tir. Son adversaire à lui revenait à l’assaut...avec une foutue branche. Le soldat esquiva le premier coup, mangea le second, et parvint enfin à se saisir de l’arme de fortune. Ils se le disputèrent alors comme des chiens autour d’un os, ils se jetèrent l’un l’autre contre des arbres, refusant de lâcher cette batte naturelle. Un bras de fer s’était engagé et Max commençait à faiblir cette fois.

Grâce à l’intervention de Max, Lyanna put reprendre le dessus en profitant de cette ouverture. Usant de toutes ses forces, elle repoussa le corps de la voleuse, et parvint à se redresser suffisamment pour attraper son couteau, et plonger la lame à un seul endroit qui achèverait immédiatement son adversaire : en plein cœur. La voleuse poussa un cri mêlant la surprise et la douleur, elle baissa même les yeux sur le couteau. La seconde d’après, son corps s’écroula sur le côté, libérant enfin Lyanna. Cette dernière se redressa un peu sur ses coudes, cherchant les autres du regard. Son combat l’avait trop accaparé pour voir ce qui se passait autour d’elle. Puis, elle vit Max et la dernière voleuse encore vivante, qui s’affrontaient avec une bûche. Le militaire se retrouvait coincé contre un tronc d’arbre, la voleuse était devant lui, tournant le dos à Lyanna. Celle-ci ne parvint pas à distinguer toute la scène vu sa position, mais elle comprit, en voyant l’absence de réaction de Max, que ce dernier avait des ennuis. Elle distingua la blancheur de son visage, toujours en plein effort, ce qui indiquait qu’il se faisait étrangler. La dernière voleuse était en position de force.

La guerrière aurait pu laisser la femme tuer le mâle. Son instinct lui soufflait de laisser les choses se passer. Mais non, elle ne resta pas sans rien faire. Au début, Lyanna essaya à nouveau d’écarter la mâchoire du piège. Mais étant allongée sur le sol, elle avait encore moins de prise sur la partie métallique, elle ne parvint pas à se libérer. Et la voleuse, qui n’était qu’à quelques mètres, n’était pas à portée de ses épées. Alors, comment faire ? Son regard balaya autour d’elle, cherchant le moindre objet susceptible de l’aider. Le bâton de sa propre adversaire, elle pouvait toujours le lancer. Non, mauvaise idée. Puis, elle regarda sa cuisse. Le pistolet qu’elle oubliait tout le temps. Elle n’était pas du tout une bonne tireuse, elle n’en était qu’à ses premiers cours, et elle avait déjà montré qu’elle était une mauvaise élève. En plus, elle était allongée par terre, une position encore moins pratique pour utiliser une arme à feu lorsqu’on était novice. Mais elle n’avait pas le choix.

La voleuse n’était pas si loin que ça, comment pourrait-elle la louper ? Sans attendre, Lyanna sortit son arme et la pointa en direction de la voleuse, visant son dos. Enfin viser était un bien grand mot, vu que la jeune femme n’y parvenait pas encore. Son doigt appuya plusieurs fois sur la détente, cinq fois au total. Les balles fusèrent autour de Max et la voleuse, certaines se logèrent dans le tronc d’arbre au-dessus du militaire, d’autres disparurent dans les buissons derrière. Mais une balle atteignit sa cible, venant perforer un poumon de la voleuse.
La criminelle le sentit passer. Son visage mima le cri d’une intense douleur mais aucun son ne sortit de sa gorge. Cette impression d’une retenue presque héroïque face à cette souffrance était illusoire. C’était justement elle qui lui bloqua le souffle et la rendit muette. La jeune femme s’écroula mollement sur le sol, se renversant sur le flanc, en lâchant la prise qui étranglait Max.

Le soldat tomba en même temps qu’elle. Il se réceptionna sur les genoux, une main par terre, l’autre autour de sa gorge. Il toussa à plusieurs reprises, comme essayer de se dégager par les voies respiratoires, puis il poussa un petit cri joyeux.
Impossible de nier le fait qu’il adorait se bagarrer vu la réaction. Même l’idée de perdre ne l’avait pas démotivé. Max était encore sous l’effet de l’adrénaline et l’étrange sentiment qui habite un homme côtoyant les portes de la mort. Il secoua sa tête et regarda autour de lui.

L’agresseuse lâchait de longs gémissements d’agonie. A chaque fois qu’elle tentait de reprendre son souffle, un inquiétant sifflement - presque un grincement, s’échappait de sa poitrine. Elle n’était clairement plus en état de se battre.
Le jeune soldat ne se laissa pas abattre. Il tituba jusqu’à son arme de poing puis la rangea dans son holster. Il se mit ensuite en quête de son fusil qui traînait non loin.

« Hé ! J’comprends pourquoi Darren, y t’aime ! » lâcha-t-il d’une voix enrouée.
Son ennemie lui avait écrasé les cordes vocales. En quelques minutes, il était devenu un octogénaire sénile accroc au tabac.
« On s’ennuie tellement pas quand on travaille avec toi ! »
"Très drôle !" murmura la guerrière entre ses dents.

Après avoir récupéré son équipement, Max avisa un regard circulaire. Il ne restait plus que deux adversaires en vie. Celle qui s’était fait trouer les jambes et celle qui ne parvenait plus à respirer. Sans soins, elles partiraient dans quelques minutes. Ensuite, il aperçut l’état pitoyable de Lyanna. Elle avait vraiment morflé à devoir se battre avec un pied dans ce piège. Pas qu’elle avait reçu des sales coups, il la trouvait même étonnamment bien épargnée. Mais l’emprise sur son pied devait vraiment la faire souffrir.
Il écarta les deux épées courtes de Lyanna, dont l’une plantée en plein cœur de l’opportuniste, pour qu’elle ne soit pas tentée de l’attaquer à son tour. Après tout, comme pour les animaux sauvages à l’agonie, elle était capable de passer ses nerfs sur lui. Il préférait être trop prudent que pas assez, surtout en l’approchant de si près et s’agenouillant devant son pied. Le jeune homme en oubliait la présence de son arme de poing. La jeune femme surveilla le moindre de ses gestes, comme si elle était prête à lui sauter dessus au moindre problème. Déjà qu’elle l’avait observé avec un regard noir toucher ses épées, alors le voir si près d’elle en cet instant, les sens de la guerrière étaient aux aguets. Surtout qu’elle était en position de faiblesse en cet instant.
Max observa le piège en avançant ses mains sans toucher la botte de l’Amazone. Autant dire que Lyanna se crispa en le voyant faire, même s’il n’y avait aucun contact de sa part. Elle eut même un léger mouvement de recul, comme instinctif.

« Bonne nouvelle déjà...je ne vois pas de sang. »
Max la regarda.
« Tu me laisses faire ? »
"Je peux très bien y arriver toute seule" lança-t-elle sur un ton froid.

Et comme pour prouver qu’elle avait raison, têtue, Lyanna s’assit et tenta à nouveau d’écarter les mâchoires de toutes ses forces.

« Nan mais t’es malade !! Tu vas te faire mal ! » s’écria Max, qui n’en revenait pas de la voir agir comme ça.
Si elle parvenait à exercer une certaine pression et écarter légèrement les mâchoires, elles revenaient aussi sec se refermer sur sa blessure.



eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Invité
Invité

Jeu 14 Jan - 19:11

avatar

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna


La tentative de Lyanna était vaine, bien sûr. Dépitée, la jeune femme soupira, refusant d’admettre sa défaite. Mais elle comprit qu’elle ne parviendrait pas à se libérer du piège sans aide. A contre cœur, elle abdiqua et poussa son pied en direction de Max, non sans serrer les dents à cause d’une nouvelle petite vague de douleur qui lui vrillait la jambe avec ce simple geste.

« C’est vrai qu’on faisait comme ça avant. » reconnut-il. « On forçait comme des bœufs pour ouvrir le piège...sauf qu’on forçait aussi sur le pied du copain. »
Max posa son sac et farfouilla dedans. Il faisait la discussion pour occuper Lyanna mais également parce qu’il n’était pas rassuré. On l’avait formé à cette technique mais il ne l’avait plus jamais pratiquée depuis. L’idée, c’était d’enrouler une plaque de protection de son gilet tactique dans l'aluminium d’une couverture de survie. Il fallait le placer délicatement entre le pied de la victime et la base du mécanisme bardé de ressorts. Tant bien que mal, étant donné que la plaque était plus grande que la place qu’on avait à disposition.
Puis ensuite, il suffisait de déposer du gel termite, juste un petit peu, pour faire fondre le mécanisme de pression.

Non seulement le piège serait neutralisé définitivement. Mais si l’opération était réalisée convenablement, la mâchoire se desserrerait soudainement sans approfondir les blessures. Max, donc, entoura précautionneusement sa plaque balistique de la couverture, évitant d’en faire un ballot trop encombrant.
« Je vais t’aider à lever ton pied. » dit-il en approchant les mains de sa botte.
Mais il hésita brusquement.
« Heu ! J’fais rien de sexuel hein !! On est d’accord ! » lâcha-t-il pour être certain de ne pas passer pour un pervers.

Lyanna n’était pas rassurée de voir Max aussi proche, ni sur ce qu’il envisageait de faire. A sa dernière remarque, elle le fixa de son regard sombre et intense.

"Tu as intérêt. Sinon, tu n’auras pas le temps de finir" dit-elle sur la défensive, mal à l’aise.
« Mais ça va !! Je te dis que c’est pas le cas ! » râla-t-il en réponse.
Il passa une main sous le pied de Lyanna, entourant son talon pour soulager le poids du piège sur ses chairs. Il l’aida à lever son pied pour ensuite glisser la plaque entre le fer et le cuir de sa botte. La pression lui arracha une plainte, il y répondit par un air navré et sincère. L’écran de protection maintenant placé, il reposa le pied doucement. Le morceau de plaque qui dépassait rendit sa position encore moins confortable, il fallait tenir pendant que Max posait le gel termite. Heureusement que Lyanna était assez résistante à la douleur, elle se contenta de serrer les dents pour s’empêcher de gémir.

« On se sert de ce composant pour faire fondre des mécanismes en métal. Des serrures souvent. » lui expliqua-t-il.
Il se souvenait de ce que Darren lui avait confié. C’était son astuce de lui expliquer régulièrement des choses qu’elle ne pouvait pas connaître. Un partage sans qu’elle ai besoin de demander. Max n’était pas vraiment à l’aise d’imiter le compagnon de Lyanna mais il se disait qu’elle allait moins se raidir.
« Quand on l’allume, ça produit une température très haute. Plus qu’un volcan encore. C’est pour ça que je protège ton pied. Quand je te donne le signal, tu te couvre les yeux avec une main. Le flash pourrait t'abîmer la cornée. »
Lyanna se contenta d’acquiescer d’un hochement de tête, à la fois mal à l’aise, mais également curieuse malgré elle par ce que le militaire faisait. Ce dernier s’écarta ensuite pour prendre une distance de sécurité. Il n’aurait su dire si cette marge exagérée était dûe à Lyanna ou la dose de gel dont il était encore sceptique. Trop ou pas assez ?
« Je lance. Trois...deux...un »
Le flash éclata en même temps que le grésillement d’une mêche de bâton de dynamite. La gerbe d’étincelle dévora les deux ressorts qui produisaient l’éternelle pression. Si Max avait effectivement été un peu radin sur le gel, sûrement de peur de blesser l’Amazone, le métal de piètre qualité ne résista pas une seconde.
Le piège émit un grincement et Lyanna ressentit une brusque vague de soulagement. Son pied était libéré. Elle soupira lentement, puis leva sa jambe endolorie où elle put voir que ce qui restait de la mâchoire se trouvait encore planté dans sa botte.
« Touche pas ! » s’exclama Max en la voyant approcher les doigts des deux morceaux de métaux restés fixés dans le cuir de sa botte. « C’est super brûlant. »

Le jeune homme ramena une manche de sa veste par-dessus sa main puis extirpa le reste du piège. Maintenant, Lyanna était libre, elle reposa sa jambe sur le sol. Et la douleur ne la quittait plus.
Le soldat pinça délicatement le bas de son pantalon puis le releva pour constater les dégâts.
« Bon ben...tu as rien de cassé. Mais tu vas avoir un énorme bleu. Le truc bien moche et violacé...tu crois que tu peux te lever ? Tu veux de l’aide ? »
"Ca ira !"

Lyanna refusait toute aide venant d’un mâle autre que Darren. Déjà qu’elle avait dû accepter que Max vole à son secours pour libérer son pied, elle n’allait pas s’abaisser à ce qu’il l’aide également à se relever. La jeune femme se redressa toute seule. Mais, au moment de prendre appui sur son pied encore endolori, ses jambes cédèrent.

Bien plus dans un réflexe que par compassion, le jeune homme avait avancé ses bras pour la réceptionner avant qu’elle ne retourne le nez dans les feuilles. Il grimaça douloureusement en sentant ce contact bien plus prononcé sur Lyanna, se disant qu’elle allait devenir complètement barge, mais il ne la relâcha pas pour autant. La guerrière aurait pu se débattre, mais à vrai dire, Max venait de l’empêcher de se retrouver par terre. Bien qu’elle abhorrait sa proximité, elle le laissa faire pour l’instant, jusqu’à ce qu’elle se sente capable de tenir sur ses deux jambes toute seule.
« Ouais, j’vois ça ! »
Il pencha un peu la tête pour regarder son pied qu’elle pouvait à peine poser sur le sol. Lyanna ne pouvait plus appuyer et porter son poids dessus, c’était aussi handicapant que d’avoir une jambe cassée.
« Tu sais, être une cogne dure, ça te prive pas d’être humaine. Va falloir laisser ta jambe guérir maintenant. »

Il passa le bras de Lyanna par-dessus son épaule et assura sa prise autour de sa taille. Elle avait maintenant un soutien très stable pour avancer. Max aurait pu se dire qu’il avait de la chance que les rôles ne soient pas inversés. Elle aurait préféré l’achever que de le porter comme ça, non ? Très probablement, connaissant la guerrière. Ou alors, elle l’aurait tout simplement trainé par terre après lui avoir agrippé une jambe.
Mais il fallait être réaliste, si tôt après un tel écrasement de son pied, elle n’irait pas loin.
« T’inquiète. Tu vas vite récupérer et tu pourras de nouveau me botter le cul. » dit-il pour la rassurer, tandis qu’il l’approchait d’un arbre pour qu’elle puisse s’y adosser.
"Vivement que je me remette, alors".
« Gnagnagna...vivement...gnagnagna... »

Sur le chemin, Max sentait combien elle était tendue. Max avait l’impression de tirer un bloc de marbre jusqu’à cet arbre. Il fallait dire que la jeune femme était très mal à l’aise d’être si près d’un homme en cet instant. Ses instincts remontaient à la surface, sa méfiance était encore très présente.
Dès qu’il la libéra, le jeune homme repartit sur le lieu du combat en faisant attention où il posait les pieds. Comme ça, Lyanna pourrait respirer en le voyant s’éloigner. Et lui, de son côté, récupérerait armes et matériels laissés là.
//Jim ? C’est Max. On est tombé dans une embuscade en forêt. On s’en est sorti sans trop de casse.//
//Définis-moi “sans trop de casse”. Tu parles de ta voix ?//
//Nan. Lyanna a un pied en vrac. Mais ce n’est pas la mort..//
Il y eut un petit silence.
//Lyanna, ici Jim. Vous vous sentez comment ?//

Lyanna s’adossa un instant contre l’arbre, histoire de soulager le poids sur sa jambe. Elle resta un moment immobile, puis son regard se posa sur une souche située juste à côté. Prudemment, elle parvint à la rejoindre à cloche pied, et s’y assit avant de retirer lentement sa botte pour évaluer les dégâts, tout en appuyant sur son oreillette pour répondre à Jim.

//Ca va, je vais bien. J’ai connu pire//

Une fois la botte retirée, Lyanna descendit la chaussette, et examina son mollet. Un large hématome commençait à se former là où les mâchoires de métal avaient serré leur prise. La peau était sensible au toucher. Par endroit, les dents du piège étaient parvenus à cisailler un peu l’épiderme, mais il y avait peu de sang. D’ailleurs, les petites plaies ne saignaient déjà plus. Lyanna poursuivit son observation en appuyant prudemment par endroit, serrant quelques fois les dents. La douleur était quand même supportable. A priori, comme l’avait dit Max, la jeune femme ne sentit aucun os cassé à la palpation, ni d’autre douleur que celle venant de l’hématome. La guerrière fut soulagée d’un tel constat, cela voulait dire qu’elle allait boiter un peu quelques temps, avant que tout ne revienne à la normale. Une fois le constat établi, Lyanna regarda sa botte. Si elle avait la chair très légèrement entaillée par endroit, alors la botte devait être également marquée. Et en y regardant de plus près, la jeune femme constata plusieurs petits trous, ce qui la fit lever les yeux au ciel, en colère contre les voleuses.

//C’est pas vrai, ma botte est fichue// lança-t-elle à haute voix, mais pour elle-même.

Au moins, si Lyanna parlait de cette manière, cela ne voulait dire qu’une chose : que sa blessure n’était pas grave, et qu’elle allait rapidement se remettre.
//Ahahaha ! Trop fort ! La nana de Darren a failli se faire bouffer par des brigandes couvertes de puces et de tiques : mais elle s’inquiète pour sa botte. C’est bien une gonzesse !// plaisanta Max avec une excitation exagérée. Il était dopé par l’adrénaline, croyant avoir fait la blague du siécle.
Enfermé dans son petit délire personnel, il répéta fidèlement la phrase de Lyanna comme l’on se remémore une blague pleine de finesse. Il récupérait les épées de l’Amazone ainsi que le reste de ses affaires dans un rire grinçant, on l’aurait cru ivre.

Lyanna observa Max comme si elle avait affaire à un fou. Elle le fixa avec un air d’incompréhension, en se demandant si leurs agresseurs ne lui avaient pas donné un coup trop fort sur la tête. La jeune femme finit par secouer la tête, exaspérée. Mais rapidement, son air dépité devint colérique et noir lorsqu’elle vit le militaire prendre ses épées. Aucun mâle ne pouvait les toucher, à part Darren. Même lui avait mis un certain temps pour y parvenir. Alors, venant de Max, c’était un affront pour Lyanna qui ne le quitta pas de son regard de prédatrice.

Jim était visiblement habitué par ces éclats de gaieté mal placés en fin de combat, comme une séquelle temporaire que son ami connaissait à chaque fois qu’il frôlait la mort.
//Vous offrez l’occasion à votre compagnon de se montrer généreux et de vous offrir la paire de votre choix au retour de mission.// répondit-il, un peu amusé. Il ajouta d’un ton plus sérieux : //Vous avez bien fait de laisser votre bijou sur Atlantis.//

Lyanna ne répondit pas à Jim concernant un éventuel cadeau que Darren pourrait lui faire en lui offrant une nouvelle paire de bottes, bien qu’il s’agissait effectivement d’une bonne idée pour recevoir un cadeau de la part de son amant. Son attention était trop accaparée par ses épées dans les mains de Max. Mais lorsque le patriarche mentionna le bracelet, la jeune femme sursauta légèrement, prenant conscience de ce qu’il lui disait. Il avait eu raison de l’inviter à le laisser sur Atlantis, ces voleuses auraient peut-être réussi à le lui prendre. Ou bien à l’abîmer. Celle qui l’avait affronté avait presque failli lui prendre ses plaques militaires, elle aurait été trop heureuse de voler un magnifique bracelet argenté. Lyanna soupira, et attrapa machinalement les plaques qui pendaient sur sa poitrine, jouant doucement avec entre ses doigts. Si cette voleuse y avait touché, la guerrière se serait immédiatement mise en colère, et lui aurait fait regretter son geste, quitte à se casser le pied dans le piège pour y parvenir.

//Tu as raison// dit-elle presque dans un murmure, admettant bien malgré elle que Jim avait eu une bonne idée à ce moment-là.
L’Amazone ne prenait pas conscience de la sensibilité de son micro. L’équipe avait entendu son murmure.
//C’est le vécu qui parle.// confia Jim en guise de conclusion, préférant éviter de mettre la guerrière mal à l’aise. //Rendez-moi service, voulez-vous ? Max a tendance à se négliger après un combat. Veillez à ce qu’il s’inspecte et soigne ses blessures. C’est valable pour vous aussi.//
//Nan mais ça va. J’ai pas besoin de moman Lyanna pour s’occuper de ma botte !//
Il s’esclaffa.
//Jusqu’à ce qu’il redescende de son petit nuage, c’est vous qui commandez Lyanna. Darren devra tenir un peu plus longtemps. Campez sur un secteur facile à défendre, douze heures minimum. Ensuite vous reprendrez la route si votre blessure vous le permet.//

Aux paroles de Jim, Lyanna regarda Max qui était toujours euphorique après son combat. Veillez sur lui jusqu’à ce qu’il redescende de son nuage ? La guerrière avait bien une astuce : le frapper suffisamment jusqu’à ce qu’il ait à nouveau les pieds sur terre. Mais quelque chose lui soufflait que ce n'était probablement pas la meilleure chose à faire. Pour son plus grand malheur, car elle aurait été ravie d’aider le militaire de cette manière. Autant pour lui que pour elle.

La jeune femme soupira à l’idée de devoir faire trainer la mission, mais ils n’avaient visiblement pas le choix. Jusqu’à ce qu’elle ne boite plus, elle devrait se reposer pour ne pas aggraver la blessure. Lyanna consentit à contre-cœur de trouver un endroit pour bivouaquer.

//D’accord//
//Darren est dans les champs. Je vous confirme qu’il va bien. Jim, terminé.//

Max terminait de faire son tour de sécurisation.
Il avait recherché des survivantes qui ne seraient pas tout à fait mortes, se demandant s’il devait les achever ou pas. Malgré le fait qu’il adorait se battre et qu’il aimait plus encore cette inondation d’adrénaline qui le faisait flotter, il n’était pas du genre à tuer gratuitement. Mais dans ce cas là ? Fallait-il qu’il donne de son matériel médical pour stabiliser celles qui avaient voulu le tuer ?

La voleuse qui avait pris la première rafale dans les jambes s’était éteinte, exsangue. Mais la dernière, celle qui avait bien failli l’étrangler et gagner son combat, agonisait encore. Elle était couchée sur le ventre, le visage contre l’humus. Tout donnait l’impression qu’elle était morte. Mais parfois, elle poussait une soudaine plainte comme si elle avait réalisé une apnée trop longue. La brigande se noyait dans son propre sang…

Max déchira le tissu à l’endroit où la balle s’était logée et inspecta rapidement la blessure.
Cette femme était clairement foutue. Sans un bloc opératoire, une armée de chirurgiens et l’attirail de pointe d’Atlantis, elle souffrirait longuement jusqu’à la mort. Le soldat hasarda un coup d'œil vers Lyanna, se demandant si elle allait lui en vouloir pour ça, puis il sortit son poignard de combat.
« Vraiment désolé. » dit-il avant d’enfoncer la pointe dans la nuque de la voleuse et chercher un endroit précis.

La victime s’agita une dernière fois, cherchant instinctivement à fuir cette atteinte que son subconscient savait mortelle. Ses bras fouillèrent mollement les alentours et s’accrochèrent aux rangers du soldat. Puis tout s’arrêta.
Max donna un dernier accoup, s’assurant qu’elle était bien partie, puis il se redressa doucement en soupirant. Il avait toujours du mal à achever ses adversaires. Au moins c’était facile avec les Wraiths, ils avaient des gueules de monstres. Mais pour les semblables, même si c’était de grosses ordures, ça lui faisait toujours quelque chose. Lyanna l’avait regardé faire. Et contrairement à son habitude, elle ne vola pas au secours de la voleuse sous prétexte que c’était une femme, en s’en prenant directement au mâle. La garce était une ennemie, elle avait bien failli les tuer. Homme ou femme, ils étaient semblables aux yeux de la guerrière. Et si elle avait été à la place de Max dans les secondes qui venaient de s’écouler, elle aurait tout simplement laissé la voleuse s’éteindre après une lente agonie. Aussi, elle resta immobile en regardant Max donner le coup de grâce, silencieuse.

En silence, le regard encore voilé de cette impression de légèreté, Max ramena le matériel auprès de Lyanna. Il planta les deux épées courtes dans le sol à côté d’elle, à portée de main, puis lui vérifia son neuf millimètres qu’elle avait dû laisser au sol. Il eut le droit à un nouveau regard noir de la part de la jeune femme par rapport à ses armes. Le jeune homme ne saisissait toujours pas qu’il y avait un lien entre ce regard colérique et le fait de manipuler son équipement. Il mettait ça sur le fait que Lyanna était dure à cerner et qu’elle avait des moments très lunatiques.
« Bon...heu...je te laisse faire le guet. Je vais m’occuper d’elles. » fit-il en lui tendant son arme de poing.

Lyanna prit le pistolet et le rangea dans l’étui à sa cuisse. Ce que Max voulait faire la laissa perplexe. Elle fronça les sourcils en le regardant.

"Pourquoi faire ?"
« Ben on a douze heures. J’ai envie de courir un marathon. Et y’a cinq cadavres qui vont rameuter toute la vermine du coin. Alors je vais creuser leurs tombes. »
Il haussa les épaules.
« Et puis si on revient par cette route avec cette dame, là, heu... »
Max claqua des doigts, ne se rappelant plus du nom. Il abandonna l’idée.
« Bref. On aura pas à jouer les innocents en repassant avec elle par cette route. »
Le soldat déposa son sac non loin de Lyanna puis en sortit sa pelle pliable.
« Tu n'enterres pas les morts chez toi ? »
"On brûlait les corps" répondit simplement Lyanna, sans donner d’autres détails.

La guerrière prit ses épées, avant de les regarder quelques secondes, comme pour s’assurer que Max ne les avait pas salies ou abîmées. Après tout, c’était un sacrilège qu’un mâle touche à ses armes. Puis, laissant le militaire, Lyanna observa les alentours, attentive au moindre bruit suspect, serrant la garde de ses épées.

Après avoir consulté sa montre, le jeune soldat commença par déminer entièrement le terrain en le sondant avec une grande branche. Il débusqua pas moins d’une demi-douzaine de pièges à loup dissimulés dans l’humus du chemin. Il les déclencha en demeurant à l’écart, utilisa une pince pour forcer et casser le système, puis il s’occupa ensuite des corps. Il leur fit les poches, non pas pour les piller, mais rechercher des informations, des effets personnels à renvoyer secrètement aux familles.
Mais à l’évidence, ces femmes n’avaient rien sur elles à part leurs armes.
Elles devaient avoir un campement pas loin d’ici. Mais Max ne voulait pas le rechercher. Ce n’était pas une bonne idée d’investir le bivouac de ces voleuses, surtout si elles faisaient parties d’un groupe plus grand.

Pendant que Lyanna surveillait les environs, le soldat traîna lentement les corps sur le bas-côté. Il rechercha un endroit plus favorable pour creuser, là où il y aurait moins de racines, puis il débuta un long travail de titan. Max dépensa une énergie colossale pour creuser cinq tombes distinctes. Il avait besoin de se défouler, de se changer les idées, pour ne surtout pas penser à April et l’appréhension qui l’habitait.

Parfois, Max revenait vers l’Amazone. Il s’installait à côté, gardant une petite distance pour ne pas la déranger, puis il s'hydratait tout en épongeant sa sueur. Il s’était débarrassé de sa veste et de son gilet tactique pour pouvoir bosser. Le jeune homme avait beau se creuser la tête, il ne trouvait pas de sujet d’accroche pour faire la conversation.
Il avait bien tenté de poser quelques questions sur le monde de Lyanna mais, manifestement, ça la dérangeait. Les réponses étaient courtes et évasives. En sentant qu’il était de trop dans le coin, Max reprit son travail. Au terme de quatre interminables heures, il inhuma les voleuses et combla tranquillement les fosses.

« Pfouuu, sacré boulot. » lâcha-t-il en reprenant sa place, couvert de sueur. Il s’essuya le front de la main. « Ça va ton pied ? »

Lyanna remit sa botte, se leva avec prudence, et prit doucement appui sur sa jambe blessée. Celle-ci supporta son poids, mais lorsqu’elle chercha à avancer, elle boitait beaucoup trop pour pouvoir reprendre la route. Cependant, il y avait de l’amélioration dans un sens. Un peu de repos lui serait bénéfique. La guerrière se rassit, gardant une certaine distance avec le militaire.

"Ca va un peu mieux".

Max n’avait pas prévu de bouger tout de suite. Il lui restait un petit quelque chose à faire. Confortablement installé contre le tronc d’un arbre, profitant du temps étrangement plus clément en forêt, il s’arrangea pour récupérer de larges morceaux d'écorce assez grands pour concevoir des petites stèles. Avec un marqueur orange fluo dans son gilet, qui lui servait habituellement pour baliser les chemins (outil indispensable depuis une mission compliquée dans un labyrinthe), le jeune homme inscrivit deux noms.
« Celle avec les jambes trouées, je l’ai appelé Sarah. Celle que j’ai fini au poignard, je l’appelle Marianne. Les deux autres….voyons... »
Il claqua des doigts.
« Alicya. Et….va pour Stacy ! »
Max finissait d’écrire sur les plaques qu’il comptait poser sur les tombes. Mais lorsqu’il s’empara de la toute dernière, puisqu’il s’agissait de la voleuse opportuniste que Lyanna avait tué, son crayon s’arrêta avant de toucher la surface.
« La fille qui t’a attaqué, tu veux lui donner quel nom ? »

Lyanna jeta un œil à Max lorsque ce dernier lui posa une question. Sans comprendre, elle le regarda écrire sur des morceaux de bois, ignorant la signification de ses gestes. Donner un nom à celle qui avait failli la dépouiller et la tuer ? C'était vraiment une idée stupide. La guerrière secoua la tête, avant de détourner les yeux.

"Je n’ai pas envie de donner un nom à une ennemie. C’est ridicule !"
« Et en quoi c’est ridicule de pas se faire enterrer en anonyme ? » demanda Max, un peu bougon. « Tu me dis si j’t’emmerde, hein. Pour le coup, je l'appellerai Lyanna celle-là ! »
Il s’apprêtait à l’écrire sur la plaque.
Lyanna lui jeta un regard tellement noir qu’il aurait pu tuer Max si elle en avait eu le pouvoir.

"Tu n’as pas intérêt !!!"
« Bah donne un nom au lieu de râler gratuitement. T’as que ça à faire, là. C’est pas la mer à boire... »
"Tu me tapes sur les nerfs !"

Lyanna regarda méchamment Max, avant de secouer la tête en détournant les yeux, réfléchissant. Le soldat n’allait pas la lâcher, autant accorder ce qu’il lui demandait, histoire qu’il la laisse tranquille à ce sujet.

"Kalinda. C’est bon, t’es content ?"
« Kalinda ! »
Le soldat nota le dernier nom puis se leva pour aller poser ces stèles de fortune.
« J’espère que c’était une ennemie. Sinon tu lui fais pas honneur. » dit-il sans attendre de réponse.
Il s’éloigna et termina son œuvre.

Maintenant que le boulot était fini, Max fit un dernier tour d’inspection puis il décida de lever le camp. Il reprit l’ensemble de son équipement et proposa à Lyanna de s’appuyer sur lui.
« Tu ne guériras pas si tu forces trop... » avait-il dit pour se justifier. « Il y a un coin sympa un peu plus bas. J’entends un ruisseau. On devrait s’installer là-bas. »
Lyanna aurait voulu refuser la proposition d’aide de Max. Plutôt mourir que de devoir s’appuyer sur un mâle pour avancer. Cependant, la jeune femme dut reconnaitre que boiter jusqu’à l’endroit décrit par le militaire serait contraignant, et ne ferait que ralentir sa guérison. Et donc retarder encore plus le moment où elle irait voler au secours de Darren et des esclaves. Déjà qu’ils étaient en train de perdre du temps à cause de cette attaque, inutile d’en perdre encore. Lyanna soupira, abdiquant, puis rangea ses armes dans leurs fourreaux, avant de se lever. Ca avait l’air d’aller mieux même si elle boitait et que l’exercice ne pourrait pas durer longtemps. Comme Max l’avait supposé, un petit ruisseau courait entre les arbres plus bas. Dix minutes de marche les écartaient de la route et ils trouvèrent un emplacement idéal pour camper. Une surface idéale pour faire un feu, le tout entouré de buissons. Max était content de pouvoir déposer tout le matériel et s’étirer le dos.
//Jim, ici Max. On s’est trouvé un bon endroit pour camper. Départ prévu demain matin à six zero zero.//
//C’est noté. Lyanna ?//

Lyanna trouva un morceau d’arbre couché sur le sol, et s’y assit en regardant les alentours. Max avait raison, c’était un bon endroit pour passer la nuit.

//Ca ira mieux demain. On part dès que le soleil se lève//
//Reçu. Et pour ce que je vous ai demandé ?//
//Maintenant qu’on est en sécurité, Max va s’occuper de lui. Je vais m’en assurer// dit-elle en regardant l’intéressé.
« Eh oh, j’ai la bouffe à faire avant... » dit-il pour écarter au plus loin cette étape fastidieuse et ennuyante. Il fallait s’inspecter sous toutes les coutures pour qu’une blessure ne s’infecte pas. Et d’un autre côté, s’il pouvait emmerder Lyanna en la rendant responsable de son propre refus, c’était tout aussi bien. Parce qu’il savait qu’elle n’avait aucune compassion pour lui.
//Appelez moi quand c’est fait. Terminé.//

Lyanna fusilla Max du regard, n’en revenant pas de devoir jouer ce rôle avec un mâle. En plus, ce dernier était très réticent à obéir à son supérieur. Mais cela n’allait pas se passer comme ça. Au diable le repas, la jeune femme n’avait pas faim à cause de ses nausées persistantes, bien que celles ci étaient moins prononcées qu’au petit matin.

"Tu vas faire ce que Jim t’a dit de faire maintenant !"
« Gna-gna-gna...genre tu te préoccupes de moi. » lâcha-t-il en sortant de son sac une petite marmite de campagne. Il se redressa avec la ferme intention d’aller chercher de l’eau à faire bouillir.
« Pis d’ailleurs t’es pas en position de force. Maintenant j’cours plus vite que toi, héhéhé. »
Il la nargua un peu en faisant deux petits bonds joyeux avant de se rendre au ruisseau à quelques mètres de là.
« Eh dit ! T’es plutôt purée ou frites, toi ? »


eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Lyanna
Guerrière
Planète Kirana
Bannière perso (image 901x180px) : La ruine d'Amarielle 1562430542-image-profil
√ Arrivée le : 14/07/2018
√ Nationalité : Kiranienne

√ Gène : ATA
√ Messages : 179

Jeu 14 Jan - 19:41

Lyanna

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna

Lyanna leva les yeux au ciel, en colère. Bon sang, ce que Max pouvait être pénible. Si elle s’écoutait, elle le frapperait encore et encore jusqu’à ce qu’il sombre dans l’inconscience. Pendant que le soldat revenait avec sa marmite pleine d’eau, la jeune femme ne répondit pas à sa question, se contentant de lui jeter un regard assassin.

"Tu as raison, je m’en fiche de toi. Ta vie ne n’importe pas, contrairement à Darren et April. Lâche ce truc, et obéis !"

La guerrière se leva, prenant difficilement appui sur sa jambe. Mais son regard menaçant et froid ne quittait pas Max. Ce dernier pouvait lire toute sa détermination et son sérieux dans ses yeux.

"Je te jure que si tu ne fais pas immédiatement ce que Jim t’a dit de faire, je viens moi même m’occuper de ça ! Et même avec une jambe en moins, tu vas le regretter !"

Lyanna ne plaisantait pas. Si elle devait elle-même dessaper Max pour s’assurer qu’il allait bien, nul doute qu’elle le ferait. Et sans aucune douceur, quitte à aggraver sa blessure.

"Une chose est sûre : si c’est moi qui m’occupe de ça, ma jambe ne sera pas rétablie demain. Donc, on perdra encore du temps par ta faute. Darren prendra encore plus de risques à rester dans cette maudite ferme. Et comme sa libération sera différée, on mettra encore plus de temps pour trouver April. C’est ça que tu veux ?"

Tout au long de ses propos, Max crevait d’envie de lui dire d’aller au diable. Il était penché sur le sol, en train de creuser un sillon pour créer un feu enterré, ce qui les rendraient plus durs à repérer. Son agressivité et son hostilité l’horripilaient, il n’avait pas l’intention de lui obéir. C’est la dernière tirade qui le fit réfléchir un peu plus. Il songea à Darren et April, ce qu’ils diraient s’ils savaient qu’il n’avait pas voulu se contrôler et retarder la mission. Il soupira.

« Ben moi aussi, j’m’en fous de toi. » balança-t-il faussement.
Max s’écarta et retira son gilet tactique, tandis que Lyanna s’assit à nouveau, soulagée à l'idée de ne pas avoir à courir après le soldat pour qu’il obéisse avec sa jambe blessée. Ce dernier démarra son inspection visuelle. Parmi les quelques éraflures ici et là dû au combat, il repéra une entaille sur son bras. Il se souvenait que son ennemie avait frappé là, Max n’avait plus rien senti ensuite, surement à cause de l’adrénaline. Sur le coup, il se sentit un peu con, parce qu’il aurait préféré montrer à Lyanna que ça ne servait à rien.
Le jeune homme se soigna en utilisant son kit de secours puis inspecta le reste de son corps sans trouver quoi que ce soit.
« Contente ? » grommela-t-il en revenant à sa cuisine.

Lyanna ne lui répondit pas, le regardant s’occuper du feu. Elle se contenta d’appuyer sur son oreillette pour informer le patriarche.

//Jim ? C’est fait. Il a soigné ses blessures//
//Bien reçu. Merci.//

Après avoir fait un bon feu dans le trou, Max se servit de branches et de ficelles pour suspendre sa marmite et préparer son repas. Le sac du soldat était un véritable garde-manger. Il y avait pas mal de produits qu’il avait ramené d’Atlantis. Le reste semblait avoir été acheté sur place.
Dans les coins les plus reculés de son sac, on discernait des sachets de friandises ou des barres de chocolats.
Il les gardait pour April.

Max coupa tranquillement des patates provenant d’Atlantis.
« Purée ou frites ? » bougonna-t-il sans la regarder.

Lyanna secoua la tête.

"Je n’ai pas faim, je ne veux rien".

Le jeune homme cessa brusquement de couper ses patates. Il la toisa un instant puis, sans quitter son regard, appuya sur contacteur de sa radio pour l'activer.
//Jim ? Lyanna veut rien bouffer. Elle a “pas faim” !// la balança-t-il sans état d’âme. Il estimait que c’était un juste retour de bâton.
"Qu’est ce que ça peut te faire !" lui lança Lyanna avec un regard mauvais, comprenant son stratagème.
« Bah la même chose que toi avec ma santé. » dit-il pour se venger.
La réponse du Patriarche ne se fit pas attendre. Il continuait de répondre calmement, nullement gêné d’avoir à régler ces enfantillages. En réalité, il avait tellement l’habitude du D4 que ces broutilles ne le fatiguaient plus.
//Lyanna, vous êtes priée de vous restaurer convenablement. Si votre estomac vous dit non, rappelez-lui que vous risquez d’être enchaînée à la jambe de Max jusqu’à la fin de mission en guise de punition.//
Une petite seconde s’écoula avant qu’il n’ajoute.
//Darren. Cesse de rire comme une baleine, tu es toujours sous surveillance !//

Lyanna leva les yeux au ciel, elle ne voulait pas écouter Jim. Son estomac était en vrac, mais le militaire avait quand même raison. Depuis son départ d’Atlantis, elle n’avait quasiment rien dans l’estomac. Elle risquait d’être rapidement à bout de force et d’être sujette à de nouveaux malaises, comme la veille. La jeune femme secoua la tête, sans quitter Max des yeux à son tour.

//D’accord. Mais si je vomis, je le ferais sur lui !//
//Négatif, Lyanna. Mon ordre comprend le fait de garder ce que vous mangez dans votre estomac. Pourquoi ? Vous êtes malade ?//
//Indigestion. La guérisseuse Atlante m’a dit que ça ne m’empêcherait pas de partir en mission// dit-elle sans donner davantage d’explications, notamment son malaise et ses nausées.
//Ça dure depuis hier matin ?// répliqua Jim dans une déduction rhétorique. //Bizarre pour une indigestion. Vous me direz si ça continue après votre prochain repas. Max, donne lui du Gravol.//
//Si elle veut pas, j’peux le mélanger dans sa bouffe ?//
//Accordé.//

Lyanna soupira, elle ne voulait pas de la moindre chose donnée par Max. Comme pour y échapper, elle sortit la boîte d'anti-vomitif entamée de son gilet.
//La guérisseuse m’a déjà donné un médicament// lança-t-elle en omettant de dire que cela ne fonctionnait visiblement pas très bien.
//Ca à l’air de vous réussir.// ironisa le sergent. //Prenez du Gravol. Nous profiterons du rapport à Atlantis demain pour vous transférer en liaison radio avec le toubib. On verra ce qu’il vous dit.//
//D’accord// dit elle en abdiquant même si elle n’en avait pas du tout envie. Mais connaissant Jim, ce dernier ne lâcherait pas l’affaire. Il lui avait bien dit qu’elle était sous sa responsabilité comme les autres. Et puis, d’un autre côté, la jeune femme ne voulait plus avoir ces nausées.
//Prenez-le avant de manger. Ca vous aidera à faire un repas complet.//

Jim coupa ensuite la liaison, laissant Max et Lyanna seuls. La jeune femme consentit à manger un peu en demandant de la purée, répondant à la précédente question de Max sur ce qu’elle voulait qu’il prépare. Ce dernier lui donna un comprimé de Gravol puis reprit où il s’était arrêté. Au sein du D4, c’était toujours Max qui faisait le rata. April se chargeait généralement du dessert, elle était géniale quand elle leur préparait des gâteaux. A chaque fois qu’elle revenait du club avec ses pâtisseries ou des viennoiseries, ils se pétaient le bide jusqu’à plus pouvoir avaler quoique ce soit. Même Jim avait du mal à se contenir.
En mission, c’était Max qui faisait de super plats. Il se démerdait avec des astuces et des connaissances qu’il ne tenait pas de sa formation professionnelle.
« Mon père était cuisto. » expliqua-t-il pour faire la conversation, dans l’espoir de faire la paix. « Du coup, y voulait que son fils soit cuisto aussi. »
Il haussa les épaules.
« Finalement c’est réussi, il ne sait juste pas où. »

Le militaire ficela quelques saucisses autour d’un bâton qu’il comptait faire tourner autour du feu. Pendant ce temps, les patates commençaient à mijoter dans la marmite et il lançait son lard dans la gamelle US. Il témoignait de gestes habitués, ce n’était pas la première fois qu’il préparait ce menu. Max préparait toujours pour quatre, l’habitude faisant, il n’avait pas baissé la quantité.

Lyanna resta sans dire un mot pendant quelques secondes, alors que Max continuait de préparer le repas. Un silence s’installa, où on put seulement entendre le crépitement du feu. La guerrière prit à nouveau les plaques de Darren dans sa main, et joua avec. Puis, au bout d’un moment, ce fut elle qui rompit le silence.

"Pourquoi es tu un guerrier, alors ?"
« Tu fais toujours ce que ton père te dit ? »
Parce qu’elle ne répondait pas, il croisa son regard et se souvint de la façon dont sa société fonctionnait.
« Ah ouais, c’est vrai. » murmura-t-il en jetant les dernières patates dans la marmite. « Ben moi je voulais pas être cuisto. Je rêvais d’être militaire. Apparemment je me débrouille bien vu que j’ai eu une place sur Atlantis. »
Il s’attarda sur elle et ce qu’elle tripotait entre ses mains.
« T’as des plaques US ?!? Tu les as trouvés où ? J’te vois pas avoir signé chez les militaires. Le respect de l’autorité c’est clairement pas ton délire... »

Lyanna baissa les yeux et regarda les plaques qu’elle tenait dans sa main. Signer pour faire partie du corps militaire Atlante ? Sûrement pas. Elle n’était qu’une civile sur la cité, mettant ses compétences aux services des Atlantes, mais elle n’était pas reconnue comme militaire.

"Non, je ne suis pas une guerrière Atlante. Si c’était le cas, je serais ta supérieure, ainsi que celle de Jim. Pour votre plus grand déplaisir".

Et oui, le rôle de Lyanna était de commander des armées. Elle était chef de guerre, son statut était assimilé à celui de Sheppard. Si elle entrait un jour dans les rangs de l’armée terrienne, son rôle suivrait aussi. Max secoua la tête, il n’y croyait pas une seule minute. Vu sa patience et son comportement face à un péquenot : lui. Atlantis ne lui laisserait jamais de personnel militaire à gérer. Sa haine avec les hommes lui fermaient ces portes-là. C’était pour cette raison que Lyanna ne pouvait pas intégrer leurs rangs. Mais ce n’était pas pour lui déplaire.

"Elles sont à Darren. Je les ai toujours sur moi".
« Ben merde alors ! Il a fait une déclaration de perte durant une manœuvre. »
Max comprit alors pourquoi. Darren lui avait donné ses plaques puis il s’en était fait faire d’autres.
« T’amuse pas à jouer avec ça devant un officier. Il pourrait être vachement emmerdé, Darren, si ça se savait. » ponctua-t-il en remuant sa cuillère.
"Je sais".

Max goûta une petite cuillerée de purée qu’il trouva assez fade et rajouta un peu de graisse d’oie dedans. Il l’achetait souvent chez les Athosiens pour faire cuire ses plats. C’était efficace, utilisable un peu partout, et ça se prenait facilement dans les viandes. D’ailleurs, il comptait saucer les saucisses avec l’huile du lard. Il poursuivit son petit travail, l’odeur de ces différentes charcuteries embaumant les environs.

Il commençait à faire sombre. Le soleil était en train de disparaître, faisant de leur feu le seul éclairage. Pendant que Max continuait de préparer le repas, Lyanna bougea un peu pour se glisser sur le sol, s’appuyant ainsi contre le tronc d’arbre, et être ainsi mieux installée. Elle sortit le journal de son gilet, et reprit sa lecture où elle s’en était arrêtée.


*******

N.16 : Faut croire que Vada m’a demandé de commettre un sacrilège.
Partout où je pose des questions concernant son fils, on me fuit comme la peste. J’ai essayé dans un autre bourg en utilisant le prénom de Jim et c’est la même rengaine. Je sais pas ce qu’elles ont avec les mecs mais ça se précise. Il y a un truc louche.

