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Famille et Rivale
Chronologie 23 mars 2018
Chronologie : le 22 mars à l'infirmerie.
Au début, ça n’avait été qu’une succession d’éveil et de sommeil.
La petite hispanique ouvrait les yeux pour se découvrir sur un lit d’infirmerie, ou bien en cours de brancardage pour un endroit inconnu, puis elle s'endormait d’épuisement. Impossible de savoir ce qu’ils lui faisaient, elle ne parvenait pas à reconnaître les visages. Même pas celui d’Isia quand elle était penché sur elle pour l’ausculter. Tout ce que Nelly savait, c’est qu’elle reconnaissait ce parfum quand elle s’amusait à surprendre la chirurgienne dans le dos pour la serrer contre son coeur, et également, qu’elle était en sécurité ici.
C’est tout. Elle n’avait pas le temps de penser à autre chose, même pas le temps de faire des cauchemars sur la mésaventure qui avait bien failli lui coûter la vie. C’était un vide de ténèbre entièrement vierge de sensation et d’émotion. Il n’y avait même pas le réconfort d’une récupération physique.
Au fur et à mesure, Nelly se réveilla de plus en plus souvent. Les médecins qui s’occupaient d’elle lui parlaient mais elle n’était pas certaine de leur avoir répondu tant elle était paumée. La chambre changea juste un beau jour, la rangée de lits se troquant pour un seul, avec le minimum vital : commode, armoire, plateau de lit, une télévision et la fenêtre polarisée qu’on lui avait ouverte pour lui offrir du soleil. Le genre d’environnement qui indique que les soins intensifs sont terminés et qu’elle ne passera plus sur le billard...
Sa jambe droite était suspendue légèrement au-dessus du drap, entourée d’un nombre important de bandages marqués des auréoles de l’antiseptique qu’on lui avait appliqué sur la blessure. Elle fronça des sourcils en voyant ça, ne trouvant plus dans sa mémoire depuis combien de temps elle était dans cette position. Nelly tourna juste les yeux, n’ayant que peu conscience de son environnement, mais cherchant à connaître son état. Elle comprit qu’elle ne pouvait pas bouger son bras droit, immobilisé par une écharpe de contention, laissant son épaule abimée au repos. Elle avait dû subir une opération.
Alors avec son bras valide, elle mobilisa suffisamment de force pour traîner sa main jusque là et sentir des bandages. Elle rejeta un peu la couverture qui la recouvrait malgré tout et se découvrit en chemise, cette fameuse chemise ouverte dans le dos pour la laisser cul nu. La petite espagnole souffla avec les efforts qu’il lui fallait déployer mais elle parvint à l’écarter pour découvrir toute une surface de gaze et de bandage sur son ventre. Elle en releva quelques uns pour trouver des points de sutures, ça faisait un arc de cercle et elle se rappela enfin ce qu’il s’était passé. Le monstre qui lui était tombé dessus et qui l’avait...massacré.
Nelly ne chercha pas à enlever ses bandages. Dans la brume de son état second, elle ressentit un brusque coup au moral en prenant conscience que, pour l’opérer comme ça, ils l’avaient carrément foutu à poil. Elle était très pudique, le dernier accident datait de septembre avec les tordus qui l’avait humilié sur la place publique et, franchement, elle ressentit la même impression.
Les heures passèrent. Nelly s’effondrait parfois dans le sommeil sans se rendre compte. Et des fois elle découvrait qu’elle était éveillée, simplement absorbée par des pensées dont elle ne se souvenait plus du tout. Son regard monta sur le goutte à goutte. Il y avait trois poches de perfusion dont une qui lui évitait d’avoir mal, ou la nourrir, qui sait ?
Juste qu’elle commençait à sentir une envie de plus en plus pressante maintenant que le contrôle de son corps lui était rendu. Nelly se débattit longtemps, presque éternellement, pour ne pas se faire dessus. Elle resta humble jusqu’à l’arrivée d’une infirmière qui fût ravie de la voir un peu plus alerte...et elle apprit la nouvelle. Deux semaines...ça faisait deux semaines qu’elle était comme ça...dans cet état.
L’infirmière refusa de l’emmener aux sanitaires, Nelly ne pouvait pas bouger. Elle lui raconta, comme si c’était tout à fait normal, le plus singulier du monde, qu’une coupole en plastique était placée sous son séant et qu’elle n’avait qu’à se relâcher. Que l’infirmière se chargerait du reste pour la nettoyer et vider le réceptacle.
C’était une blague non ? Une blague odieuse et malsaine !
Où est-ce que c’était placé exactement entre la honte et l’humiliation ça ?
A vrai dire, Nelly n’avait jamais fait de séjour d’aussi longue durée sans pouvoir contrôler son corps. Il y avait bien eu son cancer, une période véritablement horrible où le SGC lui avait offert une souffrance atroce pour la sauver d’une mort trop jeune ou d’une mammectomie. Elle leur en était éternellement reconnaissante pour lui avoir donné une seconde chance. Mais là, au moins, elle pouvait se lever pour faire ses affaires en toute discrétion.
Peut être était-ce simplement de la fierté.
Mais l’hispanique refusa de faire dans cette foutu coupole. Elle résista jusqu’à sentir la pression malgré les antidouleurs et fut contrainte à se vider au milieu de la nuit. Elle en pleura longuement, tout comme lorsque l’infirmière la nettoya le lendemain en la félicitant de ce signe de “meilleure santé”, et le moral s’effondra définitivement.
La soignante dû surement en parler à Isia. Parce que dès le lendemain, elle se retrouva avec une quatrième poche à intraveineuse et strictement plus aucune pensée négative. C’était comme avoir le positivisme facile.
***Tu vis, t’es toujours là, tout va bien se passer…***
C’est comme ça que Nelly récupéra petit à petit au cours de sa deuxième semaine. Elle parvint à bouger de plus en plus souvent le bras, à manger seule et, dans son meilleur moment, à pouvoir se refaire une bonne position dans son lit. Mais franchement, qu’est-ce qu’elle s’emmerdait !!! On peut pas dire qu’elle comptait les amis “sérieux” sur le bout des doigts. Ceux qu’elle appelait par cette dénomination, c’était les gens qu’elle aimait emmerder. Pas étonnant qu’ils ne venaient chercher leur ration du jour quand elle se trouvait dans ce lit. Alors qui restait-il ?