Mais je progresse…
Je me suis faite agressée hier soir en rentrant dans mes quartiers.
Je l’ai pas vu venir. Je suis fatiguée, je manque de prudence.
Elles m’ont savaté sans pitié les salopes !! Quand je me suis réveillée, j’étais dans l’église d’Espérance. L’espèce de nonne m’a soigné et donné un remontant.

Je fatigue les gars…
J’suis au bout du rouleau.

Mais je ne suis plus très loin de percer le mystère.
Si elles sont allées jusqu’à m’attendre pour me péter la gueule, c’est que je dérange.
Et si je dérange, c’est parce que je suis sur le point de tout découvrir. YESS !



*******

N.17 : J’y crois pas !!
Putain mais j’y crois pas !
C’EST QUOI CETTE PLANETE DE MERDE ?!?

Nan mais sérieux !
Je passe mon temps à enquêter sur les hommes disparus de cette planète. J’ai fini par découvrir un vieil ermite décrépi en haut d’une montagne. Putain, que ça callait ! J’me suis fait chier la rate à grimper ce putain d’Everest !

Je fais causer cette espèce de vieille croûte.
Et quand je trouve enfin une piste sérieuse, un lieu à rejoindre…
CE SONT LES MECS QUI M’ATTAQUENT ?!?
PUTAIN !!!!!! PUTAIN DE BORDEL DE…(ratures illisibles, papier presque déchiré)....

Bon...on reprend calmement.
Une sorte d’ancienne ruine. L’ermite m’a dit que pendant l'ère de moncul-je-sais-plus-quoi (bref, tout le monde à compris), des hommes y avaient été emmenés de force. Le vioque a pas voulu m’en dire plus. Alors j’y vais...et…

Et….il y avait des hommes là-dedans, accompagnés par ces espèces de nanas bizarres qui passent leur temps à remplir leurs chariots des récoltes locales, à croire que j’ai fait un bond dans le temps. Une foutue bande d’esclavagistes. Elles tenaient les mecs par les couilles.

Nan mais véritablement, ce n’est pas imagé !! Pour les faire bosser, elles leur avait foutu une laisse à collier étrangleur autour du service trois pièces !

Bref. Je me tape la mission d’infiltration avec pour but de les libérer. Je me dis que dans le lot, y’en aurait bien un de reconnaissant pour me parler du fiston disparu.

Les gonzesses hurlent : “Tuez l’intruse”.
Elles lâchent les laisses ruineuses de couilles.

Et ces cons-là m’attaquent !!!!
ILS M’ATTAQUENT !!

J’ai bien failli crever. Encore !
Et j’en ai ma claque ! Vraiment ma claque ! Je prends mes affaires et j’me tire !
Cette planète est une putain de foire de (le reste est illisible tant l’écriture est nerveuse).



Il n’y avait pas que April qui n’en revenait pas. Lyanna également, à mesure qu’elle lisait le journal de la militaire. Donc, il y avait bien des mâles sur cette planète, et visiblement, très obéissants. Comme dans son propre village, sauf que chez elle, les esclaves mâles ne se battaient pas. Sur cette planète, on aurait dit qu’ils faisaient tout ce que les esclavagistes leur disaient de faire.

"Elles ont fait de ces mâles de vrais chiens apprivoisés et obéissants" dit-elle tout bas sans quitter le journal des yeux.

Une ombre dans la lumière dansante du feu força Lyanna à regarder ce qui venait sur elle. Max avait terminé de préparer le repas, ou plutôt le festin. Il lui tendit une gamelle militaire à double battant dans lequel elle trouva la purée. Mais également deux saucisses, du lard, des tranches de pain local, un morceau de fromage et une poignée de bonbons au caramel. De son autre main, il lui tendit un quart militaire d’eau traitée. Le plat sentait bon, il était appétissant, mais également riche. Ce n’était pas de la diététique.

« Tiens, j’te ferai un chocolat chaud à la fin si tu veux. J’me rappelle que tu en demandais souvent à April. »

Il essayait d’être sympa. Le cuisto du D4 avait eu le temps de redescendre et de se calmer depuis. Mais si d’ordinaire, Lyanna aurait sauté sur l’occasion d’avoir un chocolat chaud, elle eut cette fois ci une moue dégoûtée. Et ce n’était pas dû au fait que le chocolat chaud était proposé par un mâle.

"Je n’en veux pas. C’est le chocolat qui m’a donné mal au ventre. Si j’en prends, j’irais encore moins bien".
« Bon ben. T’aura du thé au citron à la place. Ça nettoie l’estomac. »

Lyanna pouvait reprendre sa lecture tout en dînant tranquillement, Max était reparti de l’autre côté du feu. Il semblait parler dans sa radio tout en mangeant. Comme elle ne l’entendait pas, Max était probablement en discussion privée avec Jim, comme s’il dînait à côté de lui sans le voir.

Bien qu’étant plongée dans sa lecture, Lyanna entendit quelques mots prononcés par Max, sans en savoir plus. Que pouvait-il bien dire ? La jeune femme pouvait très bien l’ignorer, mais sa curiosité fut la plus forte, même si une part d’elle lui soufflait de ne pas le faire. Darren lui avait appris à changer de canal pour avoir une discussion en privé. Aussi, elle prit discrètement son oreillette, et chercha ce fameux canal, avant de la replacer ni vu ni connu. Faisant semblant de lire le journal d’April, Lyanna se força à manger un peu.

//….m’a même pas remercié pour la bouffe quoi ! Sérieux c’est pas cool ! Je me casse le cul et j’ai même pas le droit à un plissement de sourcil. C’est qu’une grosse ingrate ! Elle va à l’inverse de ce qui nous unit au D4. Elle pense qu’à sa gueule.//

Jim laissait son camarade évacuer sa frustration sans le lancer dans un cercle vicieux. Il voyait qu’il avait besoin d’évacuer la pression. Comme il l’avait instauré dans l’unité, Jim préférait qu’on vienne le voir pour des broutilles plutôt que ça couve et monte en pression. Dans ce but, il posait des questions tranquillement en restant sur le sujet général. A la façon qu’ils avaient de s’entretenir l’un et l’autre, ils avaient l’habitude de se parler à la radio lorsqu’ils mangeaient séparément, comme pour maintenir leur solidarité.
Si l’environnement le permettait, il y aurait Darren et April dans cette conversation privée.
//Hm...et tu lui as préparé quoi ?// répondit Jim qui semblait manger en même temps.
//J’lui ai fait ma spéciale Energy-3000 !//
//Double saucisses, tranches de lard avec purée à la graisse d’oie. Fromage et thé.// récita Jim d’un air presque rêveur. //Si seulement on était capable de mettre ça dans nos sachets de rations de combat...//
//T’as quoi, là ?//
//Ici...c’est...Penne au chèvre. //
//Tu détestes le chèvre !//
//A la guerre comme à la guerre mon garçon. Je me dis qu’il y a pire, comme Darren qui se retrouve depuis deux jours à la barre énergétique.//
//Olalala, le pauvre doit crever la dalle. Il tient le coup au fait ?//
//Son stroboscope infrarouge est toujours en position verte. Donc oui, il tient le coup.//
//Je n’aurai pas dû t’appeler pour balancer Lyanna.//
//C’est de ma faute, Max. En faisant ce trait d’humour, je l’ai fait rire et il s’est fait surprendre.//

Jim soupira. Un mélange de dépit mais aussi de soulagement.
//Ce grand couillon s’amuse à me faire du morse avec son stroboscope depuis.//
//Il dit quoi ?//
//Que nos déconnades avec Lyanna représentent les meilleurs moments de la journée. Et qu'on n'a pas intérêt à arrêter. //
//Il va s’épuiser à faire du surplace toute la nuit. Et il va subir l’hypothermie. J’espère qu’il va...//
//Oui, il va tenir. Il n’y a pas de raison.// le coupa Jim, optimiste.
//Si ça tarde trop, ou que son stroboscope passe en position détresse, j'abat tout ce petit monde et je le sors de là.//
//Si Lyanna l’apprend, elle va encore nous faire une scène.//
//C’est une adulte et une guerrière. Je saurai trouver les mots.//
//Nan mais on parle de la sorcière là. C’est une vraie purge depuis qu’on a quitté le village. Elle me met la misère pour trois radis. Alors savoir que Darren nage dans le puit depuis des heures...//
//Ne t’en fait pas. Elle est rude mais elle sait comprendre une situation tendue. Nous sommes militaires, entraînés à résister à ces sévices. Notre job n’est pas toujours fait de lit moelleux et de chauffage. J’ai pas raison Darren ?//
Max s’esclaffa.
//J’suis sûr que tu préfères être dans ce puits plutôt que d’avoir à t’expliquer à Mamour !//
De longues secondes s’écoulèrent puis Jim rigola doucement.
//Il dit qu’il trouve Lyanna un peu maigre en ce moment et que tu dois lui refaire ta spéciale Energy-3000 demain matin, au petit déj.//
//Nan mais t’es complètement baisé dans ta tête !//
//Il dit : chiche.//

Max cessa de parler un instant puis il pouffa.
Il regarda en direction de Lyanna, loin de se douter qu’elle espionnait leur conversation.
//Ok, Darren. Mais si elle récolte toute la cellulite aux fesses, chui pas responsable du massacre !//

Evidemment, Lyanna n’aurait pas dû écouter la conversation. Se rendre compte que le D4 était soudé, et qu’elle faisait office d’étrangère au milieu de tout ça était difficile pour elle. Darren lui manquait terriblement, et elle aurait préféré mille fois continuer la surveillance de son amant, plutôt que d’être partie en mission avec Max. Pourquoi avait-elle obéi à Jim ? Elle aurait dû les laisser aller chercher Frieda tous les deux, et rester près de la ferme. Mais non, le voilà coincée avec ce mâle qui n’hésitait pas à pleurer dans les jupons de Jim lorsqu’elle avait le dos tourné. Lyanna se sentit plus isolée que jamais, maintenant que Darren n’était plus à ses côtés. Et la situation n’allait pas s’arranger. L’échange radio la mit en colère, et plusieurs fois, elle dut se faire violence pour ne pas les interrompre. Mais au final, elle n’y tint plus. Son plateau repas était à moitié fini, mais elle perdit le peu d’appétit qu’elle avait. La jeune femme se leva, gardant le journal dans les mains, avant de fusiller Max du regard, ce dernier ne se doutant de rien.

//Je vous entends !//

Ce furent les seuls mots prononcés par Lyanna sur un ton glacial. En boitant, la guerrière s’éloigna du camp, ayant un besoin urgent de se plonger dans la solitude. Si elle avait pu, elle aurait planté Max là pour continuer la mission. Toute seule. Elle changea le canal radio pour retourner sur la conversation principale, bien que son idée première était de retirer l’oreillette. Elle se dirigea lentement vers le ruisseau, et s’assit au bord de l’eau, sur un rocher. Après avoir retiré sa botte, Lyanna plongea sa jambe dans l’eau fraîche, ce qui lui fit du bien et soulagea un peu la douleur qu’elle ressentait encore. Etant maintenant seule, elle respira profondément, maudissant cette mission. Puis, elle finit par ouvrir à nouveau le journal d’April. Le feu de camp était trop loin pour éclairer correctement la zone. Alors, elle sortit la lampe torche qu’elle avait emmenée, et poursuivit sa lecture, histoire d’oublier cette conversation.

Lyanna n'obtint aucune réponse avant son changement de canal et Max la laissa partir, probablement sur ordre de Jim. Elle reprit la lecture du journal d’April à la lueur de sa torche sans être dérangée. La température de l’eau eut le bénéfice d’endormir sa douleur après l’avoir un peu dérangé. Et contre toute attente, le médicament faisait effet. Cette sensation de nausée restait là, mais comme au second plan, sans la menacer. Ce faisant, puisqu’elle avait bien mangé, elle sentait une énergie renouvelée déferler en elle.
Son corps lui disait merci...

*******

N.18 : J’ai été très cinglante avec Vada quand je suis revenue.
Maintenant que j’ai pu dormir une nuit complète, j’ai pu réfléchir avec le recul et je regrette mes propos. Ce n’était pas professionnel. Et je sais que je l’ai fait pleurer.

Ok. On me pousse à découvrir des choses que tout le monde connaît déjà et qu’on ne veut pas me confier. Mais j’ai un bon sentiment au sujet de Vada et je sais qu’elle ne pense pas à mal.
C’est juste que je commence à être usée.

Ma famille me manque.
Je veux revoir Jim. Je veux entendre Darren déconner. Je veux botter le cul de Max, faire les boutiques avec Lyanna en parlant fringues et mecs.

Je veux me perdre des heures sous une douche brûlante.
Me fumer un cigare de la taille d’un arbre.
Me faire draguer par un mec hyper baraqué à une soirée.
Et manger à m’en péter la peau du bide.

Sauf qu’en réfléchissant, tout ça, c’est exactement ce que Vada ne peut pas avoir.
C’est à ces plaisirs que son peuple aspire.

Je suis triste et fatiguée de ne plus avoir ça. Ni confort, ni foyer, ni famille.
Et c’est là que je comprends que ça fait des années que Vada et les siens vivent comme ça.
Je suis dans leur situation depuis un peu plus d’un mois et j’en ai déjà marre alors…

Il faut que je me remette en selle.
J’étais tellement en colère que je n’ai pas réfléchi.
Faire demi-tour maintenant serait la pire erreur que je puisse faire.

Mais j’dois me garder une copie de cette liste.
J’l’attaque dès que je retourne sur Atlantis !



*******


N.19 : Mon arnaque pour avoir du délai s’effrite.
L’opérateur mission n’est pas dupe, il fait tout son possible pour court-circuiter ma manœuvre. On m’aurait ramené de force depuis longtemps par un jumper si la Porte n’était pas aussi proche de la falaise.

Maintenant que je suis remise, j’ai les idées plus claires (ma liste de vœux n’a pas changé d’un iota. Au contraire, elle a même grossi !)

Cette ruine était petite. Ils exhumaient des vieilles tombes pour récupérer du matériel. Des armes antiques, issues d’un savoir et d’une pratique oubliée. Quand j’ai parlé de tout ça à Vada, elle a accepté de m’en dire un peu plus. Enfin...presque rien. Ces armes sont vieilles mais surclasse tout ce qu’elles savent faire. Ça ne tient pas contre les armes et armures actuelles. Les inconnues qui se gavent de ces artefacts ont un ascendant militaire incontestable.

Je prévois une nouvelle opération, plus en finesse cette fois.
Si ces exhumations continuent, il y a forcément une ligne logistique. Ces hommes esclaves doivent bien dormir quelque part ! Ce matériel est bien emmené à un dépôt !

A ce sujet, je n’arrive pas à tirer les vers du nez à Vada. Ces types sont clairement liés à l’ère machin. Mais je n’en sais pas plus. J’hésite entre chopper une connasse ou un chienchien et les questionner.
Ou bien suivre la ligne logistique pour savoir jusqu’où elle va.

Quand j’ai parlé de mon plan à Vada, elle m’a supplié de ne surtout pas suivre les chariots de bouffe. Pourtant, à chaque fois que j’ai vu une récolte, ces chariots prenaient l’essentiel en ne laissant que les miettes aux villageois.
Au début, je pensais que ça servait à un partage équitable entre la population trop massive.
Maintenant, je suis persuadée que la misère a été volontairement organisée sur ce refuge.

J’ai accepté de ne pas suivre la piste en l’échange d’une information qu’elle refuse de me donner.
Un nom.

Après une longue hésitation, elle me l’a glissé à l’oreille, tellement tremblante qu’elle a failli se pisser dessus.

Amarielle...


*******


"Amarielle ? Mais qu’est ce que c’est ? Ou qui ?" lança Lyanna, avant de poursuivre sa lecture, pour en savoir plus.

*******

N.20 : L’opérateur mission a réussi son coup.
Je suis sommée de retourner immédiatement au rapport sur Atlantis sous peine d’être accusée de désertion. Ce petit bâtard a déposé plainte auprès du lieutenant Ridding.

Bon, heureusement, ce flic militaire est moins con que l’opérateur. Il ne peut pas aller contre l’ordre de rappel mais il m’octroie le temps suffisant pour rentrer à la base par le moyen de locomotion le plus rapide. J’ai fais ma débile en prétextant que je ferai le maximum mais que ça ne serait peut-être pas suffisant.

Ridding a facilement deviné que je ne bougerai pas de ma mission actuelle.
Il me l’a dit clairement. Alors on a posé cartes sur table.
D’après notre échange informel, il me laisse le temps du retour avant qu’il n’engage une procédure contre moi. Sur le coup, je l’ai remercié. Il me reste deux semaines mais il insiste sur ce point : je dois poursuivre mes rapports pour Atlantis même s’ils sont cousus de mensonge.
Je dois surtout lui faire signe que je suis en vie chaque jour...sinon il envoie la cavalerie. Ce sera sans pitié.

Ma planque n’est pas très confortable. Je dors mal dans ce trou de combat, de la vermine s’installe dans mes cheveux et mes vêtements. Je manque de vivres, de médicaments, de munitions. Je vais finir comme ces clodos dans la rue.
Mais ça vaut le coup. J’en ai appris plus en l’espace de ces quelques jours que dans la ville d’Espérance.

Ces femmes en noir. (je les ai baptisée les "Boches") vu le comportement..elles n’ont ni l’éducation, ni la culture, ni le comportement des villageoises de la région. Elles viennent, elles pillent et elles repartent. Personne ne leur résiste. Même les semblant d’autorité, les quelques shérifs locaux ou les bourgmestres. Elles participent carrément au drame avec un sourire hypocrite.

Il y a deux jours, j’ai surpris des cris sur le secteur trois. Il y a un couple de paysannes que j’avais repéré là-bas. Leur point d’eau est quasiment à sec. Elles avaient beau jeter des seaux entiers en raclant la bouillasse, les champs ont crevé (faudrait que je pense à prélever un échantillon pour les cerveaux d’Atlantis. C’est dingue cette histoire d’eau. Je dois pas être loin des six litres par jour quand on est censé en consommer 1.5. Et je pisse presque pas. La cystite me guette souvent...)

Bref. Récolte foutue. Il me semble que les Boches étaient venues voir pourquoi elles n’avaient pas donné leurs récoltes. Le temps que j’atteigne mon point d’observation sur le secteur trois, je les ai vu traîner le couple de paysannes jusqu’au petit bourg. Elles leur ont crevé les yeux devant tout le monde. Si vous trouvez que c’est cruel, ne lisez pas la suite.

Les Boches ont coupé bras et jambes à la hache.
Puis elles se sont servies de clous de charpentier pour les coller au mur du Bourgmestre à l’entrée du hameau. Les victimes n’ont pas mis longtemps à se vider de leur sang.
Amarielle et les Boches...y’a un truc.


*******

N.21 : Vada est morte.
Son rêve, son idéal, ses aspirations.
En disparaissant, tout ce qui rendait cette ville belle et agréable s’est évanoui avec elle. Les ombres la recouvrent désormais, comme un voile grisâtre. Les villageoises ont les épaules basses et, pour la première fois, je vois le désespoir dans les regards.

C’est de ma faute. On lui a arraché la langue qu’on a clouée à la porte de son hôtel de ville. Elle a été traînée de force dans l’enclos des chiens de chasse qui l’ont déchiqueté. Même ses os ont été broyés, il ne restait guère plus que quelques mèches de cheveux sur des morceaux de barbaque.
Les Boches ont fait ça, j’en suis certaine.

Sa langue clouée sur la porte, c’est un message pour moi.
Parce qu’elle m’a avoué ce mot. Elle m’a parlé : Amarielle.
On ne m’a pas dénoncée, sinon on m’aurait tué pendant mon infiltration. On ne me veut pas morte, je m’en rends compte en notant le nombre de fois où on aurait pu m’achever.
Mais Vada a payé le prix fort de ma mission.

J’en pleure putain. J’en pleure tellement.
J’ai la mort de cette brave femme sur la conscience.
Mon Dieu...j’ai le sang de mon amie sur les mains !

Je me vengerai. Je la vengerai, je le jure.
Cette fois, c’est une affaire personnelle. Je vais te trouver, Amarielle, que tu sois une entitée, une armée ou un lieu ! Et je te ferai payer tout le mal que tu as fait sur cette planète. Tu souffriras comme jamais pour avoir arraché la vie d’une personne si bonne et valeureuse.

Mais avant, je dois pleurer ce qu’il reste. Que je ne garde plus une seule larme.
Ensuite, j’armerai mon dernier chargeur de P90. J’ai glissé une balle en réserve dans ma poche. J’y ai gravé le nom, Amarielle, et elle sera pour le cœur du chef de cette saloperie.
Il y en a forcément un.

Je réunis mes dernières ressources.
Maintenant que je connais les cycles de logistiques des exhumations, je vais en suivre un en me planquant dans un de leurs coffres.

J’arrive Amarielle.
J’arrive...




eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Invité
Invité

Sam 16 Jan - 23:11

avatar

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna


Lyanna referma le journal, méditant sur les mots d’April. Amarielle. Un grand voile de mystère planait sur ce mot. Un lieu ? Une personne ? La militaire avait encore écrit quelques lignes dans son journal, mais si elle ne donnait plus de signes de vie depuis un moment, elle avait dû atteindre sa destination. Et donc, il fallait aller là où elle s’était rendue. Il fallait suivre “Amarielle”. La guerrière resta quelques instants immobile, serrant le livre dans ses mains, réfléchissant encore et encore. Si April avait eu du mal à trouver des informations à ce sujet, comment elle-même allait pouvoir faire ?

Puis, en coupant net ses pensées, une petite voix sortit de son oreillette après un déclic.
//Dans ce petit puit, moi, je vivais heureux. Je n’aurais jamais dû m’éloigner de mon puiheuuuuuu. Autour de mon puit, moaaaa, je vivais heureux...je n’aurai plus qu’à y avoir une femmeuuuu//
Un sourire illumina le visage de Lyanna lorsqu’elle entendit la voix de Darren à la radio. Ce dernier chantait, profitant de l’effet de basse que produisait le puits dans lequel il nageait depuis si longtemps. Darren avait attendu que toute la tribu s’endorme pour pouvoir contacter son amante. Ca l’avait travaillé tout au long de la journée, un manque terrible, surtout lorsqu’il avait entendu Lyanna dire qu’elle les écoutait. Il aurait voulu rompre son silence radio, la rassurer, mais ce n’était pas encore l’heure.

Donc, au lieu de l’appeler simplement pour régler le problème, il s’était mis à chanter sa propre version de la chanson française de Brassens. "Auprès de mon arbre”.
Lyanna n’aimait pas quand il chantait. Parce qu’il chantait terriblement mal et que c’était insupportable.

En même temps, ça lui permettait de se réchauffer. Sa voix tremblait sous l’effet de l’hypothermie, ce qui ne l’empêchait pas d’être joyeux et drôle dans sa chanson.
//Parce que ma femmeuuuu, elle a foutu le camp ! Pour aller sauver une frangine dans les champsheuuu !//
//Darren//

Lyanna aurait pu lui dire de se taire, d’arrêter de chanter, comme elle le faisait toujours pour sauvegarder ses oreilles. Mais cette fois ci, la jeune femme ne lui donna aucun ordre. Elle était tellement heureuse d’entendre sa voix, cela la soulageait énormément. Elle commença même à avoir les larmes aux yeux, mais elle se retint de pleurer. Cependant, elle était inquiète en entendant sa voix tremblante, signe qu’il avait froid, et qu’il n’allait sans doute pas bien.

//Tu tiens le coup ?//
//Oh...oui, oui...bien sûr.// mentit Darren, parcouru de ces tremblements. Elle pouvait sentir à son souffle qu’il était en train de sourire. //On appelle ça une cryothérapie ma chérie. C’est vivifiant pour la peau !//
Il espérait lui arracher un petit rire. Et cela fonctionna très bien. Un petit sourire amusé se dessina sur les lèvres de Lyanna.
//Menteur !//

//Et toi, tu tiens le coup ?//

Lyanna s’arrêta de sourire aussitôt. Si elle tenait le coup ? Bien sûr que non. Darren était immergé dans de l’eau froide tandis qu’elle était loin de lui, incapable de l’aider, à supporter un mâle qui la détestait autant qu’elle le détestait. Pourquoi tiendrait-elle le coup ? Lentement, elle secoua la tête.

//Non … ça ne va pas. Je ne suis pas là pour veiller sur toi. Tu as vu le résultat ? Tu es entrain de mourir de froid, et moi … je suis là, dans cette mission stupide, au lieu de t’aider toi !// lança-t-elle, ignorant si les autres entendaient ou non la conversation. De toute façon, elle s’en moquait.
//Max. Principal sur canal deux. On les laisse tranquille.//
//Ouaip. Je fais le changement.//
Lyanna étant restée sur le canal principal de l’équipe, le reste de l’escouade venait de déserter la fréquence pour leur laisser de l’intimité. Darren en profita pendant ce temps pour essayer de se réchauffer.
//Moi je crois...qu’on est à notre place.//
Il le pensait vraiment.
//Je veille sur les esclaves qui sont là, je prépare le terrain avec Jim. Et toi, mon ange, tu pars chercher celle qui rendra à ces vies de l’espoir. Et un minimum de confort...c’est un putain de beau métier.//
Darren sourit de nouveau.
Il regarda par l’ouverture du puits et discerna la lune. Elle était toute petite, verte, comme si c’était une planète que l’on voyait depuis le sol.
//Je regarde la lune.// dit-il. //Et je sais que tu es quelque part, là-bas, à faire pareil...//
Lyanna leva à son tour les yeux, scrutant le ciel. Son regard tomba aussi sur la lune qu’elle contempla quelques secondes. Darren laissa filer quelques instants.
//Je suis fier de tous tes efforts. Je suis fier de toi.//

La guerrière soupira. On pouvait facilement deviner son air lasse rien qu’à sa voix.

//Il n’y a que toi qui pense ça//

Lyanna se mordit la lèvre.

//Je veux retourner à la ferme pour te sortir de là. Maintenant !//

Darren ria silencieusement.
//Le plus dur, ce n’est pas de souffrir et de risquer sa vie. C’est de regarder sa famille le faire en restant impuissant. Mon instructeur me l’avait dit...je ne le croyais pas.//
Il souffla dans ses mains.
//Tu dois tenir le coup, chérie. Moi aussi j’ai envie de te revoir. Mais on a un boulot à finir tous les deux.//
Le jeune homme savait qu’il n’était pas en train de la rassurer. Alors il reprit en ajoutant, d’un ton complice :
//Tu veux connaitre mon astuce ?//

La jeune femme ne répondit pas tout de suite, luttant contre une envie irresistible de se lever pour retourner auprès de Darren. Puis, elle finit par hocher la tête doucement.

//C’est quoi ?//
//Nos souvenirs. Ca me fait oublier le froid.//

Darren se lança dans un monologue, comme s’il venait soudainement de brancher ses pensées à sa parole, pour les transmettre à sa compagne.
//Je me rappelle de cette première fois sur la digue, où je n’ai pas eu à attraper ta main. Tu l’as fait toute seule, tu voulais cette étreinte. Ensuite...le regard que tu as eu, le sourire qui s’est animé sur tes lèvres quand tu m’as regardé.//
Il ricana.
//Les petites amertumes aussi. Cette fois, sur la plage, quand j’ai voulu faire le mec et monter t’attraper une noix de coco. J’étais sur le point d’y arriver...mais il a fallu que tu y balances une pierre, trouvant ça plus simple. Tu ne comprenais pas le principe...que j’aille te chercher ce fruit pour toi...et quand tu l’as su...//
Il ria une nouvelle fois.
//Ton regard me criait de remonter...pour connaître ça...ton mec qui allait te chercher une noix de coco.//
Darren souffla.
//A ton tour. Essaie...//

Lyanna se souvint de ce jour-là. Elle avait regardé Darren sans comprendre ce qu’il avait essayé de faire, en grimpant dans sa tête. Pourquoi se compliquer la vie au lieu de jouer la facilité ? Elle avait eu beaucoup moins de mal que lui à décrocher cette noix de coco. Quel sacrilège elle avait fait. En voyant l’air de Darren, il ne lui avait fallu que quelques mots pour qu’il retourne illico presto en haut de l’arbre, faire ce qu’il voulait faire. Il fallait dire que, depuis qu’elle avait découvert le sentiment amoureux avec le militaire, la jeune femme l’aimait bien le regarder jouer au dur, au mâle dominant. Dans le bon sens du terme, contrairement à tous ceux de sa planète. Un bon souvenir, il fallait le dire.

Lorsque Darren lui demanda d’essayer de se remémorer quelque chose qui lui ferait chaud au cœur, Lyanna chercha dans sa mémoire. Il y avait tellement de souvenirs importants. Lequel choisir. Puis, l’un d’entre eux s’imposa, et elle en fit part à son compagnon alors qu’elle contemplait à nouveau le ciel étoilé, et cette étrange lune verte.

//La fois où je t’ai cru mort sur Héstevic, et que j’ai retrouvé grâce à un chien. Je m’étais rendue compte à ce moment-là que je tenais à toi, alors que tu es un mâle. Je ne sais pas pourquoi … mais te voir en vie … savoir que tu étais là … je … ça a été un énorme soulagement pour moi, sans que je ne comprenne pourquoi//

Bon, ce n’était pas vraiment un souvenir très joyeux, mais Lyanna s’était rendue compte à ce moment-là à quel point elle commençait à éprouver un attachement pour un homme. Pour lui. Et seulement lui.
//Ah, ça...// murmura-t-il avec complicité.

Ils s'étaient tournés autour au début. Rien de véritablement sérieux. Lyanna découvrait et il aimait lui faire découvrir. Puis les combats, le fait d’avoir failli mourir à plusieurs reprises, en se protégeant l’un l’autre, les avaient soudé plus que jamais. Dans un contexte classique, il fallait quelques semaines pour se mettre ensemble. Plus parfois. Et pour connaître un attachement sentimental sincère, ça allait encore plus loin selon lui.
Héstevic les avait forcés à compiler tout ça en quatre semaines. Le temps de revenir sur Atlantis, ils s’aimaient.

Lorsque Lyanna lui avait parlé de ce souvenir, visiblement marquée par ses premiers sentiments amoureux, Darren songeait à ce qu’il avait vécu pendant ce temps à côté. L’Amazone était revenue le chercher. Elle avait laissé de côté sa haine pour les hommes de cette planète pour le récupérer, l’emmener. Il se souvenait de la sensation d’être nettoyé par une main très douce durant son inconscience.
Et ce contact de chaleur humaine, ce contraste saisissant, entre cette femme ultra-violente au combat. Et pourtant si douce dans le lit, blottie contre lui.

//Je ne l’ai pas compris tout de suite.// avoua Darren. //C’est sur la dernière mission de combat. Quand je t’ai enfermé dans l’ascenseur pour que tu descendes, le temps que je les retienne. Je me souviendrai toujours de ton regard et de tes cris. Pas bien joyeux tout ça. Mais si sincère sur l’attachement que tu as pour moi.//
Il sourit à cette idée.
//Ton “impossible” qui s’est réalisé, ma chère. Tomber amoureuse d’un mâle.//

Il continua sur sa lancée, sur l’échange de souvenirs marquants.
//La première véritable danse. Notre slow, sous les lumières, au camp d’Ishta. Dans ta délicieuse petite robe.//
//Et ce qui a suivi après// dit-elle sur un ton complice.
//Pitié...// souffla-t-il douloureusement. //Ne m’embarque pas sur ce sujet.//
Il ne résista pas bien longtemps.
//J’hésite encore...la table, le pot cassé sur Héstevic, même si c’était à sens unique au début. Ou bien...le lac. Moi c’est ça.//
Lyanna eut un petit sourire. Evidemment que Darren allait parler du lac. Il avait adoré ce moment. Elle aussi, d’ailleurs. Ce qui pouvait paraître étrange quand on connaissait son passé. La jeune femme réfléchit, avant de se lancer sur d’autres souvenirs comme celui ci.

//Et bien moi, outre la chaise longue, je me souviens très bien de ce soir-là, en haut de la tour, sous les étoiles. Tu avais installé plein de bougies. C’était magnifique//
//Les mains ligotées par son propre dessous. Alors ça, c’est sacrément fourbe.// s’amusa-t-il. //Première expérience de domination.//
Il devait reconnaître qu’il avait encore moins froid, là. Soit il était sur la fin et il s’endormait pour de bon. Soit Lyanna était en train d’activer les bons mécanismes chez lui.
Bon sang, c’était bien un mec !
//Tu voudras le refaire ? La tour aux mille bougies sous la voûte étoilée ? Pas besoin d’un événement pour ça. Te suffira seulement d’accepter une ou deux revendications...//

Lyanna aimerait effectivement bien recommencer cette merveilleuse soirée, leur première véritable soirée. Cependant, en entendant parler de revendications, elle fronça les sourcils.

//Des revendications ?//
//Oh...trois fois rien.// lança-t-il de sa manière bien fourbe. //Peut-être un truc un peu plus affriolant à porter à la place de ce dessous inchangé depuis des siècles.//
Son ironie marquait une légère frustration conservée depuis longtemps. Darren n’avait pas à réclamer ça mais, lorsqu’il l’avait vu dans cette robe mignonne et qu’elle l’avait laissée glisser le long de son corps : ses atours habituels avaient très légèrement assombri le tableau.
Quand on mange trop de chocolat, on finit par s’en lasser. C’était pareil sur ce petit vêtement qu’il adorait au début. Mais rapidement, il remarqua le côté assez lourdingue de sa remarque et s’en voulut un peu. D’un autre côté, Lyanna apprenait encore. Et la communication était vitale dans leur couple.
//Oh, je suis désolé de te balancer ça, comme ça, depuis mon puits. Mais j’en peux plus de cette culotte d’Amazone. Je te rêve en rouge, en bleu, en blanc. Coton, satin, dentelles... bon sang….tous ces trésors que tu pourrais recéler secrètement. Tu me rendrais dingue.//
Il cligna des yeux et fit silence un instant.
//Heu...lyanna ? Je suis vraiment en train de fantasmer à voix haute ?!?//
//Heu … oui, tu … parles à voix haute//

Evidemment, les différents sous-vêtements étaient un terrain inconnu pour Lyanna. Elle ne voyait pas vraiment où Darren voulait en venir, d’ailleurs. Elle avait encore beaucoup de choses à apprendre, mais sur le moment, elle ne comprenait pas trop ce dont son amant parlait.

//Mais … qu’est ce que je dois mettre à la place ? Rien ?// demanda-t-elle avec cette innocence qui la caractérisait quand Darren lui faisait découvrir de nouvelles choses.
//Oh, c’est une idée.// reconnut-il à demi-mot.
Il tremblait un peu moins. Son esprit était occupé sur cette leçon qu’elle semblait demander par pure curiosité.
//En fait. Une femme a généralement une garde robe de dessous un peu plus fourni. Pas prévu pour le combat. Plutôt pour les fêtes, les bons moments intimes enfin...//
Darren peinait à trouver les mots.
//Il nous aurait fallu April pour te répondre en trois mots. Mais pour faire simple...c’est un outil de féminité, de séduction. Il existe des dessous différents, avec des motifs, des textures, des couleurs. Porté par la femme, ça produit un charme supplémentaire. Ca te rend encore plus désirable... //
Le soldat chercha un exemple.
//Heu...tu te souviens de cette fois où tu m’as vu en caleçon. Tu avais appelé ça un “pantalon trop court”. Il était bleu ciel, rayé. Je t’avais expliqué que c’était un dessous différent de ce que je portais habituellement. //
Darren et Lyanna : leçon de slips pour les nuls, tome 1 !
//Est-ce que ce changement t’a attiré l'œil ? Est-ce que ça faisait comme une sorte de rafraîchissement par rapport à nos habitudes ? Ou bien tu t’en moquais ?//
//Oui, je m’en souviens. Ca … changeait. J’ai bien aimé.//
//Maintenant, imagine. On revient d’un petit restau sympa, on a marché, ri, joué. Et puis on revient chez toi et on passe aux choses sérieuses. Je t’échaude doucement, tu comptes me dépouiller de mes fringues parce que ce soir, tu as décidé de chevaucher du mâle.//
Il joua volontairement sur le suspens.
//Et au moment où tu prives ton mâle de son pantalon, il révèle un caleçon mauve. Parce qu’il connaît ta couleur préférée. Première fois que je le porte pour toi. Choisi un peu serré pour dessiner les formes, parfait pour attirer ton regard.//
Ca devait faire une bonne analogie par rapport à ce qu’il souhaitait lui faire comprendre.
//Comment est-ce que tu réagirais ?//

Lyanna imaginait parfaitement la scène, et étant donné que le mauve est bien sa couleur favorite, elle ne resterait pas sans réagir en voyant cela. Elle répondit du tac o tac.

//Ben je te saute dessus !//
//C’est l’effet voulu. Sachant que tu n’es pas un objet, ce n'est pas à moi de décider pour toi ce que tu dois porter. Ça rend la découverte encore plus délicieuse. Et pour un peu que tu te trémousses comme tu l’as fait avant la chaise longue.//
Le soldat n’ajouta rien, c’était facile de deviner la suite.
//Franchement, quand ta robe a glissé le long de ta magnifique silhouette. Il y aurait eu un ensemble blanc en dentelle...je crois que je te cassais un os quelque part.// lâcha-t-il, amusé.

Lyanna ne connaissait pas cette expression. Elle le prit bien sûr au premier degré.

//Tu m’aurais fait mal ? Je ne comprends pas//
//Mais non !!// lâcha-t-il en riant. //C’est imagé, de l’humour. Imagine, tu me rends tellement fou, qu’en dansant sur toi, je te fracture le bassin. C’est une expression pour exagérer la folie, la passion, qui me guide.//
Darren secoua la tête.
//Le jour où je te fais vraiment mal. J’aurai honte.//
//Oh … d’accord//

Lyanna comprenait un peu mieux ce dont parlait Darren. Après tout, elle savait que jamais il ne lui ferait de mal volontairement. Elle se mordit la lèvre, en réfléchissant.

//Tu crois que April acceptera de m’aider à trouver ces vêtements ?//
//Heu...//

Darren réfléchit.
Franchement, comment ne pas dire oui ? Connaissant April, elle allait l’embarquer dans ces endroits dont elle avait le secret et lui faire acheter toute la boutique. En pensant découvrir un joli dessous de satin à la couleur délicieuse, elle se retrouverait en panoplie complète porte-jarretelle, string et compagnie.
//Elle sera de bons conseils. C’est vrai que généralement, c’est acheté et porté pour faire craquer l’autre. Mais c’est un outil de féminité, ton outil de charme, il est personnalisé. Il faut que ça te plaise aussi un minimum. Si April choisit pour toi et que tu te retrouves à porter ce que tu n’aimes pas juste pour me plaire...ce ne sera pas sain.//
//Ok// dit elle, en répétant ce terme typiquement terrien que Darren et d’autres utilisaient souvent.
//C’est...comme tes deux épées ! Tu ne les affectionnes pas parce qu’on te les a enfoncé dans les mains en te disant “tiens, démerde toi”. Je pense que tu les utilises parce que tu es à l’aise avec. Tu bouges plus facilement, tu as une meilleure affinité avec ces instruments de mort. Et bien...tes dessous, ce sont tes instruments de séduction pour rendre dingue ton mâle. Et comme tes épées t'identifient au combat, c’est ton style, tes dessous identifient ta féminité. //
Lyanna se perdit dans ses pensées, comprenant où Darren voulait en venir. Elle irait demander à April de l’aider, en faisant attention, comme venait de le souligner son amant, de choisir ce qui lui plaisait aussi. Ce qui serait difficile, vu qu’elle n’y connaissait rien.
Darren semblait s’en douter puisqu’il reprit un peu aprés :
//Tu ne trouveras pas du premier coup. Tu feras quelques achats, tu essaieras chez toi. Et tu verras ce qui te botte en premier.//
Soudain, il l’imagina en string.
Bon, ce n’était pas la première fois, c’est vrai. Il avait un esprit assez performant pour dessiner sa femme dans les tenues de ses rêves. Mais il se souvenait surtout de sa réaction lorsqu’elle avait commencé à porter le pantalon, tirant sans arrêt à l’entrejambe où ça ne cessait de la déranger. Il transposa et l’imagina alors avec ce dessous, se baladant dans les couloirs en tirant à cet endroit là.
Darren se mordit le poing pour ne pas éclater de rire. Il ne voulait pas que sa compagne pense qu’il se moque.
//Tu sais quoi ?//
Il acquiesça.
//Je te ferai vivre l’exemple. On se fera notre belle soirée bougies et étoiles. Et tu découvriras un dessous que j’aurai spécialement préparé pour toi.//
Darren ajouta d’une toute petite voix qui glissa comme le vent :
//Surpriseeeeee…...//

Lyanna écouta la proposition de Darren. Peut-être qu’il était la bonne personne pour lui faire découvrir ces choses. Du moins, débuter pour lui donner un exemple. Et lorsqu’elle serait plus à l’aise dans sa compréhension, la jeune femme irait voir April pour faire du “shopping”, comme aimait dire la militaire. Lyanna acquiesça d’un hochement de tête.

//D’accord//
//Voilà.// lâcha-t-il pour conclusion. //Des souvenirs, de l’amour et des projets. Si tu te sens mal et que je ne peux pas te parler, pense-y ma chérie. Pense à tout ça.//
Il acquiesça.
//Dans quelques jours, on se retrouve. Et on pourra en discuter tranquillement. Sur un lit d’auberge, enlacés l’un à l’autre. On bloquera la porte avec une chaise pour faire la grasse mat. Ok ?//

Cette idée de se retrouver seule avec Darren sur cette planète où ils n’avaient même pas le droit de se tenir la main était plus qu’alléchante. Lyanna se mordit la lèvre, ayant hâte que ce jour arrive. Mais pour cela, il fallait sortir le militaire de cet enfer. Et l’aide de Freida était essentielle. La guerrière savait qu’elle ne pouvait pas retourner maintenant à la ferme. Elle devait poursuivre sa mission, aussi mal accompagnée soit elle. Mais plus vite elle retrouvait Freida, plus vite elle pourrait être auprès de Darren.

//Cette idée me plait beaucoup. Vivement que je me retrouve contre toi, sentir ta peau, ta chaleur, tes bras protecteurs. Tout ça me manque.//
//Le souffle de ta respiration sur mon torse. La douceur de tes doigts fins. Tes cheveux qui me chatouillent le menton...// répondit-il à l’inverse. //On retrouvera tout ça. Et ce sera génial !//

Darren soupira.
Il pouvait discuter jusqu’à l’aube comme ça mais il savait que sa compagne devait prendre du repos. Il allait la convaincre de couper la communication. Le soldat avait tout de même une dernière chose à lui demander.
//Ton pied, ça va ? Et...cette histoire de nausée ? Je ne pensais pas que c’était aussi persistant.// s’inquiéta le militaire.

Lyanna sortit sa jambe de l’eau, et la laissa sécher à l’air libre en la posant doucement sur le sol. Avec le froid, la douleur s’était un peu endormie. Et l’hématome semblait légèrement moins violacé, même s’il était encore bien visible.

//Ma jambe, ça ira. J’ai un gros bleu autour du mollet, mais rien de méchant. Ca passera//

Par contre, les nausées, c’était autre chose. Et tout comme Darren qui s’inquiétait, ce fut également le cas de Lyanna qui n’avait rien connu de tel auparavant. Sauf quand elle avait souffert de certaines maladies sur sa planète, comme les Terriens en connaissaient.

//Les nausées … ça continue. Ce matin, elles sont revenues. Pourtant, j’ai pris un médicament que la guérisseuse Atlante m’a donné, mais ça a du mal à passer. Je n’ai pas très faim. J’ai l’estomac lourd. Tout à l’heure, Max m’a donné quelque chose, les nausées se sont un peu calmées. Je verrais demain matin. Mais Jim a dit que je devrais en parler demain à un guérisseur Atlante//

La guerrière se mordit la lèvre.

//Je ne sais pas ce que j’ai. Une indigestion au chocolat dure autant de temps ? Tu crois que je suis malade ?// demanda-t-elle, incapable de connaitre les maladies Terriennes qui pouvaient trainer sur Atlantis.

Clive commençait à s’inquiéter à son tour. Mais il ne voulait surtout pas l’affoler.

//Je crois que ta gourmandise n’est pas en cause. Une indigestion...non, ça ne colle plus. Après, ça fait presque deux ans que tu es sur Atlantis, tu serais tombée malade depuis longtemps si tu étais sensible à nos germes. Et les toubibs t’auraient déjà donné de quoi y résister...//
Elle avait dû recevoir sa batterie complète de vaccins avant d’être apte à traverser la porte. Ça tenait de la sécurité sanitaire, les blouses blanches ne rigolaient pas avec ça. Le petit caïd qui refusait ses vaccins ne participait plus aux explo. Atlantis était peut-être programmée pour gérer les épidémies mais il ne fallait pas chercher les emmerdes.
Donc au final, Darren ne savait pas ce qu’elle avait. Peut-être du surmenage ou une faiblesse physique à force de tirer sur la corde comme ça ?
//Ne t’inquiète pas. Je suis certain que ça va passer. Mais en attendant, promets-moi de tout dire au médecin demain, d’accord ? Il n’est pas là pour te juger. Et si c’est un homme...//
Il sourit.
//Imagine le avec une paire de sein et ça passera.//
//Quelle horreur !//


eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Lyanna
Guerrière
Planète Kirana
Bannière perso (image 901x180px) : La ruine d'Amarielle 1562430542-image-profil
√ Arrivée le : 14/07/2018
√ Nationalité : Kiranienne

√ Gène : ATA
√ Messages : 179

Sam 16 Jan - 23:16

Lyanna

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna

Lyanna imaginait maintenant un mâle avec une poitrine. Une véritable vision cauchemardesque qui lui arracha une moue écoeurée.

//Si c’est un mâle, je demanderais à avoir une femme. Ce n’est pas ça qui manque sur Atlantis, il y en a plusieurs. Ne serait ce que celle qui s’est occupée de moi avant de venir ici//

La guerrière se doutait qu’elle ne dirait rien à un médecin homme malgré la demande de Darren. Alors autant qu’il laisse sa place à une consoeur pour que la jeune femme soit plus à l’aise. Soudain, Lyanna frissonna légèrement. L’air s’était rafraîchi, et n’étant pas près du feu, elle sentit la différence de température, comme la nuit précédente. L’obscurité était totale, la nuit devait être bien avancée. Il ne devait rester que quelques heures avant le jour. Lyanna ignorait si Max dormait ou montait la garde. Après tout, elle s’en fichait, elle ne voulait pas retourner là bas, alors que la chaleur du feu lui ferait du bien. Et surtout, elle n’avait pas envie de couper cette communication, même s’il fallait en arriver là. La guerrière avait mal dormi la nuit précédente. Elle avait besoin de repos. Mais Darren aussi avait besoin de dormir, surtout avec l’enfer qu’il devait vivre. Même si c’était un déchirement pour elle, la jeune femme devait se résigner à lui dire au revoir, sans savoir quand ils pourraient à nouveau se parler.

//Il est tard. Mais je n’ai pas envie de te laisser, Darren//
Sa remarque sur le médecin le fit sourire. Autrefois, ça l’horripilait de la voir aussi réfractaire pour des raisons aussi légitimes que sa santé. Maintenant, ça faisait partie d’un tout. C’était Lyanna et il s’en amusait.

//Une femme alors.// convint le soldat.

Le silence revint entre eux, leur discussion se tarissait mais cela ne donnait aucune envie de s’arrêter, comme s’il pouvait ne plus lâcher un mot de la nuit et se sentir toujours en contact. Lorsque son amante formula verbalement une réalité qu’il repoussait depuis trop longtemps, Darren ferma les yeux en murmurant :
//Oh...non...non...non !!//
Il colla son visage contre la pierre froide du puits en essayant de rassembler son courage. La perspective de perdre l’accompagnement de cette douce voix l’angoissait. Mais pour rien au monde il ne l’avouerait à sa compagne. Être entrainé à résister aux sévices et aux privations ne voulait pas dire qu’il les encaisserait comme si c’était de la pluie qui lui glissait dessus. Le moment était horrible, ça faisait mal, c’était chiant, et comme n’importe quel être humain : il ne voulait pas passer par ça.

Là, en l’occurence, il s’apprêtait à passer le reste de la nuit dans le noir, le froid, à lutter pour rester à flot. Le militaire avait hâte d’atteindre l’aube parce qu’on le tirerait de là pour l’envoyer au champ. Il s’épuiserait davantage, c’est vrai. Mais l’exercice aurait le mérite de le réchauffer.
Il ne voulait pas rompre le contact radio mais il le fallait, c’était nécessaire.

//Je n’ai pas envie non plus.// reconnut-il dans un souffle.
Il prit une inspiration pour couper ce lien imaginaire qui les unissait malgré la distance.
//Mais tu m’as offert un moment agréable. Avec une discussion, de la nostalgie, une leçon, et des idées coquines. Parfait pour m’occuper l’esprit toute la journée.//
Le soldat se mit à sourire.
//On se donne rendez-vous, d’accord ? Demain soir...c’est moi qui t’appelle, sur ce canal privé.//
Darren précisa pour la charrier :
//En chantant !//

La proposition de Darren réchauffa le cœur de Lyanna. Cette dernière avait déjà hâte d’être au lendemain pour pouvoir à nouveau parler à son amant. Et elle se mit à sourire lorsqu’il annonça qu’il reviendrait discuter avec elle en chantant, comme il venait de le faire. La guerrière secoua la tête, amusée.

//Pas question que tu chantes !//
//Sinon quoi, chérie ? Tu coupes la communication ?// provoqua-t-il dans un petit rire.
//Peut être, ça serait une horrible punition// affirma Lyanna, alors qu’elle savait très bien qu’elle en serait incapable.
//Menteuse !// rétorqua le jeune homme, reprenant fidèlement ce que sa compagne lui avait dit lorsqu’il prétextait aller bien. Un petit retour de bâton complice. Ce qui agrandit le sourire de la jeune femme. D’ailleurs, Clive savait qu’elle n’aurait pas la force d’appuyer sur son oreillette pour couper la communication radio. C’était à lui de le faire. Une douleur l’habitait, il savait que ce serait identique chez Lyanna.
//Je t’aime, belle Amazone.// affirma-t-il avec le cœur. //Dors bien. Et à demain soir !//

Le cœur de Lyanna se serra à ces mots, bien qu’elle savait déjà que la communication radio allait se terminer à un moment ou un autre. Mais ne pas avoir Darren dans son champ de vision pour veiller sur lui ne l’aidait pas à se demander s’il y aura un prochain contact. Ou si Jim ne lui dirait pas que son compagnon n’allait pas bien du tout. La guerrière voulait lui hurler de ne pas partir, de ne pas couper cette communication. Mais elle n’avait pas le choix, elle le savait. Il fallait se montrer raisonnable, car ils avaient tous les deux besoin de repos. Elle soupira en se mordant la lèvre, sentant déjà les larmes envahir ses yeux. Elle respira profondément pour s’empêcher de pleurer. Elle détestait dire au revoir au seul mâle qu’elle avait réussi à aimer. Et qui était loin d’elle.

//Je t’aime aussi, mon guerrier mâle// dit-elle, sa voix tremblant légèrement. //A demain, Darren//

Le cœur lourd, le militaire appuya sur le connecteur de son oreillette pour couper la communication. La fébrilité de la voix de sa compagne était restée imprimée dans son crâne et il regrettait amèrement son plan d’infiltration. D’un point de vue objectif, il continuait de penser que c’était la meilleure solution. Protéger la mère de Nini, libérer cette ferme sous la coupe d’esclavagistes, c’était un acte fort et percutant. Même s’ils peinaient à rejoindre April pour l’aider, où qu’elle soit, la rumeur de l’existence d’autres “Corsaires” franchiraient les distances bien plus vite qu’eux.
C’est un message codé d’espoir qu’ils travaillaient à concevoir pour April, une façon de lui dire qu’il fallait qu’elle tienne le coup, qu’elle résiste le temps qu’ils la rejoignent, même si elle avait des semaines de marche en avance sur eux.

« Mon guerrier mâle... » répéta Darren, sa voix tremblant à cause du froid. Il se mit à sourire.
« Yes ! J’prends du galon. Je le lui arracherai, un jour, le “mon chéri” ou “mon amour”. »

Darren se concentra ensuite à flotter en surface. Tout militaire qu’il était, il présentait une énorme lacune sur ce terrain. L’apparition miraculeuse de son pote Warren n’aurait pas été de trop pour obtenir ses conseils. Il se promit, à la fin de cette mission, d’aller à sa rencontre pour lui proposer le poste de mentor. Car cela faisait des heures qu’il faisait du surplace et il était épuisé. L’hypothermie était bien présente, la nuit bien installée, il en avait encore pour plusieurs heures.
Les parois de pierre étaient glissantes, impossible de s’y accrocher. L’autre garce avait remonté le seau et la corde pour l’empêcher de trouver un appui. Darren ne savait pas combien de temps un homme pouvait tenir en faisant du surplace dans l’eau mais il n’avait pas envie de l’expérimenter.

« Fait chier ! » pesta le militaire, maudissant sa faible endurance en matière de nage.

Il se souvenait avoir fait quelques “concours” avec sa sœur, Wendy, lorsqu’ils étaient petits. Le soldat avait été marqué, étant jeune, de ne pouvoir rester plus de vingt minutes. Après une demi-heure, il avait craqué et s’était rapproché du bord.
Des histoires couraient aussi sur des hommes à la mer qui avaient tenu des dizaines d’heures. Mais ils avaient un gilet de sauvetage, non ?

L’équipement, les vêtements, les rangers, tout cela pesait davantage sur Darren maintenant qu’ils étaient gorgés d’eau. Et plus le temps filait, plus il se mettait à peiner. Il revivait cet aprem avec sa sœur, ce fameux concours, sauf qu’il n’y avait pas de rebord cette fois. Son échec serait récompensé par la noyade ou l’arrivée de Jim en catastrophe s’il envoyait un signal de détresse.

Par réflexe d’auto-préservation, Clive se réfugia dans ses pensées agréables. Il rechercha la chaleur dans la sensualité de sa dernière conversation. Il était seul avec lui-même, personne ne pourrait lui percer le crâne pour savoir ce qu’il pensait, alors il s’abandonna entièrement aux souvenirs croustillants et aux fantasmes.

Sa mignonne Amazone était mise en valeur par bon nombres de tenues affriolantes. Mais que serait le plaisir de ces songes s’il n’y plaçait pas un contexte ?
Il imaginait donc son couple à la fin du restaurant. Au retour d’une soirée cinéma. Ou bien un massage habituel qui aurait fatalement dérapé. Il découvrirait ses atours, surpris et séduit. Pourquoi pas un soudain éveil à trois heures du matin, où il sentirait sa compagne se mouvoir doucement contre lui, prise d’une soudaine tentation venue de nulle part ?

Souvenirs et fantasmes offraient un divertissement salutaire. Ne pas penser à ses muscles qui brûlaient peu à peu. Penser à autre chose, ailleurs. La beauté de cette brune, son regard, les traits de son visage, ses manies et ses réactions.
Malheureusement, à force de s’ignorer, Darren fut soudainement pris d’une terrible crampe. Pas la petite contraction douloureuse qui peut vous surprendre au milieu de la nuit pour cause de déshydratation. Plutôt une raideur extrême qui lui arracha un cri. Darren s’enfonça dangereusement sous l’eau, expulsant encore de l’air sous forme de bulles. Son cri de douleur continuait même sous l’eau.

La crampe gagna jusqu’à son mollet en transformant sa jambe entière en un fossile inerte, Clive pensa sa dernière heure arrivée. Il souligna, plongé dans sa douleur, qu’il était des plus stupides de mourir dans un puits. Le jeune homme frappa son muscle, le sollicita de pressions et de gestes vigoureux, mais il ne réussissait pas à le détendre. Il chercha alors à retrouver un appui pour se sortir la tête de l’eau mais ses mains glissaient sur la pierre.
Darren allait boire la tasse. C’était nul, tellement nul ! Il fallait qu’il lance son signal de détresse à cause d’une foutue crampe. Il ne pouvait pas y rester de cette façon.
IL VOULAIT RETROUVER LYANNA !

Mais enfin, comme si une entité invisible avait appuyé sur le bon bouton, son mollet réagit et lui rendit peu à peu de la souplesse. Clive émergea de l’eau en respirant profondément. La suite fut une succession chaotique d’inspirations et d’expirations dans un ballet de plaintes et d’exclamations. Puis brusquement, soudain, une corde miraculeuse lui tomba dessus. Le militaire l’accepta sans hésiter, reportant cette curiosité à plus tard. Il ne comptait pas se méfier de cette main secourable. Après s’être assuré d’une bonne prise, le jeune homme cessa de battre des jambes et un intense soulagement le gagna.
Il n’aurait pas su dire, à ce moment, s’il souffrait plus que le plaisir qu’il ressentait paradoxalement.

Jim avait dû l’entendre et venir l’aider. Mais pourtant, il ne s’était pas signalé par radio et Clive n’avait pas lancé le signal de détresse. Une voix résonna bientôt dans le puits, se répercutant contre les parois jusqu’à lui parvenir d’un timbre caverneux.
« Vous faites trop de bruit. » souffla Eoguelle d’un ton compatissant et inquiet. « Vous allez les réveiller. »
« Je….merci... » articula péniblement Darren, cramponné à son fil d’ariane.

De sa position, il voyait très mal la silhouette d’Eoguelle, même avec ses lentilles. Il comprit toutefois qu’elle surveillait les alentours, sûrement effrayée à l’idée d’être découverte.
« Je reviendrai juste avant l’aube. Pour retirer la corde. »
Encore une fois, elle guetta nerveusement les alentours.
« Tenez bon, jeune homme. » dit-elle une dernière fois avant de disparaître.

Clive la remercia intérieurement. Il avait entendu l’échange entre Jim et Lyanna, il savait qu’elle était dans la combine. Sa participation et le risque qu’elle prenait en lui offrant de l’aide prouvait sa fidélité dans un sens. Le sergent de l’unité le contacta très rapidement pour savoir ce qu’il s’était passé. Darren eut beaucoup de mal à le convaincre de ne pas annuler l’opération. Il devait rester dans ce puits jusqu’au petit jour et cette corde venait de changer la donne.

Sa douleur et son épuisement ne le démotivaient pas à occuper agréablement ses pensées. Ses songes revenaient inlassablement vers Lyanna, oscillant continuellement entre des souvenirs et des projets d’avenir.

Comme prévu, Eoguelle revint lui prendre la corde. Cela le contenta plus qu’il ne se vexa. Parce que c’était la preuve que son calvaire était bientôt terminé. Il avait eu le temps de reprendre des forces et de manger une barre énergétique. Elle n’était pas fameuse, trempée et ramollie par l’eau, mais son corps semblait réagir un peu mieux. L’esclavagiste attendit les premières lueurs du jour pour faire apparaître son visage grassouillet et observer le résultat. Elle ne se montra pas surprise, préférant le viser de ses crachats, en se demandant si elle parviendrait à le toucher en plein milieu du visage.

Une demi-heure plus tard, il était jeté sans ménagement dans le champ qu’il avait travaillé la veille. L’ampleur de la tâche se démarquait parfaitement avec l’herbe folle. Il avait abattu un travail de titan et on lui en demandait plus aujourd’hui. L’autre tarée recommençait à le guetter avec son arbalète. Elle était accompagnée du chien cette fois-ci.

Clive reprit son travail, affaibli et éreinté. S’activer sur le champ le réchauffa mais il ne gagna rien de plus que de nouvelles crampes qu’il chercha à dissimuler. Il n’avait pas pu se poser un seul instant ni égoutter ses vêtements. Il ne tarda pas à être couvert de boue et de morceaux de plantes coupées.
Le temps s’écoula avec quelques annonces à la radio. Jim lui demandait des nouvelles, formulant des questions qui ne pouvaient être répondues que par oui ou non. Darren donnait un coup de binette pour oui, deux pour non.
Il entendit ensuite le message de Max. Lyanna et lui repartaient sur la piste de Frieda. Puis vint ensuite le rapport du sergent pour Atlantis. Partagé sur le canal général, il entendit Jim expliquer la situation et décrire jusqu’à leur action peu éthique. Jim insistait sur sa responsabilité, refusant que ses hommes en soient tenus pour responsables. Darren fut surpris d’entendre que le lieutenant Ridding, de la police militaire, était leur opérateur de mission. Ce dernier rassura le sergent Holman en lui expliquant qu’April ne pouvait pas être abandonnée à son sort. L’intervention d’un Jumper par la Porte étant impossible, le Dédale déjà engagé sur une autre mission, Atlantis leur donnait carte blanche.
April devait être secourue !

Intérieurement, Darren attendait impatiemment d’entendre le timbre de voix de sa chérie. Même si elle décidait de s’en prendre à Ridding. Mais non...rien.

Lyanna ne combla son attente que lorsqu’elle fut mise en relation avec le médecin. La voix de l’Amazone lui réchauffa le cœur, même si ça ne lui était pas destiné. Fidèle à elle-même, elle rabroua le toubib pour être un homme et réclama une femme. Darren dissimula le sourire qui le gagnait tandis qu’il arrachait de petits buissons recouvrant une nouvelle couche d’herbes envahissantes. C’était infernal.

Puis...on invita Lyanna à gagner un canal privé.
Le secret médical, forcément…

Cela éprouva beaucoup Darren. Tout au long de la journée, il était pris d’angoisse et d’anxiété. Il ne pouvait pas utiliser sa radio pour demander des nouvelles à sa femme, savoir ce que pensait le docteur de ses nausées persistantes. Il fallait attendre la nuit tombée et c’était long. Tellement long…
Il crut attendre une éternité. Et lorsque la journée se conclut enfin, Darren n’ayant jamais été aussi exténué, il se confronta à une nouvelle proposition de Palie. Son regard brillait à l’idée de lui infliger une nouvelle punition. Elle comptait l’épuiser et le maltraiter jusqu’à l’avoir à l’usure. Qu’il accepte de l'honorer de ses coups de reins, de la faire crier d’extase.

Sauf qu’il n’y en avait qu’une seule qui avait le droit à cette tendresse, elle était loin de sa vue et parfaitement ancrée dans son cœur.

« Ramone toi avec ton manche à balais, connasse inculte... » s’était-il entendu dire.

Il le paya beaucoup plus cher qu’il ne l’aurait songé. L’épuisement avait eu raison de sa patience et, si ça l’avait soulagé dans un premier temps de l’envoyer chier, il regretta amèrement d’avoir ouvert la bouche. Palie et sa sœur s’emparèrent de lui après l’avoir rossé. Il reprenait à peine ses esprits lorsqu’il comprit qu’on lui passait une corde autour de la gorge. Avant même de pouvoir réagir, il se retrouva être l’acteur d’un parfait cliché de pendaison. Les mains liées dans le dos, forcé de tenir sur une souche très instable, il allait rester toute la nuit avec cette corde qui menaçait de l'asphyxier s’il chutait.

Cette fois, sa volonté vacilla dangereusement. Darren attendit de ne plus entendre personne dans la maison avant de laisser échapper quelques larmes silencieuses. Il penchait même la tête pour que Jim ne le découvre pas depuis ses jumelles.
Darren s’en voulait terriblement, même si Palie lui avait réservé le même sort en cas de refus courtois.

Les mains liées dans le dos...il ne pouvait pas appeler son amante.
Il ne pourrait pas discuter avec elle ni entendre sa voix. Il ne pourrait pas se rassurer en lui demandant la réponse du médecin, ni si son voyage s’était déroulé sans encombre. Plus que la privation de sommeil, de nourriture, et de l’épuisement extrême. Le coup le plus difficile à encaisser, celui qui l’ébranlait plus que le reste, était de ne pas entendre la douce voix de sa femme. Un terrible échec et mat.

A des dizaines de kilomètres de là, Lyanna et Max avaient établi leur camp à l’intérieur d’une grotte pour échapper au mauvais temps. Le jeune homme réchauffait les restes de sa spéciale Energy-3000 qu’il avait voulu servir à l’Amazone au matin (le pari avec Darren). Leur trajet n’avait été ponctué que par l’agressivité d’un fauve et de la découverte d’une caravane de marchandises pillées. Max avait passé quelques heures de plus à enterrer trois cadavres, réclamant encore des noms à l’Amazone, avant qu’ils ne soient surpris par l’averse.
Un point positif néanmoins, ils avaient découvert quelques cultures en forêt proche d’un point d’eau. La signature de Frieda était récente et fraîche. Demain matin, ils allaient la trouver, c’était très positif.

En attendant, dans cette grotte, ils se réchauffaient devant un feu bien nourri et l’odeur d’un bon repas. Max fredonnait une chanson en cuisinant, faisant comme s’il était seul. Il avait accepté de suivre les conseils de son sergent et laissait Lyanna tranquille. Il avait cessé de lui poser des questions, s’était retiré de son envie de forger une amitié avec elle. Il préparait tranquillement le repas sans se prendre la tête, appréciant le confort relatif mais certain de cette cave naturelle.
Parce que dehors, ça tombait salement.

Lyanna se contentait de lui jeter des coups d’oeil de temps à autre, comme pour s’assurer que le jeune homme ne l’approchait pas de trop près. Ces dernières heures depuis leur départ du village n’avaient été qu’un cauchemar pour la guerrière qui préférait être aux côtés de Darren, plutôt que Max. Mais non, c’était bien ce dernier qui lui collait aux basques. Mais heureusement, le seul point positif, c’était que le militaire restait en retrait, et ne cherchait plus à la provoquer ou à lui parler, sauf si c’était nécessaire. Il fallait bien ça, le temps que les choses se calment. Lyanna était assise non loin de l’entrée de la grotte, restant tout de même à proximité du feu pour profiter de sa chaleur. Elle aiguisait ses lames avec la pierre que son amant lui avait offert, et qu’elle emmenait partout avec elle en mission. Tout comme Max, elle restait de son côté sans lui adresser la parole. Jusqu’à ce qu’une voix l’interrompe. Mais celle qu’elle espérait, et qu’elle attendait avec impatience.

//Lyanna, ici Jim. Vous pouvez basculer sur le canal privé 2 ?// fit la voix de Jim, l’air grave.

La jeune femme ne comprenait pas pourquoi c’était Jim qui la contactait, et non Darren. Alors que ce dernier le lui avait promis. Elle eut alors un mauvais pressentiment, elle le ressentit dans la voix du soldat. Arrêtant ce qu’elle faisait, elle appuya sur son oreillette.

//Oui, pourquoi ?//
//Basculez sur le canal 2.// insista le sergent.

Lyanna s’empressa alors d’ajuster l’oreillette pour changer de canal.

//C’est fait. Qu’est ce qui se passe ?// demanda-t-elle, inquiète.
//Darren va passer une sale nuit. Et de ce que je vois, il n’a plus le moyen de vous contacter.//
Jim marqua une pause. Elle pu l’entendre soupirer.
//J’ai eu une discussion avec lui à sens unique. Il refuse mon intervention pour gagner du temps. Je ne veux pas vous inquiéter inutilement Lyanna. Dans l’ensemble, Darren va bien.//

Pour ne pas l’inquiéter, c’était trop tard. Lyanna s’inquiétait beaucoup. Elle posa ses épées sur le sol, et se leva pour marcher, faisant les cent pas devant l’entrée. La douleur à sa cheville s’était calmée avec le temps et les conseils du médecin. Bien qu’elle gardait encore un hématome autour du mollet, la guerrière ne boitait presque plus. Après quelques secondes, Lyanna s’arrêta à l’entrée de la grotte, regardant la pluie qui tombait dehors. Elle secoua la tête.

//Comment ça, “dans l’ensemble” ? Qu’est ce qu’il a ?//
//Il est maintenu sur une souche, ligoté, avec une corde de pendaison autour du cou. Il va devoir rester comme ça toute la nuit et résister au sommeil. Il ne peut pas activer sa radio.// détailla Jim d’un air neutre. Il dissimulait mal son inquiétude mais avait décidé de ne pas intervenir.
Le sergent aurait pu lui cacher la vérité, mentir en disant que les esclavagistes lui avaient piqué sa radio. Mais il n’avait jamais eu ce genre de comportement et ne comptait pas commencer aujourd’hui.
//Lyanna, son oreillette doit encore être branchée sur le canal privé que vous avez utilisé la veille. Si vous lui parlez, ce sera à sens unique. Je vous demande de ne pas l’alarmer par votre inquiétude...ça aggraverait sa situation. //

Lyanna soupira. Elle n’avait qu’une seule envie : que Jim se porte au secours de Darren pour lui sauver la vie. Mais cela voudrait dire que la mission était un échec, et que la mère de Nini risquait de perdre la vie. Sans parler des autres esclaves. Lyanna ne pouvait pas compromettre la mission pour une seule personne, même son amant. La situation était critique, et bien que Jim lui suggérait de ne pas montrer son inquiétude à son compagnon, cela serait difficile pour la jeune femme. Savoir que l’homme qu’elle aimait était debout, avec une corde autour du cou, et qu’il serait pendu s’il perdait l’équilibre ou s’il s’endormait, comment voulez-vous qu’elle reste calme ? La guerrière leva les yeux au ciel, avant de pousser un nouveau soupir.

//D’accord//

Sans un mot de plus pour Jim, Lyanna changea de canal pour retrouver celui qu’elle avait partagé la veille avec Darren. Ne pas pouvoir l’entendre serait une torture, mais elle savait qu’elle n’aurait aucune réponse.

//Darren ? C’est moi ...//

La guerrière chercha ses mots. Ne pas inquiéter Darren sur ses propres peurs. Il en avait de belles, ce Jim. Lyanna se mordit la lèvre, et recommença à faire les cent pas.

//Ecoute … Jim m’a expliqué la situation. Il m’a dit ce qui était en train de t’arriver, et … que tu ne peux pas me répondre. Mais j’espère que tu m’entends.//

Lyanna s’arrêta de marcher, et elle tourna la tête en direction de Max. Discuter avec Darren alors que le militaire se trouvait à seulement quelques mètres d’elle ne l’aiderait pas à s’adresser à son amant. Sans même en parler à Max, la guerrière prit ses épées, avant de quitter la grotte. La pluie lui importait peu. Elle serait rapidement trempée, elle aurait froid, mais tant pis. En ce moment, c’était Darren qui comptait. Bien plus qu’elle. Lyanna s’éloigna de plusieurs mètres de la grotte, et chercha un endroit où elle pouvait se mettre un peu à l’abri, tout en continuant de parler à son compagnon. Elle espérait que celui-ci écoute sa voix pour se maintenir éveillé. S’il s’endormait, il perdrait la vie. Et ça, la jeune femme ne le voulait pas.

//Tiens le coup, Darren. Je vais vite te retrouver, je te le promets. On se rapproche de Freida. Dès que je l’aurais retrouvé, je te jure que je l’embarque avec moi, même si je dois courir en la portant sur mon dos pour revenir le plus vite possible à la ferme.//

Non loin de là, Lyanna trouva un arbre suffisamment feuillu pour se protéger de la pluie. Elle était déjà trempée, sa bouche expulsait de petits nuages de vapeur à chaque mot qu’elle prononçait, à cause de l’air qui s’était rafraîchi. Mais la jeune femme ne s’en préoccupa pas. Elle s’assit contre le tronc, tenant ses épées dans les mains.

//Il ne faut pas que tu t’endormes. Je vais te parler toute la nuit s’il le faut, mais je ne te laisserais pas t’endormir//

Rester éveillée toute la nuit, à parler toute seule, serait très difficile, Lyanna le savait. Mais elle n’allait pas abandonner, même si elle même avait besoin de sommeil. La guerrière se doutait que Darren s’accrochait à sa voix, que ses paroles lui remonteraient probablement le moral et l’aideraient à tenir le coup. Alors, elle devait continuer de parler. Sans s’arrêter. Même si elle n’obtenait aucune réponse pour savoir ce qui se passait dans la tête du soldat. Lyanna se mordit la lèvre, cherchant des sujets de conversation. Elle allait devoir discuter de tout et n’importe quoi s’il le fallait. Mais le sujet principal qui devait inquiéter Darren, n’ayant eu aucune nouvelle de la journée, c’était l’entretien de la jeune femme avec le médecin. Voilà qui lui donnait matière à parler.

//J’ai parlé avec la guérisseuse, ce matin. Je ne sais pas si tu as entendu, mais ils ont osé demander à un mâle de s’entretenir avec moi. Je l’ai congédié vite fait, j’ai menacé de couper la communication si la guérisseuse ne prenait pas sa place. Et j’ai eu ce que je voulais.//

Lyanna ignorait si Darren avait suivi cette partie de la discussion ou non, avant que le médecin ne s’entretienne avec elle sur un canal privé.

//Elle ne sait pas trop ce que j’ai, sans m’ausculter. Elle a évoqué plusieurs pistes, vu que l’indigestion ne tient plus la route. Elle pense plus à … heu … je ne sais plus … ah oui, un ulcère … je crois que c’est ce mot là. Un ulcère à l’estomac. Elle m’a dit que ça provoquait des nausées, des maux de ventre, une perte d’appétit. Tout ce que j’ai. Et vu que je suis souvent sur les nerfs, ça favorise l’apparition de ces trucs là. Mais ça se soigne facilement, de ce qu’elle m’a dit. J’aurais le droit à tout un stock de médicaments à mon retour sur Atlantis. Et en attendant, je devais continuer à prendre le truc de Max pour les nausées, c’était mieux que rien. Ca marche un peu, mes nausées se calment pendant la journée, elles m’incommodent moins. Même si le matin, c’est horrible//

La jeune femme s’arrêta quelques secondes, avant de continuer. Elle ne voulait rien cacher à Darren. Et lui dire ce que le médecin lui avait suggéré ou conseillé ne ferait que tranquilliser l’inquiétude du militaire, non ? Lyanna espérait juste qu’elle n’était pas entrain de parler dans le vide, et que Darren était toujours en vie, à l’écouter.

//Elle n’avait pas l’air inquiète. Elle m’a dit que les résultats de ma prise de sang n’étaient pas encore arrivés, mais qu’il n’y avait rien d’alarmant. Il fallait juste être patient, et surveiller qu’aucun autre symptôme n’apparaisse//

La pluie commença à se calmer. Lyanna ignorait depuis combien de temps elle se trouvait là, dans le froid, assise par terre.

//Mon pied va mieux, au fait. La douleur s’est beaucoup calmée, j’espère qu’elle sera partie demain. Comme ça, je pourrais plus rapidement te rejoindre//

Trouver des sujets de discussion devenait difficile, Lyanna ne savait plus trop quoi dire. Un petit sourire naquit sur ses lèvres, se rappelant soudainement le rapport de Jim avec Atlantis. Notamment avec Ridding. Une pointe de fierté pouvait s’entendre dans sa voix.

//Tu as entendu le rapport de Jim ? Avec mon pire ennemi Atlante ? Tu as vu, je n’ai pas pris la parole pour m’en prendre à lui. Je fais des progrès, non ? Pourtant, ce n’était pas l’envie qui m’a manqué. Je t’assure, j’avais bien envie de lui dire quelque chose. Mais j’ai fait un effort pour garder le silence. C’était difficile, mais j’y suis arrivée//

La pluie s’arrêta enfin. Lyanna resta immobile quelques instants, mais ses jambes commencèrent à s’engourdir. Elle se leva péniblement, et fit quelques pas pour passer le temps, restant à proximité de la grotte. Maintenant qu’il ne pleuvait plus, la jeune femme pouvait arpenter les alentours, bien qu’elle était toujours trempée. Elle frissonna même à cause du froid que ses vêtements mouillés provoquaient. Lyanna soupira, en pensant à son amant.

//Tu me manques, Darren. J’aimerais être dans tes bras, en ce moment. Être tout contre toi, et ne plus te lâcher. J’ai hâte de te retrouver//

Un silence aussi froid que la nuit lui répondit à la radio : le néant total, un petit crépitement parasite morbide. La jeune femme n’avait aucun signe de vie à l’autre bout, lui laissant croire qu’elle était seule. Il ne lui répondrait pas. L’Amazone ne pouvait même pas savoir si ses propos faisaient mouche. Et bien qu’elle savait que Darren ne lui donnerait aucune réponse, ce silence la terrifiait. Mais si le soldat s’était endormi, ou pire, Jim l’aurait sûrement contacté, non ?

Alors qu’elle cherchait un nouveau sujet de conversation, une silhouette se dessina non loin de l’entrée de la grotte. Max se racla la gorge pour attirer son attention, il n’avait pas cherché à la surprendre ou à masquer son approche. Malgré les cent pas de Lyanna, il avait fait son possible pour ne pas lui arriver dans le dos et essayer de montrer son respect. La guerrière s’arrêta et le regarda.

« Eh, ça va refroidir. » dit-il d’un ton simple.

Il avait basculé son pouce au-dessus de son épaule pour lui pointer la direction à suivre, l’entrée de la grotte, et l’inviter à aller manger. Lyanna comprit qu’il lui parlait du repas qui l’attendait, mais elle ne voulait pas manger. Elle voulait rester ici, à discuter avec Darren pour le maintenir éveillé. Carnghy devinait qu’elle n’aurait probablement pas faim donc il s’empressa de lui faire une proposition :

« Faut que tu reprennes des forces. Je te relaie pour parler à Darren et je reste avec toi ? Comme ça tu entends ce que je lui dis pendant que tu manges... »

Max leva le nez après avoir reçu quelques gouttes d’eau perlant depuis le feuillage des arbres.
« M’enfin reste pas là, tu vas tomber encore plus malade... »

Lyanna ouvrit la bouche pour lui rétorquer que ce n’était pas ses affaires, mais elle prit sur elle de se taire. Max avait raison. Ce n’était pas en restant ici, dans l’air humide et froid, qu’elle allait aider Darren. Si elle tombait malade, elle serait dans de sales draps. Et peut-être que son état affaibli amplifierait ce qu’elle avait déjà. La guerrière réfléchit, puis elle soupira pour abdiquer.

"D’accord".

Si Darren avait pu répondre, il lui aurait intimé l’ordre d’aller se nourrir, Lyanna le savait. Cette dernière retourna dans la grotte pour s’asseoir près du feu. La chaleur lui fit beaucoup de bien, même si elle refusait de le reconnaître. Une bonne odeur s’échappait de la gamelle préparée par Max. Bien qu’elle n’avait pas très faim, Lyanna s’en empara. Elle avait pensé à prendre le médicament du militaire peu de temps auparavant, ses nausées s’étaient suffisamment calmées pour qu’elle puisse garder quelque chose de consistant dans son estomac. Sans regarder Max, la jeune femme fixa ce qui s’y trouvait, le même repas que la veille, bien calorique et nourrissant.

"Merci" murmura-t-elle avec beaucoup de difficulté, c’était très rare qu’elle remercie le jeune soldat.

Toujours sans le regarder, Lyanna commença à manger lentement, se forçant à avaler quelque chose pour reprendre des forces.

Max passa par une succession très rapide d’émotions. Il se montra surpris, presque choqué. Puis il douta de cette réalité avant de faire appel à ses souvenirs. Là, il commença à lever ses bras et s’interrompit au milieu du geste, une phrase s’évanouissant entre ses lèvres avant même qu’elle ne forme le premier mot. Puis, finalement, il chercha fébrilement le canal sur son oreillette avec des gestes tremblants, comme s’il était sur le point d’être exécuté.
Le soldat tomba enfin sur le canal de Darren et s’écria brusquement :

// OH BORDEL, DARREEEEEN ! TA NANA, ELLE VIENT DE ME DIRE MERCI !!! //
Il acquiesça frénétiquement comme si le concerné était en face de lui.
// Sérieux, t’entend ça ? MER-CI !!! C’est sorti de sa voix à elle ! Et sans faire la gueule en plus ! Elle progresse, trop bien ! //
Max s’installa devant le feu à l’opposé de Lyanna, s'apprêtant à lui tenir la jambe pour toute la durée du repas. Devant tant d’enthousiasme, la guerrière leva les yeux de son repas pour le fusiller du regard.

"Je commence à regretter !" lui lança-t-elle simplement, mais curieusement, il n’y avait pas beaucoup d’animosité dans sa voix. Mais plutôt de la lassitude, tandis qu’elle baissait à nouveau le regard pour se concentrer sur son repas. Mais pourquoi l'avait-elle remerciée, aussi ?


eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Invité
Invité

Mer 27 Jan - 21:13

avatar

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna


Max quitta progressivement les commentaires qu’il faisait sur la patience de Lyanna pour entamer des projets d’avenir. Il essayait d’imaginer les retrouvailles avec April. Le jeune homme confia à Darren avoir embarqué le rouleau de papier toilette qu’il lui avait destiné deux jours plus tôt. C’était le même que Lyanna avait reçu au visage en franchissant les portes du D4. A ces paroles, la guerrière lui jeta un regard noir, avant de replonger dans son assiette, mangeant lentement. Elle n’avait pas oublié cette scène où le militaire l’avait “agressée” avec le rouleau de papier toilette, alors qu’elle n’avait rien demandé.

// Si ce n’est pas April qui vient jusqu’à mon rouleau de PQ. C’est mon rouleau de PQ qui viendra à April !!! // promit Max en s’esclaffant. // C’est cool quand on y pense, nan ? Il aura fait touuuuuut le voyage pour qu’elle se le reçoive quand même dans la gueule. Ca lui apprendra à jouer le fantôme et nous foutre la trouille ! //

Contrairement à Lyanna, Max ne se fatiguait jamais de parler. Il aborda de nombreux sujets, souvent sans importance. Mais tandis que cette dernière terminait son repas, le jeune homme s’éloigna de quelques pas pour parler discrètement à son tour. La guerrière fronça les sourcils en le regardant faire, mais elle ne fit aucun autre mouvement. A vrai dire, elle se fichait de le voir s’éloigner comme pour préserver un secret. S’il pouvait sortir à l’extérieur, elle préférerait. Mais non, le soldat resta dans la grotte, un peu plus loin. Silencieuse, elle posa son assiette qui n’était pas entièrement vide. Certes, elle n’avait pas terminé de manger, mais elle avait réussi à avaler plus de nourriture que la veille. Max resta debout et s’appuya contre la paroi rocheuse, tournant le dos à l’Amazone. Il ne croyait pas que Lyanna eut quitté la fréquence, elle continuerait probablement d’écouter la conversation, surtout maintenant qu’il se montrait discret.
Après tout, c’est ce qu’elle avait fait la veille, non ? Elle avait épié son échange avec Jim. Et il avait vu juste. Lyanna avait gardé le canal ouvert, elle entendait tout ce que le jeune homme disait à Darren. Mais ce n’était pas vraiment dans l’esprit d’épier leur conversation, mais plutôt pour avoir un lien avec son amant. Et puis, s’il se passait quoi que ce soit, Jim interviendrait, et Lyanna voulait être rapidement mise au courant. Elle entendait les mots sans vraiment écouter, accrochant simplement quelques paroles de temps à autre, tandis qu’elle reprenait ses épées pour aiguiser les lames.

En fin de compte, si Max s’était écarté, c’était pour ne pas sentir son regard peser sur son dos et recevoir une remarque cinglante de sa part. Sa voix avait changé lorsqu’il embraya sur ce sujet plus sensible :

// Dis, Darren. J’sais que Jim va m’en vouloir mais j’lui ai menti. Tu pourras m’aider à rattraper le coup ? J’ai fait mine d’aller pisser et je suis allé creuser à l’auberge. Bon, j’y étais pas trop le bienvenue, encore cette histoire de sexisme à la con. Mais la thune calme les consciences. Donc ! J’m’amène là-bas et j’ai posé deux-trois questions à la tavernière.
Bon...ok, ok...c’était pas sur April les questions.
Mais elle est tellement craquante, la louve ! Avec ses yeux gris très clair et sa chevelure poivre-sel. Ça devrait lui donner un air de mamie toute dégueu et, pourtant, ça la rend super sexy ! Tellement, tellement charmante ! Même quand elle a collé son flingue sur mes couilles, j’ai trouvé ça trop cool ! Femme fatale ! //

Il jeta discrètement un coup d'œil au-dessus de son épaule, craignant que l’Amazone se soit approchée furtivement de lui pour l’écouter. Lyanna ne s’était pas approchée, elle restait assise sur le sol, continuant sa tâche. Mais comme elle entendait tout à la radio, ses paroles ne passèrent pas inaperçues. La jeune femme se contenta de soupirer en levant les yeux au ciel. Elle pensait avoir fait comprendre à Max que c’était une cause perdue de s’intéresser à cette guerrière.

// Ca me perturbe, tu vois ! Parce que moi, c’est clairement pas mon délire, les femmes dangereuses. Lyanna aurait chaud au cul et elle viendrait me...enfin tu vois quoi...ben j’vomis tout de suite. Mais là, la louve, ça m’habite. Y’a son beau petit regard qui m’obsède. Oh merde, j’crois que j’suis amoureux Darren. Le coup de foudre bien merdique... //
Il regarda une nouvelle fois au-dessus de son épaule.
// La tavernière, elle n’a pas voulu me donner son nom. Trop cher. Mais j’ai pu savoir qu’elle fait escale à l’auberge quelques jours après son service. Genre deux ou trois nuits pour se reposer avant de reprendre la route. Tu voudras bien m’aider à ton retour ? T’as eu Lyanna, toi. J’me dis que question sauvage, tu sais comment t’y prendre. Surtout avec un morceau comme Lyanna ! J’me disais...un bouquet de fleurs sur le lit de la louve, quand elle louera sa chambre, genre admirateur secret, ça le ferait nan ? //

Lyanna hallucina en entendant la proposition de Max. Un bouquet de fleurs ? Sérieux ? Stoppant ses gestes, la jeune femme ne parvint pas à s’empêcher de s’immicer dans la conversation.

//Tu crois vraiment qu’elle va s’intéresser à toi parce que tu lui offres des fleurs ? Tu t’imagines que c’est en offrant un présent comme celui là qu’une femme qui hait les mâles va te regarder sans avoir envie de te tuer ?//

La guerrière n’avait pas bougé d’un poil pendant qu’elle parlait à Max, se contentant de regarder ce dernier. Certes, ses paroles n’avaient pas été lancées pour faire plaisir ou soutenir le militaire. Mais curieusement, certains pourraient voir là des conseils pour le jeune homme. Après tout, Lyanna était la seule personne qui ressemblait fortement à cette mystérieuse guerrière qui envahissait ses pensées. Et Darren n’était pas parvenu à l’approcher en lui faisant des cadeaux comme un bouquet de fleurs, mais d’une autre manière bien avant d’en arriver aux présents donnés.

Max claqua des bras, l’air excédé. Il se retourna pour toiser la jeune femme et découvrit que son intervention n’avait pas l’air moqueuse cette fois-ci. Pourtant, il se sentait quand même vexé que l’Amazone lui déclare ouvertement qu’il n’avait aucune chance. Surtout pour quelqu’un qui s’était fait alpaguer par Darren et qui n’avait pas l’air de souffrir de son idylle. Alors pourquoi n’aurait-il pas le droit de suivre le même genre de chemin, lui aussi ?
// T’es marrante, toi. J’vais quand même pas lui offrir un pétard pour qu’elle me foute une balle gratis dans les roustons ! Pis d’ailleurs, le coup de la fleur t’avait fait plaisir. Darren me l’a dit ! Alors pourquoi pas elle ? //
Il haussa des épaules.
// Puis merde aussi, elle me plait bien cette nana-là, j’ai quand même le droit de lui montrer, non ? J’suis supposé faire quoi, à part t’entendre me dire que j’suis un nul et que je n’arriverai jamais à rien ? //
//La fleur, ce n’était pas au début, je te signale. Darren a eu beaucoup de mal pour m’approcher avant d’en arriver là. Demande le lui, il te dira combien de fois il a failli mourir de ma main ! Il n’a pas réussi avec des cadeaux. Il a été obligé d’avoir une autre approche !//

Lyanna soupira à nouveau, et reporta son attention sur ses armes.

//Mais si tu veux échouer, vas-y, ne te gênes pas. Offre lui des fleurs. Vu qu’à votre seul face à face, elle a voulu te castrer, alors fonce avec ton présent//
Max leva ses deux bras d’un air blasé.
// Bah voilà !! Qu’est-ce que je disais ! //
Il imita sa voix en exagérant l'intonation d’un donneur de leçon.
// Ton idée est nulle, va te faire buter ! Faut une autre approche. Laquelle ? Va te faire f... //
Max ne termina pas sa phrase chargée de reproches. Quelque chose venait de s’imposer à lui, tandis que la jeune femme le fusillait du regard. Lyanna s’occupait de ses armes, la gamelle non loin.
// Hey !!! Et si j’lui fais mon spécial energy 3000 ?!? // s’écria-t-il, oubliant illico la discorde. // Si elle est comme toi, elle doit bien aimer bouffer, non ? Et puis sérieux, personne ne fait des frites comme moi ! //
//Surtout avec les saucisses parfumées aux herbes et ta fameuse entrecôte braisée...// intervint Jim, révélant qu’il écoutait la conversation également.
Max éclata de rire.
// Mais ouais, trop ça !! //
Il zieuta Lyanna, tout excité.
// J’lui offre un dîner, hein ! C’est ça l’approche ? Goûter un super plat de la mort qui tue ! Elle en redemandera forcément ! //

Lyanna fronça le nez, ayant une petite moue légèrement dégoûtée sur le visage, en entendant l’idée de Max.

//Heu … je ne pense pas que ça soit une bonne idée ! Pas sans calmer son tempérament avant.//
// Mais c’est quoi la bonne idée, alors ? //
//Tu demanderas à Darren comment il a fait.//
// Ouais ben Darren, dès qu’on se voit, faut que tu m’expliques ta recette miracle là ! Parce que c’est pas avec Lyanna que j’vais comprendre quoique ce soit ! Elle dit RIEN !!! //
//C’est préférable. Les conseils de notre ami seront plus pertinents qu’une jeune femme qui découvre encore l’attachement.// intervint le sergent. //Pas de disputes sur le canal. Et nous discuterons de ton investigation personnelle un peu plus tard, Max. Je n’apprécie pas.//
Le gamin du groupe serra les dents de façon douloureuse.
// ...désolé... //
//Je prends le relais. Lyanna, ce sera votre tour prochainement. Préparez vos sujets. Jim, terminé.//

Ils se relayèrent longuement tous les trois, comme durant les tours de garde. Chacun discuta un certain temps en monologue tandis que les autres se reposaient. Et si quelqu’un manquait de sujet, il transmettait l’appel à quelqu’un d’autre prématurément. Et puis, longuement mais sûrement, la nuit s’écoula. Jim se montrait positif, partageant les détails qu’il percevait depuis la lunette de son fusil. Clive menaçait de s’endormir à de nombreuses fois, il était dans un état déplorable. Mais dans l’ensemble, les communications l’avaient fait sourire, voire rire aussi.
Épuisée à cause de son problème de santé qui la fatiguait autant physiquement que moralement, Lyanna profitait de ces moments de pause pour s’allonger et s’endormir. Sans couper sa radio. Les paroles des autres membres de l’équipe la bercèrent jusqu’à ce qu’elle s’endorme. Et elle ne voulait pas couper ce lien avec Darren, même si ce dernier ne pouvait pas parler. Jim s’occupa du dernier tour, imposant à son binôme éloigné de dormir pour le temps restant. La récupération de leur cible devait se faire rapidement et il restait encore le chemin du retour.

Le soleil se leva enfin, et malgré cette nuit très courte, Lyanna fut la première à se réveiller. A vrai dire, ce fut ses nausées qui la réveillèrent, et la jeune femme mit un petit moment à s’en remettre. Elle refit tranquillement surface, patientant le temps que cette horrible envie de régurgiter son repas de la veille se calme. Max se réveilla enfin à son tour.

//Max, Lyanna ?//
// Ouais ? // répondit le jeune homme, la voix enrouée par le sommeil.
//Darren vient d’être envoyé dans le champ.//
// Et il va comment ? //
//Si j’en crois son signe de pouce et son sourire cassé, ça va. Mais j’en connais un qui rêve de sommeil et de retrouvaille.//
// Pauvre gars. Et dire que c’est sa propre gonzesse qui l’a vendu une poignée de noisettes ! // plaisanta Max.
//Je crois bien qu’il passera son tour la prochaine fois. Lyanna ? Votre pied, ça va comment ?//

La jeune femme fit quelques gestes avec sa cheville pour vérifier son état. Heureusement, la douleur était passée. Elle allait pouvoir marcher normalement.