Nelly se sentait véritable seule.
Peut-être que Sheppard était passé prendre de ses nouvelles mais pas pendant son éveil. Pedge avait été introuvable dans sa mémoire et elle ne pouvait que déduire les passages d’Isia qui devait pas mal bosser de son coté.
Sans ce foutu produit, Nelly se serait certainement lâché dans la déprime sans même se débattre. Mais ce n’était pas possible, il y avait toujours cette barrière, ce petit truc qui l’en empêchait.
***Tu vas les voir bientôt, t’en fait pas. Tu sais bien qu’ils pensent à toi en plus.***
C’est peut-être se mentir à soi-même mais ça faisait du bien.
L’infirmière, une nouvelle certainement spécialisée, passait deux fois par jour pour lui faire bouger les bras et les jambes. De la rééducation et une façon de la prémunir des escars. Au début, ce n’était que des blocs de béton qui ne réagissaient même pas. La soignante était obligée de se faire aider ou d’y aller à deux mains. Mais un beau jour, ça se mit à bouger...Nelly s’en rendit compte en remuant faiblement les orteils. Puis ça revint, petit à petit, que ce soit son épaule ou sa jambe. Cela lui rendit de l’espoir...tout comme elle avait cette fixette de ne plus porter cette foutue chemise réservée aux gogo-danseuses qui voulaient faire admirer leur croupions !
Au début de la troisième semaine, elle décida de passer à l’action.
Entre les antidouleurs, l’antidépresseur et le fait qu’elle avait une connaissance très sympathique parmi les infirmières, la petite espagnole parvint à se faire ramener son uniforme et une poche de guimauve au chocolat. Elle attendit le moment de la journée où il n’y avait jamais personne qui venait faire ses soins, quand tout était vide d’activité pendant trois heures minimum, pour quitter son lit. Une mission longue en plusieurs étapes, avec des actions stratégiques et des tas de gestes prudents. La jeune femme progressa aussi lentement qu’un escargot mais elle parvint jusqu’à la salle de bain en boitillant. Ou alors elle portait du poids sur sa jambe blessée avec une infinie douceur.
Elle s’était accroché à tout ce qui était passé sous sa main valide. Meuble, mur, porte, tout et n’importe quoi. Elle avait fichu les magazines par terre et d’autres trucs dont elle n’avait pas fait attention MAIS elle était enfin dans cette fameuse salle de bain.
Nelly commença par enlever son écharpe de contention, grimaçant en sentant la pression soudaine dans les muscles de son épaule. Elle soulagea le poids de son bras quasi-paralysé pour le poser sur le bord du lavabo et elle s’observa dans le miroir. Elle était affreusement moche, les cheveux en pétards, cernée comme une droguée et le visage couvert par endroit de quelques croûtes de sang coagulé depuis longtemps.
La jeune femme fit un effort pour se rendre plus présentable. Au moins ses cheveux, elle y tenait beaucoup. Puis elle s’inspecta lentement, demeurant en appui sur une seule jambe. Elle aurait une énorme cicatrice sur le dessus de l’épaule droite, des traces de perforation sur l’abdomen et deux grosses marques sur la jambe droite. Pour une femme, ça comptait quand même. Son corps était abimé, elle allait se sentir laide lorsqu’ils lui enlèverait l’anti-dépresseur, elle le savait. Mais heureusement, ce n’était pas la priorité du moment.
Nelly retira temporairement sa perfusion et commença à enfiler ses sous-vêtements. Le soutien-gorge rose bonbon, c’était pour son côté puéril, pour la fierté de se dire qu’elle resterait la même malgré les coups de crocs d’un monstre aussi moche. Nelly resterait Nelly et elle eut un sourire à cette pensée. On ne l’aurait pas. Même après tout ça, dans sa tête, ce serait le rose girly ! Ses mouvements étaient vraiment compliqués, surtout en restant en équilibre sur une jambe mais elle prenait son temps.
Encore une fois, le haut du corps pourrait aller. Il lui suffisait de commencer par son bras mollasson et faire le reste avec sa main valide. Ca ne prendrait pas longtemps. Elle rebrancherait ensuite sa perfusion en faisant comme Isia lui avait montré un jour.
Et les deux heures restantes de la mission spéciale “habillage Nelly”, ce serait pour ce foutu pantalon, qu’elle ne savait pas encore comme elle pourrait enfiler avec une jambe à moitié morte et un bras qui répondait à peine. Mais soudainement, un bruit retentit dans la chambre et Nelly poussa une plainte de surprise, écarquillant les yeux en direction de la porte qui menait à la chambre. Elle garda plaqué contre son torse son soutien-gorge qu’elle galérait à boutonner et demeurait là, presque paniquée, en priant pour que ce ne soit pas l’officier, ou un homme quelconque, qui débarque à ce moment critique.
Au début, ça n’avait été qu’une succession d’éveil et de sommeil.
La petite hispanique ouvrait les yeux pour se découvrir sur un lit d’infirmerie, ou bien en cours de brancardage pour un endroit inconnu, puis elle s'endormait d’épuisement. Impossible de savoir ce qu’ils lui faisaient, elle ne parvenait pas à reconnaître les visages. Même pas celui d’Isia quand elle était penché sur elle pour l’ausculter. Tout ce que Nelly savait, c’est qu’elle reconnaissait ce parfum quand elle s’amusait à surprendre la chirurgienne dans le dos pour la serrer contre son coeur, et également, qu’elle était en sécurité ici.
C’est tout. Elle n’avait pas le temps de penser à autre chose, même pas le temps de faire des cauchemars sur la mésaventure qui avait bien failli lui coûter la vie. C’était un vide de ténèbre entièrement vierge de sensation et d’émotion. Il n’y avait même pas le réconfort d’une récupération physique.
Au fur et à mesure, Nelly se réveilla de plus en plus souvent. Les médecins qui s’occupaient d’elle lui parlaient mais elle n’était pas certaine de leur avoir répondu tant elle était paumée. La chambre changea juste un beau jour, la rangée de lits se troquant pour un seul, avec le minimum vital : commode, armoire, plateau de lit, une télévision et la fenêtre polarisée qu’on lui avait ouverte pour lui offrir du soleil. Le genre d’environnement qui indique que les soins intensifs sont terminés et qu’elle ne passera plus sur le billard...
Sa jambe droite était suspendue légèrement au-dessus du drap, entourée d’un nombre important de bandages marqués des auréoles de l’antiseptique qu’on lui avait appliqué sur la blessure. Elle fronça des sourcils en voyant ça, ne trouvant plus dans sa mémoire depuis combien de temps elle était dans cette position. Nelly tourna juste les yeux, n’ayant que peu conscience de son environnement, mais cherchant à connaître son état. Elle comprit qu’elle ne pouvait pas bouger son bras droit, immobilisé par une écharpe de contention, laissant son épaule abimée au repos. Elle avait dû subir une opération.
Alors avec son bras valide, elle mobilisa suffisamment de force pour traîner sa main jusque là et sentir des bandages. Elle rejeta un peu la couverture qui la recouvrait malgré tout et se découvrit en chemise, cette fameuse chemise ouverte dans le dos pour la laisser cul nu. La petite espagnole souffla avec les efforts qu’il lui fallait déployer mais elle parvint à l’écarter pour découvrir toute une surface de gaze et de bandage sur son ventre. Elle en releva quelques uns pour trouver des points de sutures, ça faisait un arc de cercle et elle se rappela enfin ce qu’il s’était passé. Le monstre qui lui était tombé dessus et qui l’avait...massacré.
Nelly ne chercha pas à enlever ses bandages. Dans la brume de son état second, elle ressentit un brusque coup au moral en prenant conscience que, pour l’opérer comme ça, ils l’avaient carrément foutu à poil. Elle était très pudique, le dernier accident datait de septembre avec les tordus qui l’avait humilié sur la place publique et, franchement, elle ressentit la même impression.
Les heures passèrent. Nelly s’effondrait parfois dans le sommeil sans se rendre compte. Et des fois elle découvrait qu’elle était éveillée, simplement absorbée par des pensées dont elle ne se souvenait plus du tout. Son regard monta sur le goutte à goutte. Il y avait trois poches de perfusion dont une qui lui évitait d’avoir mal, ou la nourrir, qui sait ?
Juste qu’elle commençait à sentir une envie de plus en plus pressante maintenant que le contrôle de son corps lui était rendu. Nelly se débattit longtemps, presque éternellement, pour ne pas se faire dessus. Elle resta humble jusqu’à l’arrivée d’une infirmière qui fût ravie de la voir un peu plus alerte...et elle apprit la nouvelle. Deux semaines...ça faisait deux semaines qu’elle était comme ça...dans cet état.
L’infirmière refusa de l’emmener aux sanitaires, Nelly ne pouvait pas bouger. Elle lui raconta, comme si c’était tout à fait normal, le plus singulier du monde, qu’une coupole en plastique était placée sous son séant et qu’elle n’avait qu’à se relâcher. Que l’infirmière se chargerait du reste pour la nettoyer et vider le réceptacle.
C’était une blague non ? Une blague odieuse et malsaine !
Où est-ce que c’était placé exactement entre la honte et l’humiliation ça ?
A vrai dire, Nelly n’avait jamais fait de séjour d’aussi longue durée sans pouvoir contrôler son corps. Il y avait bien eu son cancer, une période véritablement horrible où le SGC lui avait offert une souffrance atroce pour la sauver d’une mort trop jeune ou d’une mammectomie. Elle leur en était éternellement reconnaissante pour lui avoir donné une seconde chance. Mais là, au moins, elle pouvait se lever pour faire ses affaires en toute discrétion.
Peut être était-ce simplement de la fierté.
Mais l’hispanique refusa de faire dans cette foutu coupole. Elle résista jusqu’à sentir la pression malgré les antidouleurs et fut contrainte à se vider au milieu de la nuit. Elle en pleura longuement, tout comme lorsque l’infirmière la nettoya le lendemain en la félicitant de ce signe de “meilleure santé”, et le moral s’effondra définitivement.
La soignante dû surement en parler à Isia. Parce que dès le lendemain, elle se retrouva avec une quatrième poche à intraveineuse et strictement plus aucune pensée négative. C’était comme avoir le positivisme facile.
***Tu vis, t’es toujours là, tout va bien se passer…***
C’est comme ça que Nelly récupéra petit à petit au cours de sa deuxième semaine. Elle parvint à bouger de plus en plus souvent le bras, à manger seule et, dans son meilleur moment, à pouvoir se refaire une bonne position dans son lit. Mais franchement, qu’est-ce qu’elle s’emmerdait !!! On peut pas dire qu’elle comptait les amis “sérieux” sur le bout des doigts. Ceux qu’elle appelait par cette dénomination, c’était les gens qu’elle aimait emmerder. Pas étonnant qu’ils ne venaient chercher leur ration du jour quand elle se trouvait dans ce lit. Alors qui restait-il ?
Nelly se sentait véritable seule.
Peut-être que Sheppard était passé prendre de ses nouvelles mais pas pendant son éveil. Pedge avait été introuvable dans sa mémoire et elle ne pouvait que déduire les passages d’Isia qui devait pas mal bosser de son coté.
Sans ce foutu produit, Nelly se serait certainement lâché dans la déprime sans même se débattre. Mais ce n’était pas possible, il y avait toujours cette barrière, ce petit truc qui l’en empêchait.
***Tu vas les voir bientôt, t’en fait pas. Tu sais bien qu’ils pensent à toi en plus.***
C’est peut-être se mentir à soi-même mais ça faisait du bien.