//Ca va mieux, je n’ai plus mal.// répondit-elle simplement, avant de se lever et de ranger ses épées qu’elle avait gardé à ses côtés, en cas de besoin.
//Je vous rappelle les recommandations de votre médecin. Prenez le traitement, forcez-vous à manger, et repartez en mission. Prévenez-moi dès que vous aurez pris possession de la cible, reçu ?//
//Reçu//

Lyanna jeta un œil à la gamelle vide qui lui avait servi de repas la veille, mais un haut le cœur l’a fit aussitôt détourner les yeux. Elle prit du Gravol, estimant que c’était suffisant, puis but une bonne rasade d’eau. De tout façon, elle ne pouvait rien avaler d’autre dans l’immédiat.

Ca tombait bien dans la mesure où Max prendrait du temps pour récupérer du bois et faire bouillir de l’eau. L’Amazone ne sentirait pas les odeurs d’omelette et de lard au petit matin. Pas tout de suite.
En témoignant de son habitude à camper, le gamin de la bande s’éloigna en baillant fortement, la bouche grande ouverte. Il quitta la grotte en se frottant machinalement le derrière d’une main, l’autre s’emparant de son neuf millimètres pour en vérifier l’état.
« J’reviens. » lâcha-t-il simplement.
Malgré ses yeux encore collés, il observa les environs puis s’enfonça dans les bois. Il se mit à chercher du bois sec, se rappelant qu’il avait plu la veille. Habituellement, il fallait trouver des coins relativement à l’abri de l’environnement, ou sous un épais feuillage. Mais Max finit par se rendre compte que le sol était sec. L’averse avait bien formé quelques flaques ici et là. Mais en tâtant le sol de ses mains, en testant la composition de la terre et de l’humus, il se rendit compte que l’humidité ne s’y était pas fixée.
« Bizarre cette planète. » lâcha-t-il en récupérant du bois mort.
Une branche de faible dimension subit bientôt un assaut et elle se brisa en deux. Max y passa son pouce et découvrit que, là aussi, l’eau n’avait rien imprégné.
« Ouais, vraiment bizarre... »

Cette anomalie l’arrangeait bien dans un sens. Il ramènerait plus facilement du bois pour alimenter le feu de camp. Par contre, il commençait à comprendre pourquoi il se mettait à boire de plus en plus. Si l’eau s’infiltrait dans le sol sans l’humidifier, ça faisait probablement la même chose dans un corps humain. Le soldat aurait bien voulu en parler à Lyanna mais il n’y tenait pas. Si elle lui répondait qu’elle le savait parce que c’était dans les notes d’April - ce qui était forcément le cas vu tout le temps qu’elle avait passé sur le terrain - il prendrait mal la rétention d’informations.

En chemin, il se perdit un peu sur quelques détails de la flore locale dont il n’avait pas l’habitude. Il observa quelques plantes à l’aspect étrange, s’attarda sur des bestioles peu ragoûtantes qui colonisaient les troncs d’arbres, puis il trouva ensuite des baies qu’il entreprit de cueillir. Bien sûr, il fallait s’assurer qu’elles soient comestibles. Bien que ça ne soit pas vraiment son terrain, April lui avait montré comment en faire une confiture maison avec les moyens du bord. Ce n’était jamais aussi bon qu’une April avec l’accès aux cuisines, les ustensiles et les bons produits. Mais il se démerdait plutôt bien, avec le temps et les erreurs.

Et puis, alors qu’il terminait de ramasser les baies, il entendit du bruit dans les fourrées. Un bruit fort, franc et rapide, signe que quelqu’un courrait. Le jeune homme s’agenouilla rapidement pour se dissimuler dans la nature et essaya d’obtenir une bonne vue. Peine perdue au début…
Mais avec le boucan de cette course, une véritable fuite en avant, il finit par comprendre que l’inconnue arrivait droit sur lui. Il se demandait même si c’était une femme d’ailleurs, optant davantage pour un sanglier vu le vacarme. Alors il s’empara de son arme et la pointa en avant, persuadé qu’on l’avait découvert. Soudain, une sauvage débarqua d’entre les taillis. Une brune, le visage cassé, les fringues déchirées, la peau couverte de sang. Elle poussa un cri en découvrant Max qui la pointait de son étrange objet. Prise dans son propre élan, elle glissa et s’effondra sur le sol. Elle venait de disparaître, avalée par la végétation. Il ne restait de sa présence plus que des plaintes et le bruissement des fourrées.

« Vraiment trop bizarre, cette planète... » nota Max pour lui-même.

Il décida d’approcher un peu, essayant de comprendre pourquoi la fugitive ne se relevait pas. Elle s’était prise les pieds dans des racines d’apparence très souple et elle était salement empêtrée dedans. Le soldat n’avait pas de mal à se souvenir de l’embuscade de la veille. Il se demandait encore s’il avait une victime en face de lui ou un nouveau piège bien rodé pour le surprendre.
« Ne bougez pas ! » menaça Max tout en regardant autour de lui.
« J’vous troue la peau sinon ! »


eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Lyanna
Guerrière
Planète Kirana
Bannière perso (image 901x180px) : La ruine d'Amarielle 1562430542-image-profil
√ Arrivée le : 14/07/2018
√ Nationalité : Kiranienne

√ Gène : ATA
√ Messages : 179

Mer 27 Jan - 21:32

Lyanna

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna

Pendant ce temps, du côté de Lyanna, alors qu’elle sentait ses nausées se calmer un peu, elle suivait le retour de Jim sur le canal. Eoguelle avait visiblement pris le parti de Darren et s’était confrontée au bourreau de ce dernier. Son argument était légitime. En usant à ce point leur nouvel esclave, elles n’en retireraient rien. Le champ qu’il avait entièrement défriché était un bel exemple de sa capacité de travail, exemple qu’il ne pourrait pas reproduire dans l’état où elle le mettait.
Jim voyait que ça ne plaisait pas. Mais s’il y avait une chose qui semblait convaincre l’esclavagiste, c’était bien son apport continu en pâtisseries. Et s’il n’y avait plus de force de travail, alors il n’y aurait plus de cultures, et plus d’argent pour acheter les précieuses matières premières. A l’inverse, le nouveau champ disponible sonnait comme de nouvelles richesses, et plus de bouffe.
Palie avait fini par abdiquer, lui donnant raison avec beaucoup de difficulté.
//Darren et notre alliée quittent la ferme en chariot.// conclut Jim. //Il va bientôt reprendre contact.//

Lyanna soupira de soulagement en apprenant cette nouvelle. Sans se soucier de Max qui était toujours à l’extérieur, elle resta assise, adossée contre la paroi. Et effectivement, lorsque l’attelage disparut du champ de vision des esclavagistes, la voix de Darren revint sur les ondes, ce qui arracha un sourire chez la jeune femme. Son timbre était toutefois devenu plus grave, signe d’une intense fatigue et d’une difficulté à se concentrer.
// Vous entendre causer toute la nuit. Ça a vraiment été une expérience intéressante ! // blagua-t-il.
//Content de t’entendre, soldat. Comment vas-tu ?//
// Et ben, j’avoue que j’ai eu un coup de mou hier...là, j’ai l’impression d’être retourné en manœuvre. Qu’on m’a roulé dessus, émietté, et dispersé aux quatre vents. J’serai capable de dormir, les yeux ouverts, tout en te parlant...mais ça va. //
Darren souffla, visiblement soulagé d’avoir quitté la ferme.
// A l’époque, je trouvais que les instructeurs nous poussaient trop loin. Mais maintenant, j’ai bien envie d’aller leur offrir une bière. Cette tarée est en pleine croisade. Mission : me pousser à l’adultère ! Je paie pour mon capital séduction !! //
//Quelle est la situation là-bas ?//
// J’inspire les autres. Ils n'ont jamais vu quelqu’un leur tenir tête comme ça, surtout après les punitions en série. J’ai eu le temps d’échanger quelques mots. Ça devient bon, il y a de la résistance dans l’air Jim ! //
//L’équipe deux ne sera pas de retour avant la prochaine nuit. Tu penses pouvoir en tenir une de plus ?//
// Bien sûr, sergent ! Elle a de l’idée dans ses punitions. Dans le puits, au bout d’une corde de pendaison. J’ai hâte de savoir ce qu’elle me prépare pour le prochain tour ! // ironisa le soldat, toujours aussi blagueur.
Jim en sourit, ça s’entendait à son expiration dans la radio.
//Bien dit, soldat. Je vais en profiter pour fermer les yeux. Tu m’appelles à ton retour ?//
// Ouais. Eoguelle m’emmène au village. Elle va me laisser dormir pendant ses courses. J’ai le droit à une heure, deux peut-être. //
//C’est noté. Récupère un maximum, tu n’auras rien d’autre jusqu’à ce qu’on arrive en renfort.//
// Ok, mais...est-ce que je peux joindre ma femme sur canal privé ? //

Jim n’y tenait pas vraiment.
D’un point de vue purement objectif, il préférait que son soldat dorme un maximum durant cette armistice. Darren avait été tenu à l’écart de sa compagne très longtemps et il ne verrait pas le temps passer. C’est bien pour ça que ce dernier lui demandait la permission d’ailleurs. Pour que Jim ne le surprenne sur un autre canal en train de tailler la bavette au lieu de reprendre des forces pour la prochaine torture.
//Une demi-heure max, canal deux. Lyanna, c’est votre responsabilité. Vous coupez la com passé ce délai, j’insiste !//
// Reçu ! //

Lyanna voulut ne pas écouter Jim. Entendre et parler avec Darren lui ferait un bien fou, et trente minutes était un délai bien trop court. Cependant, elle savait que son compagnon avait besoin de dormir, afin de récupérer de cette horrible nuit blanche. Elle consentit en silence à cesser de parler avec Darren dès que le temps serait écoulé, même si c’était à contre-cœur.
//Lyanna, vous faites oui de la tête ?// questionna le sergent qui n’avait toujours pas de réponse.
//Oui, c’est reçu// lança Lyanna sur un ton un peu agacé de devoir obéir à une telle chose.

Toujours dans l’attelage qui l’amenait au village, appréciant le respect et la distance qu’Eoguelle prenait, le militaire passa la fréquence. Il savait que son amour avait suivi la conversation et qu’elle avait dû basculer sur le canal encore plus rapidement que lui. Darren était tellement épuisé qu’il n’y arrivait pas au toucher. Il avait dû retirer son oreillette, repérer le dispositif à l'œil puis se concentrer. Il ne savait même plus sur quel canal il se trouvait et s’y reprit à deux fois avant de tomber sur le bon.

// Alors...alors... //
Il se racla la gorge. Darren avait profité de ce temps de calvaire pour rédiger mentalement une petite attention. Tâche très ardue. Il s’estimait très peu créatif à l’origine. C’était encore pire avec la fatigue.
Mais peu importe, il s’arma de sa voix la plus charmante, essayant de se montrer un brin dragueur. Puis il récita avec mélodie :

// Lyanna…
Tu es l’ange de mes nuits.
Toi que tous les hommes fuient.
Et dont, pourtant, je me languis.
Sache que tu es mon grand amour, tu es ma vie.
J’te croquerai bien comme un petit biscuit.
Ta beauté, ton corps et ton esprit m’ont séduit
Demain, avant minuit.
On sera de nouveau réuni !//


Le sourire de Lyanna s’agrandit en écoutant la voix, mais également au poème que lui lançait Darren. Elle se mordit la lèvre, profitant de cet instant intime avec ce mâle qu’elle aimait, et qui lui manquait énormément.

//Je ne savais pas que tu étais capable d’une telle prouesse. Je te remercie, c’est magnifique.//

La guerrière appréciait beaucoup l’attention de son amant pour elle. Mais malgré cet enthousiasme à lui réciter un poème qu’il avait dû mettre toute la nuit à inventer, Lyanna sentit l’épuisement dans la voix de Darren. Et son inquiétude grandit à mesure que son chemin l’éloignait de lui.

//Tu tiens le coup ?//
// Je vais bien, ne t’en fais pas. // répondit-il doucement. // Je suis un guerrier et j’ai été bien entraîné. J’ai connu des moments plus terribles que ça. //
Il laissa un petit instant de silence avant d’ajouter avec humour.
// Comme séduire une brune colérique qui voulait me saigner par exemple. Ca c’était sportif ! //
//Effectivement, après avoir survécu à cet exploit, tu es capable de tout affronter.// lança Lyanna avec le même trait d’humour que son compagnon, pour détendre l’atmosphère.

La guerrière se mordit la lèvre, avant de reprendre, nostalgique.

//J’ai hâte qu’on se retrouve. Je me languis de toi, si tu savais.//
// Même punition pour moi ! // avoua Darren. // Il faut croire qu’on a passé trop de temps ensemble. A peine séparé par le travail qu’on ne supporte pas ça. //

C’était un sentiment assez étrange qu’il avait retrouvé chez des couples de militaires mariés (pas la même armée). Ils avaient beau être aussi solides l’un que l’autre, ils ne supportaient pas leur absence mutuelle en mission et se faisaient un sang d’encre. C’était leur situation, exactement.

Quoique, Clive aimait plutôt bien l’idée que sa petite brune soit animée de cette crainte pour lui. Le vivre était certes assez déplaisant mais sacrément flatteur pour celui d’en face. Il avait la sensation qu’elle devenait de plus en plus une femme en vivant son couple et de moins en moins la guerrière sèche et vindicative.

// Dès qu’on aura réglé le problème à la ferme et viré les deux cinglées. Je commence par manger un bout : avec toi ! Je prends un bain : avec toi ! Je fais l’amour comme une bête : avec toi ! Et je dors la tête posée sur toi, bon sang ! On ne se sépare plus !!! //
Il évacua sa frustration d’un souffle.
// Tu le trouves comment ce plan ? //

Lyanna réfléchit quelques secondes. Bien sûr que oui, elle trouvait ce plan génial.

//J’adore cette idée. Toi et moi, rien que tous les deux, sans personne pour nous séparer ou nous embêter//

Cependant, il y avait une petite ombre au tableau que la jeune femme s’empressa de faire part à Darren en soupirant de frustration.

//Cependant … j’en connais un qui ne sera pas d’accord avec ton plan//
// Entre le moment où on aura libéré la ferme et celui où on repartira à la recherche d’April, on sera libre comme l’air ma chérie. Fais-moi confiance ! Non seulement on va se retrouver mais on va aussi régler nos comptes discrètement. Par contre...tu me laisses tes épées au fourreau !// promit-il, amusé. // Sinon...Max. Elle lui pose vraiment un problème cette fameuse louve. Je comprends que tu ne l’aimes pas trop mais...il va vraiment se faire flinguer s’il essaie quelque chose ? //

Lyanna fut amusée par les premières paroles de Darren, et elle avait hâte que ce moment arrive.

//Laisser mes épées au fourreau ? Alors il faut espérer que personne ne vienne nous importuner. Je ne te promets rien//

Lorsque la conversation dériva sur Max et son amour interdit, le sourire de Lyanna s’effaça.

//Je ne sais pas. Mais ses façons de procéder sont dangereuses. Rappelle-toi comment j’étais avec toi, au tout début. Tu as eu l’impression qu’un bouquet de fleurs ou qu’un repas bien calorique allaient me faire fondre ? Et puis ...//

La guerrière s’interrompit quelques secondes, avant de reprendre.

//Je n’ai jamais rencontré de femmes aussi hostiles envers les mâles ailleurs que dans ma tribu. Elle a voulu le castrer avec son arme alors qu’il avait voulu récupérer sa montre volée. Et à un moment, on a tenté de communiquer, elle est devenue totalement hystérique rien que par ta présence, toi un mâle. Tu penses vraiment que Max ne va pas s’en prendre une s’il tente ne serait ce que de l’approcher ? Elle n’est pas simple du tout, son histoire. Et j’en sais quelque chose//
// En fait, je ne te demandais pas conseil de séduction. C’était pour être sûr de ce qu’il pourrait se passer. Vous allez croiser l’auberge en revenant. Je connais le numéro, il va y aller pour la rencontrer... //
Darren grimaça. Il savait quel effet il allait produire à sa prochaine phrase.
// Il va falloir que tu le gardes à l'œil au retour. Et que tu l’empêches de faire le con... //

L’idée ne plaisait pas du tout à Lyanna. Elle n’avait pas envie de veiller sur Max, pas de cette manière. S’il voulait faire l’idiot, qu’il le fasse, cela ne la regardait pas. Mais elle savait parfaitement que Darren ne serait pas du tout de cet avis.

//Et comment veux tu que je garde un oeil sur lui ? Je pourrais le frapper s’il ne m’écoute pas ?//
// On ne frappe pas ses équipiers de combat ! // rétorqua immédiatement Darren. // Sérieusement, je comprends que tu n’as pas envie de faire la nounou. Mais s’il arrive quelque chose à Max, on aura un élément de moins dans l’équipe pour retrouver April. //
Il se creusa la tête pour trouver une raison qui motiverait vraiment Lyanna. Généralement, c’était comme ça qu’il parvenait à la convaincre. Darren ne chercha pas bien longtemps.
// Et puis s’il est blessé...il faudra le soigner, veiller sur lui, le rapatrier. Donc notre fameux moment à deux pour nos retrouvailles... //
Il laissa sa phrase en suspens, laissant sa belle comprendre la suite.

Lyanna ne mit pas longtemps avant de comprendre le sous-entendu de Darren. Ce dernier lui donnait des arguments pour la convaincre de veiller sur Max vis à vis de sa rencontre avec la dangereuse guerrière, mais le dernier était plus équivoque. Ça la concernait. La jeune femme soupira, abdiquant.

//Bon d’accord, j’essaierais de l’empêcher de faire une bêtise. Même si je sens que ça sera difficile, il est aussi borné que toi.//
// Il a bon fond. Même si tu ne veux pas le reconnaître. // affirma Darren.
Il se mit à bailler.
// On est presque arrivé, je vais me planquer dans l’entrepôt dès que tous ces chariots seront partis. //

Les trente minutes allaient bientôt être atteintes, et Lyanna redoutait ce moment où elle devrait couper le contact avec Darren pour le laisser dormir. Elle aurait bien voulu rester encore un peu plus longtemps avec lui, mais c’était impossible. Pour le moment. Et puis, la jeune femme était tellement plongée dans sa discussion avec son compagnon qu’elle en oubliait que Max n’était pas encore revenu. Il lui fallait autant de temps pour ramener du bois mort ?

//C’est l’heure de se séparer. Il faut que tu te reposes. Et je ne sais pas où est passé Max, je vais devoir aller le chercher//
// Hm...tu deviens sérieuse... // la taquina-t-il mollement.
//C’est parce que je m'inquiète pour toi//

Le soldat luttait pour rester éveillé, maintenir le contact avec sa compagne maintenant qu’il pouvait lui parler. Mais c’était peine perdue. Il ne relevait même pas pour Max tant il naviguait entre deux eaux.
// Chérie ? // l’appela-t-il après un petit instant, se demandant si elle était partie. // Merci de m’avoir tenu compagnie cette nuit. Je sais bien que tu n’es pas la pro du monologue. J’aime beaucoup ta voix dans la radio. On dirait... //
Sa phrase ne s’était pas terminée. Le soldat s’était endormi au beau milieu de son compliment.

Lyanna secoua la tête quand Darren le remercia de lui avoir tenu compagnie pour éviter qu’il ne s’endorme cette nuit. Si elle avait pu, elle aurait préféré être avec lui à la ferme, plutôt qu’à plusieurs kilomètres. Cependant, si la jeune femme avait été à la place de Jim, elle aurait foncé immédiatement au secours de son amant. Même si cela voulait dire faire échouer leur mission pour libérer les esclaves. Cruel dilemme. Lyanna sourit aux paroles du militaire, et elle fronça les sourcils en attendant la suite de la phrase. Il manquait quelque chose, mais Darren ne semblait pas vouloir continuer.

//On dirait ?// répéta-t-elle pour que le soldat continue.

Mais en guise de réponse, il lui sembla entendre un ronflement. Darren venait de s’endormir au milieu d’une phrase, ce qui fit doucement rire Lyanna. Son compagnon était vraiment fatigué. La guerrière le laissa dormir, et changea de canal pour revenir sur le canal principal. Elle pouvait appeler Max pour savoir où il était, mais elle préférait se lancer à sa poursuite. Après s’être levée, ses armes en main, la jeune femme quitta le grotte et partit à la recherche de Max.

Rechercher quelqu’un dans les bois représentait une tâche complexe. Même si l’Amazone n’était pas spécialisée pour pister dans la nature, elle savait néanmoins quelle direction avait pris Max. Elle pouvait tenter de la suivre et de retrouver des traces suffisamment évidentes pour savoir ce qu’il se passait.

Cela lui demanda beaucoup de temps. Presque une heure dont l’absence de signe de vie de l’Atlante, et le néant sur le canal radio, prouvaient bien qu’il s’était produit quelque chose. Mais enfin, alors qu’elle n’y croyait plus, Lyanna tomba sur un large morceau de tissu au sol. C’était celui qu’il utilisait pour essuyer ses gamelles après le repas. Il y avait des baies à l’intérieur, laissant à penser que le jeune homme faisait la cueillette jusqu’à ce que quelque chose le force à tout lâcher.

Il ne semblait pas y avoir de signes de lutte ni de traces de sang. Pas d’équipements abandonnés non plus. Mais en y regardant de plus près, l’Amazone découvrit que le tissu était taché par les baies en prenant une forme particulière. Une empreinte de chausses, imprimée à cause de la pression et du jus. Ca n’avait rien à voir avec une semelle de rangers d’Atlante. Quelqu’un d’autre s’était trouvé là.

Peu à peu, Lyanna découvrit la direction que prenait ces traces de pas. Étrangement, la baie avait une réaction sur la nature environnante, produisant une petite lueur orangée qui faisait tâche dans le tableau terne. Celle qui avait marché dedans produisait un véritable jeu de piste sur sa route. Cela éloigna davantage Lyanna de leur camp pour s’enfoncer plus profondément dans le bois. Elle croisa diverses cultures, signature de Freida, puis finit par entendre les bribes d’une conversation. Elle approcha rapidement d’habitations dissimulées dans la nature.

« Parle, sale mâle ! Ou bien c’est la mort ! »
« Ta mère t’a chiée au lieu de te faire !!! »

Lyanna stoppa son avancée en entendant les deux voix, surtout celle du militaire. Après avoir repéré la direction, elle s’approcha lentement, restant dissimulée, afin d’espionner sans être vue.
Alors qu’elle trouva ce qu’elle était venue chercher, Max se prit un nouveau coup de poing au visage.
Au milieu d’un petit camp, amoncellement de cabanes et de huttes de fortune, ont lui avait lié les poignets et tendu les cordes de part et d'autre. Il se retrouvait donc légèrement écartelé, le dos collé contre un rocher formant un promontoire. Chacun de ses gestes faisaient tomber de la terre et des feuilles sur sa tête. Au-dessus, c’était une réserve d’humus qu’une activité humaine avait cumulée.

Pourquoi ?
Lyanna eu la réponse en remarquant sur quoi se tenait Max. C’était un lit d’ossements humains. On y trouvait encore quelques crânes, de diverses dimensions, des dents, des phalanges. Tout ce qui n’était pas utile était jeté ici comme détritus. Pour que la mauvaise odeur évite d’alarmer de probables voyageurs, l’humus servait de barrière olfactive.

Une demi-douzaine de femmes s’étaient réunies autour du prisonnier. Les ossements des victimes qu’elles avaient dévorées depuis leur servaient d’armure. Avec du tissu, les tibias, fémurs et autres avaient été joints pour faire ces protections. Pour deux d’entre elles, des voûtes crâniennes plus grandes leur servaient de casques. C’est la leader qui était la plus sauvage et la plus glauque. Elle portait un collier de dents et des boucles d’oreilles en os.
Cette dernière lui saisit la mâchoire pour l’obliger à la regarder.

Lyanna serra ses épées dans les mains, elle voulut sortir de sa cachette pour aller aider Max. Après tout, Darren lui avait demandé de veiller sur lui, même si elle n’en avait pas envie. Cependant, foncer dans le tas ne serait pas judicieux. Elle examina d’abord la scène, patientant le temps d’analyser la situation.

« Tu vas donner ta semence, maintenant ! »
« J’peux pas ! T’as une face de moule avariée ! Et tu pues de la gueule en plus, mon Dieu !!! »

La cheffe lui envoya un nouveau coup, cette fois au foie. Elle avait bien visé, Max fut surpris par le choc et ouvrit la bouche en grand, essayant de récupérer son souffle. Il toussa douloureusement et se redressa lentement.
« Nan mais...c’est pas comme ça….qu’tu vas... »
« Mâle ! Je perds patience ! » gueula-t-elle en plaquant une lame sous sa gorge.
L’arme avait été faite à partir d’ossements humains. D’ailleurs, à y regarder de plus près, la petite bande était entièrement équipée de masses, de lances et divers armes faites en os.

Max ne paniquait pas, tirant sur ses liens pour se redresser davantage et chercher à échapper à la lame. Depuis le début, la matriarche le prenait pour la poule aux œufs d’or.
« Tu vas toutes nous ensemencer, même les petites ! Sinon...nous te mangerons. »
« J’ai mauvais goût, savez...et j’suis plein de pus ! »
« Il a dit du pus ?!? Par les Dieux !!! » s’écria une femme dans la troupe. « Et s’il répand la peste ?!? Non, je ne veux pas qu’il me touche ! »
« Tais-toi, Freida ! Tu feras comme les autres ! Et si quelque chose sort de ton ventre, tu pourras le vendre et tu deviendras riche. Comme nous toutes !!! »

En entendant le nom, l’attention de Lyanna se porta tout de suite sur Freida, la femme qu’elle était venue chercher. Alors, elle était ici, avec ces cannibales ? Cela n’allait pas arranger les affaires de la guerrière. La matriarche en revint à Max.
« Tu vas donner ce que j’exige ! Ta semence ! »
« Ouais mais...j’ai des pannes là ! Y’aurait pas la louve dans le coin ? J’serai trop partant ! »
Il se prit une nouvelle série de coups.

Freida n’était pas habillée comme les autres. Clairement, elle ne semblait pas partager l’utilité et le déguisement à base d’ossements. Mais elle était clairement intégrée dans ce clan. Parce qu’elle ne voulait pas enfanter, contrairement à toutes les autres qui comptaient déjà des richesses inexistantes, elle s’imposa entre deux gifles de la matriarche :
« Guide ! Epargnez-moi cette épreuve et je vous donne la solution. Je connais un moyen de prendre la semence en se passant de sa volonté. »

La déclaration de Freida causa une levée de reproches à son encontre mais elle avait capté toute l’attention de la cheffe du groupe. La matriarche ne savait visiblement pas comment un homme fonctionnait, ne connaissait strictement rien de la sexualité. D’ailleurs on voyait bien à son regard qu’elle ne savait plus comment s’y prendre. Elle avait la pression et ne voulait pas perdre la face vis à vis de son clan. Pourtant, elle croyait qu’un mâle pouvait venir sur commande comme le bétail. Alors quand Freida lui proposa une solution alternative, elle ne pu qu’accepter.
« Allongez le mâle sur une paillasse, sur le dos. Asseyez vous sur lui pour le chevaucher. Puis faites le mouvement comme sur un cheval. A force, son membre va se durcir. Bandez-lui les yeux sinon. Vous le sentirez en vous. Et lorsqu’il l’aura fait, vous le sentirez aussi. »
Les femmes de la tribu se regardèrent toutes, plutôt impressionnées par cette technique. On aurait cru que Freida venait de dénoncer la pratique du feu avant que ça ne soit véritablement découvert.

Ce système parlait également à Max. Darren lui avait parlé de la culture de sa compagne et, s’il ne connaissait pas les détails de la vie intime de son collègue, les similitudes étaient trop proches pour que ce soit une simple coïncidence. C’était la pratique de reproduction du monde de Lyanna.
Donc, par cheminement de pensées, Max éclata de rire devant une assemblée médusée.
« Ah ok ! J’ai compris !!! C’est Lyanna qui vous a embauché pour me faire ce sale coup ! » lâcha-t-il hilare. « Ah ben c’est réussi. Bon le coup des os et tout, c’était p’t’être un peu trop. Mais j’avoue que j’y ai cru. Vous me libérez maintenant ? Ou vous m’amenez la louve ? »

Un nouveau coup de poing le fit taire.
Max n’était pas le seul à avoir fait le lien entre les paroles de Freida, et les coutumes de la Kiranienne avec les esclaves mâles. Cela fit froncer les sourcils de Lyanna, intriguée. Pourquoi Freida parlait-elle de cette technique ? Comment la connaissait-elle ?

La matriarche gueula alors :
« AMENEZ LA PAILLASSE ! »
Et les six femmes du groupe entreprirent de le détacher pour l’allonger de force sur le dos, le séparant déjà de ses premiers vêtements.
« Hé mais déconnez pas !!! OHHHH ! STOOOOP !!! »

Et voilà que Max se retrouva allongé par terre, déjà à moitié dévêtu. Ces femmes n’y allaient pas de mains mortes, le pantalon avait rapidement été baissé. Les voilà maintenant qui s'apprêtaient à descendre aussi le caleçon pour chevaucher le militaire. Lyanna décida d’intervenir à ce moment-là, sortant de sa cachette, épées en mains. Elle s’approcha lentement du groupe, pendant que Max vivait un vrai calvaire.

"ARRÊTEZ !!!"

Lyanna s’arrêta, regardant l’assemblée. Chaque femme la fixait, se demandant qui osait les interrompre dans leur tâche. La guerrière les dévisagea l’une après l’autre, avant de poser son regard noir sur la matriarche.

"Ce mâle est à moi, il m’appartient !"

Cette dernière, qui s’était offert le droit de chevaucher en premier pendant que les autres retenaient Max, conserva sa position sur lui.
« Il était sur nos terres et nous l’avons capturé ! Il est à nous maintenant ! » Elle balaya l’air de sa main pour lui donner l’ordre de dégager.
« PUTAIN !!! LYANNA, C’EST PAS DRÔLE ! DIS A CETTE MOMIE DE DÉGAGER DE MON BASSIN !!! »
"TAIS TOI, MALE !!!"

Lyanna s’était adressée à Max comme s’il était vraiment sa propriété, afin de l’aider à convaincre les autres. Puis, elle reporta son attention sur la matriarche qui avait déjà commencé à chevaucher le militaire.

"Il était avec moi, c’est vous qui l’avez volé. Je viens récupérer ce qui est à moi !"

La guerrière réfléchit quelques secondes, avant de reprendre la parole en désignant Max. Elle avait bien compris à qui elle avait à faire, ce qui l’aida à trouver des idées pour empêcher ces femmes de s’en prendre au soldat.

"De plus, vous n’avez pas bien choisi votre cible. Ce mâle est infécond, il ne vous servira pas à avoir de descendance. Il ne vaut rien. Et il est malade, il pourrit à l’intérieur. Le manger causera votre mort de façon très douloureuse".

Lyanna arrivait à capter l’attention des autres femmes soudainement devenues bien moins sûres d’elles. En réalité, la prestance de Lyanna, sa stature de combattante et ses armes en main ne trompaient pas sur ses capacités martiales. Le groupe commençait déjà à se retirer doucement, avec un début de déprime, permettant à Max de ramener ses bras et ses jambes dans l’espoir d’échapper à la matriarche.
Mais contrairement à toutes les autres, celle-ci veilla à faire peser tout son poids sur le militaire. Elle le choppa par la gorge en y plantant ses ongles et le contraignit à rester au sol.
« Infécond, malade et pourrissant ! » répéta la matriarche avec un sourire démoniaque. « Alors pourquoi accompagne-t-il une guerrière si bien vêtue et armée ? »
Elle regarda son groupe.
« Moi, je crois qu’il est très fécond. Et tu ne veux pas partager, étrangère ! »
Quelques murmures montèrent dans les rangs. L’appât du gain remporta la bataille, ce qui conduisit les femmes à former peu à peu un mur devant Lyanna, lui refusant Max. Avec un sourire victorieux, la matriarche reprit son petit travail. Mais avec de la brutalité et un manque consternant d’agilité. Max serrait les dents, sur le point de craquer et lui envoyer une bonne droite dans les gencives. Il s’en empêchait parce qu’il savait que, juste derrière, il y en avait six autres bien armées pour lui faire la peau. Et Lyanna était arrivée pour lui arranger le coup.
« Voilà ma proposition, l’étrangère ! Je vais chevaucher ce mâle ! Et si je meurs douloureusement comme tu le dis, nous te le rendrons immédiatement. »
Toujours en faisant des mouvements digne d’un phoque sur une banquise, elle tourna son visage vers Lyanna et ajouta :
« Mais si je vis, alors nous te tuerons. Nous te mangerons. Et ce mâle servira à toutes nous fertiliser !!! »
Cette affirmation reçut immédiatement l’approbation des six autres femmes, excepté Freida qui s’était reculée, n’acceptant pas vraiment la situation. Elle semblait rester neutre et détachée. Lyanna dévisagea chacune des femmes qui étaient prêtes à en découdre avec elle. La guerrière resta calme, avant de regarder la matriarche qui se déhanchait sur Max avec une absence totale de grâce.

"Tu mourras avant d’en arriver là !"

Puis, la jeune femme regarda les autres, imposant sa prestance de guerrière à chacune d’entre elles. Si ces dernières voulaient se battre, alors soit.

"Je suis chef de guerre, je me bats depuis mon enfance. Vous avez le choix entre partir et sauver votre vie … ou me défier, et mourir !"

Lyanna s’interrompit quelques secondes, avant de reprendre, son regard balayant l’assemblée. Les opposantes avaient beau avoir le surnombre, elles étaient clairement intimidées par l’Amazone.

"D’ordinaire, je ne touche pas aux femmes. Mais si vous vous dressez contre moi, je vous considérerai comme mes ennemies. Et je vous tuerais".

Comme pour montrer l’exemple de son adresse, elle fit quelques moulinets menaçants avec ses épées. Seules ses mains bougeaient. Puis, Lyanna pointa la matriarche d’une lame, sans quitter les femmes des yeux.

"Votre chef va mourir dans quelques minutes. Voulez vous vraiment perdre votre vie en lui obéissant ?"

Manifestement pas. Les guerrières canibales commencèrent doucement mais sûrement à s’écarter, ouvrant le chemin sur la matriarche. Prises entre deux feux, elles ne voulaient pas désobéir à leur guide spirituel. Mais en même temps, la démonstration d’agilité et de technique de Lyanna prouvait clairement qu’elles ne faisaient pas le poids. Aucune de ces combattantes n'avait la vitesse, la fluidité et la maîtrise de ces armes. Donc malgré le respect pour le chef naturel, le subconscient forçait des petits pas en arrière qui finissaient par payer pour Lyanna. Cette dernière resta calme, gardant son regard fixé sur les autres femmes, tout en avançant à mesure que ces dernières reculaient.
« COMMENT OSEZ-VOUS ! » vociféra la matriarche. « VOUS TOURNEZ LE DOS A VOTRE MERE ! A LA FORTUNE ! AU CONF...EURGLLLLLLL !!! »

Max venait de profiter de la situation. Lyanna accaparait tant le reste du groupe - ces dernières ayant trop peur pour lui tourner le dos et regarder la matriarche - que le militaire avait agi d’un geste vif. Lyanna avait été la seule à percevoir l’éclat du poignard de combat plonger en plein dans la gorge de la cheffe et en ressortir dans un jet inquiétant d’hémoglobine. Aussitôt, Max avait planqué le couteau sous son dos et la matriarche s’écroulait au sol, gesticulant des jambes et du reste du corps dans une supplique silencieuse. Elle finit par grincer longuement de la gorge avant de s’éteindre.
Ahurie, toutes les femmes regardèrent le résultat. Plus le mensonge était gros, plus il passait. Aucune d’elles ne songea à une possible attaque. Les regards angoissés revenaient alors sur Lyanna. Toutes craignaient que le malheur ne tombe ensuite sur elles. Il y en avait une qui s’était même agenouillée.
Seule Freida restait là, les bras croisés, en toisant Max d’un air sombre. Ce dernier se débarrassa de ce poids mort à la hâte. Le corps de la matriarche cessa de faire écran et révéla la virilité de Max, toujours allongé sur le sol.

Lyanna regarda le militaire toujours à moitié dévêtu, ses yeux se posèrent sur le membre flapi qui manquait d’excitation. La matriarche s’y était mal prise, elle aurait pu continuer longtemps comme ça sans rien recevoir de la part de Max. Lyanna détourna les yeux en secouant la tête, et regarda le jeune homme.

"Dépêches toi de te rhabiller, avant que mon épée ne passe trop près de ça" lui lança-t-elle en désignant son sexe du bout de sa lame.

Max repoussa rageusement la pointe de l’épée, gêné par cette situation humiliante. Il remonta rapidement son pantalon puis s’éloigna du groupe en gueulant à l’Amazone :

« J’vais me passer du désinfectant !!! J’suis sûr qu’elle m’a filé une merde ! La lèpre du gland ou un truc comme ça ! J’reviens !! »

Lyanna regarda Max partir, puis elle reporta son attention sur le groupe de femmes apeurées.

"Partez ! Et que je ne vous revoie plus !"

Il n’en fallait pas plus. Le reste de la tribu détala comme un troupeau pourchassé par les fauves. Elles abandonnèrent leurs armes dans un excès de crainte et disparurent en l’espace de quelques instants.
Freida avait été retenue par l’Amazone.

"Pas toi. Je suis ici pour te voir, je te cherchais".
« Vous n’auriez pas dû les chasser ! » répliqua aussitôt Freida, fixant l’endroit où la dernière femme venait de disparaitre. Elle n’avait pas pris en compte l’information que l’Amazone venait de lui donner. « Elles vont très vite croire cet endroit maudit. Je vais avoir beaucoup de mal à retrouver leur prochain camp. »
Sans attendre, Freida tourna les talons et se dirigea vers une petite hutte en bois mort. Elle passa la main dans la toiture de végétation sèche et en ressortit une petite sacoche. Il y avait un carnet à l’intérieur, il se révéla couvert d’inscriptions et de notes.
« Je dois tout recommencer... »


eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Invité
Invité

Mer 27 Jan - 21:55

avatar

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna


Lyanna fronça les sourcils en écoutant Freida qui regardait son carnet.

"Tout recommencer ? De quoi parles tu ?"
« De tout ça, de ma présence ! » lâcha-t-elle en récupérant un petit morceau de fusain au fond de sa sacoche. Elle entreprit de rédiger des notes sur une page vierge. Sa façon d’inscrire des termes aussi rapidement trahissait une longue habitude. Et puisque c’était dans la même langue qu’elle employait pour communiquer, Lyanna n’eut aucun mal à lire : “Procédure interrompue. Échec catastrophique. Cause : Lyanna. Ressemble à la Corsaire, n’est pas cette personne.”

Lyanna continua de lire jusqu’au bout, ne s’offusquant pas sur le fait qu’elle était considérée comme la personne qui avait mis en échec ce projet. Mais un détail attira son attention : Freida parlait de la Corsaire. Elle connaissait April ? Savait-elle où elle se trouvait ?

Freida avait espéré que l’Amazone finisse par se lasser de son silence et tourner les talons. Mais puisqu’elle était toujours là et qu’elle semblait capable de lire ses notes, chose tout à fait inhabituelle, la paysanne baissa les épaules dans un signe de reddition.
« Les Véshyls sont très sauvages. J’ai été intégrée dans leur clan par diverses mésaventures. J’essaie depuis de nombreuses lunes de changer leurs habitudes. Je leur apprenais l’agriculture ! »
Freida lui adressa un regard chargé de reproches.
« Si seulement vous n’aviez pas fait ça, avec ce mâle puant, les Véshyls auraient cessé de manger les réfugiées. Cette route serait devenue sûre ! »
Lyanna se retint de dire que, de ce qu’elle venait de voir, ces femmes n’étaient pas prêtes de changer leurs habitudes. La mauvaise foi de Freida semblait limitée. Son regard se mit à trahir le fait qu’elle ne pensait pas cette accusation et elle secoua la tête.
« Excusez-moi. Je suis vexée d’avoir perdu tout ce temps vainement. Je m’appelle effectivement Freida et je devrai plutôt vous remercier. Sans vous... »
Elle tourna son regard vers Max. Le militaire était plus loin, de dos. Ses mouvements rapides et francs indiquaient qu’il se nettoyait activement.
..
Ou qu’il faisait autre chose. La scène était suffisamment dérangeante pour que Freida se déplace.
« On m’aurait contrainte à laisser sa chair me salir. Vous êtes intervenue à temps ! »

Lyanna comprit les paroles de Freida. Si elle n’avait pas été avec Darren aujourd’hui, elle aurait sûrement eu le même sentiment à l’égard de Max.

"Il est avec moi, je n’allais pas laisser ces femmes faire ce qu’elles voulaient de lui".

La guerrière regarda également Max qui leur tournait le dos, puis elle reporta son attention sur Freida. Le temps continuait de tourner, et le sort de son compagnon la préoccupait au plus haut point. Inutile de perdre davantage de temps.

"Je suis sûre que ton travail ici est important pour toi. Mais, est ce que l’idée de récupérer ta ferme avec Eoguelle t’intéresserait ?"

Lyanna dévisagea Freida, s’attendant ce que plusieurs termes dans sa question attireraient son attention. Elle fit même un signe de tête dans la direction où les Véshyls avaient disparu.

"Tu pourrais même finir par les engager pour travailler aux champs si tu veux rendre cet endroit meilleur pour tout le monde".

Mais en réalité, Freida en resta interdite un petit instant. Elle n’eut strictement aucune réaction, fixant Lyanna tout en se demandant si elle n’était pas devenue folle. Et puis, le contenu de sa question tourna dans son esprit et elle déduisit plusieurs éléments. Celui qui eut le plus d’importance, c’était le nom de son ancienne compagne. Son attachement toujours très fort voulu qu’elle se pose une main sur le cœur exactement de la même façon, comme lorsque Lyanna s’était entretenue avec Eoguelle en prononçant le nom de son interlocutrice.
« Seigneur ! Comment...que...est-elle...en bonne santé ? Vous l’avez vue ? Elle... »
Maintenant, c’était le déluge. Eoguelle semblait ressortir d’un cauchemar éveillé à mesure qu’elle prenait conscience de la révélation de Lyanna. Son amour disparu, la ferme, la bonté, le travail honnête.
« Je...je lui ai envoyé nombre de lettres. Je n’y ai jamais eu de réponse. Je l’ai cru morte. Vous...vous m’assurez qu’Eoguelle est…? »

Devant la réaction de Freida qui se montra pressante avec ses très nombreuses questions, Lyanna leva les mains devant elle, comme pour lui demander de se calmer.

"Elle va bien, j’ai discuté avec elle. C’est elle qui m’a dit où venir te chercher. Elle désire reprendre la ferme, avec toi".

Lyanna s’arrêta quelques secondes, avant de secouer la tête.

"Je ne pense pas qu’elle ait reçu tes lettres. Les deux autres mégères ont beaucoup d’emprise sur elle. Et la ferme est devenue un véritable enfer pour celles qui y travaillent. Mais mon équipe et moi, on peut changer les choses. Et on a besoin de que tu nous aide".

Freida ne savait plus quoi faire. Elle restait là, regardant le carnet et son fuseau encore en suspension au-dessus d'une phrase inachevée. Dans son esprit, une tempête de questions continuait de faire rage.
« Les mégères...elles m’ont chassé. Elles auraient tué l’amour de ma vie, ma raison d’être, si je revenais. J’ai cru... »
Freida secoua la tête. Elle regarda son carnet qu’elle referma définitivement, comme si elle tournait une page dans son entreprise foirée pour s’ouvrir à cet espoir.
« Pourquoi ? » dit-elle finalement. « Vous n’avez aucune raison de faire ça pour moi. Vous pourriez bien me tendre un piège ou... »
« Lyanna ? Tendre un piège ?!? » déclara Max en apparaissant soudainement. Il récupérait progressivement les pièces d’équipements qu’il avait perdu lors de son effeuillage forcé. « Elle règle ses problèmes en enfonçant ses épées dans le bide. Y’a pas de piège chez elle. »
Freida recula d’un pas, visiblement offusquée par la liberté de Max.
« Ce mâle a-t-il vraiment le droit de parler aussi ouvertement ? » demanda-t-elle à Lyanna, les yeux écarquillés.

Lyanna soupira, cela n’allait pas être entre Max et Freida. Et comment lui expliquer que le militaire n’était pas un esclave.

"Hélas pour moi, je n’ai pas le droit de lui couper la langue. Je dois faire avec".

La guerrière remarqua le recul de Freida, et elle tenta de la tranquilliser.

"Mais il n’est pas méchant. Il est simplement exaspérant. Et c’est un ami de la Corsaire".

Freida ne se montra pas surprise. Au contraire, elle acquiesça de la tête.
« J’ai reconnu ces étranges vêtements que vous portez. Je sais que vous n’êtes pas la Corsaire. Des amis...ça, je ne savais pas qu’elle en avait. »
« Hein ? La Corsaire ? » fit Max en les regardant, un peu perdu.

Lyanna se tourna vers Max, et lui répondit le plus naturellement du monde, comme s’il s’agissait d’une évidence.

"C’est April. Les femmes de cette planète lui ont donné ce surnom".
« Ah bah merci ! J’suis super content de l’apprendre que maintenant ! » ronchonna le soldat.
Il claqua de la main sur son M4, ramenant ainsi le chien qui arma son fusil. En remarquant que sa réaction ne rassurait pas la paysanne, Max soupira et s’éloigna.
« J’vais monter la garde. »
« Donc... » reprit Eoguelle en essayant de faire un lien logique. « Vous me rendez ma ferme et l’amour de ma vie...si je vous dis ce que je sais sur la Corsaire ? »

Lyanna réfléchit quelques secondes.

"Et bien … mon but premier est de libérer les esclaves de la ferme, et leur permettre de retrouver un lieu et une vie stable. Je n’aime pas l’injustice, et Eoguelle m’a confié que la ferme fonctionnait bien mieux auparavant. Mais oui, si je pouvais avoir des informations sur la Corsaire, ça serait bien".

La jeune femme désigna Max qui s’éloignait.

"Nous la cherchons. Je pense qu’elle est en danger, elle a besoin de nous".
« Oui. Elle l’est. »
Freida n’ajouta rien. Elle s’empressa de retourner dans la hutte pour empaqueter ses affaires. En arrachant une latte d’un faux plancher de bois de fortune, rien de bien fou, elle révéla une cache dans laquelle se trouvait plusieurs paquets de graines. Elle les destinait probablement à son projet des Veshyls, les dissimulant pour ne pas être volés. Maintenant, ces semences agricoles relanceraient sa ferme.
Freida avait le cœur gonflé d’espoir.
« La Corsaire est vraiment...impressionnante. Je n’ai jamais vu une femme aussi combative et déterminée. Elle n’était qu’une rumeur, une poésie que les chanteuses d’auberge citaient. Mais j’ai eu la chance de la rencontrer dans la ville d’Espérance. Je recherchais d’anciens écrits sur la culture Veshyl. »
Elle jeta quelques vêtements misérables dans une bandoulière qu’elle épaula.
« J’ai toujours su qu’elle allait au devant du péril. Elle posait sans arrêt les questions que tout le monde taisait. »
"J’ai appris qu’elle était à Espérance, et que ses questions dérangeaient".

Lyanna regarda Freida préparer ses affaires, puis lorsque cette dernière fut prête, elle l’accompagna pour rejoindre Max qui surveillait les environs. Il fallait retourner à la grotte pour prendre le reste de leurs affaires. Max fit un simple signe à Lyanna, lui indiquant qu’il passait devant pour ouvrir la marche.
Il avançait avec son M4 levé, s’attendant à de la visite. Lyanna lui emboita le pas, gardant ses épées en main au cas où, et continua de discuter avec Freida.

"D’après ce que je sais, elle enquêtait sur des faits étranges. Est ce que le mot “Amarielle” te dit quelque chose ? Sais tu ce que c’est ?"
Le mot eut un effet radical. Freida lui un signe brusque de se taire, comme si les fourrées risquaient d’entendre ce mot interdit.
« Seigneur, vous appelez la mort ! Taisez-vous ! »
Elle reprit la route, s’arrangeant pour ne pas lui montrer à quel point elle était terrifiée. En vain, Lyanna le remarqua.
« Je n’ai pas le droit. Personne n’a le droit d’en parler. La Corsaire s’y est frottée et ce n’est plus qu’une question de temps avant que sa tête vienne décorer ses contreforts. »
« Lyanna ! »
Max lui fit soudainement signe de s’abaisser. La jeune femme s’accroupit aussitôt, en tirant la veste de Freida pour qu’elle fasse la même chose. Le militaire prit une position de couverture contre un amas de végétation puis se redressa légèrement pour regarder plus loin. Le soldat se retourna. Il commença par plaquer un index sur la bouche pour intimer le silence puis il désigna son équipière, l’invitant à le rejoindre. Demandant silencieusement à Freida de rester là où elle était, la guerrière rejoignit Max en silence.
Ensuite, le militaire pointa le chemin un peu plus loin. Celui qui serpentait et qu’ils avaient quitté pour atteindre la grotte. Lyanna se redressa légèrement pour voir au-dessus des buissons, mais elle ne vit rien sur le sentier. Cela ne voulait pas dire qu’il n’y avait personne. Max ne s’était pas arrêté sans raison. La jeune femme sortit alors le détecteur de signe de vie qu’elle avait emmené avec elle. L’appareil s'alluma aussitôt grâce à son gène.

Max s’était montré plutôt surpris. Agréablement. Parce qu’il n’avait rien vu d’inquiétant. C’était plutôt un cri, un ordre de mouvement qui lui rappelait vaguement une instruction militaire. Il se pencha légèrement pour regarder l’écran et apercevoir, comme Lyanna, que dix signes de vie se déplaçaient en cadence dans leur direction. Les billes suivaient la piste en venant vers eux.
« En approche. » déduisit Max avant elle. Il s’enfonça illico dans des taillis pour essayer de se planquer et avoir la route dans son axe de tir.

Lyanna surveillait les dix points lumineux qui s’approchaient de leur position. Si c’était des ennemis, ils étaient trop nombreux pour les Atlantes, même si Max et elle étaient plutôt bien armés. Il valait mieux éviter le danger si c’était possible, à l’image du militaire qui se dissimulait dans les fourrés. Lyanna se tourna vers Freida, et prononça les mots “cache toi” en silence. Puis, pour donner l’exemple, elle s’enfonça à son tour dans la végétation. Cette dernière ne se fit pas prier, elle disparut derrière un tronc mort, s’allongeant dans les feuilles.

Le temps que le groupe de dix débarque imposa une certaine pression. Mais Max, malgré ses mésaventures, était prêt à en découdre. Son M4 pointé en avant, le canon posé sur une branche, il préparait un autre chargeur de sa main libre. L’environnement naturel du bois fut peu à peu perturbé par une marche cadencée signe d’un entraînement militaire. Doucement mais sûrement, des femmes apparurent dans une organisation très stricte et géométrique. Équipée d’armes et armures, autant des armes à énergie que des épées, des lances, elles encadraient les Veshyls prises au piège.
Des survivantes...il n’y en avait plus que trois sur le groupe qui avait fui les habitations après la mort de leur matriarche. La cheffe de l’unité avait les cheveux noirs comme de l’encre, le haut de son visage était badigeonné d’une peinture de guerre lui donnant un aspect cruel et sans pitié.
D’un simple geste de la main, elle fit stopper le groupe puis s’avança un peu. Ce n’était qu’à quelques mètres de leurs positions. Personne ne les avait vu.

Max ne bougeait pas d’un centimètre, respirant le plus calmement possible, tandis qu’il observait la scène. Ce fameux sergent gueula un ordre et on poussa l’une des trois filles dans sa direction. Celle-ci, particulièrement terrifiée, s’accrocha à son armure en lui suppliant de lui laisser la vie sauve. Elle laissa sur son passage une trace de saleté sur son métal brillant. La cheffe n’apprécia pas.
Pas du tout.

Colérique, sans pitié, elle s’approcha de la Veshyl et lui enfonça son poignard dans le ventre. La pauvre fille hurla et s’effondra sur le sol, se mettant alors à ramper pour essayer de lui échapper.

« Sale bouffe-merde ! »
Elle avala le peu de distance d’une bonne enjambée et lui colla sa botte sur la nuque, enfonçant profondément le visage de la victime dans l’humus. Elle resta là, à maintenir la prise, jusqu’à ce que les mouvements de défense cessent et que la Veshyl ne s’éteigne définitivement. Assistant à la scène sans bouger, Lyanna jeta un regard noir de haine en direction de la chef à travers les feuilles qui la cachaient. Certes, elle ne portait pas les Veshyls dans leur coeur, et Max non plus à coup sûr. Mais ces nouvelles guerrières n’avaient pas l’air mieux. Elles paraissaient bien plus dangereuses.

Ce comportement théâtral était clairement un exemple pour effrayer les autres. Elle glissa son regard sur les prisonnières, laissant la pression et l’horreur faire la magie, puis elle désigna la plus chétive du lot.
« Elle ! »
« Non !! Non, pitié !!! Pitié !!! »
« Vile arriérée ! »

Si le compte était juste, il restait six guerrières en tunique noire, comme celles des chariots. Une leader d’unité tyrannique. Et deux Veshyls survivantes...mais plus pour longtemps. L’une des combattantes poussa la chétive en direction de la leader qui la réceptionna. Son gant métallique se referma autour de sa petite gorge menue. Elle l’emmena alors jusqu’au cadavre sans vie de son amie.
D’un violent coup de botte dans le genou, elle la fit descendre et se soumettre.
« Tu vas nous y mener ! »
« Pitié ! C’est un monstre ! Une sorcière !!! »
« Ishey ne craint personne ! » éructa la cheffe.
Elle agrippa violemment la tignasse de la Veshyl. De sa main libre, elle sortit de sa poche un badge d’épaule à craft. C’était celui de l’Expédition d’Atlantis, du sang séché y était bien visible.

Tandis que la fameuse Ishey montrait l’insigne à sa prisonnière pour s’assurer qu’il s’agissait bien d’une personne comparable. Soit Max, soit Lyanna. Le militaire détourna son regard du viseur de son arme. La surprise était facilement perceptible malgré la distance et le couvert.
Il était affecté par ce qu’il voyait. Car ce badge d’épaule...ça ne pouvait être que celui d’April. Lyanna comprit aussi que l’écusson appartenait à la militaire. Il n’y avait pas de raison pour que ce groupe soit tombé sur Darren ou Jim. La chef avait donc vu April ? Ou elle connaissait quelqu’un qui l’avait vu ? Cela aurait été si simple de surgir des fourrés pour leur sauter dessus et engager le combat. Max lui montrait discrètement un objet, la jeune femme reconnu une flashbang. Le soldat était visiblement prêt à s’en servir pour donner l’assaut. Un assaut que la guerrière voulait. Non pas pour sauver les deux Veshyls restantes, mais pour avoir des informations sur la localisation d’April.

Seulement voilà. Il y avait deux points non négligeables concernant ce plan. Déjà, leurs adversaires étaient nombreuses, et assez lourdement armées. Certes, la flashbang et l’attaque surprise pourraient changer la donne, mais il y avait quand même des risques. Et puis, Lyanna et Max n’étaient pas seuls. Freida était là, à quelques mètres d’eux. Si jamais elle était tuée ou blessée pendant l’attaque, sauver Darren et les esclaves serait plus difficile. Il fallait faire un choix, même s’il était difficile.

Lyanna remarqua la détresse dans le regard de Max, elle partageait son avis sur le fait de lancer l’assaut. Mais, il fallait se montrer raisonnable. Ces femmes les cherchaient, probablement elle, vu que la Veshyl avait parlé d’une sorcière. Donc, le groupe les poursuivrait jusqu’à ce qu’il mette la main sur eux. Il valait sans doute mieux les laisser continuer leur chemin, pendant que le militaire et elle récupéraient leurs affaires dans la grotte, et reprendraient la route en direction de la ferme avec Freida, loin des leurs poursuivantes. Leur route se recroiserait sans doute, et des renforts seraient les bienvenus, une fois qu’ils rejoindraient Jim et Darren.

Lyanna soupira discrètement, puis elle regarda Max et secoua la tête pour qu’il ne bouge pas. C’était difficile de les laisser partir avec l’écusson d’April, et toutes ces questions sans réponse. Mais c’était trop dangereux d’attaquer en ce moment, même avec leurs armes et l’effet de surprise.

La décision était prise.
Elle était légitime, intelligente et stratégique. La standardisation des tenues, comme pour Atlantis, impliquait une organisation beaucoup plus vaste qu’une simple demi-douzaine de guerrières. Lyanna en avait apperçu de la sorte sur les chariots qui prenaient l’ensemble des récoltes. La ressemblance s’étendait jusqu’aux écrits que l’Amazone avait lu d’April et que son camarade militaire ignorait encore.
Abattre les guerrières et capturer le leader serait une bonne prise. Mais à long terme, serait-ce véritablement payant ?

Lyanna avait donc fait son choix et ils laissèrent partir le contingent. La troupe s’effaça rapidement en direction des habitations dissimulées. Eux, de leur côté, récupérèrent les affaires dans la grotte avant de mettre le cap vers le bourg. Une nouvelle journée de marche les attendait. Max comme Lyanna étaient pressés de retrouver le reste de l’unité. C’était bien légitime.

Sur le chemin, Freida se montra facile. Elle suivait les consignes sans discuter, mangeait peu, marchait rapidement. En revanche, elle avait besoin de combler un vide qui l’avait blessé durant toutes ces années.
Freida questionnait longuement Lyanna sur son ancienne compagne, lui demandant plus de détails. Comment elle avait réussi à s’en sortir face aux mégères, si sa santé avait été entamée par ces dernières et comme elle l’avait rencontré.
Max profita de ce moment pour faire un rapport à Jim.

Malheureusement, malgré un rythme rapide et la bonne volonté de Freida, le soleil déclina inéluctablement. Il allait falloir organiser un nouveau bivouac et passer la nuit, une étape supplémentaire qui imposait forcément une nouvelle torture pour Darren. Lyanna, d’ailleurs, n’avait plus aucune nouvelle de lui. Ce qui ne fit qu’augmenter son inquiétude, et la guerrière se contenait pour ne pas appeler Darren à la radio. De peur qu’il soit occupé, et que sa voix ne le distrait.
« T’inquiète pas, va ! C’est la dernière ligne droite ! » avait dit Max pour tenter de la rassurer.

Avec l’aide de Freida, le militaire termina d’établir le campement et cuisina un bon repas avec les restes de ses vivres.

Le lendemain, enfin, ils atteignirent l’orée du village très tôt. Les habitants commençaient à peine à ouvrir leurs volets, la vie s’animant aux prémices d’une journée routinière. Max, qui ouvrait souvent la marche, augmenta soudainement l’allure pour se rendre en direction de l’auberge.

« Je vais acheter de la bouffe ! Jim et Darren auront besoin d’un bon dîner ! » dit-il précipitamment en se dirigeant vers le bâtiment.
« J’en ai pas pour longtemps. »


eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Lyanna
Guerrière
Planète Kirana
Bannière perso (image 901x180px) : La ruine d'Amarielle 1562430542-image-profil
√ Arrivée le : 14/07/2018
√ Nationalité : Kiranienne

√ Gène : ATA
√ Messages : 179

Mer 27 Jan - 21:59

Lyanna

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna

Sur le coup, Lyanna le laissa faire, et attendit patiemment avec Freida non loin de là. Elle avait hâte de reprendre la route pour aller à la ferme, et retrouver son compagnon. Inquiète, elle ne savait pas s’il avait passé une nuit tranquille ou non. Toutefois, en regardant le militaire atteindre un bâtiment, la jeune femme comprit où il allait. L’auberge. Et la guerrière sauvage qui devait passer par là. Les paroles de Darren lui revinrent en mémoire, et en soupirant, même si elle n’en avait pas envie, Lyanna consentit à suivre les traces de Max en demandant à Freida de venir avec elle. Une fois le bâtiment atteint, la jeune femme entra, et chercha le soldat du regard.

A cause de la pauvreté généralisée, l’intérieur du bâtiment n’était pas très travaillé. Des tables avaient été disposées contre les murs pour ceux qui souhaitaient manger dans une certaine intimité, d’autres se trouvaient un peu plus près d’un grand brasier au centre. La tavernière avait d’ailleurs quitté son comptoir pour raviver les flammes et ajouter quelques bûches. Un peu plus loin, quelques portes semblaient mener à des chambres forcément payantes. Impossible de savoir si elles étaient occupées. Et dans le fond, juste avant la réserve et la cuisine, un grand comptoir en bois, d’une facture très modeste.

La louve se trouvait bien là. Elle s’était positionnée comme Lyanna l’aurait fait, en se tenant face à la porte. Comme ça, elle restait face à tout danger potentiel. Assise nonchalamment sur le banc, les deux pieds sur un coin de table, le dos contre le pilier attenant, elle mangeait quelques fruits et un carré de fromage.
Son regard durci par la colère restait fixé sur le dos de Max, lequel s’était rendu au comptoir. Il comptait l’argent qu’il s’était fait au début de l’aventure pour préparer d’avance sa dépense. La tavernière, attirée davantage par le bruit des pièces sur son comptoir que par le client, vint à sa rencontre. Elle marqua son dégoût de le servir en passant abruptement le torchon sur le plan de travail, là où il avait posé les mains, et Max ne fit pas grand cas.

Lyanna serait peut-être surprise d’entendre son équipier faire une liste de vivres. Il achetait bien de quoi renflouer son stock et rattraper les repas manqué par Jim et Darren. Mais ses petites œillades au-dessus de son épaule, loin d’être aussi discrètes, ne laissaient aucun doute sur ce qui lui occupait l’esprit.
Il se massa la nuque. Max était nerveux.

Toujours dans son coin, la louve observait la scène. Tantôt Lyanna, puis Freida, et ensuite la tavernière qui servait le militaire à contrecœur. Max la paya et rangea les affaires dans son sac : beaucoup de produits. Charcuteries, légumes et épices locales.
Toujours à l’entrée, Freida se pencha pour parler à l’Amazone :
« J’aurai été tentée de dire que ces achats ne sont pas nécessaires. Vous auriez pu vous servir dans la ferme. Mais après ce que j’ai mangé hier...ce jeune homme m'a rappelé combien Eoguelle était une bonne cuisinière. »
Elle fronça les sourcils, relevant le comportement étrange de Max et de ses coups d'œil.
« Que se passe-t-il ? »

Lyanna soupira, consternée par le comportement de Max. Inutile d’être devin pour prédire ce qu’il voulait faire ensuite, maintenant que les vivres étaient achetées. Lorsqu’elle entendit la question de Freida, la jeune femme ne la regarda même pas, prenant un air exaspéré, avant de lui répondre.

"Il cherche à se faire tuer".

La guerrière s’avança alors, surveillant à la fois Max, mais aussi la réaction de la louve. Puis, elle s’assit à une table non loin de la sienne, histoire de pouvoir réagir rapidement si la situation s’envenimait. Elle aurait pu aller discuter avec la jeune femme, mais le militaire n’apprécierait sûrement pas. Lyanna voulait voir comment les choses se déroulaient avant de passer à l’action.

Sans trop vraiment comprendre, Freida s’installa aux côtés de l’Amazone, ne comprenant pas réellement le danger. Elle resta silencieuse tout en attendant de comprendre.

Max passa à l’action, comme le soupçonnait l’Amazone. Il forma une petite pile de pièces sur le comptoir, juste sous le nez de la tavernière, puis lui glissa quelques instructions en regardant la louve. Toujours aussi muette, celle-ci observait le manège en jouant avec sa chope. Max était si discret qu’elle sentait ses regards et les vivait comme une provocation qui s’accumulait. Elle soupirait même, faisait un effort pour ne pas faire d’esclandre dans son lieu de repos habituel.

Le militaire resta ancré sur son comptoir, le cœur gonflé d’espoir. Suivant ses consignes, la tavernière plaça une tranche de fromage généreuse dans une écuelle de bois, un peu de jambon, deux œufs et du pain récent. Elle prépara également une nouvelle chope. Et le tout prit la direction de la table de la louve qui se montra franchement surprise.
Le contenu coûtait une petite fortune, c’est un festin qu’on venait lui servir.

Naïvement, Max pensait faire carton plein. Son cadeau venait d’arracher un sourire de satisfaction à celle qui hantait son esprit et il s’imaginait qu’elle l’avait accepté. Or - et ça, Lyanna devait s’en douter - la louve n’avait pas encore percuté.
La tavernière termina de déposer le festin puis parla dans une langue étrangère, celle que la louve employait. Et son sourire s’effondra brutalement.

« Oula... » fit lentement Freida.
Elle comprenait le dialecte. Une bonne nouvelle pour Lyanna si elle voulait parler avec la jeune femme. Une interprète serait la bienvenue.
« Elle vient de lui dire…”C’est de la part du mâle. Il vous souhaite de vous étouffer avec !” »

Lyanna n’en revenait pas d’apprendre que les propos de Max et son geste avaient été volontairement déformés. Un sale coup de la part de la tavernière. Le drame s’imposa aussitôt. La louve fixa Max qui lui offrait son plus beau sourire. Elle n’avait aucune raison de se méfier de la tavernière...donc pour elle : Max la provoquait clairement par son argent et le souhait de la voir morte.
La louve se redressa aussitôt et empoigna la crosse de son arme, le sortant lentement de son holster de ceinture.
« Quoi ? » demanda Max, très inquiet. « Tu es allergique ? »

Sentant les problèmes arriver, Lyanna se leva, mais elle ne s’empara pas de ses armes. Sans quitter la louve des yeux, elle demanda à Freida de lui traduire quelque chose.

"Dis lui que la tavernière lui a menti, et que le mâle ne veut pas sa mort !"

A peine la traduction faite, la louve pointa son arme sur le militaire en vociférant.
« Elle ne vous croit pas. Elle dit connaître la tavernière... »
Parce qu’il ne voulait pas causer plus de problèmes, surtout en voyant l’intervention de Lyanna en sa faveur, il préféra lever les mains plutôt que tenter de se défendre.
« Sérieux ? C’est vraiment une salope la tavernière ! Moi j’voulais lui offrir un bon petit déj ! »
« Heu... »
Freida grimaça. Elle cherchait visiblement à traduire de façon plus polie les propos hargneux de la louve.
« Elle vous demande pourquoi cet homme la suit et la défie du regard. Elle est prête à un combat à mort.. »

Lyanna soupira, et comme elle n’était pas loin de la louve, elle vint se placer entre elle et Max, en levant les mains pour apaiser la situation. Il valait mieux attirer l’attention de la jeune femme sur elle plutôt que sur le militaire.

"Parce qu’il est idiot et qu’il ne sait pas s’y prendre avec une guerrière comme toi !"

La jeune femme attendit que Freida traduise fidèlement ses paroles, avant de poursuivre sa phrase.

"Mais je le connais, il ne te veux aucun mal. Il ne cherche pas à te défier, ni à se battre".

Le flingue était toujours pointé sur la poitrine de Lyanna, maintenant qu’elle faisait écran, mais c’était surtout pour la forme. Dès que l’Amazone avait obstrué sa ligne de tir, la louve avait retiré son index de la gâchette pour éviter tout tir accidentel. Sa haine avait été dirigée vers Darren à l’époque. Vers Max maintenant. Mais en ce qui concerne Lyanna, elle lui avait proposé de boire un verre. Donc elle n’avait pas l’intention de lui faire du mal.
A la suite de la traduction, elle eut une hésitation, ayant visiblement du mal à concevoir qu’un mâle puisse faire autre chose que détruire.
Freida prit la liberté d’ajouter quelque chose d’autre. Visiblement un bon argument puisque la louve rangea son arme. Ce qui fit froncer les sourcils de Lyanna qui tourna son regard interrogateur vers l’interprète de fortune.
« Je lui ai dit que vous m'aviez sauvé des Veshyls. Que votre parole avait une grande valeur. »
Elle tendit l’oreille.
« Elle vous demande...heu...comment traduire...ce que l’homme veut. Et pourquoi il a donné à manger. »

Lyanna avait bien dit qu’offrir un repas à la jeune femme était une mauvaise idée pour tenter de la séduire. La voilà maintenant qui devait justifier le choix de Max. En douceur, la guerrière montra la table où se trouvait le plateau, faisant comprendre à son interlocutrice de s’asseoir. Une fois installée, Lyanna fit de même en lui faisant face, et poussa lentement le plateau dans sa direction, sur quelques centimètres.

"Il a juste cherché à t’offrir quelque chose. Un petit déjeuner pour sympathiser avec toi. Il t’apprécie".

Lyanna tourna son regard en direction de Max, ignorant comment la louve allait réagir à cette remarque, avant de reporter son attention sur elle.

"Je m’appelle Lyanna. Et toi ?"

La jeune femme ne réagissait pas. La situation était bien au-delà de ce qu’elle pensait au début. La présence de Frieda et l’Amazone permettait un échange qu’elle n’aurait jamais eu autrement.
La tavernière s’était réfugiée dans l’arrière boutique en faisant mine de balayer, histoire de se faire toute petite. Et durant quelques secondes, la guerrière soutint le regard de Max qui restait là, ne sachant quel comportement adopter.
Ses yeux gris revinrent vers Lyanna. Elle la détailla une dernière fois et répondit.

« Elle n’a jamais eu de nom. Les autres gardes disent “Cendre” pour attirer son attention. » traduisait Frieda.

Lyanna hocha la tête en répétant le nom de “Cendre”. Au moins, ça serait plus simple pour parler avec la jeune femme avec une appelation. Cette dernière hésitait.
Dans son regard chancelant, on y devinait un intense dilemme. L’idée de recevoir un cadeau était tout un concept inconnu. Sur cette planète, il fallait tout payer. Cette auberge n’était pas donnée, la louve avait toujours été contrainte de se priver pour garder quelques sous en poche. Et là...un repas qui valait deux semaines de garde atterrissait sur sa table.
Le comble, c’était un mâle qui le lui offrait. Et Lyanna assurait le côté bienveillant de l’acte.
L’hésitation restait, la curiosité brillait. Pourquoi pas ? Pourquoi ne pas savoir ce que ça fait de recevoir un cadeau ? D’avoir l’attention de quelqu’un qui ne cherche pas à vous prendre votre argent ?
Il ne restait qu’un détail à régler. Un dernier qui la retenait.

Doucement, la louve repoussa l’assiette en direction de l’Amazone sans la quitter des yeux. La gestuelle apportait un message précis. Si elle goûtait en premier pour prouver que ce n’était pas empoisonné, alors elle commencerait à manger le festin. Et donc elle accepterait le cadeau d’un homme pour la toute première fois de sa vie. Un concept étrange. Lyanna ne bougea d’abord pas, pensant que Cendre ne voulait pas du présent de Max. Puis, elle comprit que la jeune femme voulait d’abord voir si c’était un piège. Acquiesçant d’un signe de tête, la guerrière prit un morceau de fromage qu’elle plaça sur un petit bout de pain. Puis, elle le mangea devant son interlocutrice. Elle avala, et regarda Cendre pour lui montrer qu’elle n’avait rien à craindre au sujet de la nourriture.

"C’est très bon" dit-elle en repoussant l’assiette vers la Garde.

Frieda n’avait pas eu besoin de traduire. La louve se laissa gagner par un petit sourire satisfait. Elle avait espéré que cette nourriture soit saine, dans le fond, parce que ça lui mettait l’eau à la bouche. L’assiette bifurqua vers Frieda qui refusa d’un signe poli de la tête. Et Cendre commença à manger...avec gourmandise et appétit, d’une façon qui trahissait le fait qu’elle n’avait jamais l’occasion d’avoir une assiette aussi garnie. Entre quelques bouchées et mastications, elle s’exprima. L'interprète suivait juste derrière, réalisant une traduction en temps réel et de façon personnelle.
« Leph Patel. Il y a de grandes fermes d’élevages. Pas pour manger, non. Pas de bétail là-bas, pas de volailles, mais des femmes. »
Cendre avala une gorgée qui lui brûla la gorge. Elle claqua de la bouche avec un certain plaisir puis s’attaqua à la tranche de lard.
« Ils changent des choses avec leurs machines bizarres. Pour correspondre à ce que le client a demandé. »
La Garde partageait son passé. Mais il était clair qu’elle ne racontait pas tout. Histoire de modéliser concrètement les fameuses “modifications” dont elle avait fait l’objet, elle se passa une main dans ses cheveux cendrés puis tapota sa poitrine gonflée.
« Trois frères m’ont commandé. Ils venaient tous les mois à l’enclos. Ils attendaient que l’éleveur finisse avec moi. Ensuite...j’ai été livrée à eux. »

Lyanna écouta les paroles de Cendre, rapportées par Freida, sans quitter la jeune femme des yeux. Au moins, le plateau ne retourna pas à l’expéditeur en volant dans les airs. Une bonne chose. Elle comprit quelques notions, même si l’idée de manipulations génétiques lui échappaient. Mais ce qu’elle voyait dans l’histoire de Cendre était que cette dernière avait été une sorte d’esclave pour mâles, et qu’elle n’avait pas dû avoir une vie facile. D’où sa haine des hommes. Cendre était très semblable à Lyanna.
Max buvait sa chope en leur tournant le dos, faisant mine de ne rien entendre. Il était si mauvais comédien qu’on devinait à quel point il était suspendu au récit que rendait Freida.

"Je vois ce que tu veux dire. Sur ma planète, Kirana, la vie était difficile pour les femmes. Je me battais contre les mâles pour protéger leurs victimes".

La guerrière resta silencieuse quelques secondes, avant de poursuivre, pendant que Cendre continuait de manger avec envie.

"Comment es tu arrivée sur cette planète ?"

Parce qu’elle avait répondu la bouche pleine, Freida peina à faire la traduction. Elle lui posa quelques questions pour pouvoir adapter sa traduction.
« C’était mon but, autrefois. Je trouvais des femmes qui souffraient, je les aidais à faire leurs bagages, et je les emmenais devant le temple. Après, elles devaient se débrouiller. »
Elle haussa les épaules et ajouta par l’intermédiaire de Freida.
« Nataëlle m’a vu me battre. Je suis sauvage, elle aime. Alors elle m’a donné un travail. Pas de Wraiths ici, ni d’hommes dangereux. »
Cendre donna un coup de menton dans la direction de l’Amazone.
« Tu l’intéresses. Elle peut te donner un travail. » le regard de la louve bifurqua vers Max. « Tu ne seras plus jamais leur chose. »
"J’ai déjà un travail, je n’ai pas envie de travailler pour Nataëlle. Ses méthodes ne me plaisent pas".

Lyanna suivit le regard de Cendre en direction de Max. La guerrière fut consternée de voir le militaire très peu crédible dans sa soi-disant indifférence. Cela se voyait comme le nez au milieu de la figure qu’il écoutait la conversation. Aussi, lorsque la jeune femme reprit la parole, elle savait parfaitement que son “paternaire” du moment l’entendrait.

"Et je ne suis pas leur chose. Je te l’ai dit : ces mâles m’appartiennent. Ils m’obéissent".
« Tu l’as laissé me donner un repas ? C’est toi qui l’a décidé ? Pourquoi ? »

Lyanna réfléchit quelques secondes avant de répondre à Cendre. Comment expliquer à la jeune femme qu’un mâle était tombé sous charme, et qu’il avait voulu attirer son attention en lui offrant quelque chose.

"Ce n’est pas mon idée. C’est la sienne. Il t’aime bien, il a voulu sympathiser avec toi en t’offrant un cadeau".
Cendre tourna son regard vers Max, le détaillant un peu plus spécifiquement. Visiblement, elle n’arrivait pas à comprendre pourquoi il avait réagi comme ça. Ou bien...elle se disait qu’il n’avait strictement aucune chance.
« Hé heu...lyanna. » fit Max sans se retourner, faisant comme s’il parlait tout seul. « Tu peux lui demander si on peut se revoir ? Genre...seul à seul quoi. J’lui offrirai un verre, rien de mal hein... »

Lyanna écouta la demande de Max, et soupira discrètement. Elle se mordit la lèvre, se demandant si elle devait vraiment faire cette proposition à Cendre. Après avoir pesé le pour et le contre, et sans se soucier sur le problème de communication si le militaire et la Garde se retrouvaient seuls sans interprète, Lyanna finit par abdiquer et regarda Cendre, en désignant Max.

"Il demande s’il peut te revoir, rien que toi et lui. Il aimerait t’offrir un verre pour continuer de sympathiser".

La proposition la prit de court.
Elle saisissait le but de Max maintenant que Lyanna avait insisté sur le terme “t’aime bien” et “sympathiser”. Cendre sonda tour à tour l’Amazone puis Freida, comme pour leur demander silencieusement si c’était vraiment une bonne idée. Elle semblait dégoûtée dans un premier temps, parce qu’elle songeait à son passé et ce à quoi un rendez-vous consistait. Mais d’un autre côté, elle était curieuse de voir comment ce mâle réagissait.
Elle n’avait pas peur d’être agressée. La jeune femme était certaine de pouvoir lui coller une balle au milieu des deux yeux avant même qu’il lève la main sur elle….ou qu’il ne la touche là où il ne faut pas.
Mais l’intérêt qu’il avait…c’était comme une énigme dont elle ne captait pas la solution. Pourquoi elle, comme ça, sans même se connaître ?

Max trouvait le temps long. Il pensait qu’il approchait d’un refus qui le blesserait profondément.
« Heu...dis-lui que je lui montrerai comment fonctionne la montre qu’elle m’a vol...heu...empruntée. »
Freida regarda l’Amazone, se demandant si elle devait le faire.
Lyanna regarda cette dernière, puis acquiesça d’un hochement de tête pour qu’elle traduise à Cendre cette idée de montre.

La Garde s’imagina seule avec un mâle. L’idée ne lui plaisait pas spécialement...mais étrangement...elle ne lui déplaisait pas non plus. Elle se souvenait de l’artefact qu’elle prenait pour un bracelet de décoration, une...montre ?
Son regard revint sur le dos de Max tandis qu’elle tapotait le contour de sa chope, encore en train de réfléchir. Au moins, il y avait une boisson gratuite. Et si sa compagnie ne lui plaisait pas, elle le chasserait.
C’était décidé.
« Elle dit qu’elle reste dans l’auberge pendant deux jours encore. Ensuite, elle rentre chez elle. Il peut venir à midi ou en début de soirée. »
« YEAHHHHH PUTAINNNN. »

Max avait fait sursauter tout le monde, y compris la Garde qui en avait sorti son flingue dans un geste naturel d’auto-défense. Quant à Lyanna, elle jeta un regard noir au militaire, exaspéré par son attitude.
« Oh heu...pardon. » lâcha-t-il en levant les mains, enfin retourné vers elles. « Nan mais c’est cool, merci beaucoup. A toi pour avoir fait la trad, à toi pour avoir écouté hein. »
Son regard de gamin benet et transi d’amour quitta Cendre pour se poser sur l’Amazone.
« Merci de m’avoir arrangé le coup, Lyanna ! Avoir une chance, c’est tout ce que je demande. Pour la peine, tu pourras me demander le plat que tu veux, je te le cuisine. Sérieux, le truc qui te plait, n’importe quoi, je te le mijoterai aux petits oignons à la prochaine pause. »

Lyanna soupira, consternée. Elle délaissa Max des yeux, et se reporta sur la Garde en se demandant si elle avait bien fait de permettre au soldat d’approcher cette femme. Darren lui avait demandé de veiller sur lui, certes. Mais s’il la voyait plus tard, et que ça se passait mal, la guerrière n’y serait pour rien, non ? Ce n’était plus son problème si Cendre s’en prend à Max. Celle-ci avait compris qu’il n’y avait pas de danger, elle rangea lentement son arme tout en observant le militaire avec une certaine curiosité.
« Le beau gosse de la team s’arrache. » s’écria-t-il, débordant d’énergie.
Il ajusta les bretelles de son sac en bondissant puis se dirigea vers la sortie. En passant près de la jeune femme, il lâcha avec un air profondément idiot :
« Ooooh t’es trop belle. A ce soir... »

Lyanna suivit Max des yeux pendant que ce dernier se dirigeait vers la porte, avant de regarder Cendre.

"Désolée" lui dit-elle avec un air exaspéré. "Comme je l’ai dit : c’est un mâle idiot, mais pas méchant".
« Elle vous dit qu’il est certainement fiévreux et atteint de démence. Elle ressent le besoin de le tuer sans même comprendre ses mots. » répondit ensuite Freida.
"Je te comprends" dit Lyanna en secouant la tête de dépit.

L'instant d’après, à peine la porte refermée, la radio arracha l’oreille de Lyanna.
//Wahouuuuuuuuuuuu !!!!! Sergent !!! Darren !!! ET April, si tu m’entends. Hé les gars, j’ai rencard !!! J’ai rencard avec la fille !!! La louve, elle s’appelle Cendre ! Cendre, ouaip ! J’l’ai vu de près. J’suis raide les mecs ! Elle est trop belle !!//
La guerrière soupira en secouant la tête. Cendre et Freida ne comprirent pas sa réaction, mais elle les rassura d’un sourire en leur disant de ne pas s’en faire. La voix de Jim se fit entendre à son tour.

// Vous êtes au village ? //
//Ah oui, Jim. On t’a pas dit, on est rentré……. hé...hé. Patron ! J’ai rencard avec elle, Et elle a un corps….POUAAAAAH !//
// Soldat Carnghy, vous devenez gênant. Lyanna ? //
Il n’attendit pas sa réponse.
// Emparez-vous de notre charmeur et revenez sur ma position. Nous avons une ferme à libérer. //
"J’arrive !"

Lyanna se leva, sous les yeux intrigués des deux femmes. Elle montra alors le petit appareil dans son oreille pour tenter d’expliquer pourquoi elle semblait parler toute seule.

"C’est un appareil de communication. Un autre membre de mon équipe vient de me contacter".

Elle se tourna vers Freida.

"Il faut aller à la ferme. Les esclaves doivent être rapidement secourues".

Après avoir salué Cendre, Lyanna se dirigea vers la sortie. En compagnie de Freida, elle quitta l’auberge, et chercha Max des yeux, qu’elle trouva un peu plus loin, encore sur son petit nuage. Décidément, il ne savait pas se tenir, ce mâle. Le regard noirci, parce que de son côté, elle pensait au calvaire que son compagnon vivait, la guerrière marcha vers le militaire, et l’attrapa par son gilet pour le tirer à sa suite et mettre fin à sa béatitude.

"Allez, on y va !"
« L’est mignon son nom, tu trouves pas ? » avait répondu Max, complètement à côté de la plaque.
"C’est ça, très mignon … dépêche toi, on nous attend !" lança Lyanna avec impatience, ayant hâte d’être débarrassée de ce mâle trop gênant pour elle après avoir passé autant de temps seule avec lui sans pouvoir le frapper.

Frieda s’étonna d’être rattrapée par des automatismes vieux de plusieurs années. En suivant machinalement Lyanna, encore étonnée par l’existence de ce dispositif capable de communiquer à distance, elle avait pris le chemin de sa ferme involontairement. Son regard s’arrêtait sur nombre de détails qui forçaient la nostalgie. Elle se souvenait déjà de cet amas de roche qui servait à baliser un petit sentier de chèvre aujourd’hui oublié. La famille qui occupait la taverne autrefois - pas la peau de vache qui avait menti à Cendre - utilisait ce raccourci pour venir lui faire du troc. La vie n’était pas facile mais elles s’en sortaient. Un cuissot de porc contre deux sacs de racines. Un bon prix...

Freida finit par s’arrêter devant un arbre. Il était devenu maladif et décrépit depuis qu’elle l’avait abandonné. En bordure de route, juste là, il semblait perdu et isolé de ses camarades. Ce n’était pas sans raison.
La paysanne ne parvenait pas à cacher son émotion. Les années passées en exil lui revenaient au visage en une claque douloureuse et choquante. Sentant qu’elle n’était plus suivie, la guerrière s’arrêta et se retourna pour regarder Freida devant un arbre. Cette dernière fixa Lyanna, les yeux humides, et retourna à la contemplation lugubre de l’arbuste.

« Nous nous détestions au début...vous le saviez ? » se confia-t-elle d’une petite voix. « De la jalousie. Je convoitais sa beauté et elle : mon assurance. Mais face à cette vie, nos petits jugements ne pesaient pas bien lourd. Il a fallu nous entraider pour s’en sortir. Tout...a démarré comme ça... »
Le “ça” semblait désigner l’arbre. Lyanna le regarda, avant de reporter son attention sur Freida, cherchant à comprendre.
« On commençait à faire des projets. Le petit village avait besoin de vivres. Et nous d’un toit. Cette ferme était en ruine, nous comptions la rebâtir ensemble. Elle avait peur. De l’échec surtout. »
Un petit sourire gagna Freida.
« Je lui ai pris le fruit qu’elle mangeait, celui qui lui avait coûté de nombreuses pièces. J’en ai sorti le noyau pour le planter sous ces yeux. C’était un peu le gage de notre détermination. »
Et maintenant...l’arbre était mort. La paysanne craignait que ce symbole de leur union, de leur amour réciproque, en était à la même image. Elle baissa la tête et évita le regard de l’Amazone.
« Je vous fais perdre votre temps, excusez-moi. »

Lyanna comprit alors ce qu’était cet arbre, ce symbole, et la tristesse de Freida. Lorsque celle ci passa près d’elle, la jeune femme reprit sa route, non sans lui adresser quelques mots d’encouragement et d’espoir.

"Tu en replanteras un avec elle, quand on aura libéré la ferme".
« Cette sollicitude vous honore Lyanna. »

Avec les indications de Jim à la radio, le groupe quitta la route puis rejoignit très rapidement sa position. Le sergent de l’unité était venu à leur rencontre une fois aux abords immédiats de son trou de combat. Il ne s’était pas installé très loin de l’endroit où Lyanna s’était tenue quelques jours plus tôt.
Rien d’étonnant dans un sens, l’emplacement était parfait pour l’observation de la ferme en contrebas. La petite forêt qui garnissait cette colline offrait une protection bienvenue contre le soleil, le vent et la pluie.

Max se précipita à la rencontre de son sergent en bondissant comme un gosse. Il voulut lui expliquer comment il était parvenu à “séduire” Cendre, oubliant quelque peu l’aide secourable de Lyanna et de Freida. Mais Jim ne lui avait laissé le temps de formuler que deux mots, tout juste. Son fusil de précision coincé sous l’aisselle, il avait pincé le menton de son camarade de sa main libre pour l’examiner. Il joua avec la lumière ambiante pour mettre en relief les différentes ecchymoses et égratignures qui l’avaient changé. C’était resté discret mais les tâches brunes et jaunes trahissaient son passage à tabac.

Sans informations complémentaires, Jim dévia son regard vers Lyanna qui devenait l’origine naturelle et toute désignée de cet état de fait. Le sergent gardait toutefois des réserves en attendant le débriefing, il n’avait pas toutes les données.
« Je te soignerai ça tout à l’heure, mon garçon. Fait marche arrière et supprime les traces de votre approche. »
« Ouaip chef, ok chef. On parlera après ? »
« File » ordonna-t-il simplement en le chassant d’une tape dans le dos. Son regard ne s’était pas détourné de l’Amazone.

Le sergent se sentait satisfait et plutôt reconnaissant de la réussite de Lyanna. Bien que le mystère des traces sur le visage de Max restaient à élucider, la guerrière était revenue avec quelqu’un. Freida. Cette dernière se tenait en retrait, ahurie par la présence d’un homme supplémentaire qu’elle ne connaissait pas. La paysanne pensait qu’elle allait devoir se rendre directement à la ferme pour une confrontation sanglante. Maintenant, elle attendait de savoir à quelle sauce elle allait être dévorée.
« Bon travail, Lyanna. » lui dit-il avec sincérité.
Il ouvrit le bras qui coinçait son fusil de précision. Le soutenant d’une main, il l’amena à sa hauteur pour qu’elle s’en empare.
« Prenez ma position. Darren est sur le quart sud-est, transformé en cheval de trait. Communication accordée. »

Frieda jeta vers elle un regard étonné.
Était-elle tombée dans un piège ?
Lyanna allait-elle se soumettre à l’ordre d’un mâle ? De cet inconnu ?

La guerrière fixa Jim sans dire un mot. Elle avait bien vu le regard du militaire lorsque celui-ci avait remarqué les contusions sur le visage de Max, la suspectant d’être responsable de ces coups. Ce qui la vexa grandement car elle n’avait pas levé une seule fois la main sur lui, pour son plus grand regret. Puis, Lyanna tourna la tête vers Freida, qui paraissait inquiète de se retrouver seule avec un mâle. Elle posa sa main sur son épaule, et lui lança un sourire pour tenter de la calmer.

"Ca va aller, je reviens vite".
« Je...bien...d’accord. »

Certes, Lyanna n’aimait pas obéir à Jim. Mais son inquiétude pour Darren était sa seule préoccupation en cet instant. Elle avait besoin de le voir. La jeune femme refusa de prendre le fusil de Jim, vu qu’elle avait ses jumelles, elle n’avait pas besoin de la lunettes de précision. Puis, elle rejoignit la colline qui lui avait servi de point d’observation. Une fois sur place, elle mit un genou à terre, avant de sortir sa paire de jumelles, et de chercher son compagnon pour s’assurer qu’il allait bien.

Pendant que Jim rassurait Freida et l’invitait à s’installer, lui proposant un peu d’eau ou de quoi manger, Lyanna observait la ferme en contrebas. Elle entendait le sergent de l’unité se présenter, expliquer ce qu’était son groupe et la raison pour laquelle ils étaient là. L’Amazone était accompagnée de ce fond sonore. L’échange qui débutait dans son dos prouvait que Freida était quelque peu rassurée, surtout qu’elle avait gardé Lyanna en vue.

La première chose qui lui sautait aux yeux, à l’observation, c’était que les champs avaient radicalement changé de visage. Darren avait abattu un travail de titan sous la contrainte de Palie. Les mauvaises herbes galopantes faisaient maintenant place à une terre respirante, bien que la couleur ne laissait pas de doutes quant à son taux de fertilité. Les deux plus gros lopins semblaient prêts à être ensemencés, quelqu’un avait passé la charrue récemment pour former les rigoles.

Lyanna observa les alentours, à la recherche de Darren, et tomba sur plusieurs scènes en chemin. La mère de Nini était effectivement vieille, elle était repérable à son pantalon troué dont la couleur particulière correspondait avec le vêtement, héritage de Nini. Le dos cassé, courbé plus que de raison, elle traînait difficilement un sac de céréales jusqu’à un petit entrepôt. Trop lente, elle se faisait régulièrement insulter par Palie. Armée de son arbalète, le bourreau riait grassement et lui balançait des coups de pied humiliants sous les regards éteints d’autres esclaves.

Une femme tourna d’autant plus vite le volant de la broyeuse à grain quand le regard dévia sur elle. Quelque chose l’avait rendue malade et anémiée. Une maladie ou une carence qui faisait qu’elle perdait ses cheveux par poignées. Ici et là, des plaques cicatrisées sur son cuir chevelu marquaient ce mauvais traitement. D’autres, plus petites, étaient encore à vif. Palie le savait très bien, elle passa dans le dos de sa victime et lui cria un ordre. Sa grosse main harponna une partie de ses cheveux qui ne résistèrent pas longtemps.

Lyanna repéra ensuite Eoguelle à la fenêtre, laquelle fixait la scène avec son fameux jeu de comédienne. Son visage n’exprimait strictement rien, comme la première fois. Mais la guerrière avait suffisamment de détails pour voir ce qui la trahissait : la façon dont elle tordait son torchon.

Et puis, après la cage des chiens, elle trouva un lopin qui n’avait été sillonné qu’à moitié. Les tranchées s’alignaient horizontalement de gauche vers la droite, disparaissant derrière la longère agricole. Un peu plus de la moitié du boulot avait été fait, les traces étaient fraîches. Quelqu’un était donc en train de s’occuper de ce champ, le préparer pour la semence. Ça devait forcément être Darren, d’autant plus que ça correspondait à la direction déclarée par Jim. Il devait être caché par le bâtiment, en train de faire demi-tour avec son matériel, non ?



eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Invité
Invité

Mar 2 Fév - 21:39

avatar

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna



Enfin !! Après autant de temps, après toutes ces journées d’angoisse et d’inquiétude, Lyanna était à un cheveux de le retrouver. À distance, certes. Mais de l’avoir de nouveau en vue, de pouvoir veiller sur lui.
Et puis soudain, avec une forme de brutalité, la silhouette d’un inconnu apparut dans ses jumelles. Un visage gris, marqué par la saleté cumulée de la terre et de la poussière avec la sueur. Des cheveux sales collés par des grumeaux de boue. Le tout descendait sur ses épaules et son dos nu. La sueur y creusait des sillons de “propre” sous ses mouvements constants. Il traînait un chariot qu’il tenait à plein bras. Pour pouvoir retourner la terre, l’homme était contraint de tirer de toutes ses forces. Il s’enfonçait donc dangereusement dans la terre meuble, manquant régulièrement de s’écrouler. La boue qui s’était accumulée autour de ses rangers avait rendu la tâche encore plus pénible. Il s’embourbait.