L’infirmière, une nouvelle certainement spécialisée, passait deux fois par jour pour lui faire bouger les bras et les jambes. De la rééducation et une façon de la prémunir des escars. Au début, ce n’était que des blocs de béton qui ne réagissaient même pas. La soignante était obligée de se faire aider ou d’y aller à deux mains. Mais un beau jour, ça se mit à bouger...Nelly s’en rendit compte en remuant faiblement les orteils. Puis ça revint, petit à petit, que ce soit son épaule ou sa jambe. Cela lui rendit de l’espoir...tout comme elle avait cette fixette de ne plus porter cette foutue chemise réservée aux gogo-danseuses qui voulaient faire admirer leur croupions !
Au début de la troisième semaine, elle décida de passer à l’action.
Entre les antidouleurs, l’antidépresseur et le fait qu’elle avait une connaissance très sympathique parmi les infirmières, la petite espagnole parvint à se faire ramener son uniforme et une poche de guimauve au chocolat. Elle attendit le moment de la journée où il n’y avait jamais personne qui venait faire ses soins, quand tout était vide d’activité pendant trois heures minimum, pour quitter son lit. Une mission longue en plusieurs étapes, avec des actions stratégiques et des tas de gestes prudents. La jeune femme progressa aussi lentement qu’un escargot mais elle parvint jusqu’à la salle de bain en boitillant. Ou alors elle portait du poids sur sa jambe blessée avec une infinie douceur.
Elle s’était accroché à tout ce qui était passé sous sa main valide. Meuble, mur, porte, tout et n’importe quoi. Elle avait fichu les magazines par terre et d’autres trucs dont elle n’avait pas fait attention MAIS elle était enfin dans cette fameuse salle de bain.
Nelly commença par enlever son écharpe de contention, grimaçant en sentant la pression soudaine dans les muscles de son épaule. Elle soulagea le poids de son bras quasi-paralysé pour le poser sur le bord du lavabo et elle s’observa dans le miroir. Elle était affreusement moche, les cheveux en pétards, cernée comme une droguée et le visage couvert par endroit de quelques croûtes de sang coagulé depuis longtemps.
La jeune femme fit un effort pour se rendre plus présentable. Au moins ses cheveux, elle y tenait beaucoup. Puis elle s’inspecta lentement, demeurant en appui sur une seule jambe. Elle aurait une énorme cicatrice sur le dessus de l’épaule droite, des traces de perforation sur l’abdomen et deux grosses marques sur la jambe droite. Pour une femme, ça comptait quand même. Son corps était abimé, elle allait se sentir laide lorsqu’ils lui enlèverait l’anti-dépresseur, elle le savait. Mais heureusement, ce n’était pas la priorité du moment.
Nelly retira temporairement sa perfusion et commença à enfiler ses sous-vêtements. Le soutien-gorge rose bonbon, c’était pour son côté puéril, pour la fierté de se dire qu’elle resterait la même malgré les coups de crocs d’un monstre aussi moche. Nelly resterait Nelly et elle eut un sourire à cette pensée. On ne l’aurait pas. Même après tout ça, dans sa tête, ce serait le rose girly ! Ses mouvements étaient vraiment compliqués, surtout en restant en équilibre sur une jambe mais elle prenait son temps.
Encore une fois, le haut du corps pourrait aller. Il lui suffisait de commencer par son bras mollasson et faire le reste avec sa main valide. Ca ne prendrait pas longtemps. Elle rebrancherait ensuite sa perfusion en faisant comme Isia lui avait montré un jour.
Et les deux heures restantes de la mission spéciale “habillage Nelly”, ce serait pour ce foutu pantalon, qu’elle ne savait pas encore comme elle pourrait enfiler avec une jambe à moitié morte et un bras qui répondait à peine. Mais soudainement, un bruit retentit dans la chambre et Nelly poussa une plainte de surprise, écarquillant les yeux en direction de la porte qui menait à la chambre. Elle garda plaqué contre son torse son soutien-gorge qu’elle galérait à boutonner et demeurait là, presque paniquée, en priant pour que ce ne soit pas l’officier, ou un homme quelconque, qui débarque à ce moment critique.
Famille et Rivale
Chronologie 23 mars 2018
Cela faisait plusieurs semaines que Pedge était revenue de cette mission sur le croiseur, mission terrible sur un plan émotionnel. A chaque fois qu’elle était confrontée à une œuvre de Méda’Iyda, elle en revenait traumatisée par des expériences de vie terribles. Physiquement, elle n’était pas rentrée trop amochée, même si elle conservait quelques douleurs de contusions au niveau de son ventre surtout, et d’affreux bandages entourant son cou. Mais une visite matinale chez le chirurgien lui avait appris que ce n’était qu’une question de jour avant qu’on ne lui enlève les points au niveau de sa gorge, et donc les bandes qui les masquaient. Du coup, elle portait un col roulé basiquement noir, sous sa veste d’uniforme réglementaire, dont la fermeture éclair était tirée jusqu’en haut.
Comme si cela ne suffisait pas à son malheur, une réunion importante avec le Codir lui avait appris qu’elle était l’objet d’un clonage en masse de la part de la reine Wraith qui se constituait une armée digne de ce nom pour combattre Atlantis. Elle s’était certainement emparée de son matériel génétique quand elle était soumise à son bon vouloir, entre les phases de tortures psychologiques et physiques, et les moments de répits. Eversman avait le droit au même traitement de faveur, et bientôt, la galaxie compterait plus de réplique de leur personne que de Wraiths. Elle ne savait pas comment elle devait prendre la nouvelle. En réalité, elle était perdue et perplexe. Elle savait que ce ne serait pas elle qu’elle devrait combattre, et pourtant, elle avait vu des photos, et les Pedge de Méda’Iyda étaient en tout point identique à elle, si ce n’était les yeux. Un sentiment de viol de l’être humain qu’elle était lui taraudait l’esprit, accolé à un sentiment revanchard des plus affirmés.
Non, elle se mentait. D’ailleurs, pour qu’elle cesse de le faire, pour qu’elle digère cette nouvelle, elle était cantonnée au continent pour quelques jours afin de faire le point avec elle-même. On lui proposait même un soutien psychologique qu’elle avait refusé d’emblée. Avant de partir, elle devait voir Nelly. La dernière fois qu’elle était venue, après les opérations que la texane avait subit de son côté, l’hispanique dormait. Il paraissait qu’elle était éveillée, et le moment ne pouvait pas être mieux choisi pour la rencontrer après ces épreuves de malheur. Aussi entra-t-elle dans la chambre, la trouvant singulièrement vide.
« Nelly ? », demanda Pedge à la chambre vide. Elle était peut-être dans la salle de bain. Si tel était le cas, elle pourrait toujours repasser plus tard… Enfin, quand elle serait revenue de son séjour sur le continent. Elle ne souhaitait pas déranger.
Comme si cela ne suffisait pas à son malheur, une réunion importante avec le Codir lui avait appris qu’elle était l’objet d’un clonage en masse de la part de la reine Wraith qui se constituait une armée digne de ce nom pour combattre Atlantis. Elle s’était certainement emparée de son matériel génétique quand elle était soumise à son bon vouloir, entre les phases de tortures psychologiques et physiques, et les moments de répits. Eversman avait le droit au même traitement de faveur, et bientôt, la galaxie compterait plus de réplique de leur personne que de Wraiths. Elle ne savait pas comment elle devait prendre la nouvelle. En réalité, elle était perdue et perplexe. Elle savait que ce ne serait pas elle qu’elle devrait combattre, et pourtant, elle avait vu des photos, et les Pedge de Méda’Iyda étaient en tout point identique à elle, si ce n’était les yeux. Un sentiment de viol de l’être humain qu’elle était lui taraudait l’esprit, accolé à un sentiment revanchard des plus affirmés.
Non, elle se mentait. D’ailleurs, pour qu’elle cesse de le faire, pour qu’elle digère cette nouvelle, elle était cantonnée au continent pour quelques jours afin de faire le point avec elle-même. On lui proposait même un soutien psychologique qu’elle avait refusé d’emblée. Avant de partir, elle devait voir Nelly. La dernière fois qu’elle était venue, après les opérations que la texane avait subit de son côté, l’hispanique dormait. Il paraissait qu’elle était éveillée, et le moment ne pouvait pas être mieux choisi pour la rencontrer après ces épreuves de malheur. Aussi entra-t-elle dans la chambre, la trouvant singulièrement vide.
« Nelly ? », demanda Pedge à la chambre vide. Elle était peut-être dans la salle de bain. Si tel était le cas, elle pourrait toujours repasser plus tard… Enfin, quand elle serait revenue de son séjour sur le continent. Elle ne souhaitait pas déranger.
Famille et Rivale
Chronologie 23 mars 2018
Un soudain soulagement la fit frissonner quand elle reconnut la voix de la texane. Sheppard, ça l’aurait rendu terriblement mal à l’aise. Isia, elle aurait tout de suite comprit qu’elle cherchait à se faire la malle et l’aurait ramené au lit en la tenant par l’oreille. Pedge ? C’était différent…
Une petite partie d’elle était heureuse de l’entendre dans cette chambre, elle était venue lui rendre visite et ses idées sombres sur l’indifférence possible du lieutenant s’évaporait.
Mais d’un autre coté, elle se rappelait très bien lui avoir laissé un message vidéo sur son portable où elle avait ouvert son coeur. C’est le problème lorsqu’on a si peur que l’on est persuadé de mourir : on fait ce que l’on aurait jamais osé en situation normale.
Sauf que voilà. Nelly n’était pas morte et elle pensait véritablement ce qu’elle avait dit.
Elle s’était beaucoup rapprochée de Pedge, d’un point de vue amical et même “familial” dirait-elle. Et rien ne lui foutait plus la trouille que de lui faire face pour se prendre tout ça dans la figure. Qu’elle lui rit au nez ou lui apprenne simplement que ce ne serait jamais réciproque. Après tout, Pedge avait une famille, il y avait la photo qu’elle avait vu dans son bureau. Nelly avait quoi à part l’expédition ?
Strictement rien.
Elle avait bien tenté de se rapprocher du major, en relevant le défi de faire fondre la glace, et cela avait été une cruelle déception. Mais depuis qu’elle avait rencontré Isia et Pedge, et qu’elle jouait en plus de leur relation pourtant discrète pour charrier les deux...elle s’était véritablement prise d’une saine affection pour la texane. Et le refus lui faisait peur.
Elle l’avait dit sur le portable...c’était devenue sa grande soeur. Elle représentait un idéal de charisme, de capacité physique, mentale et martiale qu’elle ne pouvait que rêvait d’atteindre. Ca n’aiderait pas à cesser de l’aduler ça…
« Je suis là. Entre. » Fit-elle finalement après avoir hésité.
Elle avait eu dans l’idée de faire la morte, se doutant que Pedge n’entrerait pas dans la salle de bain. Mais cela aurait repoussé la conversation à beaucoup plus tard. Nelly s’en serait mordu les doigts.
La texane apparut dans l’encadrure de la porte et Nelly ne pu s’empêcher de sourire, la trouvant plutôt en forme. Ca faisait plaisir de voir que, pour une fois, elle n’était pas revenue de mission couverte de sang. Elle se rappelait bien de la Magna avec son épaule trouée par une arme de poing.
« Hé, salut toi. » Fit-elle en se décalant pour lui masquer un peu la nudité de sa poitrine par son bras valide. Les bretelles du soutien gorge pendait sur les côtés. « C’est mon amie ou l’officier qui me rend visite ? Tu m’aides ? »
La voix étouffée de Nelly lui vint de la salle de bain, pièce intégrée dans la chambre d’infirmerie, comme c’était toujours le cas dans les hôpitaux terriens. Elle était donc là dedans, et Pedge y voyait là une façon de fuir, mais elle lui indiquait qu’elle pouvait entrer. Pourvu, pensa la texane, qu’elle ne soit pas coincée sur les toilettes dans l’attente qu’une infirmière ne vienne lui essuyer les fesses. Elle ne se sentait pas capable de ce genre de chose, surtout par pudeur et par gêne, car elle se mettait à la place de la personne en question. C’était là une notion d’empathie qu’elle ne développait pas toujours, mais heureusement, elle existait belle et bien. Du coup, elle poussa la porte qui n’était pas fermée, tout juste si elle était simplement appuyée pour qu’on ne la remarque pas dans la salle d’eau.