Un inconnu qui souffrait. Il leva le nez pour regarder en l’air, dans l’espoir d’échapper à la douleur, sans s’autoriser la pause que son corps tremblant semblait lui supplier. Lyanna ne pouvait pas le reconnaître autrement que par des détails qu’elle avait appris de leur vie intime. Comme son dos, trop poilu d’un seul côté, ou bien les quelques cicatrices qui restaient visibles. C’était bien Darren.

Régulièrement, Palie revenait en bordure du champ pour le regarder. La perte de son haut d’uniforme n’était probablement pas un hasard vu le regard qu’elle lui jetait, surtout lorsqu’il était de dos.
Darren n’était plus en état de s’en rendre compte. Ses gestes, sa façon de se tenir et les traces sur son corps représentaient des indicateurs de son épuisement. Ils étaient tous dans le rouge...

Lyanna se mordit la lèvre en voyant son compagnon. Bien qu’elle se sentait maintenant soulagée de l’avoir dans son champ de vision, le voir aussi affaibli et à bout de force la révoltait. Si elle s’écoutait, la jeune femme descendrait la colline à toute vitesse pour aller chercher le soldat. Mais non, elle devait prendre sur elle même, et ne pas céder à ses pulsions, il leur fallait d’abord un plan d’action. Bien que l’attente était insoutenable, et la fureur de Lyanna contre les deux tortionnaires grandissantes. En attendant, la guerrière ne pouvait que rassurer Darren par sa présence. Sans attendre, elle se mit sur leur canal privé pour communiquer avec lui, et entendre sa voix.

//Darren ? Tu m’entends ?//

Elle gagna la réaction en live. Le militaire avait d’abord eu l’air surpris puis il avait jeté un bref regard en direction de la surveillante. Il ne pensait pas que sa compagne puisse l’observer à ce moment. Trop de fatigue pour faire fonctionner la jugeote. Toujours est-il que Lyanna put voir combien sa voix le soulageait. Si elle s’était un jour demandée quel aspect avait son visage lorsqu’il pensait à son Amazone, elle en avait maintenant le cœur net.

Darren s’interrompit, attirant immédiatement l’attention de Palie. Il se pencha pour ramasser quelques cailloux qu’il évacua d’un geste vif. Alors son bourreau comprit que ce n’était pas une perte de rendement et porta son regard ailleurs. C’est là que le militaire appuya sur son oreillette.

//Je n’ai...pas de poème à te chanter...ce matin.// avoua-t-il, très essoufflé.
Darren poussa un râle d’effort en reprenant le travail.
//C’est vraiment...toi ?....ou alors je fantasme….à mort…?//

Un petit sourire naquit sur les lèvres de Lyanna. Pas grave pour le poème, Darren n’aura qu’à lui en faire un lorsqu’ils se retrouveraient. Elle secoua la tête avant de reprendre, sans quitter le soldat des yeux.

//Non, c’est bien moi. Je suis revenue à la ferme, et je te vois//
//Ah…?//

Darren se redressa pour bomber exagérément le torse.
En plein exercice, il semblait faire jouer ses muscles sous son nez.

//Et le spectacle te plait…ma barbare sanguinaire tant aimée ?//

Lyanna ne put s’empêcher de se laisser aller à cette complicité qu’elle partageait avec Darren.

//Et bien … le spectacle me plaira davantage quand tu auras pris un bain// dit-elle en souriant.
//Pfff...et moi qui pensait...que tu aimerais mon...mon parfum de mâle Alpha !//
Il ricana.
//Tu le prends...avec moi ?//
//Bien sûr que oui, je le prendrais avec toi. Je prendrais soin de toi, tu verras.//
//Tu me fais rêver...// lui confia-t-il, plein d’espoirs.

La guerrière délaissa Darren quelques secondes pour jeter un œil sur Freida et Jim, avant de reporter son attention sur son compagnon.

//Je suis revenue avec Freida. On va bientôt pouvoir passer à l’action. Tiens le coup, je te sortirais vite de là//
//Ok...ok...// souffla-t-il. //J’ai hâte que tout ça se...termine….je t’avoue.//
Darren venait d’atteindre le bord du champ. Faire demi-tour avec la charrue était un vrai calvaire. Il y plaça ses forces et sa volonté avant de reprendre sa conversation.
//Chérie…? Comment ça va….les nausées...//
//Ca peut aller. Elles sont présentes le matin, quand je me réveille. Mais avec le médicament de Max, elles se calment pour le reste de la journée.//
//Je suis content de le savoir. Pour...Frieda. Pas de mauvaises...surprises ?//
//Pas de mauvaises surprises. Il y a eu quelques combats par ci par là, mais rien d’insurmontable. On a trouvé Freida avec un groupe de femmes sauvages, mais elle nous a suivi sans résistance. Même si elle n’aime pas les mâles.//
//Oooohhh...// fit Darren d’un ton taquin. //Alors comme ça...on se fait de nouvelles amies ?//

Il n’eut pas l’occasion d’écouter ce que Lyanna allait répondre. De soudains éclats de voix le surprirent et il regarda en direction de la ferme. Les deux chiens s’étaient déjà mis à gueuler et l’une des deux folles se jeta aux latrines. La misérable esclave avait encore le pantalon sur les chevilles alors qu’elle se faisait traîner au milieu des autres pour l’exemple. Norda avait le visage sévère, le regard noir de haine. Elle fit un signe à Palie pour lui refuser sa prochaine idée sadique et elle s’empara de la bougresse.

« Pitié !!! Je ne pouvais plus...me retenir !!! » hurla-t-elle.

La déclaration de Norda n’était pas assez forte pour être relayée par la radio de Darren. Mais à la réaction de l’esclave qui chutait sur ses genoux, ramenant à peine son pantalon, trop abattue par le désastre, elle se montrait sans pitié. Palie se plaisait dans les démonstrations choquantes et les sévices physiques. Pour Norda, pas besoin d’arbalète ni de cage, son petit carnet faisait parfaitement l’affaire.
Dessus, elle notait la dette de chaque métayère, les sanctions arbitraires qu’elle avait accumulées pour les tenir à jamais. C’était un exercice dans lequel elle excellait. Les vieilles pages cornées portaient encore les noms des vies qu’elle avait détruites par l’épuisement et la privation.
L’esclave supplia jusqu’à venir embrasser ses pieds. Elle ne reçut qu’un violent coup de bottes dans les côtes, petit cadeau de Palie qui appréciait modérément avoir été retenue par sa sœur. Le claquement brutal et le terrible cri de souffrance de cette esclave ne laissa pas de doutes. Une fracture au niveau des côtes. Ce qui révolta Lyanna qui venait d’assister à la scène à distance.

//Qu'elles en profitent...encore...// lâcha Darren avec une pointe de haine. //Il ne leur reste plus que...quelques heures.//
//Oui … bientôt … je les tuerais pour ce qu’elles ont fait//

Lyanna se mordit la lèvre, et regarda une nouvelle fois en direction de Jim et Freida. Elle soupira, avant de replacer Darren dans le champ de ses jumelles.

//Je vais bientôt devoir retourner voir Jim, pour connaître le plan d’action.//
/Attends.// lâcha-t-il soudainement.

Il tira un coup sec pour quitter la bordure du champ et repartir dans l’autre sens.
//Tu as fait des efforts incroyables. Je ne pouvais pas te parler mais...je t’ai entendu. Tout ce que tu as fait...tu n’aurais même pas accepté un dixième...il y a encore un an.//
Il souffla.
//Alors...ne gâche pas tout ça...avec ces deux garces. Respecte les ordres de Jim et on pourra...bientôt...très bientôt...profiter.//
Il se mit à ricaner.
//Tu n’as pas oublié ma petite promesse hein ? Je me réserve que pour ça !//
//Bien sûr que non, je n’ai pas oublié ta promesse. Mais ...//

Lyanna soupira, frustrée de ne pas pouvoir achever les deux tortionnaires en laissant ses instincts sauvages prendre le dessus. Elle ne termina pas sa phrase, et secoua la tête pour éviter de continuer sur ce sujet. La guerrière savait que si elle ne voulait pas avoir de problèmes à leur retour de mission, il lui faudrait obéir au Sergent, même si elle n’en avait pas envie.

//Jim a vu des traces de coups sur le visage de Max, et on dirait qu’il en a tout de suite déduit que c’était moi. Mais je ne l’ai pas touché, je te le promets. Même si j’en avais très envie//
//Je te crois.// confirma-t-il doucement. //Tu peux toujours prendre du temps...et lui en parler. Jim...ce n’est pas Ridding, tu sais.//
//Mouais ...//

Jim n’était pas Ridding ? Lyanna n’était pas convaincue de ça. Elle avait une bonne mémoire, et ce qui s’était passé avec la chasse d’Adayate pour la livrer sans question à Nataëlle lui montrait comment était le militaire, même si la guerrière devait reconnaître que Ridding était un cran au-dessus. Alors, l’idée d’aller parler à Jim pour donner sa version des faits n’enchantait pas du tout Lyanna.

//Max lui racontera ce qui s’est passé. Lui, il le croira//
//Tu n’es plus une petite fille. Si tu as un problème à régler, fais-le maintenant. Jim ne t’aurait jamais laissé en mission s’il n’avait pas confiance en toi. Il sait écouter.//

Lyanna leva les yeux au ciel, mais elle ne répondit pas aux paroles du soldat. Mais dans le fond, Darren comprenait. Sa compagne avait déjà fait de grands efforts, il ne comptait pas lui en demander plus. Peut-être qu’un jour, par la force des choses, des missions, elle finirait par avoir confiance en la figure paternelle du D4. Mais en attendant, Darren ne pouvait que lui donner ce conseil. Il connaissait son Amazone. Elle se braquerait s’il insistait trop.

« Rassemblement. » déclara la voix du sergent.

Jim fit un signe de la main pour inviter Lyanna à s’approcher. La guerrière consentit à contrecœur à ranger ses jumelles, en cessant la surveillance de son compagnon, et se leva avant de s’approcher du groupe. Max était de retour, il vérifiait l’approvisionnement de son arme. Freida, juste à côté, observait les gestes du militaire avec un air angoissé. Lyanna vint se placer à ses côtés pour la rassurer de sa présence. Le sergent brancha son oreillette et appela Darren à rejoindre le canal principal. Il pourrait suivre l’échange de cette façon.

//Bien. Voilà la situation. D’après Freida, nous ne pouvons pas nous contenter d’attaquer la ferme. Nous serions dépeint comme des pillards. La rumeur se déplacera plus vite que nous et ternira fatalement la renommée d’April. Il nous faut une excuse pour agir.// »
//Genre...un casus belli ?// demanda Clive à la radio.
//Précisément.// »
Max savait que le terme ne parlerait pas à Lyanna, cette dernière fronçant déjà les sourcils. Reconnaissant pour son aide à l’auberge, il se pencha pour lui donner la traduction.
« Ca veut dire “cause de guerre”. Dans notre monde, c’est pour justifier une attaque au regard des autres. »
//On s’y prend comment, alors ?//
//Freida nous a fourni de précieuses informations. Nous allons monter une embuscade et attendre les hostilités. Elles légitimeront notre action. Max, Lyanna, vous approcherez discrètement de la ferme. Dissimulez-vous dans les fossés à proximité immédiate et préparez-vous à l’assaut. Darren, tu seras notre taupe, apport d’informations en temps réel.// »
//Reçu.//
//A mon signal, Freida se rendra directement à la ferme pour réclamer le retour de sa propriété. Cette situation potentiellement dangereuse sera notre ouverture. Il est évident que les esclavagistes n’accepteront jamais. Quand ça commencera, vous agirez vite et avec précision.// »
Jim parlait doucement, regardant régulièrement Freida pour s’assurer qu’elle partageait bien le plan et l’acceptait. Forcément, elle était terrifiée à l’idée d’affronter les deux monstres qui avait détruit sa vie. Mais elle ne voyait pas d’autres solutions pour rendre légitime l’intervention Atlante.
//Max, tu t’occupes de l’extérieur. Tiens les cibles en respect et protège Freida. Darren, tu regroupes les esclaves et tu les mets à l’abri. // »
Le sergent se tourna vers l’Amazone.
//Lyanna, vous investirez la longère indépendamment de notre action. Eoguelle sera menacée de représailles dès l’apparition de notre alliée. Trouvez-là et protégez-la. Si quelqu’un nous échappe, vous avez ordre de neutraliser la menace. Je ne veux pas de morts.// »

Bien entendu, Lyanna n’était pas vraiment ravie du dernier ordre de Jim. Protéger Eoguelle, oui. Mais ne faire aucun mort, cela la contrariait. Même si elle devait affronter des femmes, la guerrière n’oubliait pas qui elles étaient, et le mal qu’elles avaient causé. Pour Lyanna, elles étaient des monstres. Des ennemis qu’il fallait anéantir. Mais Jim ne le voulait pas. Elle allait simplement devoir les blesser, sans aller plus loin. Sans les exécuter pour ce qu’elles étaient. La jeune femme soupira discrètement, consciente qu’elle n’avait pas le choix. Elle se doutait que comme la dernière fois, le Sergent n’hésiterait pas à l’écarter du combat même s’il avait besoin d’elle. Lyanna finit par hocher rapidement la tête, bien que l’idée ne lui plaisait pas.

//D’accord// lança-t-elle en se forçant.

Lyanna se souvint des deux chiens, et du destin funeste qui leur était réservé pour les supprimer de la bataille.

//Eoguelle va s’occuper des chiens, ils ne seront pas une menace//

Jim aquiesça. Tout le monde semblait avoir intégré les éléments importants.
//Vérification armes et équipement pour tout le monde. Laissez vos sacs ici. Mouvement dans dix minutes. Darren ?// »
//Je commence à faire passer le mot. Je te tiens au courant.//
Max s’éloigna dans un petit coin tranquille pour se préparer puis il s’allongea pour observer les lieux, imprimer le visage des cibles à neutraliser.

Lyanna alla s’asseoir sur une souche d’arbre, attendant de pouvoir partir à la recherche d’un chemin qui lui donnerait accès à la maison sans être vue. En attendant, elle sortit ses épées, et aiguisa rapidement les lames dans un geste de simple entretien. Après avoir rassuré Freida sur la réussite de leur plan et le fait qu’il n’y avait pas de piège, le sergent croisa le regard de Lyanna. Il lui fit un signe discret l’invitant à s’approcher et pris congés de la paysanne. La guerrière garda ses épées en main, et se leva avant de faire quelques pas vers Jim.
« Dans quel état est votre blessure ? » lui demanda-t-il.
"Ca va" dit-elle en bougeant sa cheville pour appuyer ses paroles. "J’ai encore un hématome, mais plus de douleur".
« C’est une bonne nouvelle. » affirma Jim. « Quand nous serons au repos, nous ferons un débriefing sur votre partie de la mission. Il faudra aussi que vous nous partagiez vos découvertes sur les notes d’April. C’est vital. »

Lyanna aurait voulu protester, ou simplement dire qu’elle ne voulait pas parler au reste du groupe. Il n’y avait que Darren avec qui elle avait envie de se confier sur ses découvertes grâce au journal d’April. Mais elle savait parfaitement que Jim ne serait pas d’accord, et que l’esprit d’équipe primait. C’était difficile pour la guerrière de faire confiance à des mâles, mais elle n’avait pas vraiment le choix. Elle se mordit la lèvre, puis se contenta d’acquiescer d’un simple hochement de tête.

Au top départ, Max et Lyanna quittèrent la colline chacun de leur côté pour s’approcher discrètement de la ferme. Même si Jim crevait d’envie de se joindre à eux, il fallait quelqu’un pour couvrir leurs arrières et les aider à se déplacer. Depuis sa position de tir, l'œil vissé dans sa lunette, le sergent surveillait les deux esclavagistes qui allaient et venaient. Régulièrement, il les aidait à progresser, les conseillant au moment de sortir de la cachette et de s’en trouver une nouvelle.

//Prochain couvert sur ta droite, Max.// »
// Reçu. //
//Lyanna, attention. Une esclave approche sur vous.// »

Pour ne pas trahir sa position à cause du passage de l’esclave, Lyanna ne répondit pas, et se figea dans les fourrés pour se dissimuler. Elle attendit que l’esclave s’éloigne pour continuer sa route. C’était un jeu de patience. Attendre le moment opportun pour se déplacer, qu’il vienne dans dix minutes ou le double. Plus les deux combattants progressaient sur la longère, plus il était difficile de s’approcher. Darren avait terminé son lopin de terre. Il effectua un détour pour croiser, l’air de rien, la position de son Amazone. Il venait récupérer son fusil d’assaut mais en réalité : c’était la perspective de la retrouver qui l’intéressait davantage.
Le militaire stoppa sa marche et se servit de la charrue comme d’un écran. Il s’agenouilla ensuite pour faire ses lacets et vit la crosse de son fusil émerger du fossé.

« Je t’aime...mon magnifique petit bout de femme... » murmura-t-il amoureusement.
"Moi aussi, je t’aime" dit-elle à voix basse, avant de poursuivre sa route.

Darren s’empara de son fusil à la vitesse de l’éclair. Le temps de le placer dans la charrue et il ramena un large pan de tissu par-dessus.
Quitter la position de Lyanna sans avoir pu la regarder dans les yeux - sans avoir pu voir son visage - était un véritable crève-cœur pour lui. Il se savait à un cheveu ! La belle ne serait pas entraînée à ce petit jeu, il était certain qu’il aurait senti son souffle chaud le caresser. Sans ces foutues esclavagistes, il n’aurait eu qu’à tendre la main pour la toucher et produire ce contact électrique qui les avaient unis. Passer son pouce le long de sa joue, dans une délicate caresse, avant de l’embrasser.

C’était pour bientôt.
Darren se fit une raison et bougea en direction du prochain lopin. Au moins, sa belle n’aurait pas eu à subir son odeur de fauve bien longtemps.
// Ola...ola...j’entends gueuler à l’avant. // avertit Max sur les ondes générales.
//Restez planqué. Il se passe quelque chose dans la baraque.// »


eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Lyanna
Guerrière
Planète Kirana
Bannière perso (image 901x180px) : La ruine d'Amarielle 1562430542-image-profil
√ Arrivée le : 14/07/2018
√ Nationalité : Kiranienne

√ Gène : ATA
√ Messages : 179

Jeu 4 Fév - 21:09

Lyanna

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna

D’ici, Lyanna ne pouvait pas voir grand chose. Mais Norda était visiblement en train d’hurler sur quelqu’un. L’événement semblait suffisamment rare ou inattendu pour attirer Palie et sa fameuse arbalète. L’instant d’après, elles sortaient Eoguelle en la tirant pas les cheveux. Un puissant coup de pied l’envoya mordre la poussière.
// Merde...elle s’est fait grillée on dirait ! //
//Je confirme. Elles l’ont vu préparer une sorte de poison.//
//C’était prévu pour les chiens. Nous n’avons plus de temps à perdre. J’envoie Freida. A tous, conservez positions, préparez-vous à l’assaut.// »
Le temps que Freida descende la colline et emprunte le chemin, Eoguelle avait été emmenée de force dans la longère. Il n’y avait pas d’angle de vue pour en savoir plus mais il était évident qu’une punition l’attendait à l’intérieur. La pauvre femme n’avait pas sorti un mot, même pas un cri ou une supplique. Elle ne voulait pas leur faire ce cadeau, se laissant simplement conduire avec un air blasé. Accroupie derrière un buisson, Lyanna ne pouvait pas voir ce qui se passait, mais elle entendait. Les mains serrées sur les poignées de ses épées, elle dut se forcer à rester cacher. Se jeter en avant pour aider Eoguelle sans analyse de la situation serait suicidaire. Elle dut simplement attendre, impuissante.

Palie et Norda étaient abasourdies par la trahison de leur cuisinière esclave. Elles s’étaient réunies à l’entrée pour discuter d’une série de privations qui pourraient faire effet. Mais contrairement aux autres esclaves, celle-ci était trop précieuse. C’est celle qui cuisinait à longueur de journée et les engraissait de ses merveilles.
Finalement, ce sont les métayères qui découvrirent l’approche de Freida. La plus vieille reconnut tant la silhouette que la démarche. Elle tomba littéralement à genoux en se mettant à pleurer, abattue par le souvenir d’une belle époque révolue. Les autres comprirent peu à peu. Freida les salua poliment, du jamais vu depuis qu’elles galéraient dans le domaine du Bois Raide.
C’est ce silence brutal, l’interruption des travaux forcés et l’absence soudaine de terreur qui imposa la fin des échanges entre les deux esclavagistes. Norda tourna la tête en premier. Elle se saisit du bras de sa sœur et le secoua dans un signe de détresse. L’autre la pointa immédiatement de son arbalète, le visage devenu blême.

//Quelqu’un entend ?// »
// Ouais...Freida aurait pu réviser sa copie. Elle n’est vraiment pas convaincante. //
//Elle est morte de trouille.//
//Lyanna, changement de plan. Au signal, vous foncez dans la longère pour protéger Eoguelle. Ce qui franchit la porte, vous m’en faites du petit bois. Max, les molosses en priorité.// »
// Reçu. //
//Attendez le signal...bientôt...// »

Lyanna était parvenue à s’approcher aussi près de la maison qu’elle pouvait, venant de derrière pour ne pas être vue. Comme les autres, elle attendait le signal qui tardait à venir. Même si ce n’était qu’une impression, car Max lui avait expliqué qu’ils attendaient une bonne raison d’attaquer. Le credo des Atlantes : ne jamais ouvrir le feu en premier s’il n’y avait pas de danger. Alors, la jeune femme patientait, son regard posé sur le mur arrière de la maison, attendant que Jim donne son ordre. Un cri plus vibrant s’envola. Freida exigeait de récupérer sa ferme, ainsi que les esclaves. Les deux sadiques souriaient, conscientes de l’emprise qu’elles avaient sur le cœur de la malheureuse. Pendant que l’une la pointait de son arbalète, l’autre lui tournait autour avec une forme de gourmandise. Elle l’examinait comme elle l’avait fait pour Darren : un nouvel esclave potentiel et gratuit.

Soudain, les appels à l’aide d’Eoguelle parvinrent enfin à franchir les murs de la maison. Il n’en fallut pas plus pour que sa compagne ne perde pied.
« EOGUELLE !!! » hurla Freida en se jetant dans l’entrée.
La diversion plut beaucoup aux ennemis. Palie lui donna un coup de crosse brutal à l’arrière du crâne. La pauvre femme se ramassa contre la porte d’entrée, subissant l’assaut conjuguée de ses ennemies. Elle ramassa une volée de coups de poings, dans le dos et le crâne. Loin d’être bagarreuse, elle avait levé ses mains pour se protéger par instinct. Mais les esclavagistes, malgré les années à s’engraisser, avaient l’habitude de ces coups. Freida tomba sur le sol, rapidement accompagnée de coups de pied.
//Attendez...// »
Norda leva soudainement son arbalète. Elle posa son pied bien à plat, au centre de la poitrine de sa victime, pour préparer un tir létal. En riant grassement, elle visa le centre de son front alors que la pauvre femme levait les mains, en signe de reddition. Il y avait de grandes chances que ce soit du cinéma, la victime était une force de travail supplémentaire bienvenue. Mais l’agression avait eu lieu, la volonté de tuer manifeste. C’était le signe que Jim avait attendu pour la légitimité de l’intervention.

La première balle du sergent siffla longuement dans l’air. Le projectile claqua d’un bruit sourd en transperçant le premier chien d’un flanc à l’autre. Il s’écroula raide-mort sous le regard médusé des deux esclavagistes. Elles réalisaient à peine ce qu’il se passait, se demandant ce que signifiait ce coup de tonnerre tardif en pleine journée ensoleillée.
//D4, en avant !!// »
Un nouveau tir manqua volontairement Palie. La balle brisa une lampe murale, éjectant les débris de verre sur les esclavagistes qui se courbèrent par instinct de conservation. Max sortit de sa cachette et balança une longue rafale sur le dernier chien. Il parvint à avancer, juste au début, avant d’être rattrapé par la gravité de ses blessures.
Darren, quant à lui, était déjà en train de rassembler les esclaves, les forçant à se coucher pour se protéger des échanges.
Au même moment, Lyanna quitta sa cachette et se précipita vers la maison. Ses épées en garde au cas où, elle longea le mur et aperçut une fenêtre ouverte. Pendant que les autres se battaient devant la maison, la guerrière avança rapidement vers l’ouverture qui lui permettrait d’entrer à l’intérieur.

Palie profita du fait que Max terminait le chien. Elle lui balança un carreau d’arbalète en plein dans le torse. La grenade fumigène sur le chemin explosa brutalement, répandant son brouillard autour du soldat.
//Max !!// » s’écria Jim.
//J’y vais !//
//Négatif ! Traître dans tes rangs, une esclave t’approche avec une lame !// »

En entendant dire que Darren était en danger de son côté, car une esclave les avait trahi, Lyanna se figea quelques secondes. Elle lutta intérieurement pour ne pas abandonner sa mission, et se lancer à la rescousse de son compagnon. Non, elle avait quelque chose à faire. Et même si cela voulait dire laisser Darren tout seul, elle devait faire ce qu’on lui avait ordonné de faire. Les dents serrées, elle se hissa par l’ouverture de la fenêtre.

Tandis que Palie se planquait derrière le puits pour recharger son arbalète, Norda avait tourné les talons pour s’enfoncer dans la maison. Elle tomba nez à nez avec Lyanna qui franchissait la fenêtre, son buste étant à l’intérieur de la pièce. Si l’esclavagiste parut surprise dans un premier temps, elle comprit qu’elle n’arriverait jamais à abattre une guerrière aussi solide et sûre d’elle. Alors en profitant du mouvement handicapant de Lyanna pour entrer dans la maison, elle se jeta sur la grande armoire bourrée de livres de cuisine et la fit tomber sur l’Amazone.
Elle voulait gagner du temps pour atteindre Eoguelle.
Elle allait la tuer.

En voyant l’armoire basculer vers sa position, Lyanna se dépêcha de se hisser par la fenêtre, et dut se laisser tomber et effectuer une roulade au sol pour échapper à ce piège qui aurait pu lui être fatal. L’armoire se brisa sous son propre poids, produisant un énorme grincement. Il pleuvait des livres sur Lyanna. Sans attendre, guidée par son instinct, la guerrière se redressa aussitôt, dressant ses lames devant elle en cherchant Norda du regard. Elle ignorait où se trouvait Eoguelle, elle ne l’avait pas dans son champ de vision. Mais voir l’esclavagiste se diriger vers la porte menant à une autre pièce lui fit comprendre que son alliée était là bas. Aussitôt, étant plus proche, Lyanna parvint à l’atteindre. Mais Norda fit un brutal volte-face que l’expérience de l’Amazone vit comme une menace. C’est un hachoir à boucher qui lui passa si près du visage qu’elle sentit le contact glacé de la lame sur le bout de son nez. Son ennemie hurla comme un animal en détresse. Pris au piège, c’est tout son monde qui s’effondrait, sa vie de ripailles qui prenait fin. Le geste fluide de Lyanna transforma la contre-attaque en un avertissement. Elle lui avait entaillé le bras, juste assez pour lui faire comprendre que Norda n’était pas à la hauteur.
Alors en réaction, toujours poussée par cette panique, elle lui balança son hachoir. Il se planta dans le mur tandis qu’elle chargeait lourdement. Norda n’allait certainement pas la prendre de vitesse. Mais vu son gabarit, elle embarqua Lyanna comme une brindille et la colla contre le mur, ses deux bras cernant aussitôt sa taille en lui piégeant les bras.

Darren faisait ça, parfois, pour la taquiner. Il appelait ça le "câlin-prison".
Son amant s’en servait ponctuellement pour l’empêcher de s’en aller, de quitter le lit conjugal, ou la forcer à abandonner une journée de travail pour rester avec lui. Elle n’avait jamais songé que cette étreinte, par une autre personne comme Norda, servirait d’arme. Aussitôt, la sadique exerça une terrible pression dans l’espoir de lui briser la colonne vertébrale. Elle devait probablement se dire qu’en suspendant Lyanna de cette façon, ses pieds battants l’air - et ses bras pris dans cette constriction - elle survivrait à une telle guerrière.
Alors elle serra, de toutes ses forces, en plantant un regard haineux dans le sien. Elle prit même le plaisir de lui dire qu’elle ne reverrait jamais son ancien esclave.

Lyanna serra les dents pour étouffer un gémissement de douleur, car oui, malgré son entraînement, l’étreinte de son ennemie était forte. La jeune femme ne pouvait plus bouger ses bras pour utiliser ses épées. Et ses jambes étaient également inutiles. Alors, Lyanna utilisa la seule chose qui lui restait : sa tête. Elle donna un violent coup sur celle de Norda afin de la déstabiliser et de lui faire lâcher prise. Lyanna lui découpa une arcade. Elle sentit même son sang chargé de graisse s’échapper de la fente qu’elle venait tout juste de créer. Norda poussa un cri, l’étreinte s’évanouit aussitôt. Une main plaquée contre son visage, l’esclavagiste chancela dans l’espoir de s’éloigner d’elle.
Sa main valide s’empara de n’importe quel projectile improvisé. D’abord un bougeoir, un encrier, un plateau, puis un gros vase qui se brisa en mille morceaux en répandant sur elle une eau croupie. Norda se créait un écran de projectile dans l’espoir d’éloigner cette monstrueuse combattante qui la tuerait. Si Lyanna parvint à esquiver les premiers objets, elle fut heurtée par le vase qui l’obligea à lever le bras pour se protéger.

Le temps que Lyanna récupère de ce vase brisé, elle vit rien de moins qu’une chaise lui arriver sur le crâne. La jeune femme eut juste le temps de se pencher sur le côté que le meuble se fracassa sur son dos. Si le coup ne lui était pas fatal, il lui arracha un gémissement douloureux, obligeant à la guerrière à mettre un genou à terre sous l’impact. L’un des pieds, déchiré par la violence du choc, servit de pieu. La pointe fonçait déjà vers sa poitrine tandis que Lyanna se redressait à peine. Vu la proximité de Norda quand cette dernière avait réussi à se saisir du pied de la chaise, la guerrière n’eut pas le temps de l’esquiver. Aussi, lorsqu’elle se remit sur ses jambes, l'esclavagiste la frappa à la poitrine avec son arme de fortune. Mais quelle ne fut pas sa surprise en voyant que Lyanna ne mourrait pas dans d’atroces souffrances. Certes, la guerrière eut une plainte douloureuse, mais elle n’était pas blessée. Son gilet tactique avait arrêté le pieu. Profitant de la surprise de Norda, Lyanna la frappa violemment au visage pour la faire reculer. Son adversaire avait réussi à l’énerver. Sans attendre, elle s’avança, les yeux noirs de haine, et lui donna un puissant coup de pied dans le ventre pour la faire chuter au sol.
Norda s’était effondrée lourdement sur le dos, se tenant le foie. Elle gémissait avec une forme d’agonie. Était-ce vraiment physique ou bien elle prenait conscience que sa vie de plaisir ne reviendrait jamais ? Elle tenta de se redresser mais son poids l’handicapait sérieusement. Ses mains battaient sur les côtés à la recherche de prises, d’appuis, pour pouvoir se redresser à l’équerre. Mais elle n’y parvenait pas, sa propre condition imposait une ancre qui l’attachait à ce plancher. Son regard se voila d’horreur lorsqu’elle comprit qu’elle ne pouvait plus vaincre Lyanna et elle finit par cesser ses gesticulations. Elle n’était guère plus dangereuse qu’une tortue sur le dos. Ses mains s’ouvrirent une fois...puis elles vinrent se joindre en signe de pitié, tandis que la guerrière se tenait au-dessus d’elle, une épée levée comme l’arme d’un bourreau, prête à frapper.
Norda la suppliait silencieusement, de ses mains, de l’épargner…

« J’ai...de l’argent. » siffla-t-elle dans sa douleur. « Beaucoup...beaucoup d’argent. »

Lyanna eut un rictus mauvais à l’encontre de Norda, furieuse contre elle.

"Je me moque de ton argent. Ce que je veux, c’est la liberté pour toutes … et ta mort !"

Sur ses mots, la jeune femme abattit son épée dans la poitrine de Norda, la lame s’enfonçant dans son coeur. L’esclavagiste ne pensait pas qu’elle le ferait. Elle ne pensait pas que cette lame si fine et si bien ciselée s’enfoncerait aussi facilement dans sa poitrine. Son visage se tordit sur le coup de la surprise mais elle n’avait pas eu le temps de ressentir la moindre douleur. L’assaut était net, propre. Son cœur avait cessé de battre instantanément. Norda s’éteignit aussitôt. Son corps s’affaissa.
Soudain, un craquement sur le sol attira l’attention de l’Amazone, qui fit aussitôt volte face en levant sa deuxième épée. Palie débarquait dans son dos, espérant porter secours à sa sœur. Elle était parvenue à quitter son puits malgré les tirs de couverture de Jim. Lequel n’avait pas eu le temps de prévenir Lyanna. L’avertissement dans son oreillette venait beaucoup trop tard, l’arbalète était pointée en direction de sa tête.

Palie n’avait probablement pas entendu les derniers mots de Lyanna, elle n’avait pas assisté à la mise à mort. Mais elle avait une vue parfaite du cadavre de sa sœur et de la lame encore plantée dans son cœur. Fameux mélange que ce cocktail de peine et de haine, son visage était devenu rouge et ses lèvres tremblaient. Elle leva son arbalète avec la ferme intention de l’abattre, visant exactement au même endroit. Lyanna sut qu’elle ne pourrait pas esquiver, Palie l’ayant prise au dépourvu. Est-ce que le gilet arrêterait un trait d’arbalète ? Aucune idée, la guerrière n’eut pas le temps de se poser la question. A la place du claquement de la corde tendue, une pétarade la transforma en passoire. Les balles crevèrent sa peau, ses bras, ses épaules, passant de son dos à sa poitrine. Les axes de tirs évitaient soigneusement la position de Lyanna, donc également les organes vitaux de Palie qui s’agita comme une poupée prise en pleine tempête.
Quelques balles restantes lui défirent la boîte crânienne. La force de ces impacts conjugués sur trois secondes la jeta aux pieds de l’Amazone, révélant derrière les silhouettes de Max et de Darren, les armes encore fumantes. Lyanna baissa son épée, et soupira de soulagement en voyant son amant. Son attention passa très rapidement sur Max qui était toujours en vie, avant qu’elle ne regarde à nouveau Darren.

Le silence retomba aussitôt. Même Eoguelle avait fini de tambouriner à la porte en appelant à l’aide. Elle devait probablement se sentir plus en sécurité à l’intérieur. Max retourna aussitôt dehors pour surveiller les esclaves et s’occuper de Freida. Son visage était taché d’une poudre verte, comme une bonne part de son matériel. Le morceau cassé d’un trait d'arbalète pointait encore depuis le cadavre du fumigène accroché à son gilet. En croisant le regard de Lyanna, sur le chemin, il lui fit la grimace pour lui reprocher la pensée qu’elle ne formulait pas verbalement.

Darren, de son côté, approchait. Il observa le corps de Norda puis fixa sa compagne avec un immense soulagement. Pour premiers mots, après tant de galères, ces jours séparés l’un de l’autre, il lui lança sur un air réprobateur :
« Cent pièces !!! Vraiment ?!? »
Et il éclata de rire.
Lyanna se mit à rire à son tour, soulagée de voir que Darren allait bien. Elle vint aussitôt se blottir contre lui, depuis le temps qu’elle voulait sentir son corps contre le sien.

"Quoi ? Tu aurais préféré que je te vende pour vingt pièces ?"

La jeune femme leva les yeux, et déposa un petit baiser sur les lèvres de son compagnon. Puis, elle partit libérer Eoguelle, avant de sortir de la maison avec Darren.

A partir de là, de nombreuses scènes se jouèrent de tous les côtés de la ferme. Les retrouvailles entre Freida et Eoguelle furent riches en émotions, en pleurs et en soulagement. Ce moment d’intimité semblait faire miroir à leur couple, dont les témoignages se faisaient moins explosifs. Darren était toujours partagé entre son devoir de réserve, en tant que militaire sur le terrain, et le plaisir intense de retrouver son amante. En échange, il témoigna cet attachement de façon plus discrète et complice, laissant ses mains se balader sur son épaule, ou le long de son bras en la caressant. Un message non-verbal qu’elle n’aurait aucun mal à interpréter comme le plaisir de la retrouver, la concrétisation de leurs dialogues à la radio. Mais clairement, il avait envie de lui sauter dessus, passer son temps à l’embrasser et lui répéter combien elle lui avait manqué. Rien que ce premier baiser, reçu sans le réclamer, avait été délicieux.
Darren comprenait mieux pourquoi il était si compliqué de faire la part des choses entre le boulot et la vie perso dans ce cas-là.

Le temps que Jim parvienne jusqu’à la ferme, Max avait fait agenouiller les esclaves. Les femmes formaient une ligne devant lui, c’était plus simple pour les surveiller. Forcément, étant un homme, la peur avait rapidement gagné leurs rangs. C’était bien utile pour les contrôler, certes. Mais il était tout de même déçu de les voir trembler, pleurer, ou se mettre à prier. Max restait adossé contre la longère, l’arme au flanc, en les observant longuement. D’expérience, avec ses mésaventures passées avec Lyanna, il savait qu’aucun de ses mots ne les rassureraient. Ce serait même l’inverse. Alors il se taisait en attendant.

Le retour de Freida avait tout de même fait naître un vent d’espoir. Après que Jim eut vérifié le secteur, la mort des chiens et celle des deux esclavagistes, il prononça trois mots magnifiques pour Darren.
« Va te reposer. »
Darren les avait longuement attendu. Il lui adressa toute sa reconnaissance d’un regard et prit la direction de l’escalier. Dans sa tête, il regrettait tout de même de devoir se séparer de Lyanna aussi rapidement. Elle était encore en activité et Jim avait clairement besoin d’elle. La guerrière regarda son amant disparaître dans l’escalier, et elle regretta de ne pas pouvoir le suivre. Elle avait été séparée de lui depuis bien trop longtemps à son goût, et maintenant qu’ils pouvaient se retrouver, même si les démonstrations d’attachement sur sa planète n’étaient pas les bienvenues, la voilà qui devait rester à aider les autres, pendant que Darren allait se reposer. Mais le sergent s’inquiétait davantage du moral du militaire. Il voulait son soldat en forme et dispo pour la prochaine étape de la mission. Donc, en fixant Lyanna silencieusement, il pointa les escaliers de ses yeux pour l’autoriser à le rejoindre. La jeune femme ne se fit pas prier pour obéir cette fois ci, même si cela venait d’un mâle. Elle emprunta à son tour l’escalier, laissant le Sergent quitter la maison.

Jim se montra diplomate avec le couple de paysannes. Il les invita à décider ce qu’elles feraient des esclaves. Darren était entré dans l’une des chambres pendant ce temps. Il n’aurait su dire si c’était celle de Palie, de Norda ou d’Eoguelle. Tout ce qu’il voyait, c’était un lit moelleux avec des draps et des oreillers épais. Clive s’était effeuillé sur la route. Quand Lyanna le trouva dans la chambre, sa tenue traçait une route jusqu’à la fenêtre, là où il s’était arrêté. La guerrière entra dans la pièce, mais elle resta dans l’encadrement, s’y appuyant en croisant les bras. Elle regarda Darren en silence, pendant que ce dernier regardait par la fenêtre.
Satisfait, le soldat voyait en contrebas le couple offrir la liberté à toutes les esclaves sans distinction. Même celle qui avait tenté de les trahir, elle avait simplement misé sur le mauvais cheval. Et pour s’assurer qu’il n’y ait plus de lien avec la tyrannie des esclavagistes, toutes les dettes furent effacées. Les femmes esclaves s’écrièrent en pleurant de joie. Elles sautillaient en se prenant dans les bras. Les regards se délectaient de la nouvelle liberté, du simple plaisir de nourrir des projets d’avenir.

Jim et Max souhaitaient aider et redorer un peu plus l’image du mâle. Ils disposèrent une grande table en extérieur tandis qu’Eoguelle retournait à ses fourneaux. Elle envoya les mets crus. Du pain, du jambon cuit, du fromage. Et termina à la hâte les tartes ordinairement prévues pour les esclavagistes.
Une scène agréable qu’il observait de loin. C’était la réussite de sa mission...de celle de l’Amazone.

Clive sentit une présence dans son dos. Il se retourna et sourit à la belle brune qui s’était libérée.
« Mission accomplie. Tu es contente ? » lui demanda-t-il machinalement. A l’intonation de sa voix, il n’avait clairement pas envie de parler de ça.
Ce n’était que de la politesse pour ne pas lui sauter dessus d’entrée de jeu.

"Oui … je suis satisfaite" lança Lyanna sans rentrer dans les détails, comprenant que Darren ne voulait pas avoir ce genre de discussion.

Toutefois, le regard du militaire le trahissait salement. Il avait cessé d’observer le visage de l’Amazone pour fixer un point précis derrière elle.

La serrure de la porte.

Lyanna fronça les sourcils en voyant son regard, et détourna elle aussi les yeux pour voir ce qu’il fixait. La serrure de la porte. Poussée par la curiosité, elle ferma cette dernière, et aperçut une clé qui leur permettrait de la verrouiller de l’intérieur. Un sourire naquit sur les lèvres de la guerrière, et elle lança un petit regard en direction de son compagnon, avant de tourner la clé et de s’appuyer contre la porte, en prenant un air faussement innocent.
Son geste transforma étrangement Darren. Comme s’il était conduit par ses instincts primaires, l’Amazone venant tout juste de s’enfermer, comme une grande, dans la cage au lion : il s’approcha. Un pas après l’autre. Mais Lyanna savait parfaitement ce que son geste impliquait. Elle resta parfaitement immobile, continuant de fixer Darren qui s’avançait lentement vers elle.

"Je sais à quoi tu penses, mais dois je te rappeler que tu as besoin de repos"
Il ne lui répondit pas, progressant, la fixant toujours avec ce drôle d’appétit dans les yeux.
Elle espérait le ramener à la raison ?
Lyanna poursuivit en le détaillant des pieds à la tête. "Et que ta priorité en cet instant est de..."
Le reste de sa phrase s’était évanoui dans sa gorge au moment où Darren lui avait sauté dessus, la plaquant contre le bois. Verrouiller la porte n’était pas la chose à faire.

Dès l’instant où il n’y avait plus aucun risque qu’on entre pour les déranger, les propos de Lyanna servaient de décors. Seule sa belle voix enivrante l’hypnotisait. Le contenu ? Il s’en contre fichait.

Le soldat avait facilement deviné ce qu’elle avait voulu dire.
Un bain ! Elle voulait qu’il prenne un bain. Parce qu’il sentait le fauve et que son odeur lui vrillait les narines. Mais elle avait osé matérialiser sa pensée, verrouiller cette porte, instaurer le climat d’intimité. Et elle était là, dans sa tenue d’exploration intégrale, adossée contre la porte. Elle cherchait, se disait Darren.

Donc il l’avait plaqué contre la porte sans douceur, sans trop de violences non plus, avant de l’embrasser langoureusement.
« M’en fout ! » lâcha-t-il entre deux souffles avant de l’enlacer.
Elle était coincée entre lui, la porte, et sa puanteur. Un magnifique tue-l’amour dont il ne voulait pas prendre conscience.

Mais si Darren n’avait qu’une seule envie en cet instant, ce ne fut pas le cas de Lyanna. Certes, la jeune femme avait très envie de son compagnon. Mais son odeur suffisait à calmer ses ardeurs. Et visiblement, le militaire n’en avait rien à faire. Lyanna sourit entre deux baisers, aimant taquiner son amant.

"Tu pues, je te signale. Et cette odeur réveille mes nausées !"
« R’tiens ton souffle ! »

Lyanna regarda Darren dans les yeux, en se mordant la lèvre. Ce simple échange le ramena un peu plus à la réalité. L’air contrit, il hésita grandement entre jouer le rustre et se séparer d’elle. Ses mains étaient encore à plat sur ses hanches, la moitié de son corps collé au sien. Que c’était bon de la retrouver après toutes ces galères…
Ses prochains mots achevèrent de le convaincre. S’il réussissait à l’avoir par la curiosité, Lyanna maîtrisait bien ses armes elle-aussi. Et il ne s’agissait pas d’épées.

"Alors que si tu prends un bain, je t’ai promis que je viendrais avec toi. Ca ne serait pas mieux ?"
« Nonnnn…. » mentit Darren sur une intonation suppliante.
Il se pencha une nouvelle fois. Pas pour l’embrasser ce coup-là. Il atteignit la porte et y cogna son front à deux reprises, se flagellant pour s’être montré aussi faible. Lyanna resta immobile, sans chercher à repousser le soldat. Au contraire, ses mains étaient posées sur son torse, elle ne les retira pas. A contrecœur, Darren se sépara de son amante et lui sourit.
« D’accord. Il y a une salle d’eau, quelque part, dans cet étage. »
Darren se fit violence pour reculer et laisser de l’air à l’Amazone. Il déverrouilla la porte, un peu fébrilement, et pointa la guerrière de la clé qu’il tenait encore en main.
« Tu vas pas t’en tirer comme ça, tu vas me le payer ! » grommela-t-il, faussement menaçant.

Lyanna eut un sourire aux paroles de Darren, et elle l’embrassa furtivement, comme pour le provoquer. Son visage était tiré par l’épuisement mais son regard lui promettait mille punitions.

"Ah oui ? Qui te dit que ce n’est pas toi qui va le payer ?"

La guerrière était aussi joueuse que le militaire. Elle ouvrit la porte, et partit dans le couloir à la recherche d’une salle d’eau. Elle finit par en trouver une, avec un grand bassin rempli d’eau au centre de la pièce. Lyanna ne vit aucune cheminée pour chauffer l’eau. Mais vu la vapeur qui s’en échappait, l’eau devait être chaude par elle ne savait quel procédé. La guerrière ignorait que cette pièce se trouvait juste au-dessus de la cuisine d’Eoguelle, et que le bassin était relié aux fourneaux, et donc chauffé en permanence. L’eau était translucide, donc propre, et un sourire naquit sur les lèvres de Lyanna qui appela son compagnon.

"Darren ? J’ai trouvé !" lança-t-elle dans le couloir, tout en commençant à se déshabiller.