« Salut. », fit-elle de son ton le plus morne, comme à son habitude. Certaine chose ne changeait pas, tout comme son faciès des plus atone. En quelques secondes, elle se fit une idée de la situation. Nelly était en culotte, et elle essayait manifestement de terminer de s’habiller, éprouvant des difficultés à passer son soutien gorge et à le fermer.
« Je ne sais pas encore. », répondit-elle simplement en approchant, signifiant la réponse à sa seconde question quant à l’aide qu’elle pouvait lui apporter. Elle attendit qu’elle se tourne pour passer les bretelles correctement et fermer l’ensemble dans son dos en faisant passer les crochets dans les trous, avec la dextérité que confiait l’habitude de la chose.
« J’arrive au bon moment manifestement. », ajouta-t-elle tranquillement en détaillant la jeune femme des yeux, la laissant se retourner ou rester de dos, qu’importait avec le miroir qui réfléchissait les regards en diagonale. Pourquoi une infirmière n’était pas là à l’aider à s’habiller ? Franchement, c’était quand même la base, non ?
Nelly restait quelqu’un de pudique. Avec d’autres personnes, elle ne se serait même pas laissée approcher. Même dans cette situation compliquée. Et pourtant, avec la considération qu’elle avait pour Pedge, elle se sentait en confiance.
Nelly attrapa donc le t-shirt réglementaire sur la cuvette des toilettes, là où on trouvait également le pantalon et la veste, et elle entreprit de passer son bras affaibli à l’intérieur.
« Si. Je te dirai pas quel Dieu j’ai prié mais tu es là....merci. » Fit-elle en grimaçant sous le mouvement qu’elle essayait d’opérer. Elle ignora la crainte que son amie soit venue en mode officier. « Tu vas bien toi ? »
« J’ai connu des jours meilleurs, mais je crois que je ne vais pas me plaindre. J’arrive toujours à enfiler mon t-shirt moi. », fit la texane en approchant une nouvelle fois pour écarter le tissu un peu plus amplement afin que Nelly puisse passer son bras manifestement pas très mobile pour le moment.
La jeune femme rigola doucement. Elle appréciait beaucoup l’aide de la texane, sans même qu’elle ai à réclamer davantage. Elle était venue pour elle, pour lui parler, l’aider à s’habiller. La petite espagnole n’en avait pas l’habitude. Et quelque part, ça lui faisait vraiment du bien. Elle se tut un instant, le temps de parvenir à enfiler son t-shirt avec l’aide de Pedge. Puis elle récupéra le pantalon qu’elle lui tendit.
« Je vais bien... » Fit-elle dans un demi-mensonge. Elle se mordit la lèvre en croisant le regard de son amie, bien incapable de se dissimuler, et développa : « Je vais peut-être pleurer toutes les horribles cicatrices que je vais avoir...et la honte...quand ils m’ont lavé pendant deux semaines. Mais ça ira...je vais m’en remettre. »
A cet instant là, la gamine qui se plaisait à charier la texane était à mille lieux. Il suffisait de risquer de mourir pour que Nelly reste en adulte auprès de Pedge. Avec son aide, elle parvint à se faufiler dans le pantalon, serrant les dents en sentant la douleur se réveiller. Il fallait qu’elle remette sa perfusion rapidement, elle était en train de trainer.
Nelly s'exécuta sous le regard de son amie, passant la canule sous la manche de sa veste lorsqu’elle l’eut placée, puis elle rebrancha le tout.
« Tu...voulais me parler ? » Hasarda-t-elle en retournant dans la chambre, évitant de lui avouer qu’elle voulait elle-même crever l’abcès un bonne fois pour toute.
Famille et Rivale
Chronologie 23 mars 2018
Pedge n’avait pas commenté. Si elle avait dû pleurer les cicatrices de son corps, elle n’aurait plus d’eau dans son corps. Evidemment, elle préférerait que sa peau reste vierge de tout cela, mais c’était aussi son histoire, celle de sa vie et de ses expériences, tant de bouleversements gravés dans le marbre blanc de son épiderme. Elle n’y pouvait rien, strictement rien, et sa philosophie, quand elle était dans les bons jours, consistaient à ne pas se faire de mouron sur des choses dont elle n’avait d’emprise. Bien facile à dire, pas facile à faire. Peut-être qu’elle pourrait avoir une conversation avec le millier de Pedge qui vivait là quelque part. Avec autant de cerveau comme le sien, elles arriveraient sans doute à réfléchir pleinement sur sa façon d’être et ses handicaps sentimentaux. Alors qu’elle retournait dans la chambre avec elle, Nelly lui posa une autre question.
« Je voulais voir comment tu allais avant de repartir sur le continent. », dit-elle simplement.
Arrivé dans la chambre, Nelly préféra s’installer sur le fauteuil. Elle y parvint sans l’aide de Pedge, surement dans un élan de fierté et se refusant d’être résolument la petite chose fragile, et demeura interdite en comprenant le message différemment.
« Tu t’en iras longtemps ? » Lâcha-t-elle d’une petite voix, un pincement au coeur perceptible.
« Je suis mise au vert quelques jours. », répondit-elle directement, ne sachant pas vraiment combien de jour exactement pour ainsi dire. Elle avait perçu la déception de Nelly, mais elle n’en laissait rien paraître.
La petite espagnole se sentit oppressée. Il n’y avait qu’une raison pour envoyer Pedge sur le continent durant quelques jours. Avec ce qu’elle se souvenait de la mission du croiseur, ça ne faisait pas de doute que le CODIR avait fini par lâcher le morceau...et que Pedge avait en plus déduit qu’elle lui avait menti pendant des semaines…
Le visage de Nelly se tendit. La texane restait à mi-chemin entre elle et la salle de bain. Donc à deux pas de la porte, prête à partir. Quelque part, elle n’y tenait pas, elle ne voulait pas qu’elles se quittent sur une brouille.
« Alors...ils t’ont dit... » Fit-elle dans une question qui n’en était pas une. Son regard craintif et nerveux monta sur son amie, cherchant confirmation. « Je...j’avais pas le choix tu comprends ? Ils m’ont obligé... »
Nelly ne savait pas comment faire, se sentant légèrement piégée. Elle avait bien envie de se confondre en excuses mais elle connaissait le tempérament de la texane. Elle n’aimait pas l'apitoiement et la petite n’était pas non plus d’une nature à s’allonger. Mais clairement, cela lui avait fait du mal pendant longtemps.
« Je crois...que c’est la pire chose qu’ils m’ont demandé de faire. Rester là...avec toi...sans pouvoir te le dire... » Elle secoua la tête. « J’ai souvent voulu t’en parler. »
Pedge l’observa en silence pendant quelques secondes, interminables. Elle jaugeait l’hispanique, qui pouvait croire qu’elle avait quelques mauvais sentiments à son endroit, hors, la militaire ne savait pas trop quoi répondre ou dire, sans trop savoir ce qu’elle ressentait exactement. C’était comme si elle était détachée de son corps et qu’elle observait cette scène par les yeux de quelqu’un d’autre. Etait-ce une façon de se protéger ? Peut-être que oui au final.
« Je… Je comprends Nelly. Les ordres sont les ordres, aussi durs peuvent-ils être. Je… Tu n’as pas à t’en vouloir. » Elle n’avait pas envie de rentrer dans un truc sentimental à la noix, du coup elle tâtonnait avec ses mots : « Te connaissant, j’imagine bien que tu avais envie de m’en parler, et c’est une bonne chose que tu ne l’ais pas fait. Ça prouve que tu es faite pour l’armée, quoiqu’en disent certains. »
Pedge recula d’un pas et s’appuya sur le mur derrière elle, en considérant la jeune femme face à elle. Elle avait les deux mains derrière son dos, au niveau de ses fesses, pour s’appuyer tranquillement. Elle était toujours aussi fermée, les yeux lourds de ses paupières mi close, et elle semblait réellement normale.
« Je voulais voir comment tu allais avant de repartir sur le continent. », dit-elle simplement.
Arrivé dans la chambre, Nelly préféra s’installer sur le fauteuil. Elle y parvint sans l’aide de Pedge, surement dans un élan de fierté et se refusant d’être résolument la petite chose fragile, et demeura interdite en comprenant le message différemment.
« Tu t’en iras longtemps ? » Lâcha-t-elle d’une petite voix, un pincement au coeur perceptible.
« Je suis mise au vert quelques jours. », répondit-elle directement, ne sachant pas vraiment combien de jour exactement pour ainsi dire. Elle avait perçu la déception de Nelly, mais elle n’en laissait rien paraître.
La petite espagnole se sentit oppressée. Il n’y avait qu’une raison pour envoyer Pedge sur le continent durant quelques jours. Avec ce qu’elle se souvenait de la mission du croiseur, ça ne faisait pas de doute que le CODIR avait fini par lâcher le morceau...et que Pedge avait en plus déduit qu’elle lui avait menti pendant des semaines…
Le visage de Nelly se tendit. La texane restait à mi-chemin entre elle et la salle de bain. Donc à deux pas de la porte, prête à partir. Quelque part, elle n’y tenait pas, elle ne voulait pas qu’elles se quittent sur une brouille.
« Alors...ils t’ont dit... » Fit-elle dans une question qui n’en était pas une. Son regard craintif et nerveux monta sur son amie, cherchant confirmation. « Je...j’avais pas le choix tu comprends ? Ils m’ont obligé... »
Nelly ne savait pas comment faire, se sentant légèrement piégée. Elle avait bien envie de se confondre en excuses mais elle connaissait le tempérament de la texane. Elle n’aimait pas l'apitoiement et la petite n’était pas non plus d’une nature à s’allonger. Mais clairement, cela lui avait fait du mal pendant longtemps.
« Je crois...que c’est la pire chose qu’ils m’ont demandé de faire. Rester là...avec toi...sans pouvoir te le dire... » Elle secoua la tête. « J’ai souvent voulu t’en parler. »
Pedge l’observa en silence pendant quelques secondes, interminables. Elle jaugeait l’hispanique, qui pouvait croire qu’elle avait quelques mauvais sentiments à son endroit, hors, la militaire ne savait pas trop quoi répondre ou dire, sans trop savoir ce qu’elle ressentait exactement. C’était comme si elle était détachée de son corps et qu’elle observait cette scène par les yeux de quelqu’un d’autre. Etait-ce une façon de se protéger ? Peut-être que oui au final.
« Je… Je comprends Nelly. Les ordres sont les ordres, aussi durs peuvent-ils être. Je… Tu n’as pas à t’en vouloir. » Elle n’avait pas envie de rentrer dans un truc sentimental à la noix, du coup elle tâtonnait avec ses mots : « Te connaissant, j’imagine bien que tu avais envie de m’en parler, et c’est une bonne chose que tu ne l’ais pas fait. Ça prouve que tu es faite pour l’armée, quoiqu’en disent certains. »
Pedge recula d’un pas et s’appuya sur le mur derrière elle, en considérant la jeune femme face à elle. Elle avait les deux mains derrière son dos, au niveau de ses fesses, pour s’appuyer tranquillement. Elle était toujours aussi fermée, les yeux lourds de ses paupières mi close, et elle semblait réellement normale.
Famille et Rivale
Chronologie 23 mars 2018
Le visage de Nelly s’était morcelé.
Elle luttait pour ne pas pleurer, ressentant dans son coeur comme un raz de marée de tous les sentiments négatifs, toutes les peines et les frustrations de ce qu’elle avait été obligé de faire depuis la mission Echo-Natus. Le fait que Pedge reconnaisse qu’elle avait bien fait, qu’elle lui fasse même ce qu’elle prenait pour un compliment, déclenchait cette émotion soudaine. Nelly leva les yeux sur ses poches de transfusions, se demandant si elle n’était pas émotive après avoir lâché la perfusion durant une demi-heure. Peut-être que l’anti-dépresseur faisait moins d’effet.
Mais d’un autre côté, c’était Pedge. C’était SA Pedge, la vraie, qui lui disait ça. Même sous acide, elle en aurait pleuré. Là, c’était juste quelques larmes qu’elle tentait maladroitement de dissimuler en déviant légèrement son visage vers la fenêtre. Alors si la texane avait été sentimentale, le résultat aurait pu être atroce.
La petite hispanique se sentait quand même mieux. De tout son passage à l’infirmerie, même si elle était stressée et chamboulée, ça restait la plus belle de ses journées. Elle aurait bien voulu lui parler de sa mission maintenant qu’elle n’était plus tenue au secret. Mais si Pedge était envoyée au vert, ce n’était pas pour rien. Il valait mieux aller au coeur du sujet, sur ce qui lui importait le plus, et arracher ça comme un sparadrap. Un coup vif et rapide pour ne pas avoir trop mal.
« Tu m’as sauvé la vie, Pedge. Je t’avais dit de ne pas revenir...tu as tout risqué pour moi. »
Pedge détourna les yeux en lâchant ces quelques mots dans ses dents : « Quel genre d’officier je serai si je laissais mes hommes derrière moi pour me sauver hein ? Pas du genre que j’aimerai être en tout cas. ». Ce n’était pas spécialement la réponse que Nelly devait attendre, mais c’était celle qui était la plus simple à donner pour la sous-lieutenant.
Nelly eut un léger sourire qui s’était évanoui.
« Oui, il a bon dos ton grade, lieutenant. » fit-elle avec un ton qui se voulait comique.
L’hispanique observa Pedge durant ces mêmes longues secondes qui avait instauré un profond malaise. Elle hocha distraitement la tête avant d’ajouter :
« Ce que je t’ai dis, sur cette vidéo, j’étais sincère...je comprendrai si tu préférais l’ignorer. C’est juste que...j’ai cru que j’allais y rester. Je me suis dis que ce serait bien que tu saches pourquoi je te faisais toutes ces farces. »
On y venait. Pedge aurait préféré ne pas aborder le sujet, mais pourquoi serait-elle venue sinon ? Elle se dandina sur le mur, déplaçant son centre de gravité d’un pied sur l’autre. « Maintenant que je sais, ça ne m’empêchera pas de les détester, comme d’habitude. », fit-elle avec précipitation. Cela pouvait sonner comme de la méchanceté gratuite, ou un appel à la normalité, comme si rien ne devait avoir changé, comme si faire face à ce qu’elle avait vu et entendu sur ces images, dans ce croiseur, ne l’avait pas impacté. C’était de la pudeur et de la gêne, et elle ne voulait pas s’enliser là dedans. Pourtant elle ne fermait pas la porte puisqu’elle sous-entendait que dans un futur proche, elle pourrait continuer avec ses farces de gamine puérile. « Mais... » Elle ne savait pas comment tourner sa phrase pour conclure rapidement. « Mais rien. Je vais devoir te laisser. », dit-elle en se décollant du mur sur lequel elle était appuyée.
Nelly ne savait pas vraiment comment le prendre.
Elle connaissait suffisamment la texane pour savoir qu’elle ne parlerait pas de ce sujet ouvertement, ou à demi-mot. Le sentimental et l’échange, le drama, tout ça ne faisait pas partie de ses habitudes. Ou alors c’est quelque chose qu’elle subissait. Quand elle se détacha du mur en disant qu’elle allait s’en aller, surtout avec ce “mais rien”, cela eut l’effet d’un coup de fusil dans le coeur de Nelly. Elle eut l’impression qu’elle s’enterrait pour de bon la tête dans le sable et qu’elle n’aurait plus à faire qu’à l’officier à présent.
« Pedge !! » S’exclama-t-elle, une légère empreinte de peur dans la voix.
« Quoi ? », répondit-elle en la toisant directement, en restant plantée là.
Nelly s’était préparée à lui sortir une phrase mais cette réaction soudaine lui fit fermer son clapet. Elle en était presque intimidée, ne sachant comment formuler, avant de trouver une comparaison.
« J’ai un cadre photo sur mon bureau, comme toi. Pas de mère, pas de père, pas de soeur que je peux y afficher. J’ai pas eu cette chance... mais il y a toi : voilà. » Elle fixait obstinément la texane, comme si rendue au pied du mur elle en devenait effrontée. « On choisit pas sa famille. C’est comme ça et ça me plait. Alors... »
Nelly grimaça en se penchant sur le côté. Si Pedge voulait s’enfuir, elle allait lui offrir sa porte de sortie. C’était l’aveu à demi-mot mais un aveu quand même. Nelly n’avait jamais connu sa mère, le paternel était amoureux de son travail. Fille unique. La petite espagnole sentait un réel rapprochement pour la texane et elle préférait le lui dire. De toute façon la vidéo avait été assez équivoque et peut-être y avait-il une raison pour laquelle Pedge ne lui avait pas rendu son portable. Peut-être qu’elle l’écouterait encore.
C’était particulier comme moment. Comme une déclaration d’amour en quelque sorte mais sans la connotation charnelle. Pas d’attirance de ce genre, Nelly n’était pas lesbienne. C’était comme ça, à s’être imposée dans la vie de Pedge et avoir travaillé sous ses ordres, elle le vivait de cette façon : c’était devenu sa grande soeur. La texane avait son mot à dire bien sûr. Mais il fallait déjà pouvoir en discuter un jour. Et ce ne serait visiblement pas maintenant. Pedge ne voulait pas.
Nelly sortit du tiroir la poche de guimauve au chocolat qu’elle ouvrit doucement. Elle la tendit à son amie, un léger sourire d’espièglerie sur le visage, pour lui en proposer. Comme si tout ça n’avait jamais eu lieu. Et que la gamine était en train de revenir...
Toute la précédente déclaration se traduisit par un très sérieux :
« Guimauve ? »