Darren referma la porte de la chambre qu’il avait ouverte pour en inspecter l’intérieur. Il se tourna un peu mollement pour regarder sa compagne, le cerveau encore en train de traiter l’info. Puis il la vit défaire ses habits. Darren cessa de respirer et ferma les yeux, se refusant à un comportement de soudard. Elle le savait...elle le cherchait tellement !
Sans plus attendre, Darren claqua la porte et la rejoignit dans la salle d’eau. Il ne s’intéressa pas plus qu’elle au procédé. Il songea simplement que les deux esclavagistes avaient des goûts de luxe. Ce n’était pas décoré, il n’y avait rien de bien riche. Mais ça ressemblait à une forme de jacuzzi local, les bulles frémissantes en moins.

Contrairement à Lyanna, le militaire n’avait que son dessous réglementaire à retirer. Il le laissa tomber sur ses chevilles et le chassa d’un simple coup de pied avant d’enjamber le rebord du bassin. Il s’était interdit de regarder en direction de la belle brune. Parce qu’il se connaissait bien...il allait s’arrêter là, l’air bête, et la lorgner jusqu’à ce qu’elle lui dise de fermer la bouche. Non...un peu de tenue, Clive.
Il se laissa tomber entièrement dans l’eau, s’immergeant jusqu’au fond dans l’espoir que la crasse se dissolve immédiatement au contact de l’eau chaude.
Pendant ce temps, Lyanna continua de se déshabiller entièrement. Puis, elle marcha jusqu’à un petit meuble où étaient posés plusieurs boîtes dans lesquelles se trouvait du savon de différents parfums. Elle en prit quelques-uns pour se laver, ainsi qu’une sorte de gant de toilette. Une fois ses trouvailles en main, Lyanna se dirigea vers le bassin où son compagnon était toujours sous l’eau.

Darren ne ressortit qu’une fois à court d’oxygène. Il émergea du bassin qui lui arrivait aux cuisses en expulsant l’eau d’un souffle. C’était agréable, ça soulageait grandement. Il sentait déjà ses muscles se détendre un peu. Darren était reconnaissant, sa belle avait bien fait de le pousser au bain. Il se retourna pour la remercier. Et il la vit. Entièrement nue face à lui. Lyanna s’arrêta au bord du bassin, consciente que son amant était hypnotisé par ce qu’il voyait. Il pensa à fermer la bouche cette fois. Il n’en restait pas moins absorbé par la contemplation de son corps. La jeune femme sourit, et posa les objets sur le sol, avant de se glisser à son tour dans l’eau chaude. Cela lui fit du bien, et elle s’immergea entièrement quelques secondes, avant de venir contre Darren.
Sur son approche, le jeune homme s’était doucement laisser tomber à genoux. Il profita de la différence de hauteur pour poser sa tête contre le ventre de l’Amazone, à hauteur de son nombril, et de l'enlacer de ses mains libres. L’étreinte se montrait symbolique et plus sérieuse que les petites provocations. Elle lui avait beaucoup manqué. Elle, la guerrière. Son corps. Son tempérament. Son regard. Et surtout son sourire. Lyanna glissa ses doigts dans les cheveux de Darren, et elle se pencha pour déposer un baiser sur la tête de son compagnon. La présence du militaire avait aussi beaucoup manqué à la guerrière, et elle appréciait cette étreinte.

"Tu me laisses te laver ?"

Darren la libéra de son étreinte. Il opina du chef tout en regardant autour de lui. Sur un coin du bassin, des petites marches servaient d’assises. Elles permettaient de choisir la profondeur d’eau selon l’endroit où l’on s’installait. Darren prit le plus haut pour que son amante puisse avoir facilement accès à son corps. Pendant un petit instant, il se souvint des sacrés coups de bottes qu’il avait reçu dans le dos. Lyanna allait probablement remarquer les ecchymoses si elle passait par là. Mais peu importe au final, ils étaient guerriers et ils venaient de se retrouver.

Personne n’était venu ouvrir cette porte. Il regarda machinalement la serrure et la clé que Lyanna n’avait visiblement pas tournée. Le soldat se promit de flinguer celui qui viendrait les ennuyer, qu’importe soit le gêneur.

L’expérience promettait d’être intéressante. La dernière fois que l’Amazone avait fait ça, il était entre la vie et la mort dans le lit d’une auberge. La situation était clairement différente et il semblait que c’était la première fois. Oui...la première fois qu’elle s’occupait de lui aussi volontairement, sans être forcée par la situation. Cette fois, elle avait choisi d’enlever ses vêtements et d’entrer dans l’eau sans qu’il lui propose. Elle était à l’initiative, elle était entreprenante.
Et ça, bon sang, ce qu’il adorait.
Depuis le début de leur relation, environ un an auparavant, Lyanna avait beaucoup appris au contact de Darren. Et peu à peu, elle se montrait plus entreprenante avec lui. Comme en cet instant où elle n’hésitait pas à se présenter nue devant lui, et à entrer dans le bassin pour le rejoindre et s’occuper de son compagnon.

Lyanna grimpa les marches pour sortir de l’eau, et alla chercher le gant et du savon qu’elle choisit pour son odeur agréable. Puis, elle revint vers Darren, et s’installa derrière lui, passant ses jambes de part et d’autre de son corps, pour s’occuper d’abord du dos de son compagnon. Avec délicatesse, la guerrière passa le gant sur sa peau pour le nettoyer, et son regard fixa les ecchymoses dues aux nombreux coups qu’il s’était pris. Lyanna soupira, et elle poursuivit sa tâche avec délicatesse.

"Ca ne te fait pas trop mal ?" lui demanda-t-elle en parlant des ecchymoses.
« Je me sens bien. »

Darren était sincère. La position lui plaisait. Elle était réconfortante, curative. Un peu par automatisme, il avait passé les bras autour de chaque genou de l’Amazone, comme pour s’assurer qu’elle resterait comme ça. Il avait hâte qu’elle en termine avec son dos pour se laisser reposer sur la poitrine de l’Amazone. C’est ce qu’il fit dès que le gant cessa de parcourir son épiderme. Darren s’allongea contre Lyanna en soupirant d’aise. Il sentait le cœur de cette dernière battre dans son dos, son menton reposer sur le sommet de son crâne, ainsi que ses cheveux humide coller à l’une de ses épaules. Il leva les yeux distraitement vers le ciel, soulagé, puis se laissa aller entièrement. S’il avait été dans un endroit plus profond, il se serait probablement mis à flotter tant il avait lâché prise. Le soldat se laissait porter dans le silence et la béatitude de cette étreinte. D’un geste distrait et sans fin, il dessinait du bout de ses doigts les courbes de son amour. Il avait remarqué les bleus qui cernaient l’une de ses chevilles, ses caresses se faisaient plus douces à cet endroit.
Il ne voulait pas que ce moment s’arrête...mais il prit fin, à son plus grand regret. Il était sur le point de s’endormir contre elle tant il se sentait bien, serein. C’est peut-être pour ça qu’elle avait initié le mouvement. Lyanna ne voulait pas qu’il s’effondre.

Lyanna se leva et vint faire face à son amant, avant de commencer à laver son torse. Darren regarda le gant se déplacer sur lui avec une infinie douceur, le signe des sentiments de Lyanna à son égard. Ça le touchait.
Clairement, il se trouvait dans une position où il n’avait plus qu’à se laisser faire. Il se sentait alors comme un roi, comme un nanti. Il y avait une femme nue dans son bain. Une créature sublime, avec une corps de rêve, qui se penchait sur lui et le lavait. Le laissant libre d’observer la moindre parcelle de nudité.
Lyanna n’avait pas menti à la radio...

« Tu disais vrai. » lui murmura-t-il, un peu ému par le moment qu’elle lui offrait.
Lyanna sourit aux paroles de Darren, et déposa un baiser furtif sur ses lèvres, avant de poursuivre sa tâche.

"Je ne mens jamais".

La guerrière continua ses gestes avec beaucoup d’attention. Mais également par jeu, il fallait l’avouer. Elle se montrait sensuelle par moment, surtout quand le gant effleurait certaines zones du corps de son amant. Emoustillé par cet appel progressif, le militaire sentait le sommeil le quitter peu à peu. L’épuisement semblait avoir été mis de côté par son cerveau reptilien au bénéfice d’une envie beaucoup plus croustillante. A force de petites provocations, Darren céda. Il libéra ses mains baladeuses, petit à petit, en la caressant doucement. Lyanna sourit, mais elle n’empêcha pas son compagnon de la caresser, et continua ce qu’elle était entrain de faire. L’une des mains du soldat s’aventura dangereusement bas, flirtant sur l’extrémité de son derrière sur lequel il dessina des petits ronds. Il arrêta son délicieux voyage sur sa hanche qu’il pressait d’une main entière, son pouce allant et venant pour maintenir la caresse. Lorsqu’elle demanda à Darren de se lever, sa main effleura doucement sa virilité qui avait déjà pris une sérieuse tension.

« Coquine. » lâcha Darren avec un petit sourire. Il se mit debout, déposa un petit baiser sur son sein droit au passage, puis il la laissa reprendre son travail.
Lyanna en jouait, et en même temps, elle poursuivait sa tâche en descendant le long de ses jambes, se mettant ainsi à genoux, l’eau montant jusqu’à ses hanches.
Fatalement, en atteignant ses chevilles, la guerrière se retrouva dans une position qu’elle n’avait jamais eu depuis qu’ils étaient ensemble. Une page de son bouquin qu’elle adorait quand il s’agissait de lui. Mais qui la répugnait si les rôles s’en trouvaient inversés. Elle trouvait ça très humiliant par principe et il ne pouvait pas le lui reprocher, surtout avec son passé. Coincé, Darren s’en voulait un peu d’espérer qu’elle le flatte de sa langue. Mais d’un autre côté, ça faisait partie de ses désirs secrets. Lyanna ne s’en rendant pas compte, s’appliquant à s’occuper avec attention de son amant, après le calvaire qu’il avait vécu ces derniers jours. Elle n’avait donc pas encore remarqué que la virilité tendue de Darren se trouvait non loin de son visage.

Darren n’était pas choqué de lui offrir ces petits plaisirs à sens unique. En bon fourbe, il privilégiait les assauts surprises. Généralement, c’était lorsqu’elle rentrait du boulot. Darren commençait par la débarrasser de son sac de sport, il la faisait asseoir sur un siège et démarrait un massage de ses épaules. Puis, en feignant d’écouter attentivement le contenu de sa journée, des mâles qu’elle avait failli baffer, il lui descendait le pantalon sur les chevilles. Un orgasme comme accueil, elle ne s’en était encore jamais plainte. Pourquoi se plaindre, d’ailleurs ? Lyanna appréciait lorsque Darren la comblait. Et après une dure journée de travail ou de contrariété, rien de tel qu’un câlin au lit, sur le bureau, ou même dans la douche, pour bien terminer la journée. Et la jeune femme aimait ça.


eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Invité
Invité

Mar 16 Fév - 22:05

avatar

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna


Alors que Lyanna était toujours accaparée à sa tâche, terminant la toilette de son compagnon, la main de Darren était hésitante. Mais il la posa finalement sur le sommet de la tête de l’Amazone, massant délicatement son cuir chevelu alors qu’il restait à proximité immédiate. Sa virilité battait la mesure à quelques encablures seulement, douloureusement durcie par le désir. Il restait bloqué entre l’envie de lui faire connaître et de ne pas prendre ce risque. En sentant la main du soldat sur sa tête, Lyanna leva les yeux. Et bien entendu, son regard tomba sur le sexe de Darren à quelques centimètres d’elle. Elle se figea alors, comprenant enfin la position dans laquelle elle se trouvait, comme dans le livre qu’elle avait reçu. Puis, surprise, la jeune femme leva la tête, et plongea son regard interrogateur dans celui de Darren. Elle voyait bien dans ses yeux son envie qu’elle vienne d'elle-même découvrir ce nouveau terrain, bien qu’il n’osait pas lui demander. Comme s’il hésitait à le lui demander de peur qu’elle ne se sauve en courant. Ce qui n’était pas vraiment faux, Lyanna avait encore du mal avec cet acte de pure soumission. Encore plus que le jour où Darren l’avait prise à quatre pattes comme un animal, au bord du lac. Position qu’elle avait d’ailleurs redemandé plusieurs fois, équilibrant ainsi les fois où c’était elle qui le dominait en le chevauchant.

Mais cette fois-ci, Lyanna eut du mal à se lancer, à découvrir cette nouveauté. Elle savait que Darren ne l’obligerait pas, même s’il en avait terriblement envie. Sa virilité en était la preuve. Rien que de voir son amante dans cette position, à genoux devant elle, soumise, l’excitait. Mais c’était à la guerrière de faire son choix. Celle-ci ne sut pas quoi faire, et commença déjà par poser le gant de toilette, ayant terminé sa tâche. Son compagnon était propre, il n’avait plus besoin de ça. Et les choses s’étaient mises à déraper à cause de son petit jeu, la toilette langoureuse qu’elle lui avait prodiguée. Le résultat était là, devant elle. La crainte et le dégoût de pratiquer un tel acte était toujours là. Mais également la curiosité. Après tout, Lyanna avait fini par aimer se soumettre à Darren en le laissant la prendre de façon bestiale. Parce qu’elle avait confiance en lui. Le militaire n’était pas comme les autres mâles qui ne pensaient qu’à soumettre les femmes pour leur propre plaisir. Non. Darren cherchait surtout son plaisir à elle, en plus du sien. Voilà pourquoi Lyanna le laissait faire. Elle se sentait en sécurité, il lui rappelait régulièrement ce mot : “stop”. Elle n’avait qu’à le prononcer pour qu’il cesse. Même cette façon de venir s’immiscer dans sa féminité avec sa langue et ses lèvres était délicieuse. Il n’était que douceur. Mais là, c’était autre chose. C’était à elle de faire agir sa bouche. Mais en aurait-elle le courage ?

A la fois écoeurée et intriguée, Lyanna resta immobile quelques instants. Clive ne disait rien parce que ce moment était très perturbant, pour l’un comme pour l’autre. Il ne pouvait qu’attendre de connaitre la réponse non-verbale de sa femme. Était-elle prête ? Est-ce qu’elle resterait avec lui pour ce câlin ? Ou est-ce qu’il souffrirait de la voir s’en aller ?
Timidement, Lyanna passa d’abord ses doigts sur ce membre fièrement dressé devant elle. Caresser cette partie de l’anatomie de Darren était un cap qu’elle avait déjà passé, en ayant remarqué à quel point son compagnon était réceptif à ces caresses. Elle y alla donc doucement. Il lui fallut quelques minutes, hésitante, tandis que sa main et ses doigts firent davantage durcir le sexe du militaire. La jeune femme remarqua les réactions de ce dernier, elle savait qu’il aimait ça et que ça lui faisait de l’effet. Et donc, cela l’excitait elle aussi. Puis, timidement, comme ayant peur de ne pas aimer, ou peut être de mal faire, Lyanna déposa ses lèvres doucement sur la peau douce et chaude, la recouvrant de baisers. Elle sentit la main de Darren se crisper dans sa chevelure, signe que ses gestes étaient plaisants pour le soldat.

« C’est bien. » lui souffla-t-il d’une petite voix pour l’encourager, lui faire sentir que ce n’était pas grave, qu’elle franchissait une nouvelle étape de leur vie de couple.
La guerrière continua quelques instants, ne trouvant pas vraiment humiliant de déposer des baisers sur cette partie du corps d’un mâle. Le pas au-dessus était plus difficile pour elle.

April lui en avait parlé un jour, lorsque pour une raison encore indéterminée, ce sujet était venu sur le tapis. Elle avait alors expliqué à Lyanna comment faire pour rendre un mâle dingue rien qu’avec sa bouche. C’était, selon elle, l’arme qui soumettait n’importe quel homme à une prédatrice. Darren avait déjà abordé le sujet mais sans rentrer dans les détails. Alors que April, elle, ne s’était pas gênée pour lui détailler la manœuvre. La militaire n’avait fait qu’arracher une grimace de dégoût de la part de Lyanna, ce qui l’avait fait rire.

« Ne fait pas cette tête, poulette. Tu passeras forcément par là, un jour ! » lui avait-elle dit, certaine de sa supposition.

Et maintenant, Lyanna se retrouvait dans cette situation, tenant le sexe de Darren dans sa main, hésitant à aller plus loin que de simples baisers. Elle pouvait s’arrêter là et cesser cet acte pour de bon, quitte à frustrer son compagnon. Ou alors, elle pouvait écouter sa curiosité, prendre son courage à deux mains, quitte à ne le faire qu’une seule fois avant de partir en courant. Histoire d’avoir tenté cette position, avant de la décliner pour de bon. Ou peut-être l’adopter, qui sait.

Après une longue hésitation, Lyanna finit par écouter cette petite voix curieuse en elle, et franchit le pas, inquiète. Essayant de mettre en pratique les explications d’April, la jeune femme referma ses lèvres sur l’extrémité du membre de Darren, les serrant doucement.
Le soldat le sentit tout de suite. L’air siffla discrètement entre ses dents au cours d’une inspiration, signe d’une excitation extrême. Sa main la caressa doucement pour l’encourager à continuer. Après s’être quelque peu habituée à cette intrusion dans sa bouche, les lèvres de la guerrière glissèrent lentement le long de la virilité de son amant. Involontairement, elle bougea aussi sa langue qui se mit à caresser ce sexe sur la longueur. Arrivée à la moitié, Lyanna recula et fit le geste en sens inverse, maladroite, et malgré elle, luttant pour arrêter. Sentir le sexe de Darren dans sa bouche était une sensation vraiment étrange, bizarre, et déroutante. Il lui fallut quelques instants pour s’y faire, la petite voix d’April lui susurrait à l’oreille comment elle devait s’y prendre. Alors, Lyanna recommença ses va et vient avec ses lèvres et sa langue, aspirant de temps en temps et resserrant son étreinte. Aussitôt, elle sentit non seulement dans la main de Darren, dans ses soupirs, mais aussi dans sa virilité, l’effet qu’elle était en train de lui donner.
« Lyanna... » soupira le militaire en sentant une vague de plaisir déferler en lui.

Le soldat regarda un instant le plafond, les yeux légèrement écarquillés, en étant frappé par la réalité de ce moment. Un peu égoïstement, il eut une pensée basique. Lyanna avait cédé. Ça y est, il l’avait eu, elle était en train de le flatter. Tous ses actes, sa séduction, ces moments passés ensemble, n’étaient pas motivés pour aboutir à ce moment. Mais il ne pouvait pas s’empêcher de sentir une forme de concrétisation. Une sorte de victoire à l’idée d’avoir amené cette Amazone dangereuse, colérique et intransigeante à cette même position que connaissaient toutes les femmes un jour.
Darren lui adressa un sourire comblé. Il était pleinement en train de profiter du moment, ne s’attendant pas à ce qui viendrait par la suite.

Lyanna se rendit compte de la puissance de son acte sur Darren, mais elle voyait bien que son compagnon ne la forçait pas à aller plus loin. Il l’accompagnait simplement, comme pour lui donner de l’assurance. Alors la guerrière poursuivit ses gestes, étant un peu plus en confiance, bien qu’elle était encore un peu maladroite. Elle tenait toujours ce membre durcit dans sa main, son autre main était posée sur la cuisse de Darren. Les yeux fermés, elle continua ses caresses, pressant ses lèvres et sa langue le long de la hampe, tout en s’habituant peu à peu à cette nouvelle position qui la partageait toujours entre la curiosité et le malaise.

Lyanna remarqua que lorsque sa langue titillait l’extrémité du sexe de son amant, ce dernier poussait un râle plus intense, comme s’il était très sensible à cet endroit là. Avec ce qu’il venait de dire, c’était vraiment à se demander qui dominait qui en cet instant. D’après April, une femme pouvait mettre un mâle à terre juste avec sa bouche. Darren adoptait clairement une posture de dominant. Il accompagnait doucement le rythme de ses va-et-vient, l’encourageant de ses soupirs d’aise et de ses caresses. Il ne pouvait pas commettre une plus grosse erreur que de sous-estimer l’Amazone. Maintenant qu’elle comprenait comment ça fonctionnait et la réaction qu’elle lui causait, la guerrière avait de nouvelles armes à disposition. Encouragée par les soupirs de son compagnon, la jeune femme se détendit un peu, et accéléra légèrement le rythme de sa caresse buccale.

Si April lui avait dit qu’elle pouvait soumettre son partenaire de ses lèvres, c’est que c’était vrai. Lyanna gagna en ardeur, échappant au contrôle de son amant. L’Amazone attaqua son partenaire consciencieusement, guidée par les différents signes de plaisir qui lui parvenaient. Les muscles se crispèrent de plus en plus brusquement sous ses assauts, signe qu’elle frappait au bon endroit.

« Doucement... » souffla le militaire qui sentait le contrôle lui échapper.
Il avait prononcé ça comme s’il espérait jouer sur ses doutes, qu’elle accepte de le suivre bien aveuglément. Mais Lyanna n’était pas dupe. Elle voyait bien que c’était elle qui avait pris le contrôle de la danse. Et maintenant qu’elle venait de découvrir ce pouvoir, elle n’allait pas le laisser comme ça.
Et parce qu’elle ne se montrait pas obéissante, le soldat comprit trop tard et perdit pied. Son impression de domination totale se désagrégea et la situation l’excita comme jamais. Il aurait souhaité récupérer le contrôle, rester debout et lui montrer qui était le patron. Mais les assauts de la belle brune le privaient de toutes pensées raisonnées.
Il n’avait plus qu’une envie maintenant : s’allonger et se laisser dévorer.

Leurs regards se croisèrent un instant et Darren céda. Sans dire un mot, il fléchit les jambes et s’installa sur la marche, obligeant doucement à Lyanna à délaisser son membre à mesure qu’il reculait pour s’asseoir. Par jeu, le militaire leva une de ses jambes comme s’il voulait échapper à la tigresse qui approchait de lui. Mais la guerrière n’eut qu’à poser une main à plat sur sa cuisse pour qu’elle retombe mollement dans l’eau. Lyanna n’avait pas l’intention de le laisser partir comme ça, même si elle savait parfaitement que Darren n’allait pas la fuir après le plaisir qu’il venait de ressentir.

Le contrôle dont April lui parlait...elle le voyait maintenant clairement. Pas besoin de forcer.
La main de Darren était revenue pour se poser sur sa nuque, une tentative pour la maîtriser. Elle l’intercepta en chemin et la plaqua au sol, prenant appui sur l’avant-bras pour lui interdire toute nouvelle tentative de ce genre.
Le militaire était fait comme un rat. Et Lyanna le lui fit bien comprendre en le regardant dans les yeux, un sourire aux lèvres.

"Tu es à moi !"

Lyanna se pencha en se saisissant à nouveau du sexe de son compagnon, et le remit en délicatement en bouche. Lorsqu’elle reprit ses caresses, elle lui déclencha une grande vague de plaisir. Darren se voyait allongé sur le dos, le bras bloqué par sa partenaire qui l’agressait de sa langue. De délicieux frissons naviguaient dans tout son corps, imposant une paralysie au reste de ses membres.
« Bon sang... » lâcha Darren dans une supplique.

Il profita longuement. Puis il sentit peu à peu qu’il montait.
Sa respiration devenait plus rapide. Il amorçait la montée.
« A...arrête... » la supplia-t-il alors.
Il posa sa main libre sur le dessus de son épaule, exerçant une pression trop délicate pour la repousser.
« Lyann...arrêt...ahhh... » glapit le soldat.
La garce, pensait-il, plus il lui demandait d’arrêter, plus elle y allait. Impossible de lui échapper. Impossible de briser ces chaînes de plaisirs invisibles dans lesquelles elle l’avait enfermée. Darren était perdu, totalement exposé de sa volonté. Dans un soupir d’abandon, il laissa sa main libre retomber dans l’eau et il s’abandonna à sa femme. Elle avait gagné...c’est elle qui l’avait eu.

« Lyanna... » répéta ce dernier en fixant le plafond, entre deux râles de plaisirs. « A...arrête...j’aurai...rien... »
Il serra les dents et retint une plainte. Il faisait des efforts pour ne pas éclater dans sa bouche. La pauvre allait probablement mal le vivre. Et une tâche demeurait dans ce tableau chargé de bonheur et de plaisir. Si elle le finissait, l’échange aura été à sens unique. Clive voulait lui faire plaisir, qu’elle vive cette évolution et cet acte de confiance dans une apothéose réciproque.
Alors, tous les efforts tournés pour lui résister, sans même pouvoir lever le moindre doigt tant elle le tenait, il bafouilla dans l’espoir de l’avertir :
« Je...j’aurai...rien...pour toi...après... »
Il se tordit dans un râle. Il avait failli éclater brusquement.
« Au secours... » laissa-t-il glisser dans un grand souffle de plaisir.

Lyanna sentit la virilité de Darren durcie entre ses lèvres. Et l’entendre la supplier à ce point lui démontra que ce dernier était sur le point de venir. Outre le fait qu’elle ne voulait pas aller jusqu’au bout, surtout pas après sa première fellation, la jeune femme voulait le sentir en elle. Elle voulait que son partenaire la fasse gémir. La fasse crier. Ils avaient été séparés depuis trop longtemps, et l’inquiétude les avait gagnés et les accompagner depuis plusieurs jours. Sentir Darren en elle était comme un moyen de se rassurer qu’il était bien là; avec elle. A la supplique du militaire, Lyanna consentit à relâcher son étreinte diabolique, et elle se glissa au-dessus de Darren, avant de venir l’embrasser avec fougue.

« Ah pas question !!! » enragea le soldat, tout aussi endiablé.
Le sourire aux lèvres, il se débatit et roula sur le côté pour emporter la jeune femme avec lui. L’eau du bassin claqua avant de former un grand remous qui leur revint dans le dos. Clive se saisit d’un avant bras de Lyanna et la plaqua contre la marche, là où il se trouvait un instant plus tôt.

Il se fraya un chemin entre ses jambes, se positionnant au-dessus d’elle dans un geste joueur. Il donnait l’air de vouloir se venger. De la remercier...les deux en même temps, en fait. Lyanna sourit à son compagnon, et voulant continuer de jouer avec lui - comme toujours grâce à leurs moments complices - la guerrière fit semblant de se débattre pour lui échapper. Elle s’agitait tellement qu’il n’arrivait pas à prendre le dessus. Joueur, Darren changea d’optique et lui chatouilla les flancs. Il lui arracha un cri de surprise au début, mêlé de leurs rires réciproques. Ils n’étaient guère plus que des enfants.
Lorsque l’Amazone le laissa faire, le militaire lui plaça les bras au-dessus de sa tête, étirant son corps. Cette fois-ci, ce fut Lyanna qui fut à la merci de Darren, retenue prisonnière par ce dernier qui pouvait faire ce qu’il voulait d’elle. Le militaire parcourut du regard sa poitrine qui s’était gonflée, comme s’il cartographiait minutieusement chaque détail. Puis il s’y enfouit le visage pour la couvrir de ses baisers, ce qui fit frissonner la guerrière, lui arrachant un gémissement de plaisir.
Des baisers d’amour, d’attachement, de gratitude, de sentiments. De tout ce qui pouvait définir leur relation. Il remonta jusqu’à ses épaules, son cou, puis ses lèvres qu’il embrassa avec une fougue redoublée. Lyanna répondit à son baiser avec la même intensité, ses lèvres lui avaient beaucoup manqué.
Finalement, Darren posa l’une de ses mains sur sa joue pour pouvoir la regarder en face. Lyanna profita de sa liberté pour passer ses bras autour du cou de son compagnon, caressant doucement sa nuque et le haut de son dos.
« Je t’aime, belle Amazone. » dit-il simplement en lui retirant quelques mèches de cheveux collés par l’humidité.
La jeune femme lui sourit, et l’embrassa avec tendresse.
"Moi aussi, je t’aime" lui souffla-t-elle, avant un autre baiser plus passionné.

Ce petit intermède avait aidé Darren à redescendre. Calé sur la position classique du missionnaire, le soldat débuta de courts mouvements. Il se frotta contre l’intimité de sa compagne pour accroître son désir, se servant de sa virilité qu’elle avait tant attaquée pour lui rendre la pareille. Darren l’embrassa une nouvelle fois puis, lors d’un nouveau mouvement, il manqua d’entrer en elle. L’accroche était aussi délicieuse que frustrante. Et Darren n’était pas le seul à réagir à ce dérapage. Lyanna poussa un gémissement mêlant frustration et plaisir. Elle voulait qu’il continue, et serra ses cuisses autour des hanches de son amant. Ce dernier répéta le geste deux fois puis s’aida d’une main pour être dans le bon angle.
Il resta rivé sur le regard de sa femme. De beaux yeux bruns. Il savait que ses iris prenaient une teinte verte sous l’effet du soleil. Probablement un trait de son espèce sur Kirana, il trouvait ça pas mal. Mais là, en cet instant, il la fixait intensément tandis qu’il s’insinuait en elle. Il éprouva un intense plaisir. Lorsqu’il la pénétra, Lyanna poussa un soupir d’aise en fermant les yeux. Son corps frissonna, le plaisir ressenti était déjà intense, attisé par leur précédent jeu.
Ces trois jours de privations, de souffrances et d’angoisses se terminaient sur une note plus qu’agréable. Darren se pencha pour l’embrasser mais resta à mi-chemin, comme pour la provoquer. Il se recula même un peu, histoire de l’emmerder. Il eut alors le droit à un petit "Hé !!!" de la part de Lyanna qui était plus amusée que mécontente.

« Tu es à qui ? » lui demanda-t-il, pour lui renvoyer la monnaie de sa pièce.
Lyanna se mordit la lèvre, provocante.
"A personne !" répondit-elle par taquinerie, car elle savait parfaitement que son compagnon s’en amuserait.
« Bon, si c’est comme ça. » bouda-t-il en faisant mine de se retirer.
Il n’agissait pas sérieusement. L’idée de se comporter de la sorte, à un tel moment, était plutôt drôle.
"Ah non non non" s’empressa de dire Lyanna, même si elle se doutait que le militaire ne se retirerait pas. "Je suis à toi, je suis à toi !"

Darren cessa ses enfantillages. Il embrassa Lyanna et débuta de petits mouvements simples. Il attendait tout simplement son signal pour commencer la danse. Le geste non-verbal qui ne tarda pas à venir. La jeune femme se blottit contre le corps de son amant, et donna un petit coup de bassin dans sa direction pour le sentir davantage en elle. Alors Darren prit appui sur ses coudes de part et d’autre de la belle brune pour avoir une meilleure stabilité et il ondula langoureusement du corps. Avec lenteur mais puissance, cherchant la profondeur. L’eau produisait un bruit désagréable du fait de ce geste répétitif mais il s’en contrefichait. La pression qu’exerçait Lyanna par ses jambes, lui comprimant bien fort le bassin, prouvait qu’elle adorait ça. Et quand il sentait ses ongles racler sa peau au risque d’y imprimer quelques estafilades, ça lui faisait perdre les pédales.

Darren se mouvait longuement. En allant et en venant. Il sentait le corps de Lyanna se coller fiévreusement contre le sien. Parfois, il la sentait se séparer très légèrement de lui pour produire un impact plus marqué. Sinon, elle était littéralement soudée contre son corps. L’un comme l’autre voulait se sentir uni, ils y parvenaient.
Le soldat poussa une plainte de bonheur. Il donna une nouvelle impulsion, un peu plus sévère, et sentit à la pression des doigts de Lyanna qu’elle approuvait, tout comme le petit cri de plaisir qu’il lui arracha. Alors il continua un peu, alors qu’elle collait son visage contre son torse. Pendant la danse, il se redressa pour observer l’une des cuisses qui l’emprisonnait. Darren posa une main dessus puis descendit lentement pour parcourir les courbes élancées. Il s’arrêta un peu au-dessus de la cheville puis revint ensuite pour accueillir l’une de ses fesses, s’en saisissant fermement. Il força un peu pour creuser un écart entre eux deux et avoir la possibilité de ressortir, pour la plus grande frustration de Lyanna qui gémit en essayant, en vain, de retenir son compagnon en elle.

L’un des petits plaisirs de Darren, c’était de quitter son antre avant d’y retourner. Lui faire sentir l’union, l’invasion de son être, la rendre folle. Si ce n’est lui qui l'était déjà. Le soldat lui adressa un beau sourire puis il retourna à sa petite danse, maintenant qu’il avait assez joué. Lyanna se mordit la lèvre en plongeant son regard dans celui du militaire.

"Fourbe !"
« Traîtresse ! »

Darren sentait que la belle allait venir. Elle était en train de gémir de plus en plus, au risque d’attirer l’attention. Comme d’habitude, en l’entendant, Darren se fit un devoir d’accentuer son état. De tout faire pour qu’elle ne puisse les retenir. A mesure des coups de reins puissants de son amant, Lyanna finit par crier sous le plaisir ressenti. L’entendait-on de l’extérieur ? Aucune idée. La jeune femme enfouit alors son visage dans le creux de l’épaule de Darren pour étouffer ses cris. Ce fut lui qui se mettait alors à crier, sur le point de partir. Il n’en pouvait tout simplement plus, emporté dans le rythme endiablé. Lorsque l’Amazone fut envahie par l’extase, elle se crispa contre lui, collant son bassin au plus près du sien, et mordit légèrement sa peau, sans le blesser. Le coup de croc envoya l’étincelle dans la poudrière. Surpris, par la sensation que ça lui avait donné, le militaire décolla immédiatement. Il donna de derniers coups bien secs et profonds en poussant des gémissements. Darren insista de ses coups de reins jusqu’à ce que l’explosion de jouissance cesse enfin. Ses bras tremblaient, sa respiration aussi. Il s’écroula aussitôt sur son amante, l’entourant de ses bras pour un calin de longue durée.

Essoufflée, à bout de forces, la guerrière se laissait aller contre les marches, les yeux clos, la respiration rapide. Elle aimait toujours ne faire qu’un avec ce mâle qu’elle aimait. De son côté, Darren s'appuyait de tout son poids sur elle. Son visage collé au sien. La bouche entrouverte, il essayait de récupérer son souffle, les yeux mi-clos.
« Ça m’avait tellement manqué. » reconnut-il.
"Moi aussi, ça m’a manqué" souffla-t-elle, la respiration saccadée.

Darren n’avait plus envie de bouger. Il était très bien, là, couché sur son amante. Mais la pauvre devait avoir mal au dos, coincée entre cette marche et le corps du militaire. Il en eut conscience et prit appui sur son coude pour la soulager. Lyanna lui en fut reconnaissante, et elle bougea un peu sous le corps de son compagnon pour trouver une meilleure position. Bien qu’un lit les attendait dans une autre pièce pour qu’ils soient mieux installés. De sa main libre, Darren lui caressa doucement le visage tout en la contemplant. Il résistait à l’envie de se fendre d’un « Merci ! » bien beauf.

Il préféra l’embrasser tendrement, comme en conclusion de ce magnifique moment, puis il la questionna du regard.
« Est-ce que ça va ? »
La question ne concernait pas sa santé, c’était certain. Maintenant qu’elle descendait, elle aurait probablement un retour d’esprit sur le début de leurs ébats. Ce petit cadeau qu’elle lui faisait pour la première fois. Il espérait vraiment qu’elle ne regrette rien, qu’elle ne soit pas choquée.


eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Lyanna
Guerrière
Planète Kirana
Bannière perso (image 901x180px) : La ruine d'Amarielle 1562430542-image-profil
√ Arrivée le : 14/07/2018
√ Nationalité : Kiranienne

√ Gène : ATA
√ Messages : 179

Mer 17 Fév - 22:47

Lyanna

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna

Lyanna garda le silence quelques secondes. Elle savait où Darren voulait en venir avec sa question. Elle réfléchit à ses paroles, en se mordant la lèvre. La jeune femme voulait être sincère avec son amant.

"Ca va. Mais ..." commença-t-elle à dire, avant de poursuivre, cherchant ses mots. "C’était assez bizarre".

La guerrière regarda Darren, et caressa doucement son dos en venant se blottir un peu plus contre lui. Il la serra dans ses bras.

"C’est April qui m’a expliqué comment faire. Mais, je ne sais pas si c’était bien fait. Je n’étais pas très à l’aise".
« C’était...efficace. » lui dit-il pour l’encourager. « Tu as fait un bond en avant incroyable. Il en faut de la confiance et du courage. Je suis fier de toi. »
Les paroles de Darren firent sourire Lyanna, qui regarda le militaire avec amour et tendresse.
"J’ai confiance en toi".

La jeune femme embrassa furtivement Darren, avant de le regarder à nouveau. Elle commençait à avoir un peu froid, mais peu lui importait. Le militaire lui frictionna le dos.
« Je ne faisais pas le fier quand tu me tenais. Je n’ai pas réussi à te résister, traîtresse ! »
"C’était voulu !" lui lança-t-elle par taquinerie. "April m’a expliqué que je pourrais te dominer avec ça. Et tu sais que j’aime bien te dominer !"
Le soldat ne voyait pas comment réfuter l’une ou l’autre de ces affirmations. Quand la belle serait expérimentée, il ne savait pas comment il parviendrait à lui échapper. A part en l’assommant, peut-être...
« Tu aimes bien l’être aussi, je te signale. Tu dirais non, pour toujours, au lac ? » lui demanda-t-il sur le même ton de la taquinerie.
Lyanna fit mine de réfléchir, avant de faire une petite moue, et de secouer doucement la tête.
"Non. Pas question de dire non à ça !"

Darren lui répondit d’un petit rire.
Il la serra dans ses bras pour profiter encore un peu de ce moment. Mais il s'aperçut rapidement qu’elle frissonnait. L’Amazone ne lui disait rien, probablement parce qu’elle voulait rester également. Il dut se faire violence pour ne pas préférer la facilité. Finalement, il se sépara de son amante à contre-coeur. Le militaire se nettoya rapidement, y compris les cheveux. Puis il sortit du bassin pour chercher des draps de bain, tandis que Lyanna faisait également un brin de toilette dans le bain. Les grands morceaux de tissus qu’il trouva dans une armoire feraient l’affaire. Il s’enveloppa de l’un d’eux puis ouvrit les bras en grand, tout en tenant les extrémités, pour pouvoir envelopper entièrement la belle brune dans sa chaleur corporelle. Lyanna sortit alors du bain, et vint se blottir contre son amant, avant que ce dernier ne referme le tissu sur elle. Dans cette étreinte constante, Darren l’emmena tant bien que mal jusqu’à la chambre.
Ils étaient à peine secs lorsqu’ils entrèrent dans les draps du lit. C’était un réel plaisir de retrouver les petites habitudes de sommeil. Généralement, il y avait deux positions. Lyanna qui s’allongeait et posait sa tête sur son torse. Ou bien Darren se collait contre le dos de sa moitié, ramenant son bras pour enfermer son bassin.
Il opta pour la première, plus simple pour la serrer contre lui.
Le militaire aurait bien voulu lui dire un mot de plus. Mais l’épuisement revint brutalement, avec une note de plusieurs nuits en retard. Darren s’effondra littéralement, serein et apaisé par la présence de sa femme.
Allongée contre son mâle à elle, Lyanna n’était pas aussi fatiguée que lui. Alors, elle se contenta de le contempler pendant que Darren dormait. Elle veillait sur lui, n’ayant pas pu le faire depuis le début de cette aventure avec les esclavagistes. Le militaire ne risquait plus rien maintenant, et avec douceur, la jeune femme caressa son visage et son torse pour l’apaiser dans son sommeil. Le temps passa, et Lyanna continua de regarder Darren dormir.

Plusieurs heures plus tard…

Quelque part, au-dessus de sa tête, un coup régulier battait contre une cloison. Max n’arrivait pas à situer précisément l’origine du bruit. A en voir le lustre qui tanguait lentement au plafond, comme sous l’effet d’une houle, il se disait que ce n’était pas loin. Le crépi moisi termina de s’effriter à cause de l’onde de choc et des petits morceaux tombèrent sur la table. Max couvrit sa coupelle de nougat par réflexe, se servant de ses cartes comme d’un éventail, puis il épousseta le bois avec sa manche.
« C’est le lit qui cogne ? »
« Une commode. » répondit Jim du tac au tac.
« T’es vachement sûr de toi. C’est l’expérience qui parle ? »
« C’est que j’ai été jeune, moi aussi. »
Il abattit l’une de ses meilleures cartes et rafla la mise. Max soupira, il se faisait massacrer au poker. Il avait déjà perdu la moitié de ses gains.
« J’le croyais crevé, Darren. » constata-t-il, amusé.
Il récupéra un morceau de nougat qu’il croqua avec délice, réduisant un peu plus sa valeur de mise.

Durant les dernières heures, Jim et lui avaient creusé les tombes des esclavagistes à l’écart de la ferme. Les cadavres étaient si durs à trainer que Frieda et Eoguelle avaient dû les aider. Les anciennes esclaves n’avaient pas levé le doigt. Une bonne moitié s’était approchée pour vérifier la mort des anciens tyrans avant de cracher sur leurs corps.

A présent qu’ils étaient au repos, Eoguelle les remerciait de ses milles merveilles. Il y avait toujours un verre d’alcool ou des morceaux à grignoter sur leur table. Sa gratitude était infinie, sincère. Même son regard dégoûté avait disparu. Jim, de son côté, profitait d’un petit verre de liqueur qu’il dégustait par petites gorgées. Il raflait les nougats de son équipier dans un but précis.
« Il est amoureux. Ça donne des ailes. »
« Et tu parles d’expérience, vu que t’as été jeune. »

Max le regarda longuement. Il était nerveux, se machouillait une lèvre, angoissé à l’idée de lui poser une question. Jim le connaissait bien depuis le temps, il lisait en lui comme dans un livre ouvert. L’adage “ce n’est pas au vieux singe qu’on apprend à faire la grimace” lui correspondait parfaitement. En son for intérieur, il savait déjà ce que son fiston comptait lui demander. Mais ce n’était plus un ado, il devait le faire ouvertement. Jim lui adressa un regard pesant pour l’obliger à se jeter à l’eau, ce qu’il fit à demi-mots.
« J’ai rencard ce soir, tu sais... »
En voyant que le paternel ne répondait pas, sa tête s’enfonça dans ses épaules.
« Nan mais, vu que Darren et Lyanna ils...enfin voilà...et bien...je pourrai en profiter pendant ce temps pour...tu vois quoi...la louve, elle a accepté de me voir. J’ai une ouverture. »
Pris dans son propre piège, Max agita des mains. Il était si distrait qu’il venait de lui révéler son jeu. Et pendant ce temps, il s’enfonçait.
« J’sais ce que tu te dis, patron. On est là pour sauver April. Elle est peut-être en train de se vider de son sang dans un caniveau. Et nous : on baise pendant ce temps...mais...euh... »
Jim avait beau se retenir, un sourire amusé finit par lui tirer les lèvres.
« Nous ne sommes pas des machines. » répondit-il, patient. Il prenait la situation avec un peu plus de psychologie et d’objectivité. Un groupe mené par un officier aurait été beaucoup plus strict. Mais le résultat en lui-même n’aurait probablement pas changé. Il préférait entendre Lyanna et Darren faire des galipettes dans un endroit sécurisé plutôt qu’à l’extérieur, là où ils allaient être obligés de se côtoyer comme des étrangers.
Tout en rassurant Max du regard, il adapta tranquillement son jeu pour le plumer. « April a voyagé sur cette planète durant des semaines. On ne la trouvera pas en quelques heures. »
Le sergent posa sa prochaine carte tout en continuant de parler. Max serra les dents face à son inévitable échec.
« Ce que vous faites pendant votre temps libre ne me regarde pas, tant que vous êtes frais et dispo à l’aube pour poursuivre la mission. »
« Alors...ça veut dire oui ? »

Jim soupira. Il envoya le tapis et croisa les mains.
Son collègue ne pouvait rien faire à part se coucher et perdre le reste de ses délicieux nougats. Il n’avait sauvé que ceux qu’il avait mangés entre-temps. Le geste de son chef était à double sens. La discussion concernant la louve faisait également l’effet “carte sur table”. Ça faisait un moment qu’il voulait lui parler de cette histoire.
« Lyanna marque un point, tu sais. Cette fille est dangereuse. »
« C’est vrai. Mais elle m’obsède. Et je me dis que si je reste sympa... »
Max s’enfonça de nouveau dans des explications vaseuses. Encore une fois, il fit sourire Jim qui se voyait plus jeune. N’écoutant pas ces argumentaires à rallonge, le sergent récupéra la serviette à côté de son verre et empaqueta les nougats. Il les avait gagnés pour les ôter de sa bouche et leur donner une autre destination.
« Fait en sorte qu’on ai pas à envoyer Lyanna te sauver. » coupa court le sergent en lui tendant le paquet. Max comprit que ça devenait une offrande pour sa louve, son regard brilla.
« Sinon je pourrais être tenté de fermer les yeux la prochaine fois qu’elle t’agresse. »
« Oh oui ! C’est promis, Jim ! Promis ! » s’écria-t-il, heureux comme tout.

Max sauta de sa chaise en embarquant le paquet sous le bras. Au passage, il manqua de renverser Eoguelle et son plateau, s’excusant tout aussi joyeusement, avant de claquer la porte. Jim soupira en secouant la tête.
« Ce jeune est plein de vie. » reconnut-elle en posant le plateau sur la table.
« Et d’insouciance. Il aime me rendre inquiet. »
La quadragénaire sourit, prise d’une certaine forme de nostalgie. Elle lui servit du thé et une tranche d’un pain brioché tout droit sorti du four. Il embaumait délicieusement dans toute la maison. Elle avait remarqué l’attachement du sergent pour Max et sa façon de s’adresser au reste de son unité. Ca lui rappelait son désir maternel.
« Nous économisions durant un temps. Nous voulions payer le passage de la Porte vers un endroit accueillant. Nous aurions tenté des mâles pour nous faire féconder toutes les deux. Je voyais bien deux filles pour la reprise de notre ferme, peut-être trois. »
« Ce projet vous paraît toujours aussi inaccessible ? » questionna le sergent avec un ton complice.

Eoguelle sourit de plus belle. Installée en face de lui, elle tourna un peu la tête pour regarder en direction de l’ancien bureau de Norda. Freida n’avait pas chômé pour reprendre les rênes de la ferme. A présent que les esclaves étaient propres, habillées et nourries, elle les accueillait l’une après l’autre pour parler d’avenir. Une telle assurance lui avait longuement manqué, ce n’était maintenant que du bonheur. Les quatre autres esclaves attendaient, les visages pétris d’angoisse. Mais Eoguelle était confiante.

Elles ne pourraient jamais payer les salaires que les esclavagistes avaient volé. La ferme était dans un tel état qu’il était impossible de rembourser quoique ce soit. Mais Freida leur offrait un emploi, avec des règles et des normes justes. Chaque fille qui souhaitait rester, malgré ce cauchemars long de plusieurs années, serait rémunérée. Elles auraient des horaires fixes, des outils, des vêtements, et le repas du midi. Autant dire qu’une telle promesse leurs donnaient toutes envie de rester.
La porte du bureau s’ouvrit. L’ancienne esclave en sortit avec un parchemin signé, elle était heureuse. Ses amies s’empressèrent de l’entourer pour avoir son avis et elle donna son approbation sous les yeux de Freida qui attendait tranquillement la prochaine. Eoguelle la fixait alors amoureusement.
« Je me surprends à y penser de nouveau. » répondit-elle, distraite.
Jim suivit son regard et perçut la même scène.
« Votre bonté est un trait précieux. C’est grâce à des gens comme vous que cette planète porte l’espoir du changement. »
« Nous ne gâcherons pas la chance que vous nous avez offerte. Dieu m’en soit témoin. »

Eoguelle termina sa tasse puis rejoignit l’esclave malade qui tentait vainement de s’appliquer un baume sur le dos. Elle lui proposa de venir dans une autre pièce pour l’aider et la soigner. Jim acquiesça pensivement. Le plan de Lyanna et Darren fonctionnait. Bientôt, ces esclaves répandraient la rumeur de libérateurs affiliés à la Corsaire. Si April était en possession de ses moyens, elle apprendrait que les renforts étaient arrivés.

Le sergent leva le nez. Plus rien ne claquait là-haut, c’était le calme plat depuis un moment.
// Lyanna // l’appela-t-il après avoir appuyé sur sa radio. // Si vous avez terminé, veuillez me rejoindre dans le salon. Nous devons débriefer. //

Au début, la guerrière ne prit pas la peine de répondre parce qu’elle n’en avait pas très envie. Il fallait dire qu’elle était allongée sur le lit, à reprendre son souffle, dans les bras de Darren. Pourquoi vouloir bouger d’ici ? La jeune femme avait fini par s’assoupir, quelques heures plus tôt. Avant de se réveiller en voyant que son compagnon la contemplait à son tour. Darren avait les traits encore tiré, mais cela ne l’avait pas empêché d’avoir encore envie de la jeune femme. Et ils étaient repartis pour un tour, en se montrant un peu bruyant avec le mobilier. Mais peu leur importait, ils se retrouvaient. Et voilà que maintenant, alors qu’elle se sentait bien et apaisée, Jim lui demandait de le rejoindre pour un débriefing. Autant dire que Lyanna n’était pas du tout motivée, mais elle n’avait pas le choix. Elle appuya sur son oreillette.

//J’arrive//

La jeune femme soupira, et quitta à contre cœur les bras de son amant.

"Je dois y aller. Jim veut me voir. Il vient de m’appeler".

Lyanna se leva. Le militaire avait gardé sa main dans la sienne jusqu’au dernier moment, la retenant au risque de contrer l’écart qu’elle creusait entre eux. Elle s’habilla ensuite sous son regard amoureux avant de se retourner et de le voir ainsi, toujours allongé. Il était sur son petit nuage, trop heureux pour lui dire un mot. Il se contentait de la contempler en silence. Lyanna s’assit à ses côtés, et caressa doucement sa joue en lui souriant.

"Tu as besoin de repos. On se voit plus tard, d’accord ?"
« Je t’attendrai ici. Si je ronfle...frappe-moi. » répondit-il avec un sourire complice.

La guerrière embrassa longuement Darren, ne voulant pas quitter ses lèvres. Mais à l’embrasser de cette manière, cela allait probablement les frustrer tous les deux. Taquin, Darren s’était saisi du col de sa veste pour l’avancer davantage vers lui. Il s’amusait à lui faire croire qu’il était insatiable et qu’il la voulait encore, là, tout de suite. Sa propre bétise le fit rire tandis qu’il l’embrassait. La guerrière se mit également à rire, et elle vint même lui mordre doucement la lèvre. Darren voulait jouer, alors elle participait au jeu. Mais c’était lui qui allait perdre. Puis, Lyanna détacha ses lèvres des siennes, laissant le soldat sur sa faim, et quitta la chambre après un dernier regard pour le militaire. Elle referma la porte, vérifia qu’elle avait tout son matériel, se recoiffa rapidement, maintenant que ses cheveux étaient secs, et descendit au salon pour retrouver Jim.

"Je suis là" dit-elle en s’installant à l’ancienne place de Max.
« Comment va Darren ? » lui demanda-t-il d’un ton qui ne faisait pas référence au mobilier.
"Ca va. Il se repose" affirma Lyanna après une légère hésitation, vu ce qui s’était passé entre son compagnon et elle depuis leurs retrouvailles.

Lyanna était loin de se douter que Jim savait que Darren n’avait pas fait que se reposer.
Le sergent hocha de la tête, s’apprêtant à entrer dans le vif du sujet. Mais un petit tintement de porcelaine attira son attention et le début de sa phrase s’éteignit. Eoguelle entrait dans le salon avec une tasse propre qu’elle vint déposer devant l’Amazone. Avec la même gratitude qu’elle avait eu envers les collègues, si ce n’est plus, elle lui versa une tasse de thé. Elle coupa une tranche du pain brioché encore chaud qu’elle glissa devant elle et finit par poser une main sur son épaule.
« Vous m’avez rendu ma vie, Lyanna. Vous nous avez toutes sauvées. »
La quadragénaire marqua un temps d’hésitation avant de lui déposer une bise sur la joue. Elle se disait qu’elle était un peu trop intrusive et, en sentant une larme glisser de son œil, elle retourna auprès de ses fourneaux pour le festin qu’elle préparait ce soir. Lyanna s’était contentée de hocher la tête vers Eoguelle en lui souriant, avant que cette dernière ne disparaisse.

Jim avait observé la scène en silence. Il regarda au-dessus de son épaule pour s’assurer de sa tranquillité et reprit son dialogue.
« Vous vous doutez que j’ai eu le temps de débriefer avec Max pendant votre sommeil. J’ai eu les détails de votre partie de la mission. Il a été étonnamment positif sur votre comportement. Notamment avec l’aide que vous lui avez apportée à l’auberge. »
Il ne comptait pas lui passer de la pommade dans le dos. Le sergent énonçait un fait qu’il appréciait. L’Amazone s’était montrée moins revêche qu’au cours de leur première mission commune. Les craintes qu’il avait eu en découvrant le visage abîmé de son collègue s’étaient évanouies après en avoir discuté.
« Je tenais à vous en remercier, ce n’était pas une mince affaire de laisser vos sentiments de côté. »
"Darren m’a demandé de veiller sur lui. Alors, c’est ce que j’ai fait" dit Lyanna en regardant Jim dans les yeux, avant de se mordre la lèvre. "Même si c’était difficile par moment".
« Je vois. »
Il n’était pas très étonné d’entendre qu’elle ne l’avait fait que pour son amant.
« Mais ce faisant, vous avez fait preuve d’esprit d’équipe. C’est un progrès assez remarquable, venant de vous, pour que je le souligne. »
Lyanna resta impassible face à ce compliment venant d’un mâle. C’était encore difficile pour elle d’avoir une conversation normale et civilisée avec quelqu’un d’autre que Darren. Le militaire s’avança un peu plus.
« Max m’a également dit que vous aviez lu une grande partie des notes d’April. Nous devons en discuter, j’ai besoin de toutes les informations que vous pourrez me donner. Son état moral, ses capacités, sa dernière position connue, ce qu’elle y faisait. Tout ce que vous avez pu collecter comme renseignement. »
Le sergent acquiesça.
« Nous repartons demain-matin, ça peut être déterminant. »

La guerrière soupira discrètement, elle aurait voulu partir plutôt que de se confier à Jim sur ce qu’elle avait découvert au sujet April. Elle aurait préféré en parler à Darren, et non aux autres. Mais là, elle était coincée. Sans grande volonté, Lyanna commença à raconter au soldat ce qu’elle avait lu dans les notes d’April, retraçant son parcours, les endroits qu’elle avait visité, le soucis avec l’eau de cette planète, l’état de santé assez préoccupant de la jeune femme, ainsi que l’énigme de l’absence de mâles. Après un long monologue, Lyanna termina en parlant d’Amarielle.

"April s’intéressait à ce truc, Amarielle. Je ne sais pas si c’est un lieu, un groupe, une personne, je n’ai pas encore fini de lire. Mais apparemment, ce mot fait peur à tout le monde, même à Freida. Personne n’ose en parler. La seule qui a eu le courage de le faire a été aussitôt exécutée. C’était la dirigeante d’une ville dans laquelle April avait trouvé refuge. C’est là bas qu’il faut commencer à la chercher".
« Là-bas. » répéta Jim. « Vous avez un nom ? »
"Espérance".
« Très bien. » convint-il. « Tâchez de terminer votre lecture ce soir. Vérifiez votre équipement pour demain et profitez de votre temps libre. Dehors, vous serez obligée de jouer votre rôle de célibataire esclavagiste. Dernier briefing prévu à cinq heures zéro zéro aux aurores. »

Lyanna se contenta d’un hochement de tête pour acquiescer aux paroles de Jim. Elle termina sa tasse de thé, et emporta la tranche de brioche qu’elle avait à peine entamée. Puis, alors qu’elle se levait et qu’elle commençait à s’éloigner, la jeune femme reporta son attention sur le militaire.

"L’une des esclaves a une fille, Nini, qui l’attend au village. C’est en partie pour les réunir que Darren et moi avons décidé de libérer cet endroit. Nini doit savoir que sa mère est vivante et qu’elle va bien".
« Max est au village. Je vais lui dire de transmettre le message. »
Le sergent dévia son regard vers les esclaves.
« J’accompagnerai sa mère pour la retrouver. »
"D’accord".

Lyanna était encore très loin de prononcer le mot “merci” à Jim, vu qu’elle ne lui faisait pas encore confiance comme avec Darren, et elle eut un nouveau hochement de tête pour clore cette discussion. La jeune femme finit par disparaitre du salon pour retourner à l’étage, puis dans la chambre. Darren dormait profondément, il n’avait pas encore totalement récupéré de sa mésaventure. Il lui faudrait encore beaucoup de repos avant d’être rétabli. Lyanna s’approcha en silence du lit, posa le morceau de brioche sur la table de nuit, avant de se dévêtir. Elle se glissa ensuite sous les draps, et vint se blottir contre son compagnon pour rechercher sa chaleur corporelle qui lui faisait du bien.

Les mouvements sur le matelas ne l’ayant pas tiré de ses songes, il ressentit le contact de Lyanna comme une connexion. Son corps s’était habitué à la douceur de sa peau nue contre la sienne et il s’activa inconsciemment à son approche. Le soldat se déplaça très légèrement pour l’accueillir au creux de son épaule et ramena un bras s’accaparer sa hanche. La guerrière ne mit que quelques minutes avant de s’endormir. Si la présence de Darren apaisait Lyanna dans son sommeil et la tranquillisait, l’inverse était également vrai. Le soldat pouvait enfin profiter d’un matelas et de drap. La présence de sa femme était l’aboutissement de ce confort. Par extension, il se savait en sécurité, son subconscient calculait pour lui la fréquence de respiration de Lyanna contre sa peau. Il en déduisait qu’elle allait bien...donc lui aussi.

Le soir venu, Freida vint toquer à leur porte sans l’ouvrir. Darren ouvrit difficilement les yeux, fixant l’origine du son qui l’avait dérangé, puis il se tourna de côté en emportant Lyanna avec lui. La jeune femme se tourna de l’autre côté, et enfouit son visage dans l’oreiller, essayant de s’accrocher à ce sommeil auquel elle était lentement arrachée. Darren mêla ses jambes aux siennes, épousant la courbe de son derrière, de son dos et sa nuque. Puis il posa sa joue sur ses cheveux doux.
« On est pas là, r’passez plus tard. » maugréa-t-il d’une voix endormie.
« On vous attend, le repas est servi. »
« Pas faim ! »

Freida n’avait pas entendu. Elle frappa une dernière fois à la porte avant de s’éloigner. Lyanna resta immobile, les yeux fermés. Mais elle était maintenant réveillée. Cependant, elle ne voulait pas bouger car elle se sentait bien dans les bras de son amant.
Darren essaya de se rendormir, assurant sa prise autour du corps de l’Amazone. Il massa distraitement son ventre tout en recherchant les songes. Mais c’était trop tard. Au travers de son mal de crâne, il se sentait en train d’émerger. La béatitude de son sommeil était terminée.
« Tu en dis quoi ? » lui murmura-t-il à l’oreille. « Ca sent la grillade dehors. »
Dans le fond, il espérait l’entendre se plaindre, qu’elle serait plus enfoncée que lui dans le sommeil et qu’elle lui reprocherait par ses grognements d’avoir été dérangée. Au moins, il reposerait son visage sur ses cheveux et poursuivrait sa petite caresse discrète avant de retomber dans les bras de morphée. Problème, la logique venait s’en mêler. Il n’avait que la moitié d’une brioche dans le ventre. Le jeune homme avait aperçu le gâteau sur la table de chevet, juste à côté, en émergeant brièvement.
Si sa femme n’avait pas sombré, il aurait pris plaisir à souligner son côté serviable et le fait qu’une Amazone lui apportait à manger au lit. Mais finalement, malgré toute leur complicité, elle l’aurait probablement mal pris. Darren avait englouti d’une bouchée la moitié du gâteau, laissant l’autre à sa compagne. Puis il s’était aussitôt rendormi.

Mais là, maintenant qu’il avait les yeux un peu moins collés, il se rendit compte qu’il avait une faim de loup. Et si Lyanna ne bougeait pas un muscle, toujours prise dans les bras du militaire, il remarqua bientôt qu’elle était également éveillée. La belle n’était pas aussi épuisée, ça n’avait été qu’une simple sieste de son côté. Elle demeurait immobile parce qu’elle n’avait tout simplement pas envie. Elle était bien comme ça. Lui aussi d’ailleurs.
« Mon ange. » dit-il en lui caressant un peu plus le flanc. « Il faut manger. On a une longue route demain. »

Lyanna soupira, car elle savait que Darren avait raison. Ses nausées s’étaient calmées, elles étaient importantes le matin, à son réveil. Mais grâce au médicament que Max lui donnait, les nausées se calmaient dans la journée. Et maintenant, son estomac la rappelait à l’ordre en silence, avec cette sensation de faim, bien que la jeune femme ne se sentait pas capable de manger autant que son compagnon. Mais elle ne voulait pas bouger de là, elle se sentait bien dans ce lit, avec le militaire. Lyanna eut une petite moue, même si elle savait que c’était inutile. Et que Darren gagnerait la partie en l’entrainant au rez de chaussée pour manger.

"Je suis bien ici … je ne veux pas bouger ..."
« Je n’ai pas envie de bouger non plus. » reconnut-il.
Il lui déposa un baiser dans le creux de son cou.
« Mais on va se lever et reprendre des forces. Sinon je chante ! »

Lyanna eut un petit rire, qui la réveilla complètement, avant qu’une plainte fortement exagérée ne traverse ses lèvres.

"Hors de question !" dit-elle en se retournant pour regarder Darren dans les yeux, un sourire illuminant son visage. "Je t’interdis de chanter"
« Même pas un petit poème ? »
Il l’embrassa furtivement. Il aimait bien la taquiner avec ça.
« Non ? »

Elle était bien obligée d’abdiquer quand il entonna les trois premières notes.
Même si la présence de Darren semblait faire tâche dans le décorum, l’Amazone fut accueillie en bas des escaliers comme une héroïne. De part et d’autres, les femmes se mirent à l’applaudir en formant une haie d’honneur. Les esclaves n’avaient plus du tout le même visage depuis qu’elles avaient pris un bain. Les nouveaux vêtements, les soins et les promesses d’embauches leur avaient rendu un aspect humain des plus curatif. Même l’esclave malade avait repris des couleurs. Le sourire et son regard joyeux contrastait fortement avec son visage ravagé. Pourtant, c’était sincère.

Le temps était assez clément pour manger dehors. Freida installa avec plaisir l’Amazone en bout de table, comme une matriarche qui trônait fièrement ses cerfs. Darren, de son côté, avait été poliment rejeté à l’opposé. Il trouva la situation amusante et trinqua à distance, ne communiquant plus que par des œillades amusées et des sourires complices. Toutes ces femmes étaient manifestement heureuses de pouvoir discuter d’égale à égale avec leur libératrice, celle qu’on désignait maintenant comme la “Soeur-Corsaire”.

Le repas avait déjà bien commencé. Eoguelle avait mitonné pour l’entrée du pain à l’ail, avec du fromage fondu et une sauce rappelant une légère vinaigrette. Le mélange s’alliait étonnamment bien. Lyanna se retrouva embarquée, bien malgré elle, dans des conversations chaleureuses. Malgré sa méfiance naturelle, les personnes qu’elle avait protégées témoignaient toute leur sympathie. On lui parlait maintenant avenir, du bon temps ancien, de la façon dont elles avaient vécu la libération. Volontairement, les actes des mâles du D4 étaient effacés, par déni, au profit de l’héroïsme de Lyanna. Et ce n’était pas cette dernière qui allait en faire la remarque. Quoique, elle aurait quand même bien voulu que le calvaire vécu par Darren soit reconnu à sa juste valeur. Mais, elle ne prononça pas un mot à ce sujet, et participa aux conversations avec les esclaves, Freida et Eoguelle. On la remerciait des centaines de fois, on lui promettait de toujours l’accueillir chaleureusement.

Darren, de son côté, s’était inquiété de l’absence de ses collègues. Il leur demanda des nouvelles à la radio. Sur les ondes communes, il apprit que Jim revenait avec Nini. Et l’Amazone avait obtenu la nouvelle en même temps.

Lyanna se trouva donc aux premières loges.
La fillette émergea de la petite route, attirée par les lumières des bougeoirs comme un papillon. Elle quitta avec plaisir le giron de Jim qui l’avait escorté, n’ayant aucune confiance en lui, et elle fonça en direction des esclaves.
« MAMAN !!!!! » hurla-t-elle si fort qu’on aurait pu croire à une attaque. La totalité de la table se retourna vers cette petite forme qui se détachait des ténèbres de la nuit et, la seconde d’après, la voix d’une esclave âgée répondit avec la même force. Elle grimpa littéralement sur la table pour la traverser, revenant à terre pour se jeter à genoux et recevoir sa fille dans ses bras.
Toutes les deux éclatèrent longuement en sanglots. Au travers des plaintes et des murmures d’amour s’y décelaient le soulagement, le plaisir et la sérénité. La mère repoussa doucement Nini pour observer son visage. Elle commença par chasser les larmes au bord de ses yeux, essuya un peu de saleté, puis toucha ses cheveux. La fillette en profita pour sortir de son pantalon le gilet de sa mère, lui montrer qu’elle avait bien pris soin du vêtement. Cette dernière reniflait tout en la serrant de nouveau dans ses bras. Elle lui promit de vrai vêtement avant de s’effondrer en pleurs. Des larmes de bonheur.

Son visage inondé se tourna vers Lyanna. Et elle la remercia de tout son cœur. Sa gorge était si serrée qu’aucune phase sensée n’en sortait. Mais le regard, les inclinaisons de son corps et ses traits ne cessaient de lui offrir son éternelle gratitude.
Darren profita de ce moment pour retrouver Jim et discuter un peu avec lui, à l’écart. Le patriarche était content de le retrouver, de le voir en forme. Il blagua sur l’énergie qui lui était resté lors de ses retrouvailles. Lyanna n’avait rien entendu, trop occupée à discuter avec les femmes assises à table.
Les mâles étaient tolérés par volonté des maîtresses de maison. Eoguelle et Freida avaient bien demandé à ce qu’aucune remarque ne fuse. Tous les remerciements n’étant adressés qu’à Lyanna, certaines esclaves enhardies se demandaient ce que Darren et Jim fichaient encore là. Mais par respect pour Lyanna, elles ne disaient rien verbalement. Eoguelle revint de ses cuisines avec un porcelet rôti dans son jus. La chair était tendre, parfumée et cuite de façon artisanale. Plusieurs salades de diverses sortes accompagnaient la viande. Darren en avait l’eau à la bouche.
Ils mangèrent abondamment ce soir-là. C’était à se demander s’ils allaient pouvoir prendre la route le lendemain. Même Lyanna mangea un peu plus que ce qu’elle aurait voulu. Darren avait raison, la suite du voyage les attendait. Il fallait reprendre des forces.

Puis, un peu avant le dessert, histoire de faire une pause, les maîtresses de maison firent une surprise. Elles sortirent ensemble de la maison avec leurs instruments de musique. Quand la vie était encore belle et qu’elle avait un sens, les deux femmes jouaient souvent ensemble. Elles entonnèrent des airs doux et agréables, malgré quelques fausses notes. Les esclaves appréciaient, tapaient dans leurs mains. Darren se mit à fixer la belle brune qui se trouvait à l’autre bout de la table. Ca lui rappelait sa soirée dans le camp d’Ishta et la première véritable danse qu’ils avaient eu. C’était un moment mémorable.
A en voir le regard de Lyanna, elle pensait probablement à la même chose.

Clive se leva, traversa tranquillement la petite troupe d’esclaves pour venir jusqu’au trône. Il lui tendit doucement la main avec un sourire charmant.
« Voulez-vous danser, belle guerrière ? » lui demanda-t-il poliment, comme s’il la rencontrait pour la première fois.

Lyanna eut un sourire en regardant Darren lui tendre la main. Elle était d’ailleurs la seule femme à regarder le militaire avec tendresse. Les autres lui jetaient un regard noir, probablement outrée de venir adresser la parole à la guerrière. Mais Lyanna ne le remarqua pas.

"Avec plaisir".

La jeune femme se leva, prit la main de Darren dans la sienne, et s’éloigna de quelques pas avec lui. Elle vint aussitôt se blottir dans ses bras, avant de poser sa tête dans le creux de son épaule, tout en se laissant bercer par le rythme lent de la danse que son compagnon dirigeait.
« Dire que tu ne voulais pas te lever. Ce que tu ratais... » plaisanta le soldat.
Il dansa lentement avec elle, se détachant juste assez pour maintenir son regard dans le sien. A cause de sentiments, celles qui les entouraient n’existaient plus. Darren ne remarquait pas les regards outrés, il s’en moquait. Tant que le regard de sa compagne, celui-là en particulier, brillait. C’était l’essentiel.
Il l’embrassa avec une infinie douceur et la serra tendrement contre son épaule.
« Vous êtes une excellente danseuse, jeune femme. » dit-il d’un ton charmeur, poursuivant son jeu d’étranger. « Je devrais vous inviter plus souvent. »
"Je suis on ne peut plus d’accord avec toi. Laisse moi réfléchir … tu vas devoir m’inviter à danser toutes les semaines" lui lança-t-elle pour le taquiner.

A son tour, Lyanna embrassa tendrement Darren, avant de le regarder en fronçant légèrement les sourcils.

"Quoi ? C’est trop ?"
« Pas du tout ! » répondit-il avec complicité. Il ajouta d’un ton trop sérieux et accusateur : « Encore faudrait-il qu’on puisse rester aussi longtemps dans le club sans que tu nous fasses virer ! »
"Haha, très drôle" répondit Lyanna en regardant son compagnon, avec un sourire.

Lyanna et Darren continuèrent de danser un peu, avant de poursuivre la soirée déjà bien avancée.
Il se faisait tard. Le militaire en paya rapidement l’addition.
Conscient qu’il fallait repartir tôt le lendemain matin, il salua tout le monde. Lyanna avait le choix de rester ou de le suivre. La guerrière avait terminé son repas, et les sujets de discussions se tarrissaient peu à peu. Quelques anciennes esclaves étaient déjà parties se coucher, épuisées. Et Lyanna ne voulait pas rester seule avec Jim lorsque les autres s’éclipseraient. Alors, elle se leva, salua l’assemblée, enfin les femmes restantes, et jeta un simple regard au patriarche du D4. Puis, elle rattrapa Darren, et le suivit à l’intérieur de la maison. Lorsqu’ils se couchèrent ensemble, ils gardèrent les bougies allumées pour qu’elle puisse finir son travail : la lecture de la dernière page d’April.
Il ne restait plus que deux textes, elle s’en rendait compte maintenant.
Lyanna était assise dans le lit, adossée contre l’oreiller, le drap remonté jusqu’au dessus de sa poitrine. Elle avait le journal ouvert devant elle, et se plongea dans la lecture.

eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Invité
Invité

Dim 21 Fév - 18:11

avatar

La ruine d’Amarielle
Darren & Lyanna


*******

N.21 : Tout est centralisé au même endroit.
J’ai eu un mal fou à m’infiltrer, le dispositif ennemi est très bien organisé. Celui qui dirige n’est pas un débutant.
C’est impossible que ce peuple puisse ignorer une telle installation. C’est pourri de boches là-dedans. Et elles ne chôment pas les salopes. Les ruines seront bientôt entièrement rénovées.

J’ai enfin répondu au problème de la misère du refuge.
Depuis tout ce temps, je marche sans le savoir en terrain conquis. C’est un pays occupé, je ne vois pas d’autres explications. Les Boches ont la main mise sur les terres. Elles prélèvent sans la moindre pitié de larges quantités de vivres et de richesse.

Je ne sais pas si elles étaient là avant. Si elles ont été embauchées sur place. Ou si elles se sont progressivement infiltrées dans le refuge.
Peu importe.

C’est l’opulence dans ce bordel. Elles pillent sans vergogne !



*******

N.22 : Ma radio est morte, elle n’a pas supporté le choc.
Ridding ne va pas tarder à m’envoyer la cavalerie. Mais ils arriveront trop tard, je ne peux pas les attendre.

S’il n’y avait pas eu ces arbres en contrebas, je serais morte.
Les Boches vont me chercher. Quand elles remarqueront l’absence de mon cadavre, elles lanceront les hommes à mes trousses.
Quelle bande de queutard de merde !
De vrais cleps !

Elles pensent que j’ai peur, que je vais essayer de me barrer.
Elles vont me chercher partout sauf à un endroit. Je vais m’enfoncer dans ce putain de chateau au lieu de me casser. Qui me penserait assez tarée pour faire ça ?

J’arrive Amarielle.
Je vais te coller mon quarante-cinq dans le cul !


*******

[L’écriture témoigne d’un grand état d’agitation, certains paragraphes sont tachés par du sang. Il semble que le texte a été rédigé au plus vite.]

N.23 : Lyanna,

Je ne sais pas comment c’est possible, mais ça l’est.
Je ne pense pas que tu m’aies menti. J’ai rejeté cette idée, je ne vois pas l’intérêt.
14.5.6. C’est bien juillet 2018. Cette date aurait dû nous parler.

Le Refuge est en grand danger. Et toi aussi, si tu viens.
Ne t’expose pas. Tu risques d’y laisser ton boulot et tous ceux que tu aimes.

Je te demande pardon. Vraiment.
Mais je n’ai pas le choix, je dois la tuer.
Trop de vies sont menacées.

Dis aux copains du D4 que je les aime et combien ils me manquent.
Toi aussi, ma barbare au cul serré.

April...


*******



A mesure qu’elle lisait les dernières pages du journal d’April, Lyanna fronça les sourcils. Savoir que la vie de la militaire était en grand danger ne lui plaisait pas du tout. Il fallait vite la retrouver. Mais, le dernier texte, bien différent des autres, était sans doute celui qui était le plus choquant pour l’Amazone. April s’adressait à elle directement. Et elle parlait de choses que la jeune femme se refusait de comprendre, alors que ses yeux terminaient les dernières lignes. La date …
Lyanna quitta le journal des yeux en fixant un point invisible devant elle, et son visage montra de l’incompréhension. Mais aussi de la crainte.

"Juillet 2018 … c’est lorsque je suis arrivée sur Atlantis ..." dit-elle pour elle-même, sans se préoccuper si Darren l’entendait ou non.

Le bras valide ramené sur ses yeux pour échapper à la lumière, le militaire naviguait entre deux eaux. Il entendit la remarque de sa compagne et l'interpréta différemment, se disant qu’elle soulignait le temps passé. Déjà deux ans, voire plus, qu’elle était sur la cité. Et avec lui.
« Hmmmoui.... » lâcha-t-il d’un air positif en souriant, toujours aveugle. « Juillet 2018, là où ma vie a vraiment commencé...en croisant ton regard. Ou plutôt...en croisant ton cri de haine. »
Il s’était attendu à la faire rire. Ou au moins, il aurait relevé ce petit soupir qui lui faisait lever les yeux au ciel, avec ce petit sourire qui trahissait son amusement. Mais là...rien. Aucune réaction de la part de Lyanna qui ne le regardait même pas, fixant toujours ses yeux droits devant elle.
D’un coup, Darren écarta son bras pour la regarder, se demandant si elle ne lui reprochait pas silencieusement de prendre ça à la légère.
« Lyanna ? »
Il crut percevoir de l’angoisse sur son visage. Et en se redressant pour adopter la même posture, il décela même de la peur. C’était...vraiment inhabituel. Darren avait déjà relevé cette expression, sur Héstevic, là où il l’avait enfermée dans cet ascenseur, se sacrifiant pour retenir l’ennemi.
Mais jamais depuis ce soir.

La dernière page du journal d’April, qu’elle tenait encore entre ses mains, le renseigna un minimum. Elle venait d’apprendre quelque chose qui l’avait manifestement secouée.
C’était bien ça…
Lyanna était bouleversée.

« Hé. » lâcha-t-il en lui prenant délicatement la main. « Qu’est-ce qu’il se passe ? »

Lyanna secoua la tête en sentant Darren près d’elle, sa main serrant la sienne. Elle se mordit la lèvre en secouant la tête. De l’inquiétude pouvait se lire sur son visage.

"Je … je viens de comprendre ce que cherche April".

Darren n’était pas encore au courant de ce que April avait écrit dans son journal. Lyanna avait fait part de ses découvertes seulement à Jim, et ce dernier n’avait sûrement pas eu le temps de tout raconter à Darren pendant le dîner. La jeune femme lui fit alors un récit de ce que la militaire avait consigné entre ces pages. En particulier son enquête sur la pauvreté de la planète. Le faible effet hydratant de l’eau que même son compagnon avait dû remarquer. L’absence totale de mâles. Ces mystérieux chariots remplis de denrées qui n’étaient pas distribués convenablement dans les villages. Et bien sûr, Amarielle. Un lieu ou une personne que la militaire cherchait pour avoir des réponses à ses questions, avant de tomber sur des mâles réduits en esclavage, et dressés comme des chiens.

Au fur et à mesure de son récit, la voix de Lyanna devint plus tremblante à mesure qu’elle dévoilait le résultat de ses recherches. Jusqu’à ce qu’elle arrive au dernier texte d’April. Une sorte de lettre pour elle, dont les indices cachaient une horrible vérité pour l’Amazone. Une lettre d’adieux. Lyanna soupira en baissant les yeux.

"Je sais qui April va affronter. C’est pourtant impossible … mais c’est vrai. Et j’ignore comment, moi, je vais réagir lorsqu’on l’aura retrouvée".

Lyanna tendit le journal à Darren, à la dernière page, pour qu’il lise à son tour le dernier texte d’April. La jeune femme se doutait qu’il ne comprendrait pas grand chose à ces mots, et qu’elle devrait lui faire comprendre une vérité impossible, mais pourtant bien réelle et dangereuse. Qui la concernait elle. Et lui.

"April est en danger. Et toi aussi" dit-elle en regardant Darren dans les yeux, omettant volontairement de parler de Jim et Max qui eux aussi, étaient en danger.

Clive était davantage préoccupé par l’état émotionnel de sa femme que de la lettre d’April. Il la parcourut en biais dans un premier temps, préférant écouter attentivement la confidence de Lyanna, avant de s’y pencher plus avant. A voir la qualité de l’écriture, ces quelques traces de sang et le contenu, April ne se voyait pas survivre à son baroud d’honneur. C’était même pire, il semblait qu’elle jouait les boucliers.
Alors, qu’est-ce qui pouvait représenter une telle menace ? Qu’est-ce que Lyanna avait compris, au travers de ces mots, qu’il ne saisissait toujours pas ? Même la date lui était obscure.
Pourtant, l’Amazone avait vraiment peur. Et franchement, ça commençait à le contaminer. Il ne l’avait jamais vu comme ça. Par réflexe d’auto-préservation, Darren se protégea derrière son attitude casse-gueule de soldat.
« S’il y a une menace, on l’affrontera ensemble. Comme on l’a toujours fait. » lui dit-il, confiant.
Lyanna secoua la tête, elle eut envie de dire à Darren que cette fois ci, ils ne devraient pas être ensemble. Elle ne voulait pas le perdre. Mais aucun son ne sortit de sa gorge. Après quelques secondes de silence, le soldat agita la dernière page du journal.
« Tu me dis que tu connais la personne derrière tout ça ? »
Il fronça les sourcils. Elle avait la chair de poule et ce n’était pas à cause du froid. Le jeune homme la serra dans ses bras pour la réchauffer et lui offrir un sentiment de sécurité.
« Qu’est-ce qui te bouscule à ce point, Amazone ? Qui est-ce ?!? »

Lyanna resta silencieuse quelques instants, cherchant une façon de s’expliquer. Elle posa son doigt sur la page du journal, sur la date inscrite par April.

"Regarde la date … 14.5.6 … c'est-à-dire juillet 2018 ! Toute cette histoire sur ce monde a commencé à cette date là !"

La jeune femme dévisagea Darren qui semblait toujours perdu.

"Tu ne comprends pas ? Juillet 2018 … j’ai été trouvée par tes collègues en juillet 2018 parce que j’étais la dernière survivante de ma tribu qui venait d’être détruite par les Wraiths et les Urgals".

Lyanna se mordit la lèvre en secouant la tête. Elle ne voulait toujours pas y croire. Darren, de son côté, ne faisait toujours pas le lien. Mais il comprenait que la coïncidence était trop grosse pour être sans conséquence. Son Amazone était directement concernée par ce qui se passait sur cette planète.

"Une date qui coïncide avec la destruction de ma tribu, une planète où des mâles sont réduits en esclavage, et April qui me dit de fuir … C’est l’une de mes Soeurs qui est à la tête de tout ça ! Et c’est elle qu’April part affronter !"

S’en fut trop pour la guerrière, qui menaçait d’éclater en sanglot à l’idée de devoir faire face à une telle réalité. Elle enfouit son visage dans ses mains, refusant d’admettre la vérité.

"Mais c’est impossible … ça ne se peut pas ..."
« Ca va aller. » mentit Darren en lui frictionnant le dos.
Il cherchait à la rassurer mais il ne pouvait pas être persuasif. La réalité l’impactait autant que sa compagne lorsqu’elle avait saisi le problème.

Il y avait une Kiranienne dans ce refuge...et elle imposait une tyrannie.
Si ça avait été un quelconque chef de guerre à destituer, il s’en serait moqué. C’était comme retirer la ferme aux deux esclavagistes à l’échelle du Pays.

Mais il s’agissait d’une Kiranienne. Et avec un peu de malchance, d’une sœur issue de la tribu de Lyanna. Le militaire saisissait parfaitement pourquoi elle était horrifiée au lieu de se satisfaire. Son amante aurait pu être touchée par le fait qu’elle n’était pas l’ultime survivante d’une culture disparue.

Sauf qu’à présent, elle partageait maintenant une toute nouvelle culture et un autre mode de vie...aux antipodes de ses origines. Darren voyait une multitude de scénario bien sombre et il n’envisageait pas d’issue positive. Il doutait vraiment, lorsque Lyanna la rencontrerait, que ça se passe bien.

Soit sa femme serait engloutie par son passé devenu d’actualité. Et elle renierait Atlantis pour repartir de plus belle dans la haine de l’homme.
Soit elle resterait avec eux, avec lui, et elle culpabiliserait d’avoir tourné le dos à sa sœur survivante, ses origines, son mode de vie.

Darren déploya des efforts impressionnants pour ne pas lui montrer qu’il avait peur également. Pas de combattre cette Kiranienne pour la ramener à la raison, l’empêcher de tuer April. Non…
Darren avait peur de perdre sa compagne. Dans son esprit, il se disait ’Mon Dieu non...pas maintenant...pas comme ça…”

« Si April le dit, c’est que ça doit être vrai. » amorça-t-il d’une petite voix. « Je comprends mieux, Lyanna. Je comprends à quel point c’est terrible pour toi. Mais...tu ne pouvais pas le savoir. Et tu as refais ta vie... »
Il glissa sa main sous son menton pour la forcer doucement à le regarder.
« On va traverser cette étape ensemble. On trouvera bien un moyen de ramener ton proche à la raison. »
Darren déglutit. Cette frousse qu’elle décide de revenir en arrière lui tenaillait l’estomac.
« Je n’ai pas envie de te perdre. »
"Moi non plus, je n’ai pas envie de te perdre".

Lyanna posa sa tête dans le creux de l’épaule de Darren. Ce dernier comprenait enfin ce qui venait de la choquer. Qu’allait il se passer ? Que devait-elle faire ? Et comment réagirait sa Soeur en la voyant, et en apprenant qu’elle avait tourné le dos à son identité pour vivre une nouvelle vie ?

"On ne pourra pas traverser cette épreuve tous les deux. Tu ne dois pas t’approcher d’elle. Certaines de mes Soeurs étaient encore plus haineuses que moi, même si c’est difficile à croire. S’il s’agit de l’une d’elles, ça sera sans doute impossible de la raisonner. Et ..."

La jeune femme se tut quelques secondes, avant de terminer sa phrase.

"C’est ma Soeur" dit-elle d’une voix déchirante, démontrant ainsi le tiraillement qui l’envahissait. Clive s’empressa de la serrer contre lui et la couvrir de baisers compatissants. La douleur de sa compagne lui vrillait les tripes. Si elle allait mal, lui aussi.
« Je ne peux pas quitter la mission. » lâcha Darren dans un soupir douloureux, regrettant d’avoir cette divergence. « Si je suis menacé, alors Jim et Max le sont aussi. Et April...elle ne fera pas le poids, on le sait tous les deux. »
Mais d’un autre côté, ils allaient faire quoi ? Tuer sous les yeux de l’Amazone la dernière représentante de son peuple qui avait été fidèle à sa culture ?
Quel enfer. Il devait trouver une solution.
« Chérie, regarde-moi ! » insista-t-il après avoir cherché son regard.
Il attendit cette connexion amoureuse et lui montra combien il était sincère.
« Si on joue en équipe. Avec Jim, Max et April. Tous ensemble. On peut y arriver ! »
Il ajouta le geste à la parole, assurant sa prise pour lui montrer que c’était sérieux.
« On la neutralisera sans la tuer. On trouvera un moyen de libérer cette planète en évitant de la faire souffrir. »
Darren pensait savoir ce qui lui trottait dans l’esprit à ce moment-là. Elle douterait.
Pour entrer dans le Refuge, ils avaient capturé une criminelle et l’avaient livré sans état d’âme. La Kiranienne était la cause de bien des souffrances, April en faisait déjà une affaire personnelle. Mais c’était également une proche de Lyanna, personne ne pouvait rester objectif.
« Je te le promets, sur notre amour. »

Lyanna s’accrocha au regard et aux paroles de Darren, elle avait envie de croire à cette promesse. Pourtant, le militaire avait vu juste. La jeune femme avait de sérieux doute sur le fait de tout faire pour neutraliser sa Soeur sans la tuer. Vu ce qui s’était passé avec Jim pour entrer sur cette planète, Lyanna doutait fortement que cette promesse puisse être tenue. Elle soupira discrètement, puis vint se blottir contre Darren pour se rassurer.


*******************

Après sa petite mésaventure, après le réconfort qu’il avait trouvé auprès d’elle, Darren ne pensait vraiment pas être capable de résister au sommeil. Ses nerfs se seraient relâchés après le bain. Mais c’était sans compter la brusque envie charnelle à laquelle elle avait admirablement répondu. Et puis il y avait eu cette soirée un brin romantique, où ils avaient dansé ensemble sous les regards réprobateurs des autochtones…
C’était vraiment la bonne, s’était dit Darren, tout en l’embrassant.
Il se serait endormi comme un bébé dans ses bras, bien au chaud sous les couvertures.

Mais c’était pour finir sur cette découverte macabre. Une merde qui venait de lui tomber sur le coin de la gueule sans même qu’il ne le voit venir : la menace bien réelle sur le devenir de leur couple.

Il avait beau faire nuit noire, leur chambre plongée dans un silence paisible et relativement sécurisant, le soldat gardait les yeux grands ouverts sous l’effet de cette angoisse. Il avait senti l’émotion négative se nicher au fond de ses tripes, se trouvant une bonne petite place confortable, avec la ferme intention de ne plus en repartir.

Lyanna avait beau lui avoir répondu avec assurance, c’était tout de même un mensonge. Elle cherchait à se persuader elle-même et à le rassurer en même temps. Mais la présence de cette autre Kiranienne ne laissait pas de place à la certitude : elle la ferait hésiter sur son avenir. Darren le sentait parce que, simplement en inversant les rôles, il déduisait à quel point la pression serait énorme. Il n’existait aucun choix idéal. Pourquoi resterait-elle sur Atlantis avec tous ces interdits si elle pouvait reprendre son ancienne vie ?

Sa belle amante dormait nue contre lui, comme chaque nuit confortables qui faisaient maintenant leur quotidien, la tête posée sur son torse. Dormait-elle vraiment ? Aussi paisiblement ? Ou est-ce que, tout comme lui, son regard était resté grand ouvert ?
Tout comme lui, Lyanna n’avait pas réussi à trouver le sommeil, encore bouleversée par ce qu’elle venait de découvrir. Allongée contre son compagnon, son regard restait braqué en direction de la fenêtre, alors que ses pensées étaient ailleurs. Elle resta longuement immobile, silencieuse, essayant de ne pas trop penser à ce qui se passerait lorsqu’elle rencontrerait sa Soeur. La dernière survivante de sa tribu avec elle.

Distraitement, le militaire fit courir sa main, dont le bras s’était refermé sur sa taille, en de perpétuelles caresses discrètes. Une façon détournée de sentir qu’elle était toujours là, avec lui, et pour lui. Mais pour combien de temps encore ? Cette foutue menace était bien réelle et il ne fallait pas la prendre à la légère. Ces caresses finirent par apaiser lentement Lyanna qui ferma les yeux, tentant de trouver le sommeil.

Darren avait insisté pour qu’ils combattent ce problème ensemble, qu’ils ne se séparent pas. Mais maintenant, ça lui semblait complètement fou. Suicidaire même. Lyanna pouvait partir...elle pouvait disparaître de sa vie...c'était un risque réel.

« C’est ma femme...merde... » murmura-t-il d’un ton craintif, des paroles que la guerrière n’entendit pas vraiment, comme un bruit de fond, à mesure qu’elle s’endormait.
Si cette survivante pensait pouvoir ramener Lyanna à son passé sordide, elle se foutait le doigt dans l'œil. Il allait se battre pour la garder. Cette décision était bien loin de toute noblesse d’âme parce qu’il était amoureux. Ca excusait tout, même le manque de fair-play.

Darren se laissait tenter par des pensées bien sombres en arrière-plan. S’il allait voir Jim discrètement, il pourrait lui expliquer la situation et souligner le conflit d’intérêt que vivait sa compagne. Le sergent ne serait pas dur à convaincre, surtout s’il lui demandait clairement de pencher en sa faveur. Jim le ferait. Au moment opportun, quand l’Amazone révélerait l’information, il ferait mine de l’écouter attentivement et prendre une décision mesurée. Décision déjà prise plus tôt avec Darren : elle serait retirée de la mission et rapatriée sur Atlantis.

Darren n’étant pas lâche, il le lui avouerait au retour de mission.
Il devinait combien elle serait en colère. Combien elle se sentirait trahie par cette odieuse manipulation. Elle aurait probablement le cœur brisé, surtout s’il ne pouvait pas assumer sa promesse de neutraliser sa Soeur sans la tuer. Une promesse faite sur leur amour, en plus !

Mais Lyanna ne le haïrait qu’un temps....
Elle finirait par tout lui pardonner. Parce qu’elle était amoureuse, elle aussi.

Ca ne serait pas un beau moment à vivre mais il garderait sa femme auprès de lui. Après ça, ils continueront à s’aimer, à se traiter mutuellement de “fourbe”, de "traîtresse", en se faisant virer de tous les clubs d’Atlantis.
Un beau jour, il la demanderait en mariage.
Puis il lui fera des gamins, qu’ils regarderont courir dans la cour de son école pour réfugiées de guerre.

Tenté par cette solution, Darren s’écarta doucement de son amante puis se contorsionna comme une anguille pour échapper à son étreinte amoureuse. A contrecœur, il avait l’intention de rejoindre son supérieur tout de suite pour lui présenter le problème et réclamer personnellement le retrait de Lyanna de la mission. En bougeant, il réveilla lentement Lyanna qui sentit une absence à ses côtés, un manque de chaleur. La jeune femme émergea peu à peu, bien qu’elle tentait de s’accrocher à ce sommeil réparateur. Darren se pencha dans le noir pour ramasser son sous-vétement réglementaire. Lorsqu’il l’enfila, il fit grincer un morceau du parquet sous son propre poids et il se figea alors, regardant en direction du lit. Darren pensait deviner les contours de la silhouette de sa belle, immobile. Mais était-elle en train de le regarder fixement à travers le noir ou bien dormait-elle vraiment ? Le grincement avait fini par réveiller Lyanna, bien qu’elle n’ouvrit pas les yeux. Elle sentit que son compagnon n’était plus allongé à ses côtés, et qu’il devait être debout, près du lit. Peut être devait-il aller satisfaire une envie pressante. Raison pour laquelle la guerrière ne bougea pas, restant allongée en essayant de plonger à nouveau dans le sommeil. Le soldat la rejoindrait bientôt.

Darren termina son geste visant à s’habiller du minimum puis s’approcha du lit. Il posa une main sur la couverture, comme si le tissu véhiculerait son geste d’affection sans la réveiller.
« Je vais être malhonnête...je le fais parce que je t’aime. » murmura-t-il le plus bas possible. Il fallait que ça sorte. Et il ne fallait pas qu’elle se réveille. « Je suis fou amoureux de toi, putain.. J’peux pas risquer notre couple. Tout mais pas ça... J'espère que tu me comprendras... »


eden memories

Revenir en haut Aller en bas

Contenu sponsorisé

Revenir en haut Aller en bas

Page 1 sur 2

Page 1 sur 2 1, 2  Suivant


 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum