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Une plaie indélébile

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Mer 4 Oct - 21:39

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Chronologie : 16 février 2017.



Le Dédale était en orbite Lantienne.
L’équipage s’affairait à l’entretien quotidien du croiseur avec une effervescence moins soutenue, puisqu’aucune manoeuvre militaire n’était prévue ce jour, ce qui leur permettait de souffler un peu. De manière classique, le personnel blaguaient dans les coursives, se chambraient tout en effectuant la tâche qui leur étaient assignés. On parlait souvent des événements de janvier un peu plus sur le ton de la blague et de la moquerie sans pour autant manquer de respect à tous ceux qui en avaient soufferts.

Le silence morbide ne les frappaient que sur le chemin du Colonel Caldwell alors pleinement concentré sur la lecture d’un rapport sous format papier. Il levait souvent les pages et les retournaient l’une après l’autre, ou deux par deux, comme à la recherche de réponses inexistantes. Même si l’homme était loin de laisser paraître ses expressions, il semblait néanmoins agacé. Il secouait régulièrement la tête d’un air consterné.

Les membres d’équipage qui le connaissaient depuis tout ce temps savaient qu’il ne valait mieux pas être sur son chemin. Non pas qu’il se serait acharné sur un pauvre innocent pour se délester de sa propre pression. Mais personne n’avait jamais eu l’envie de tenter le diable.
Bifurquant à l’angle d’une coursive, il répondit d’un signe de tête au salut militaire de deux soldats de la sécurité. Bientôt, l’officier parvint jusqu’aux anneaux de transfert pour se rendre sur le pont où se trouvait le bureau de Sidney.

Cinq minutes plus tard, il le trouva en pleine conversation avec un technicien du pont d’envol. Il portait toujours sa tenue orange fluo et était marqué au visage par des traces d’huile. Il ne faisait pas de doute qu’il comblait sa pause d’une consultation avec le psychologue. Une partie de lui s’inquiéta immédiatement à l’idée que l’un de ses techniciens ne soient pas dans des conditions favorables. Mais connaissant son rebelle officiel, il ne le saurait que lorsque celui-ci aurait déduit de lui un danger concret.

C’est quelque chose, lorsque l’on dirige un croiseur et une ville militaire en plein milieu de l’espace intergalactique. Il est important de tout savoir pour tout contrôler. Mais cela impose également une pression sur des militaires qui, avant tout, demeurent humains et nécessitent une certaine intimité.

Voilà qui expliquait le rôle de Sidney. En sa qualité de psychologue et unique civil à bord, il n’avait aucune obligation envers le colonel et ne lui fournissait des informations sur ses patients que lorsque cela était véritablement nécessaire. De ce fait, l’homme ayant prouvé qu’il respectait pleinement son devoir de discrétion, les militaires pouvaient se confier sans craindre que cela ne retombe à ses oreilles.

Caldwell détestait cela. Il enrageait de ne pouvoir se tenir au courant de tout ce qui se passait sur son vaisseau. Mais force est de constater que Sidney faisait de l’excellent travail. Ensemble, ils étaient parvenu à créer une telle cohésion que les incidents internes au Dédale étaient quasiment nuls. Et les risques : parfaitement insignifiant.
Un soldat ne commencerait pas à montrer les signes d’épuisement psychique sans qu’il ne soit signalé à Sidney. Et celui-ci pouvait requérir auprès du colonel une modification sur son temps de travail, de quoi lui offrir du répit, voir même la médication en concertation avec l’infirmerie. Oui, Sidney était apprécié de tous. On le considérait comme l’épaule la plus discrète à bord.

Caldwell partageait avec lui une profonde amitié basée sur un éternel conflit : le meneur de la barque contre l’altruiste de l’équipage.
Il n’y avait pas un jour sans qu’il n’y ai débat sur les conditions de vie des hommes. L’un conservant jalousement la rigueur qu’il avait imposé, l’autre demandant à ce que cela devienne plus souple. Tous les sujets devenaient généralement un échange brutal et parfois houleux, sans que cela ne tourne à la violence ou à un manque de respect.
Cela avait toujours eu un résultat positif. Car au final, les deux hommes trouvaient une solution favorable aux deux parties.

C’est sur cette pensée que le colonel fût reçu par son interlocuteur. Le technicien ayant quitté le bureau, l’air gêné.
Caldwell s’installa sur le siège en cuir et attendit que Sidney s’installe avant de lui transmettre le rapport. Le psychologue étira son bras et pencha la tête pour permettre à ses yeux usés de faire la mise au point :

« Sergent-Maître Allen Pedge, expédition d’Atlantis. Consultation pour contrôle traumatique standard. » Lu-t’il à haute voix. Un fin sourire railla son visage avant qu’il n’ajoute : « Vous comptez vous punir vous-même pour le vol du dossier d’un patient qui ne vous concerne pas ? »
« J’ai mes raisons Sidney. » Répondit simplement Caldwell. « Il s’agit d’un sous-officier que j’ai jugé pour plusieurs manquements il y a de cela quelques semaines. »
« Que lui avez-vous évité ? »

Steven se tût, regrettant amèrement d’avoir quelqu’un capable d’anticiper aussi bien ses actes passés.

« Vous protégez toujours les hommes de Sheppard. » Précisa alors Sidney, comme pour répondre aux songes de l’officier.
« La concernant : un blâme et peut-être la rétrogradation. Une arrestation et la radiation définitive pour son collègue. Pouvons-nous en revenir aux faits avant d’argumenter sur mes motivations ? »
« Vous vous inquiétez de la stabilité mentale de cette jeune femme ? »

Sidney était déjà en train de parcourir la feuille de présentation, commençant par une brève étude de la photographie de service. L’aspect très fermé du visage et parfaitement protocolaire lui donna déjà quelques pistes.

« Elle a subi un viol sur la planète PNF-627. Société comparable au Far West. Ainsi qu’une tentative avortée en janvier. »
« Sévices totales ? »
« Partielles. » Corrigea Caldwell. « Violence physique et nudité pour la première fois. Tentative et violence par supériorité numérique pour la deuxième. Le rapport de mission est peu détaillé dans les deux cas. »
« C’est compréhensible. Vous me ferez parvenir ces rapports ? Sur quoi doivent porter mes recherches ? »
« Je veux plus que de simples recherches, Sidney. Je soupçonne ce soldat de dissimuler son état mental. Ses derniers contrôles sont creux et trop “parfaits” pour être authentiques. Je suis certain qu’elle manipule son médecin. »
« Voyons, Steven ! » Coupa soudainement Sidney.

Il referma le dossier en le tapotant sur son bureau. La situation le gênait parce qu’il détestait mettre les pieds dans le travail d’un autre collègue.

« Il s’agit du patient d’un confrère. Je n’ai aucun droit sur ce cas ! »
« Peu importe, vous trouverez un moyen. Ce soldat a parfaitement brouillé les pistes pour échapper à la vigilance de Sheppard. Sans oublier son psychologue. Mais je vous sais beaucoup moins naïf. Contrôlez-là et faites-moi un rapport complet. »

Sidney se redressa, entourant son menton d’une main, en adoptant une position de penseur. Il demanda calmement mais sur un ton suffisamment précis :

« Et ce sera tout, “mon colonel”... »

L’officier hocha la tête. Oui, il n’avait aucun ordre à lui donner. Mais il savait que Sidney trouverait sa requête justifiée. Les quelques informations qu’il avait parcouru sur le dossier devait l’avoir, déjà, convaincu sur le côté manipulateur et très discret du sergent-maître. Quelques secondes s’écoulèrent avant qu’il n’ajoute sur le même ton :

« Ce n’est pas un ordre. Je vous demande de me rendre ce service ! »
« Un service par amitié, oui, cela me va bien. Mais je vous demanderai de m’autoriser un transfert du patient par téléportation. Et son autorisation de quitter ses activités sans qu’il n’y ait de convocation. Je me chargerai de ça également. »
« Bien. Tenez-moi au courant Sidney. Dès que vous en aurez terminé. »
« Vous aurez ma conclusion. Mais sans détails précis, devoir de discrétion oblige... »

L’officier se redressa, plutôt satisfait.
Il serra la main de son interlocuteur avant de quitter le bureau d’un pas rapide. Le pôle-com tentait apparemment de le joindre pour qu’il se rende au poste d'ingénierie.

De son côté, Sidney commença à étudier les notes de son confrère. Il avait suivi toutes les procédures à la lettre, il n’y avait rien à dire, c’était clair, méthodique et professionnel. Mais plusieurs éléments commençaient à le faire douter. Les propos rapportés étaient trop précis, comme si les réponses cherchaient un effet de contentement maximum chez le psychologue. un but précis. La patiente n’avait pas dû se rendre compte qu’il n’existait aucune “mauvaise” réponse et que les réactions seules composaient l’étude par son vis-à-vis.
Pour faire simple, le sergent-maître dissimulait quelque chose derrière des réponses qu’elle estimait parfaite d’après un schéma type d’un soldat en bonne santé mentale. Et rien que ce fait laissait suspecter quelque chose de plus profond et problématique chez elle.

Une demi-heure plus tard, le psychologue reçu les rapports traitant de l’agression. Les deux cas : celui de la planète des cowboys et celui de janvier. Il reçut même le format vidéo de la cession de jugement qui représenta pour son étude une véritable mine d’or. Il passa un long moment à étudier les réactions du soldat Allen et releva de nombreux marqueurs qu’il jugeait dangereux. On aurait pu la confondre avec le Major Karola Frei qu’il avait eu l’occasion d’observer quelques temps plus tôt. Mais si l’officier se dissimulait derrière une barrière pour ce qu’il supposait être un défaut de liens sociaux, le cas du sergent-maître était vraiment très différent.

Parfois, Sidney fît une pause sur la vidéo et des retours d’images pour constater la communication non verbale face aux attaques du colonel. Il comprit très vite pourquoi son ami avait soupçonné Allen de cacher son état. Sa résistance à l’interrogatoire sur certains points qui ne méritaient pas tant de cachotteries laissaient perplexe. C’était extrême pour un simple aveu de fraternité militaire. Et cela n’avait rien à voir quant à l'entraînement des militaires contre la torture physique et psychologique pour obtenir des informations. Contrairement à son collègue masculin qui peinait sur un rapport manuscrit, elle tentait manifestement, et avec brio, de présenter une façade sans failles. Même au plus fort de la “tempête Caldwell” où ses émotions passaient au travers de sa carapace, il y avait des signes plutôt troublant. Comme la soudaine rapidité à retrouver cet air impassible alors qu’elle avait manqué de perdre son métier un instant plus tôt. Même son rythme respiratoire semblait s’être calmé quasi-instantanément.
Elle avait beau être une militaire douée. Ce n’était pas un art de self-contrôle, ça, mais bien le témoin d’une affliction psychologique rémanente. Le type de maladie qui s’envenime au point de compromettre une carrière. Pas étonnant qu’elle s’était jouée ainsi de son confrère.

Le moment le plus intéressant fût vers la fin de la vidéo. Juste au moment où le colonel traita très brièvement le viol. Là encore, sur cette demi-douzaine de seconde, une carapace tout à fait infaillible. Sidney laissa sur pause pour laisser le visage parfaitement neutre et détaché d’Allen le fixer.

Le psychologue s’enfonça dans son siège en examinant cette défense, comprenant qu’il allait falloir des techniques moins conventionnelles pour tenter de démonter son jeu. Mais une chose était sûre : si les femmes victimes de viols étaient très fortes pour se dissimuler, souvent par sentiment de honte, aucune ne pouvait être aussi impassible que ça. Il y avait toujours quelques marqueurs. Un acte aussi cruel et traumatisant causait des réactions physiques involontaire. Et Allen ne pouvait échapper à cette loi d’ordre médical.

Steven avait raison. Il fallait un nouveau contrôle traumatique.

Une heure plus tard, une transmission radio arriva sur l'oreillette de Pedge en provenance du Dédale.

//Sergent-Maître Allen, bonjour, je suis Patrick Sidney. Psychologue de bord du Dédale. Veuillez pardonner cette façon un peu cavalière de vous contacter. J’ai besoin de l’aide d’un militaire discret, qui sait tenir ses secrets, et étranger au Dédale pour me rendre un service. J’ai contacté le Major Frei qui vous a indiqué comme personne de confiance. Pouvez-vous vous libérer pour les deux heures à venir et me rejoindre par téléportation ?//

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Mer 4 Oct - 21:41

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Participer aux cours des civils avait donné des idées à Pedge. Le Sergent Maître s’était mis dans la tête d’être affecté à ce genre de missions, en plus de celles qu’elle avait sur le continent afin de former les athosiens à résister. Ce peuple pacifique n’était pas simple à comprendre, mais la jeune femme réussissait toujours à en tirer quelque chose. Pourtant, son air austère, et son manque, apparent, d’empathie, pouvait la classer dans les personnes qu’on souhaitait éviter à tout prix… Et pourtant, elle avait de bons résultats sur ses formations. Son passage chez les bérets verts n’y était pas étranger. On leur apprenait les rudiments de la formation, les techniques afin de diriger des groupes, sans parler de différents outils permettant d’interagir selon les interlocuteurs, lesquels avaient souvent une culture différente de la sienne. Puis elle avait fait ses armes en Afghanistan, et les débuts n’avaient pas été simple. Cette culture, plutôt patriarcale, ne mettait pas les femmes sur un pied d’égalité avec les hommes. Alors quand les combattants de l’armée régulière afghane avaient vu débarquer Pedge, qui n’avait rien d’un homme, elle avait fort à faire pour se faire respecter et surtout, qu’on l’écoute. Heureusement, elle avait pour elle un certain charisme, et une façon de faire qui incitait au respect. Elle savait que sur certains points physiques, elle serait toujours en dessous des mâles, mais elle ne lâchait jamais rien, ce qui faisait d’elle, si ce n’était un pitbull, un adversaire valeureux qui forçait le respect.

Elle potassait un dossier de demande d’affectation, inscrivant ses motivations et ses souhaits. Pourquoi est-ce qu’elle voulait rejoindre cette affection ? Expérience dans le domaine ? Etc. Etc. L’armée aimait la paperasse, et c’était encore pire dans une expédition chapotée par des civils. A plat ventre sur son lit, elle pianotait sur son ordinateur. Elle avait retiré ses chaussures, et elle conservait ses jambes relevées au niveau de ses genoux, croisant ses chevilles en l’air. Ce n’était pas des plus pratiques pour taper à l’ordinateur, mais elle semblait y trouver son compte, signe d’une habitude depuis longtemps ancrée. Pedge se frotta les yeux, avant de poser son front sur le haut de l’écran, en soupirant d’exaspération. Elle ne trouvait pas les mots aujourd’hui, ses tournures de phrases ne lui plaisaient pas, sans parler des questions qui semblaient affreusement répétitives. Elle ferma d’un coup sec le clapet de l’ordinateur, décidant qu’elle reprendrait cela plus tard. Boudeuse, elle resta allongée, le menton dans ses mains, les coudes bien enfoncés dans le matelas. Elle réfléchissait.

Ca faisait un moment qu’elle n’avait pas écrit à sa famille. Avant, elle aimait bien envoyer des courriers manuscrits, mais c’était désormais compliqué maintenant qu’elle était à des années et des années lumières de la Terre. On comptait même en parsec, c’était pour dire. En plus de ça, les liaisons avec la Grande Bleue se faisait par le Dédale, ou quand la porte était ouverte, elle ne l’était pas toujours d’Atlantis vers la Terre si bien que des objets venant de la première ne pouvait pas rejoindre la seconde. Par contre, les transmissions radios fonctionnaient, et les échanges de courriels aussi. Alors, Pedge s’était mise à envoyer des mails. Sporadiquement. Cela n’inquiétait pas ses proches plus que de raisons, puisqu’elle avait toujours fait comme ça. Elle était en train de se mettre en tête d’en écrire un quand une transmission radio vint la saisir subitement. Son oreillette, qui n’était pas à sa place habituelle, c’est-à-dire, sur son oreille, délivra un message d’un certaine Patrick Sidney. Elle se redressa pour se mettre en tailleur, attrapa l’objet qui était posé sur sa table de chevet, et elle l’inséra à sa place. Cela avait duré le temps du message si bien qu’elle répondit de façon instantanée.

// Bonjour Monsieur. Je peux me renseigner pour me libérer, mais j’ai bien peur que sans motif valable autre que d’aller rendre un service discret au psychologue du Dédale, on me refuse la permission. //

Sa réponse n’était pas anodine en plus d’être légèrement ironique, même si le ton n’y était pas. Elle cherchait à avoir des informations supplémentaires, surtout qu’elle était déjà en permission sur la journée, donc théoriquement libre. Pedge était de l’armée, mais elle était loin d’avoir le QI de certains de ses collègues. Elle réfléchissait, cogitait, faisait des corrélations, des hypothèses, et surtout, elle raisonnait, ce qui n’était pas la panacée de tout militaire dans cette expédition. Mais son unité d’appartenance voulait ça, des gens capables de dépasser le cadre purement martial et qui conservait un certain libre arbite permettant de répondre à des situations multiples qui n’étaient pas toujours dans le manuel. C’était ça les forces spéciales. Alors oui, ils avaient la réputation auprès des autres sections et divers corps d’armées, d’être de fortes têtes, pas toujours disciplinés, mais c’était pour mieux exploiter leur potentiel. Ils restaient des militaires avant toute chose. Bref, avoir quelqu’un la contactant en dehors de tout cadre officiel, du Dédale qui plus est, donc sur le territoire du Colonel Caldwell, comme ça à la débotté pour un service « discret », et qui en plus se présentait comme psychologue, tout ça lui semblait suffisamment louche pour essayer d’en savoir plus.

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Ven 6 Oct - 0:15

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Sidney ne fût pas surpris par cette réponse. Il considéra un moment les documents qu’on lui avait fait parvenir. Caldwell n’avait pas eu besoin de la retirer des effectifs puisque l’administration d’Atlantis la signalait de quartier libre ce jour. Et puisqu’elle n’était pas portée au registre des vols sur le continent, l’homme avait déduit qu’elle occupait son temps dans la cité.
Confortablement installé devant son échiquier où il répétait les manoeuvres d’Alexander tirées de leurs dernières parties, il eut un sourire en entendant cette réponse très bien orientée. L’homme ne pourrait pas lui cacher la vérité bien longtemps, le sergent lui semblait, de toute façon, être quelqu’un qu’on menait difficilement en bateau. Mais tout le monde a sa faiblesse n’est-ce-pas ?

//En réalité, je sais que vous n'êtes pas de service aujourd’hui.// Un ton gentiment moqueur avait ponctué sa phrase. Il ajouta sans l’ombre d’un reproche : // Une réponse négative ne m’aurait pas peiné, jeune femme. Je trouverais quelqu’un d’autre pour aider ce frère d’arme dans le besoin.//

Pedge s’appuya contre le mur. Il savait donc qu’elle était disponible, ce qui laissait suggérer que sa démarche n’était pas si spontanée. Quoique s’il s’était renseigné auprès du Major Frei, comme il le disait, ou de quelqu’un de l’état-major, c’était normal qu’il connaisse son emploi du temps. Et la suite de son propos attira l’attention de Pedge : que voulait-il dire par « aider un frère d’arme » ? Eversman avait encore fait des siennes ? Elle ne voyait que lui, même si dans la bouche d’un civil, cela pouvait laisser penser qu’il parlait d’un autre militaire. La jeune femme n’était pas vraiment coutumière des cancans et autres potins, mais maintenant, sa curiosité avait pris le dessus sur sa méfiance, et elle finit par conclure que ça ne lui coûtait rien d’aller voir ce dont il retournait vraiment. Elle laissa filer quelques secondes avant de reprendre la communication.

// J’arrive. Vous vous chargez de me faire téléporter ? //

A dire vrai, elle ne savait pas vraiment à qui elle devait demander sur Atlantis. A un officier ? Toujours est-il que l'imminence d’une téléportation fit lever Pedge. Elle devait se remobiliser, mettre ses chaussures par exemple, ce qu’elle s’empressa de faire. Elle espérait qu’elle aurait un peu de temps avant d’être expédiée en orbite histoire de ranger sa chambre et de se coiffer. Elle avait horreur de partir à la va vite, même si ce n’était pas inhabituel dans l’armée de se faire réveiller en pleine nuit pour un départ dans les cinq dix minutes suivantes. Surtout depuis qu’elle était stationnée parmi l’élite.

//Parfait. La prochaine téléportation groupée sur le Dédale se fera dans un quart d’heure. Je vous inscrit sur la liste.//

// Reçu. //

Effectivement, Pedge fut téléportée sur le Dédale quinze minutes plus tard. Elle se matérialisa sur le pont d'ingénierie, centre névralgique du croiseur, dans une grande salle spécialement prévu aux embarquements et débarquements. Plusieurs personnes se pressaient de rejoindre leurs postes ou de se rendre à l’endroit désiré, si bien qu’il n’y eu aucun échange ou conversation. L’environnement aurait donc pu paraître morose et inhospitalier. Mais avant que la jeune femme ne puisse vraiment se poser la question, elle remarqua un homme d'âge mûr qui la fixait avec intérêt.

Sidney évaluait sa posture et son apparence alors qu’il se trouvait à côté du sas d’accès. La façon de se déplacer, de se tenir, est en soi un bon début de renseignement. Raison pour laquelle il l’observa discrètement. Presque adossé contre le chambranle de l’accès grand ouvert et relevant son menton d’un air songeur, il patienta de la voir évoluer. Il se mit la main dans les poches, davantage dans une image de promeneur du dimanche que d’un air négligé, puis la gratifia d’un sourire accueillant lorsqu’elle arriva jusqu’à lui.

Sergent-maître Allen ?

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Dim 8 Oct - 19:47

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Pendant les quinze minutes précédents la téléportation, Pedge s’organisa, comme elle le faisait habituellement. Normalement, elle aurait dû être en repos aujourd’hui, mais qu’importe. A part tourner en rond et finalement, aller tirer quelques cartouches à l’armurerie, elle n’aurait pas fait grand-chose de sa journée. Cet appel était louche, suffisamment pour que cela titille sa curiosité. Qu’est-ce que ce Sidney pouvait bien lui vouloir ? Et qui était le frère d’arme dont il devait s’occuper ? C’était une enquête pour le Sergent Maître Pedge Allen. Et puis, en toute franchise, elle pouvait très bien s’en aller dès qu’elle le souhaitait puisqu’elle n’avait pas de compte à rendre au psychologue du Dédale. Elle espérait juste que ce n’était pas un traquenard, une énième consultation déguisée. Elle risquait de mal le prendre, surtout que c’était assez fourbe. Autant, qu’on lui impose directement, elle ne pouvait rien dire, c’était son rôle de subordonnée, mais qu’on la lui fasse à l’envers…
Bref, elle s’apprêta comme toujours. Chignon serré et impeccable, vêtements lissés (bien qu’en repos, la demoiselle portait quand même l’uniforme réglementaire), ranger lustrées du matin, la jeune femme s’attendait à se faire téléporter. Bêtement, elle se demandait si elle ne devait pas se rendre quelque part, un lieu prévu à cet effet ou quelque chose dans le genre. Finalement, elle en vint à la conclusion qu’elle pouvait être touchée n’importe où dans la cité, et elle resta debout dans sa chambre, à patienter. Sans crier gare, elle fut tirée de sa chambre pour se rematérialiser quelques micro secondes plus tard sur le pont d’ingénierie, même si elle n’en savait foutrement rien. Les personnes qui venaient d’arriver avec elle se mirent directement en route pour une destination qui leur était propre.

« Bon. »

Elle n’avait pas spécialement d’info quant au point de rendez-vous avec cette fameuse voix à la radio. Et comme d’habitude dans ce genre de situation, elle se parlait toute seule. Elle fit un petit tour sur elle même afin d'évaluer son environnement. Réflexe de conditionnement militaire. C'est là qu'elle croisa le regard d’un homme qui semblait la toiser depuis un coin de porte de sas. Un certain âge, aspect élégant, le port tranquille, sans paraître avachie ou négligé. Bref, c'était son homme, elle en était certaine. Ni une ni deux, elle alla le rejoindre, avec cette désagréable impression de se faire jauger à chacun de ses pas, mais ça, c'était une vieille paranoïa qu’elle se traînait toujours en présence d'un psy. Les épaules relâchées, les bras le long du corps, accompagnant sa démarche souple, avec néanmoins cette petite touche de rigidité cadencée à la mode martiale, la jeune femme arriva vers son interlocuteur. Elle le toisait directement​ de son air neutre et morne, contraste saisissant avec le sourire accueillant du bonhomme.

« En personne. Monsieur Patrick Sidney je présume ? », répondit elle du tac au tac. « Enchantée. Que puis-je​ pour vous ? »

A quoi bon se perdre en bavardages n’est-ce pas ?

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Dim 8 Oct - 20:53

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Sidney la gratifia d’un sourire accueillant. Il leva un bras vers la sortie tout en disant :

« Si vous voulez bien me suivre. »

L’homme prit le chemin de son bureau. Il se trouvait quelques pont plus haut. Mais il attendrait d’y être pour pouvoir développer le sujet de son appel et l’excuse de sa présence. Le psychologue salua plusieurs personnes en chemin. Son regard alla souvent à la rencontre du sergent pour voir sa façon d’évoluer dans un endroit où elle n’avait pas ses repères personnels. Le voyage s'agrémenta de ses remerciements pour s’être rendu disponible puis il demanda :

« Savez-vous ce qu’est un trouble visuo-spatial ? »

Pedge lui emboita le pas sans rien dire. Elle opina positivement du chef quand il la remercia de s’être rendue disponible. Elle se demandait bien ce dont il retournait réellement. Elle ne tarderait pas à le savoir, elle n’en doutait pas, à moins qu’il ne l’amène à lui faire comprendre petit bout par petit bout. Elle verrait bien. Elle marchait normalement, s’arrêtant quand le psychologue saluait quelqu’un s’il prenait le temps. Quoiqu’il en soit, elle ne répondait que par un signe de tête, ou, s’il s’agissait d’un officier, par un salut réglementaire, tout ce qu’il y a de plus classique. Elle ne faisait pas la conversation, se contentant de répondre quand il s’adressait à elle, tout en le suivant dans le dédale de couloirs.

« Je suppose que c’est un trouble qui touche la capacité à se repérer dans l’espace. Ou à repérer les choses dans l’espace. ».

Elle ne connaissait pas la définition exacte, mais en réfléchissant sur les termes, elle pouvait en extrapoler le sens aisément, si bien entendu le sens en question était aussi limpide qu’il n’y paraissait. Elle se demandait bien pourquoi il lui posait cette question, subitement. Cela avait-il un rapport avec la personne qu’elle devait l’aider à aider ?

Ils atteignirent enfin le bureau. Sidney la laissa passer d’abord puis il lui proposa un siège. Elle se rendit compte qu’un pistolet mitrailleur P90 se trouvait sur le bureau, disposé sur un plateau en métal, avec la sécurité enclenchée et un chargeur non approvisionné engagé dans le réceptacle. Il y avait un appareil photo à côté et une lampe dirigée sur le plateau.
Profitant qu’elle se soit installée, le psychologue alla sur la table d'à côté pour se servir un café. Il prépara une seconde tasse tout en lui expliquant :

« Le première classe Bedson a été témoin de la mort d’un ami proche lors de l’opération Grand Veilleur. Il va très bien physiquement mais fait face depuis quelques semaines à une culpabilité maladive. Celle-ci s’est traduite par un manque de confiance et le trouble dont vous venez de me citer l’exacte définition. »

Patrick s’approcha du sergent et déposa la tasse de café devant elle. En tendant son bras pour effectuer l’action, il effleura “accidentellement” son épaule et garda un air parfaitement innocent. L’espace de cet instant, il chercha à repérer les automatismes de défense liées à l’intrusion qu’il venait de commettre.

« Ce trouble n’est pas une conséquence physique mais psychologique. Je compte lui proposer un exercice pratique en la forme du démontage et remontage de cette arme pour qu’il retrouve ses repères. »

Il fît silence avant de reprendre.

« Une vidéo de votre personne : une militaire extérieure au Dédale, solidaire, volontaire à apporter de l’aide, apportera un réconfort psychologique majeur dans sa phase de reconstruction. »

Sidney s’installa dans son fauteuil, lui faisant face.

« J’ai entendu dire que vous étiez une personnalité très pédagogue. »

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Lun 9 Oct - 18:53

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Il ne répondit pas tout de suite à sa petite définition. Bon, il voulait faire durer le suspense ? En fait, ils étaient arrivés au bureau du psychologue, et il l’invita à entrer. Comme d’habitude, quand elle pénétra dans les lieux, elle s’informa visuellement sur son environnement. Placement du mobilier, porte de sortie, fauteuil, canapé, bureau, etc. Elle détailla l’ensemble avant d’aller s’asseoir sur la chaise qu’il lui indiquait, sans dire un mot. Automatiquement, son regard s’attarda sur l’arme de défense automatique qui se trouvait sur le plateau, élément familier de sa vie de militaire. C’était logique que ça attire son œil. Il ne l’avait quand même pas faite venir pour avoir un cours de montage et démontage de ce fusil mitrailleur quand même ? Tandis qu’elle restait bien droite dans son fauteuil, le dos dans le strict alignement du dossier, Patrick Sidney se servait une tasse de café, tout en lui expliquant le cas du première classe Bedson.

De ce que Pedge en savait, c’était un sentiment que beaucoup de militaire partageait lors de la mort d’un collègue. Surtout quand la personne était présente sur place et que c’était le copain d’à côté qui avait passée l’arme à gauche. Pourquoi lui et pas moi, en quelque sorte. De cela naissait une culpabilité qui n’avait pas lieu d’être. Pouvait-on être coupable du choix du hasard ? Certains parleraient de destin. Pedge ne croyait pas au destin. La vie était une question de choix, et le hasard intervenait dans ses choix parce qu’autrui avait le pouvoir de nuire (ou au contraire d’être bienfaisant) aux décisions de tierces personnes. Rien de plus. Elle écoutait poliment, tout en se demandant où il voulait en venir.

Il déposa une tasse de café devant elle, et sans faire exprès, il lui effleura l’épaule. Elle ne fit pas vraiment attention à ce geste anodin, mais elle se décala légèrement sur la gauche pour s’écarter quelque peu. C’était subtile, et inconscient. Ainsi donc l’arme était pour ça. La suite surprit la jeune femme. Il voulait faire une vidéo d’elle en train de monter et démonter cette arme ? C’était tout à fait dans ses cordes, et le psy pouvait sortir le chrono, mais pourquoi vouloir faire une vidéo ? Il s’installa en concluant son propos sur ses qualités pédagogiques. Elle prit une inspiration, tout en se frottant l’épaule qui avait été touchée quelques secondes auparavant, comme-ci elle se grattait. En réalité, elle lissait simplement son vêtement, sans même s’en rendre compte.

« Ca fait partie de mes fonctions, bien que je suis pédagogue à la sauce militaire. ». Elle passa vite sur le compliment, pour en revenir au sujet principal. « Cela dit, je ne comprends pas bien pourquoi une vidéo permettrait d’aider le première classe Bedson. Ne serait-il pas préférable de le faire venir et de faire cela ensemble ? »

Pedge n’était pas formée pour intervenir auprès des soldats « traumatisés », mais cela la bottait bien d’aider dans ce genre de cas. Ce n’était pas par curiosité mal placée, ou par voyeurisme, mais plutôt dans le sens de la camaraderie militaire, tout en mettant en avant un point crucial de l’armée d’aujourd’hui : le bien être psychologique des troupes. C’était aussi pour cela que les traumatismes psychiques étaient maintenant reconnus par les états-majors.

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Sam 14 Oct - 9:43

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Sidney, une main entourant son menton en une expression de penseur, acquiesça lentement en hochant la tête. Il prit sa propre tasse, non sans lui avoir fait un signe poli d’invitation, et la porta à ses lèvres.

« Ce serait une excellente façon de vérifier que ce soldat Bedson existe bel et bien, n’est-ce pas ? » Fît-il sur un air complice.

Il reposa sa tasse et expliqua avec une douce gestuelle :

« C’est un sentiment protecteur d’être l’anonyme qui fixe cet écran. D’avoir le pouvoir de vous observer sans que vous ne puissiez le voir en retour. Ainsi, nulle crainte de subir le moindre jugement. C’est une forme de contrôle voyez-vous ? Un pouvoir personnel sous forme d’atout, qui va l’aider à reprendre confiance. Je veux que cet outil soit comme une béquille pour lui, une échappatoire à ses crises d’angoisses qui prennent la forme de ces troubles visuels. »

Il afficha une expression pleinement paternaliste.

« Je vous sais familière à cette notion : je vois chez vous une très belle architecture de sang-froid et de contrôle de soi. Et j’aimerai que vous lui offriez un petit bout de vous-même pour l’aider à remonter la pente. Comment puis-je vous expliquer son cas ? »

Sidney marqua une pause avant de montrer le P90.

« Imaginez une salle dans laquelle le patient est retenu prisonnier avec sa pire phobie : celle-ci lui cause une bouffée d’anxiété puis une panique incontrôlable. Une porte lui permettrait de s’échapper mais le sang-froid en est la seule clé. Imaginez à présent qu’il obtienne la vidéo d’un sergent-maître inconnu rappelant, dans le calme et la solidarité qu’il lui témoigne, la façon de démonter et remonter une arme : un acte classique d'entraînement rappelant le contrôle et la discipline de ses classes d’antan...quand la peur n’existait pas... »

Il appuya son hypothèse d’un regard bienveillant, un fin sourire sur le visage, ajoutant un léger hochement de tête à la question qu’il s'apprêtait à poser pour toute conclusion :

« Sa porte s’ouvrirait-elle ? »

Sidney avait veillé à ne pas l’inclure dans cette simulation, de ne pas directement utiliser les termes “vous” ou “votre”. De ce fait, Pedge ne manquerait pas de s’engager volontairement et secrètement dans cette salle phobique. De faire d’elle-même un parallèle inconscient avec ses épreuves passées. Du moins, c’est ce qu’il espérait intimement. Qu’elle se place naturellement en fiction aux côtés de cet homme souffrant, rien que par solidarité et fraternité militaire, pour pouvoir répondre sans malaise à ce double-examen : celui de Bedson et le sien.
Le sentiment qu’elle pourrait vivre à travers son masque serait révélateur. Et le psychologue pourrait faire d’une pierre deux coups. Il guetta donc, en toute discrétion, les signes non-verbaux tout en attendant sa réponse de manière bienveillante, se positionnant davantage en un homme lambda échangeant en toute honnêteté, plutôt qu’en psychologue acharné sur une consultation officieuse.


Sa question n’avait pas pour but premier de savoir si oui ou non, le soldat Bedson existait bel et bien, mais puisqu’il soulevait la question, cela pouvait aussi être d’utilité pour Pedge.

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Mar 17 Oct - 16:08

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En fait, elle discutait simplement de ce que comptait faire le psychologue, et puisqu’elle n’était pas en présence d’un officier qui lui disait que c’était comme ça, et pas autrement, elle satisfaisait sa curiosité. Car même s’il n’y paraissait pas, Pedge aimait savoir, aimait comprendre. Elle ne toucha pas à sa tasse pour le moment préférant attendre qu’elle refroidisse un petit peu, malgré l’invitation polie de son interlocuteur.

« Non, ce n’était qu’une question. Je ne comprends pas ce qu’une vidéo vient faire là-dedans. », répondit-elle sans ciller, avec son pragmatisme coutumier. Elle avait complètement fait abstraction du ton complice qu’avait employé l’homme face à elle qui suggérait une petite boutade.

Il tenta donc de lui expliquer. Bedson ne devait pas être le vrai nom de famille de cet homme. Après tout, ce n’était pas très éthique de donner les patronymes des patients que l’on suivait. Il le lui confirma plus ou moins quand il parla de l’anonymat que la vidéo donnait, même s’il mettait en avant le sentiment protecteur qui en découlait, ainsi que le pouvoir que ça procurait. Elle comprenait, sans vraiment comprendre. Après tout, elle serait une anonyme parmi d’autre, simplement une femme sur une vidéo en train de monter et démonter un FN P90, comme ci c’était une vidéo d’instruction de l’USAF. Sidney mettait en avant ses qualités, ce qui la plaçait comme candidate idéale selon lui. Elle n’était pas certaine de ce fait. Après tout, tout le monde pouvait paraître sûr de soi et méthodique sur une vidéo, surtout de cet acabit. Mais soit. Elle le laissait dérouler son argumentaire sans le couper, la mine parfaitement neutre, en position d’écoute active. Elle décortiquait ce qu’il racontait pour mieux y réagir ensuite.

Il tenta de la projeter dans une pièce, en compagnie d’un Bedson, angoissé et affolé, par sa pire phobie. Tout cela était très métaphorique, mais Pedge essayait de visualiser la scène. Pour ce faire, elle était obligée, bien malgré elle, de se mettre à la place du concerné. Si elle se trouvait dans cette pièce, en proie à sa pire phobie, est-ce que cette vidéo finirait par la calmer ? Par lui faire ouvrir cette porte ? Il n’y avait pas beaucoup de situation où elle était très expressive, et où elle perdait pied rapidement, mais quand elle avait des nausées, elle était la pire des emmerdeuses. Elle était toujours aux frontières de la peur panique, et elle n’hésitait pas à débouler dans une pharmacie ou chez un médecin pour que ce symptôme soit stoppé immédiatement. Mais quand c’était immédiatement, c’était immédiatement. C’était une phobie stupide, elle le savait, comme tous les phobiques savaient également que la leur était stupide. Mais la peur rendait irrationnel, et elle conduisait à des comportements de défenses qui prenaient des visages différents selon les personnes. Elle s’imaginait donc là, dans cette pièce, avec des nausées. La peur, à chaque seconde, de vomir. Elle serait hystérique, à n’en point douter, et même si elle se contrôlerait au départ, il suffisait d’un spasme dans son ventre et elle foutait le feu à tout ce qu’elle pouvait pour se calmer. Elle savait qu’elle pouvait aller vers une crise de panique aiguë si elle ne mettait rien en œuvre pour se débarrasser de l’envie de vomir. Alors cette vidéo ? Est-ce que ça lui permettrait de se canaliser et de ne plus penser à sa peur ? Elle n’en aurait strictement rien à foutre de voir quelqu’un monter ou démonter une arme. Ça, elle en était certaine. Certaine parce que ça ne réglerait pas son problème dans l’immédiat. Ce qu’elle voudrait, dans l’instant, c’était un comprimé pour atténuer cette sensation de nausée, et que surtout elle n’aille pas jusqu’à vomir.

S’imaginer en train de vomir détourna la texane de sa tasse de café qu’elle venait de saisir, maintenant qu’il était moins chaud. Finalement, elle n’en voulait plus et elle la reposa. Elle sentait qu’elle avait chaud, et ça ne lui plaisait pas. Intérieurement, elle se disait qu’elle n’avait pas envie de vomir, qu’elle se projetait juste sur l’exemple pour essayer de voir si cette vidéo était une bonne idée. Elle prit une inspiration, et elle releva le nez vers Sidney, les joues bien plus colorées.

« Hum… Non, elle ne s’ouvrirait pas. » Elle n’avait pas envie de développer au travers de son propre cas. Aussi prit-elle l’exemple de Bedson. « S’il est centré sur sa phobie, je ne pense pas que voir quelqu’un, même si ce quelqu’un est posé et méthodique, ne puisse l’aider. Je pense qu’il voudrait stopper le stimulus phobique dans un premier temps avant de se concentrer sur quoique ce soit. Maintenant, c’est vous le spécialiste, et peut-être que ça dépend du type de phobie, je n’en sais rien. », fit-elle sombrement en reprenant une teinte normale. Elle sentait qu’elle avait moins chaud mais un sillon de sueur coulait dans son dos. Elle n’aimait vraiment pas ça.

Elle ajouta, changeant de terrain pour ne pas rester bloquée là-dessus.


« Quoiqu’il en soit, si ça fonctionne, je ne sais pas si ça aurait un effet à long terme ou simplement à court terme. Je le vois mal consulter la vidéo à chaque fois qu’il se sent troublé… En plus, ça fait un peu obsession maladive et je serai quand même concernée. Je n’ai pas envie d’avoir un taré aux fesses... J’ai donné déjà. » Elle marqua une pause, ajoutant : « si je puis me permettre de m’exprimer ainsi Monsieur. »
Inconsciemment, elle offrait une ouverture au psychologue sur ses mésaventures passées. C’était arrivé tout seul sur le tapis. Néanmoins, elle ne semblait pas s’en formaliser plus que ça. C’était plus une constatation, une forme de préservation de ce qu’elle était, de sa tranquillité. Bref, elle ne voulait pas qu’un mec mal câblé s’en prenne à elle sous prétexte qu’elle était sa bouée de sauvetage. Bon, elle voyait peut-être le mal partout, en allant sur un extrême, mais qu’importe.

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Ven 27 Oct - 8:20

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De son côté, Sidney avait eu tout ce dont il avait besoin. Ce double examen lui avait offert une véritable mine d’or de renseignements. La gêne occasionnée à la pensée de sa propre phobie, la modification des signaux corporels et le léger changement de ton lui permettait de rayer plusieurs hypothèses la concernant.
Il lui offrit un petit rire, le genre d’expression légère et à moitié dissimulée que l’on retrouve chez le sage, le professeur ou bien le parent qui confie. Une main posée sur la joue droite avec deux doigts remontant jusqu’à ses pommettes, l’homme la considère en lui souriant :
« Vous pouvez, bien sûr. »

Il lui aurait bien proposé d’éviter le “Monsieur” mais cette approche ne lui correspondait pas. Il était évident que la rigueur militaire représentait davantage une fondation qu’une contrainte.

« Cette analyse est très pertinente. Mais un élément vous a échappé : cet exercice fait intervenir les capacités à repérer et gérer les objets dans l’espace. En dissociant les pièces et en les replaçant aux bons endroits. C’est là qu’est toute la subtilité de la manœuvre…»

Sidney fît une pause pour voir si elle comprendrait. Il détailla par la suite, comme sur le ton de la confidence :

« La crise d’angoisse est dûe à un manque de confiance. Ce qui débouche sur le trouble visuo-spatial. Votre intervention va lui remémorer l’exercice et réactiver des automatismes endormis. En répétant ce montage et démontage en vous prenant pour modèle, il retrouvera naturellement, par mimétisme, ses capacités à associer l’espace. Et maintenant capable de combattre sa crise...celle-ci n’a plus lieu d’être...et l’estime personnelle revient. »

Le cercle vicieux pouvait être inversé en somme.
Sidney était très intéressé par la faille naturelle de Pedge sur son passé mais il fallait être prudent. Poser des questions directes seraient forcément perçu comme une intrusion déplacée et la conversation de circonstance dériverait très vite sur un échange sceptique. Aussi, Sidney préféra passer à côté de l’opportunité pour ne pas paraître envahissant ni grossier. Il savait qu’en conservant cette façon décalée de communiquer, elle se confierait naturellement un jour ou l’autre. Car le fait qu’elle n’ai pas quitté son siège ou invoqué le besoin d’un ordre militaire constituaient des signes encourageants. Elle ne se sentait pas mal à l’aise au point de vouloir s’en aller. Sa façon de se tenir, de parler et réfléchir sur cette conversation indiquait bien que ce lieu ne l’agressait pas, que le côté “psychologique” de ce bureau ne la harcelait pas du doute et de la crainte d’être percé à jour.
Sidney était satisfait d’avoir posé ces bonnes bases. Il fallait maintenant construire une relation de confiance. Personne ne passerai cette armure de rigueur et de discipline sans être pleinement digne à son égard.

« Le risque de transfert est une réalité, c’est vrai. Mais je conserverais la vidéo dans mon bureau. Le patient la regardera dans mon cabinet pour ensuite répéter l’exercice sur place. Vous ne craindrez rien de plus que l’utilisation de votre image...et je ne pourrais vous acheter ce droit qu’en échange de ma gratitude et de consultations gratuites...» Conclu-t-il sur le ton de la blague.

Mais l’humour peut être à double sens.
Derrière celle-ci se cachait une proposition officieuse. C’était une porte ouverte pour Pedge, une bonne façon d’étudier rapidement sa compréhension du double langage. La réponse qu’elle pourrait donner serait un renseignement supplémentaire sur l’analyse que faisait Sidney depuis le début.

C’était con, mais cet homme lui donnait envie de sourire, surtout lorsqu’il se mit à rire à sa demande. C’était communicatif, seulement voilà, elle plissa simplement les lèvres, l’air moins renfrogné. Est-ce qu’elle avait honte de rire ? Elle se le demandait parfois. Bien souvent, elle n’en avait pas envie, parce que rien ne venait percer sa carapace d’impassibilité. Elle s’autorisait un sourire de temps en temps, les distillant au compte-gouttes d’une façon précise et calculée, sauf quand elle était prise au dépourvue et que la situation l’amusait. Alors elle avait ce petit rictus en coin qui faisait qu’elle était une humaine normale, acceptée par ses pairs parce qu’elle avait un visage qui permettait, de temps en temps, d’interpréter ses pensées et d’être avenante. Au moins, cela chassa les dernières appréhensions qu’elle avait vis-à-vis de son envie soudaine de vomir, qu’elle s’était montée de toute pièce dans son petit crâne.

Bien entendu, puisqu’ils discutaient ensemble, il interpréta son analyse, lui montrant ce qu’elle avait loupé ou pas. Elle avait bien compris que cet exercice de démontage et remontage d’arme était une forme de guide pour traiter les troubles visuo spatiaux, mais il lui avait demandé de se placer dans une situation où un stimulus phobique l’agressait. C’était différent pour elle. Si elle avait des problèmes pour écrire à cause d’un trouble mental, alors avoir une vidéo d’une personne qui lui montre comment dessiner correctement les lettres de l’alphabet pour former des mots l’aiderait forcément, et elle oublierait un temps la gêne occasionnée par son trouble, mais cela n’avait rien à voir avec une phobie. Néanmoins, elle le laissa poursuivre. Il finit par conclure sur les risques de transferts et sur le fait que la vidéo ne serait pas à la disposition de son patient. Pedge perçut très bien l’humour de son vis-à-vis. Elle répondit d’ailleurs sur le même ton, même si son visage ne reflétait pas vraiment son propos :

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Dim 29 Oct - 9:27

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« J’en prends note, je connais quelques spécimens à vous envoyer en consultation. » Et non, elle ne prenait pas la proposition pour elle-même. Cela aurait été trop facile. De toute façon, elle estimait n’avoir pas besoin de ce genre de rendez-vous. Elle maniait assez bien l’ironie et le cynisme, quant à l’humour, elle n’en manquait pas, du moins dans les réparties, car elle était incapable d’imaginer ou même de raconter une blague. Elle ferait un bide total avec ses intonations monotones et son faciès résolument lisse. Elle se passa la langue sur les lèvres, avant de revenir sur le sujet de conversation précédent, maintenant que cette histoire de vidéo qui ne trainerait pas été réglée.

« J’aimerai revenir sur un point précédent si vous le voulez bien », fit-elle pensive. Elle comprenait le raisonnement que Sidney avait développé vis-à-vis des angoisses de Bedson, mais elle avait besoin de se faire éclaircir quelques points. Au moins, elle était centrée sur la discussion et le problème, et elle faisait fi du contexte. C’était déjà un bon point pour le psychologue du Dédale qui avait su capter son attention sur le problème d’un autre, et sur des théories psychologiques, en l’incitant à raisonner. Rien de tel que le cognitif pour détourner des angoisses primaires et des réactions de réactances basiques. Dire qu’elle était à l’aise dans le bureau serait mentir, mais elle ne s’y sentait pas en danger. Elle replia ses jambes sous sa chaise, avant de remettre son éternelle mèche de cheveux qui se faisait toujours un malin plaisir de se sauver de son chignon serré et strict. De temps en temps, elle soufflait dessus, et à d’autres occasions, elle la repassait derrière son oreille. Ce qu’elle fit pour le coup, avant d’argumenter :

« Je comprends votre raisonnement dans le cas du soldat Bedson. Il est angoissé, il a besoin de repère pour se focaliser dessus, ce qui lui redonne confiance, diminue l’angoisse, et lui redonne peu à peu une confiance et une estime personnelle qui s’étaient délitées. », résuma-t-elle. « Mais… Je suis désolée si ça vous semble évident, mais pour moi, il y a une différence entre une angoisse et une phobie, non ? » Elle aurait pu se contenter de le laisser répondre, mais elle ajouta un exemple plutôt personnel pour illustrer son propos, et lui faire comprendre sa réflexion. « Par exemple, si je pars le matin sans faire mon lit, ça va m’angoisser, mais si j’éprouve un sentiment phobique, l’angoisse ne sera pas la même… ».
Bon, elle n’avait pas poussé le bouchon assez loin pour parler de sa phobie, puisqu’elle en éprouvait une certaine honte et c’était le genre de chose qu’elle n’aimait pas dévoiler. En réalité, cette phobie de vomir était née quand elle avait été malade en classe, vers l’âge de 9-10 ans. Elle avait vomi sur ses cours, devant tout le monde, et depuis, c’était devenu compliqué quand elle sentait poindre des nausées. Elle termina par :

« Dans le cas de Bedson, ça m’évoque plus une angoisse qu’une peur phobique. »

On ne pouvait pas lui enlever le fait qu’elle faisait aller ses méninges, pour un soldat. Mais bon, elle n’avait pas une maîtrise pour rien, et chez les Bérets Verts, on ne prenait que des gens qui avaient une certaine qualification, qui tendait à se trouver du côté des masters justement.

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Mer 1 Nov - 9:13

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Le psychologue lui répondit par un sourire amusé, l’expression de son visage s’éclairant comme si elle avait trouvé la réponse à la devinette. Il but une gorgée de sa tasse et la reposa avec un geste presque raffiné.

« C’est effectivement le cas. Très bien vu. »

Il laissa un petit instant de flottement avant de rajouter :

« Cette comparaison est un exemple : une mise en situation que j’ai exagéré afin d’améliorer votre compréhension du problème du patient. »

Sa main alla vers elle en signe de constat.

« Si j’avais su plus tôt que vous aviez cette excellente faculté d’analyse, je vous aurais donné des éléments autrement plus complexe concernant son état. Mais le secret professionnel me limite grandement en ce sens. »

Il rigola.

« Même si cet échange est des plus intéressant ! Le café est mauvais ? »

Sidney avait posé la question calmement mais en formant une cassure très nette entre les sujets. En bifurquant directement sur une question faisant intervenir le savoir vivre, il comptait surprendre sa réaction. Cela allait lui permettre de voir si le sergent-maître avait poussé son contrôle d’émotions au point d’altérer les réactions instinctives de son visage. L’homme commençait maintenant à affiner son tableau clinique et il pensait avoir mis le doigt sur quelque chose.

Le changement de sujet radical du psychologue ne déstabilisa pas Pedge. Après tout, elle avait reposé son café, signe qu’elle ne souhaitait pas le boire pour le moment. Elle ne savait pas s’il était bon ou pas puisqu’elle n’avait même pas trempée les lèvres dedans, c’était juste psychologique suite à sa projection sur sa phobie. Elle haussa des épaules et des sourcils en plissant les lèvres en une petite moue, tout en regardant le sujet de la nouvelle conversation, à savoir le café.

« J’ai peur qu’il ne passe pas pour le moment, navrée. »

Elle comprenait parfaitement qu’il ne pouvait pas lui en dire plus. Même si elle était curieuse, elle préférait ne pas demander d’avantage, car elle savait qu’à un moment de sa vie, elle était passée entre les mains de psychologues, et elle aurait détesté qu’on parle de son cas à une tierce personne. Du coup, après cette cassure, elle ne relança pas le sujet de ses théories. Elle comprenait qu’il avait pris un exemple extrême pour lui faire comprendre la logique de son raisonnement. Elle avait ensuite fait le reste du boulot en associant les deux et en les comparants. Elle était plutôt satisfaite d’elle, mine de rien.

Bon, cela ne se voyait pas vraiment, mais toujours est-il que d’avoir réfléchi là-dessus ne lui avait pas déplu, bien au contraire. Elle tapota l’arme posée sur le bureau, comme pour signifier qu’elle en revenait aux moutons qui les concernaient.

« On fait cette vidéo alors ? »

Sidney acquiesça en lui offrant un sourire sincère.
Il appréciait beaucoup son engagement et sa volonté altruiste. En cette circonstance de rencontre et de requête officieuse, elle aurait tout aussi bien pu se raviser soudainement, ne se sentant nullement concerné. Une femme était en droit de s’inquiéter de la façon dont son image pouvait être utilisé et Pedge avait d’ailleurs levé un doute sur le sujet. Mais le psychologue avait atteint son objectif en laissant la militaire maître de sa décision. Plutôt que de demander de but en blanc au risque de la froisser et de se voir confronter à un refus, leur échange avait donné lieu à une “mesure de l’autre”.
En conclusion, le fait que Pedge accepte d’elle-même et lui propose de réaliser la vidéo était un très bon signe de confiance. La base même de leur entretien et de son examen psychologique sur relation de confiance était maintenant posé. Un très bon point pour les consultations à venir.

« Avec plaisir. » Fît Sidney en programmant l’appareil photo en mode caméra.

Il sortit un petit trépied de son tiroir et installa l’appareil sur le centre de son bureau, un petit peu en retrait, pour faire un bon cadrage de la jeune femme. L’image la montrait donc de la tête au nombril, avec ses bras, ainsi que le plateau se trouvant devant elle. Il alluma également sa lampe de bureau pour la diriger logiquement sur les mains de la militaire. Puis il réduisit l’éclairage pour qu’il soit d’un aspect tamisé. Sur la vidéo, on ne voyait donc plus que Pedge et son arme.

Une fois fait, Sidney déplaça son fauteuil pour se mettre dans un angle. Il continuait ainsi de lui faire face pour l’observer mais ne serait pas pile dans son champ de vision : un moyen d’éviter de la rendre mal à l’aise. Avec la pénombre, Pedge se sentirait seule avec elle-même et ce devoir. Sidney était à peine visible dans l’angle.

« Le patient ne sait pas qui vous êtes et n’obtiendra aucune information en ce sens. Vous bénéficiez donc d’une forme d’anonymat. » Expliqua le psychologue en s’installant avec un bloc note. « Alors détendez-vous, soyez vous-même, naturelle, comme si vous prépariez un exercice dans vos quartiers. Nous ferons autant d’essais que vous le souhaitez. »

Il fît une pause, examinant la jeune femme pour voir s’il ne la perturbait pas dans ses consignes, conscient qu’elle pourrait se demander si elle n’était pas elle-même l’objet d’une psychanalyse puis il reprit d’une voix très calme :

« J’ai besoin que cette vidéo ne soit pas “personnelle”, qu’elle ne soit pas dirigée nominativement. Si mon patient sent que vous lui parlez à travers la vidéo, il craindra les informations que vous disposez à son égard ainsi que votre jugement. Mais à l’inverse, ne soyez pas trop froide ou protocolaire. Trouvez le juste milieu. »

Il fît cliquer son stylo bic.

« Je vous laisse maître de votre mise en situation. Imaginez-vous dans un environnement et une circonstance favorable qui vous amène à expliquer le démontage et remontage de cet arme. J’active l’enregistrement à votre signal, nous ferons des pauses à chaque fois que vous le souhaiterez. »

Il rajouta dans un trait d’humour presque complice :

« Sergent-Maître Allen à la rescousse, prise une ? »

Maintenant les choses sérieuses pouvaient commencer. Le visage du sergent-maître étant éclairé, et lui-même étant positionné dans la pénombre, il pourrait maintenant étudier la communication verbale, le non-verbal des expressions de son visage, et surtout : ses méthodes de contrôle.
Cette analyse se faisant dans un environnement plus sain que la vidéo que Sidney avait examiné plus tôt, les résultats qu’il en tirerait serait plus affinés et concrets. N’ayant pas à subir la pression d’un officier qui lui reproche sa conduite en mission, la jeune femme serait moins renfermé, plus apte à laisser passer des signes révélateurs.
Sidney avait dégagé plusieurs hypothèses intéressantes et il pensait savoir pourquoi la jeune femme échappait à son confrère psychologue. Il avait maintenant besoin de ça pour confirmer son diagnostic. Il observa donc le sergent-maître avec beaucoup d’attention, son stylo par-dessus le bloc note.

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Mer 1 Nov - 17:36

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Pedge le laissa programmer son appareil photo, ajuster la lumière, tamiser la pièce, disposer le plateau pour qu’elle puisse le monter et le démonter. Elle avait déjà fait tout ça devant des officiers à l’instruction, devant des bleus pour leur montrer, mais jamais en étant filmée. Une chose était certaine, elle allait vouloir voir la vidéo ensuite afin d’estimer si elle était bien ou pas. Elle avait peur du résultat, ne se trouvant pas tellement photogénique. Enfin, elle ne faisait pas ça pour elle, mais pour aider le soldat Bedson, afin qu’il retrouve un semblant de confiance en lui. Elle persistait à penser qu’en direct, ce serait bien mieux, mais elle comprenait que le passage par une vidéo pouvait être bénéfique aussi, puisque du coup, il n’aurait pas un regard sur lui d’une condisciple, laquelle pourrait penser que c’était un demeuré comme soldat s’il n’était pas foutu de remonter une arme correctement.

Sidney se déplaça dans un coin de son bureau, afin de sortir du champ de vision de la militaire. Le plus dur serait de ne pas chercher son regard en parlant et de se concentrer sur la caméra. Elle n’était pas certaine d’y arriver, mais elle essaierait de contrôler tout ça. A dire vrai, elle commençait à stresser un peu. Si sûre d’elle qu’elle était, l’exercice la mettait face à quelque chose qui allait l’enregistrer, et ce n’était pas anodin. Il lui donna des recommandations, des consignes, lui indiquant qu’elle devait faire comme si elle était seule, dans ses quartiers. Qu’il ne donne pas son nom au patient ne la rassura pas spécialement. Ils n’étaient pas nombreux sur cette cité, et elle pouvait tôt ou tard le croiser. Lui saurait qui elle était, pas elle. Mais bon, au final, qu’est-ce que ça pouvait faire ? Elle connaissait des gens qui ne la connaissaient pas et l’inverse était vrai également.

« Ok, je ne le nommerai pas, et je ferai en sorte que ça ressemble à une vidéo pour l’instruction, pas destinée à une personne. »

Elle préférait résumer de temps en temps ses propos afin de rester dans la logique de l’exercice. Pedge comprenait assez ce qu’il voulait d’elle, et elle allait s’employer à faire en sorte de coller à tout ça. Elle était comme ça, à essayer de plaire à ses supérieurs, mais aussi à des personnes à qui elle souhaitait rendre service. C’était le cas ici, et elle estimait qu’elle devait être parfaite.

« Pas mal comme titre de film, ça devrait faire pas mal d’entrée au Texas… Enfin, si j’avais su, j’aurais pris ma trousse de maquillage. »

C’était de l’humour, en réponse à celui du psychologue. Niveau détente, elle était plutôt bien donc, malgré son air austère. Elle se passa la langue sur les lèvres pour commencer, afin de s’humidifier la bouche. Elle n’avait pas l’habitude de procéder en étant assise, mais elle ne s’en formalisa pas. Elle s’avança sur la chaise, pour mettre ses fesses à l’équilibre, afin d’être plus proche du bureau et du plateau. La lumière ne lui brûlait pas les yeux parce qu’elle était plutôt orientée vers ses mains, mais du coup, elle ne voyait pas bien le reste de la pièce, ni la caméra. Bon, au moins, elle n’aurait pas de scrupule à ne pas regarder l’autre personne dans le bureau.

Elle adopta son ton morne habituel, en essayant quand même de paraître moins froide, comme elle savait le faire quand elle donnait ses cours. Cela ne l’empêchait pas d’être rigide et autoritaire, mais elle pouvait se montrer bienveillante quand même. Néanmoins, elle n’était pas aussi ouverte qu’un bon orateur, c’était évident. De toute façon, démonter et remonter une arme n’était pas « jojo » en soi, du coup, elle pouvait garder son air neutre pour expliquer les différentes manipulations. Normalement, le type se concentrerait sur ses mains et sur les pièces qu’elle manipulait, mais pas sur son faciès.

Ses mains se déplaçaient rapidement, et on sentait qu’elle essayait de ne pas aller trop vite, présentant les étapes indispensables pour réaliser la tâche. Ainsi, elle suivait sa diction. Son visage restait neutre, pas un sourire, pas une ridule de contrariété, pas l’ombre d’un doute, pas une hésitation. Elle connaissait trop sa partition pour trahir d’émotions quelconque qui pouvaient sortir de la routine. On la sentait à l’aise, pas bloquée par une réserve quelconque. Enseigner était son élément, et une certaine expérience trahissait ses mots et ses gestes précis et calculé. Elle était dans la mesure, comme toujours, dans le contrôle de son image. Rien ne pouvait, dans cet exercice, la bousculer pour la faire sortir de son schéma de vie habituel. Il y avait certes cette caméra, mais elle en faisait abstraction. L’idéal pour voir vraiment ses réactions, seraient de visionner la bande ensuite. Forcément, elle ne se trouvera pas bien, faisant montre de son petit côté perfectionniste. Elle avait suffisamment confiance en elle pour savoir qu’elle assurait, mais ce n’était pas pareil quand on était confrontée à l’image qu’on renvoyait.

Elle termina de remonter les pièces de l’arme de conception Belge. La vidéo avait duré une bonne quinzaine, voir une bonne vingtaine de minute. Elle replaça, avec un air satisfait, le chargeur, et elle arma la culasse. Pedge recula ensuite dans sa chaise, se réadossant au dossier de la chaise en poussant un soupir orienté vers sa mèche de cheveux qui s’était encore échappée de son oreille.

« Alors ? Comment m’avez-vous trouvez ? », demanda-t-elle pour réintroduire Sidney dans la boucle. En fait, malgré sa trombine neutre, toutes les émotions qu’elle avait pu mettre dans son discours, si elles ne s’étaient pas affichées sur son visage ou dans le ton de sa diction, étaient passées dans son regard.

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Sam 4 Nov - 8:39

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Le psychologue avait rempli la feuille de son carnet de note. Il entoura les derniers symptômes composant son diagnostic avec un sourire satisfait sur le visage, il retourna la couverture de celui-ci afin que son interlocutrice ne se rende compte de rien puis il répondit.

« Vous m’impressionnez, sergent-maître. » Félicita Sidney. « Je vais vous montrer quelque chose. »

Il était l’heure de prendre quelques risques. L’examen sans interaction directe avait ses limites. Sidney ayant conclu et dégagé le trouble dont souffrait le sergent-maître, il était maintenant temps de lui ouvrir une porte, de lui tendre la main dans la plus grande discrétion. Mais l’homme comprenait mieux ce qui avait mis la puce à l’oreille de Caldwell, pourquoi son confrère était passé à côté. D’ailleurs, lui-même serait tombé dans le piège s’il n’avait pas eu la vidéo de l’interrogatoire et si on ne lui avait pas dit ce qu’il fallait chercher.

Le psychologue ralluma les lumières puis retourna devant son bureau pour récupérer la caméra. Il retira la carte pour aller l’installer sur une tablette puis, contournant le bureau pour s'asseoir à côté de Pedge, il partagea la vue avec elle en appuyant sur lecture.

De son pouce, il se rendit une dizaine de minutes plus tard sur la vidéo et pointa son visage d’un doigt expert.
« Voyez l’expression de votre visage. Cette neutralité, ce détachement, vous avez une maîtrise de vos émotions et un contrôle tout à fait exceptionnel...J’imagine sans peine que vous devez avoir un train de vie particulièrement cadré et protocolaire. »

C’était une façon de faire un constat sans entrer directement dans sa vie privée. Il fallait éviter toute intrusion. Le sergent-maître se braquerait sûrement dès qu’elle comprendrait que Bedson n’était plus le sujet de leur rencontre. Sidney utilisait donc un ton très souple, comme un ami qui partagerait une découverte et souhaitait en parler en tout bien tout honneur. Car après tout, le sergent-maître faisait face à un psychologue qui ne lui était pas imposé et elle pouvait le quitter à tout moment. Il n’y avait donc aucune menace, la balle était simplement dans son camp.
Sidney comptait sur le fait qu’elle voudrait probablement savoir d’où venait son attirance maladive pour le contrôle même si elle considérait que tout allait pour le mieux. Après toutes ces années, savoir contre quoi elle se battait d’après une “aide officieuse”, c’était peut-être une occasion à ne pas manquer.
Il fît silence avant d’ajouter sur le ton d’une parfaite innocence :
« Pardonnez cette curiosité. J’espère que vous ne la trouverez pas mal placée. Mais je ne m’attendais pas à voir une telle régulation de votre projection émotive. Voyez à ce moment-là, votre expression et votre regard. Le non-verbal est pleinement contrôlé, même les signaux provenant de votre subconscient sont dominés par votre volonté. »
Sidney considéra les images une dernière fois avant d’ajouter, comme pour lui-même :
« Une telle structure, cela doit demander une somme d’énergie et de motivation énorme... »

Bon si elle l’impressionnait, c’était qu’elle ne s’en était pas si mal tirée que ça. De toute façon, elle avait pleinement confiance en elle, et elle était certaine d’avoir fait une bonne prestation pédagogique pour ce soldat. Monter et démonter une arme était somme toute assez aisé, et elle avait fait ça des milliers de fois, sur tout type d’arme. La structure de FN P90 était différente des armes habituelles, comme le Colt M4 ou le Famas, par exemple, mais il fallait réfléchir selon un schéma similaire. Les pièces n’étaient tout simplement pas au même endroit. Il approcha, souhaitant lui montrer quelque chose et pour ce faire, il manipula la caméra pour en extraire la carte SD qu’il inséra dans sa tablette. Il vint s’asseoir à côté d’elle afin qu’elle puisse voir les images.

Elle était certaine qu’elle allait se trouver particulièrement horrible sur la vidéo, mais bon, il fallait bien observer le rendu. Elle s’accouda pour avoir une bonne vision sur la tablette, sans pour autant s’approcher trop significativement du psychologue. Il fit avancer la vidéo à un moment précis. Il considéra son visage avant d’analyser sa façon de faire. Elle se considéra sur la vidéo, observant son visage résolument neutre. Elle était parfaite en fait.

Quand il y alla de son commentaire, elle ne savait pas si c’était une critique ou bien un constat. Est-ce qu’il était content qu’elle ait cet air pour cette vidéo visant à soulager un trouble chez un soldat ? Ou est-ce qu’au contraire, ça n’allait pas. Elle lui jeta un coup d’œil en coin. Il fit silence, s’attendant peut-être à une réaction de sa part, mais elle voulait qu’il précise sa pensée, aussi ne dit-elle rien, se contentant de se redresser un peu froidement dans sa chaise. Il se fit plus précis, sur le ton de la conversation, comme si en regardant cette vidéo, il avait vu quelque chose chez elle qui le perturbait. En gros, il faisait de la déformation professionnelle, un peu comme si le cas Bedson était passé au second plan et qu’il s’attardait deux secondes sur l’analyse de ces images.

« Oui, j’aime rester maître de moi-même en toute circonstance. », fit-elle pour éluder rapidement. Cette phrase évoqua un souvenir dans sa mémoire. Elle avait servi exactement la même phrase à Isia lors de leur premier dîner, un 14 février. C’était aussi une réplique un peu bateau, qu’elle pouvait servir n’importe quand pour justifier de sa morosité émotive. Néanmoins, ça en disait long sur la motivation qu’elle avait vis-à-vis de ça. Elle ajouta : « C’est un problème vis-à-vis de Bedson ? Pourtant, je trouve que je suis plutôt pro sur cette vidéo, elle devrait le mettre en confiance… » Pour elle, il n’avait fait qu’un petit détour par une analyse de l’image toujours orientée dans la perspective de venir en aide à ce fameux soldat. Néanmoins, sa dernière question lui laissait un angle d’attaque subtil pour parler de la militaire, s’il le saisissait.

« Il sera en confiance, en effet. » Compléta Sidney. « Vous avez fait du très bon travail, c’est parfait. »

Il récupéra gentiment la tablette puis retourna s'asseoir à son bureau tout en débutant un monologue. Il s’installait tranquillement tout en parlant, usant d’un ton très léger et sage. Comme s’il lui partageait une expérience qui pourrait lui servir et lui être très utile à l’avenir. Une astuce pour la solution à un problème méconnu. Mais il veillait à ne pas la citer directement dans ses propos, évitait même toute insinuation, comme s’il échangeait avec bienveillance sur un sujet de discussion lambda.

« Saviez-vous que les addicts du contrôle qui atteignent la perfection ont généralement quelque chose de compromettant à cacher ? Cela peut-être une partie refoulée de sa personnalité, des souvenirs ou des expériences qu’ils ne souhaitent jamais voir sortir. C’est un mode de vie tout à fait correct et compréhensible. »

Il croisa les jambes et la regarda en plaçant une main sur sa joue dans une stature parfaitement sereine.

« La psyché humaine à ses limites voyez-vous. L’esprit est d’une extrême résistance en se comportant comme un réceptacle qui accumule toute la pression. La moindre source d’anxiété, d’inconfort et de perturbation sortant du cadre de ce contrôle “parfait” est une goutte supplémentaire dans le vase. J’ai eu l’occasion de croiser à plusieurs reprises ces personnages des plus particuliers. Leur maîtrise du contrôle faisant force, ils font partie intégrante de l’élitisme. Qu’il s’agisse de l’administration, de l’armée ou tout autre corps : ils excellent. Jusqu’à ce que le vase déborde. »

Il quitta sa position pour croiser les mains sur son bureau.

« L’esprit nécessite une activité salvatrice pour se ressourcer. Mais chez ces individus, cela se fait généralement de manière très violente dans ce continu besoin de contrôle. En règle générale, ladite activité les pousse à des risques conséquents qui entachent fatalement, un jour, leur réputation et leur équilibre professionnel. »

Sidney se tût et prit dans ses mains la seule photographie qui trônait sur son bureau. C’était une belle femme d’un âge mûr qui regardait l’objectif, agenouillée devant un parterre de roses rouges, avec un sécateur et un chapeau de paille. Elle avait un sourire radieux.

« Je me demande quelle est votre activité... »

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Sam 4 Nov - 14:57

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Il fit une conclusion rapide sur le soldat Bedson qui était alors le centre du sujet de conversation. Pedge pensait donc qu’il en avait fini, même si elle était un peu déçue de ne pas en savoir plus, ou de ne pas échanger un peu plus sur son cas et sur sa prestation. En bonne militaire qu’elle était, elle aimait bien les débriefings fournis. Sauf qu’il ne s’arrêta pas à cette petite conclusion. Au contraire, il alla s’asseoir à son bureau en commençant un monologue, qui était manifestement une analyse de sa propre personne même s’il présentait ça de façon détournée, comme s’il parlait de quelque chose, un sujet banal qu’ils auraient choisi tous les deux d’évoquer comme deux amis l’auraient fait. Sauf que Pedge n’était pas dupe. Si elle n’était pas une bonne communicante, elle n’était pas mauvaise non plus. Il parlait d’elle. Seulement voilà, avec tout ça, la jeune femme n’était plus dans le rejet d’un sujet de conversation, et surtout, le fait qu’il aille sur ce terrain-là sans lui demander son avis, en essayant de ruser par des méthodes de langages particulières titillait la texane qui se laissa prendre au jeu. Elle le toisait, l’air parfaitement neutre, de celle qui écoute mais qui n’en pense pas moins, attendant une ouverture dans le discours de son interlocuteur pour en placer une.

Elle avait repris sa position parfaitement droite, même si elle semblait plus détendue. Ses yeux observaient le non verbal du psychologue, et quand il termina son petit exposé en l’incluant directement dans la boucle, un sourire naquit à la commissure des lèvres de la soldate, confirmant ses doutes quant au fait qu’il voulait la mettre face à sa propre façon d’être. Il voulait jouer au plus fin, elle n’allait pas refuser. La question, légitime, qu’elle se posait, était de savoir si l’exercice qu’il lui avait proposé avait pour but d’en arriver là, ou si c’était un exercice tout ce qu’il y a de plus réglo et qu’il avait vu quelque chose en route… De la déformation professionnelle en somme.

Elle réajusta sa position dans sa chaise, avançant légèrement le buste, comme pour prendre le dessus dans la conversation.

« Saviez-vous qu’il suffit, à ces gens-là, d’avoir une activité précise et dirigée pour palier toute cette frustration, sans risque d’entacher leur réputation, ou leur carrière ? » Elle s’adossa de nouveau au dossier de la chaise, avant d’ajouter. « Y en a qui font du sport, d’autres qui boivent, certains qui passent leur frustration en tapant leur femme, d’autre en s’envoyant en l’air avec leur femme ou avec leur maitresse ou amant. » Elle haussa des épaules. La liste pouvait être longue. Son regard avait légèrement dévié vers la photographie qu’avait pris le psychologue. Elle l’avait déjà remarqué, sur le bureau. Une belle femme, qui attire invariablement le regard par son sourire.

Elle avait repris exactement la même formulation que son interlocuteur, sans se mettre dans la boucle bien évidemment, comme-ci elle faisait la conversation et qu’elle faisait part d’une expérience qu’elle avait constaté chez autrui. Pedge ne trouvait pas qu’elle avait un problème. Elle savait qu’elle intériorisait beaucoup, et que par moment, elle avait besoin de tirer la languette de sécurité, un peu comme pour le gilet MOLLE, mais elle ne considérait pas qu’elle avait une personnalité déviante ou perverse, voir malade. Elle se passa la langue sur les lèvres, hésitant un instant à dire ce qu’elle allait dire.

« Je ne sais pas si c’est un problème au quotidien, je ne sais pas si c’est pathologique dans le sens où ça ne dérange pas ces gens là de vivre et qu’ils vivent tout à fait normalement. Il n’y a pas de trouble qui empêche d’avancer dans une carrière, dans une vie sentimentale, bref, à quoi bon essayer de faire changer des gens qui sont comme ça et qui sont bons comme ça ? »

Elle montra la photo qu’il tenait du bout du menton, par un signe de tête.

« Je suis certaine que vous avez une façon de fonctionner qui vous est propre, et pourtant, cela ne vous a pas empêché d’avoir une femme, et une vie professionnelle plutôt aboutie, non ? » Et comme si elle prenait conscience de la façon dont il avait observé la photo, elle ajouta : « Elle doit vous manquer, si vous passez votre temps sur le Dédale. »


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Jeu 9 Nov - 12:12

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Sidney hocha pensivement la tête en considérant le visage de sa femme.
« Elle me manque effectivement. »
Il reposa doucement la photo avant de la regarder et d’ajouter sur un ton de confidence :
« Le cancer me l’a arraché il y a un peu plus de six ans maintenant. »
Il n’y avait pas de chagrin ni de tristesse. Juste des faits.

Cela ne signifiait pas que Sidney se moquait de son épouse ou des magnifiques moments qu’il avait vécu avec elle. Mais sa douleur était devenue commune et habituelle. Il n’avait pas besoin de l’exposer à cette jeune femme pour attirer un quelconque soutien ou de la compassion de sa part. Il échangeait néanmoins cette partie quelque peu privée de sa vie pour entretenir la petite relation de confiance qu’il venait d’élaborer avec elle. Même si, dans le fond, il ne doutait pas que le ce Sergent-Maître était assez futé pour détourner l’attention de son cas et, même, y inverser les rôles. Il ressenti son petit jeu, ce petit aspect prédateur dans la manipulation, mais n’avait pas l’intention de s’y refuser. En effet, Sidney n’avait pas pour but de lui dicter sa conduite ou lui établir un cadre de “normalité”. La stature et les réactions de Pedge indiquaient clairement qu’elle n’accepterait pas d’envisager qu’un tel contrôle soit anormal. Et pourtant c’était le cas. Si son diagnostic était exact, cette jeune femme entrait dans un cas clinique avéré.

« Mais ce croiseur, son équipage et mes patients composent ma nouvelle famille en attendant que nous nous retrouvions. Mais revenons-en à nos moutons si vous le voulez bien. »

Il se redressa sur son siège et poursuivit :

« Cet argumentaire est parfaitement légitime. Et bien fondé. J’imagine que cet addict du contrôle a déjà expérimenté la liste que vous m’avez cité. »

Sidney appuya très légèrement sur le terme “cet” afin d’éviter que Pedge ne se sente directement visée. C’était un excellent moyen, en son sens, de continuer cet échange sans la brusquer. Il ajouta en rigolant :

« Sauf en ce qui concerne ces agressions sur conjoint. »

Il aurait été en effet de mauvais ton d’imaginer une Pedge fictive se défouler sur un mari battu. La morale dont elle semblait investie lui interdisait d’ailleurs tout acte de ce type. Le psychologue adopta un ton assez paternaliste en lui offrant une analyse détournée.

« Voyez-vous, dans le cas de notre adict, il songe que cela ne représente aucune menace pour son quotidien et son avenir parce que sa vie entière est bâtie autour de cela. Cette architecture de maîtrise et de contrôle est devenu un véritable principe de vie. Comme un barrage qui retient une pression qui s’accumule très lentement. C’est une solution fort louable mais seulement temporaire. Car de tous ces exemples cités, ils sont devenus peu à peu insuffisant voir infructueux, poussant notre homme sur de nouveaux domaines plus dangereux. Comme pour exploiter un nouveau filon de “résistance”. »

Il fît une pause. Le psychologue sonda son air et sa posture avant de reprendre avec exactement les mêmes termes, référence à son petit jeu :

« Saviez-vous qu’il est de notoriété pour un argumentaire de choisir un exemple personnel en dernier ? »

Il l’observa en toute innocence. Ce n’était pas évident d’amener le sujet sur son activité actuelle pour se détendre. Un acte aussi personnel. D’autant plus que l’homme ne pouvait en avoir l’extrême exactitude et que son interlocutrice pourrait tout nier en bloc. Mais peu importe ! Sidney savait que même si ses propos n’étaient pas accepté dans l’immédiat, elle s’en servirait tôt ou tard pour y méditer.

« D’après vous, pour notre ami, serait-ce un filon fiable et éternel ? Ou comme c’est le plus courant : temporaire, hasardeux et grisant ? »

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Ven 10 Nov - 18:52

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« Ah », fit Pedge en apprenant que sa femme était morte d’un cancer. Elle referma sa bouche qu’elle avait laissée entrouverte, un peu mal à l’aise. Elle n’avait pas souhaité le blesser, et manifestement, ce n’était pas le cas puisqu’il semblait toujours égal à lui-même. Il recentra rapidement la conversation sur elle. De toute façon, elle n’avait pas voulu éviter le sujet puisqu’elle lui avait répondu franchement, même si elle s’était laissée en dehors de son exemple, comme pour suggérer l’idée au psychologue qu’il était plus simple pour elle de discuter de son cas en faisant style que c’était celui d’un autre.

« Je suppose aussi oui », dit Pedge l’air de rien, hochant la tête quand il précisa qu’il fallait mettre de côté le fait que cette personne n’avait surement pas tapé son conjoint. Oh, elle aurait pu, si ce dernier s’était montré violent à son égard. Elle n’était pas du genre à se laisser faire et si un mec violent s’en prenait à elle, il était clair qu’elle ne se laisserait pas faire, à moins d’être comme toutes ses femmes amoureuses qui laissent passer la première fois parce que c’était un « accident » et que ça ne se reproduirait plus. Et puis, à chaque nouvelle baigne, c’était un prétexte de plus pour dédouaner le bourreau.

Elle l’écouta continuer son argumentaire. Elle comprenait parfaitement ce qu’il voulait dire. Elle utilisait tous ces moyens à la fois pour contenir le trop plein de frustration qui s’accumulait en elle. Avec le temps, elle y parvenait assez bien, décompensant de temps en temps comme elle pouvait le faire avec Isia en ce moment. Parfois, c’était moins élaboré, telle une partie de jambe en l’air dans un coin avec un inconnu, ou du sport à outrance. Par contre, et elle mettait un point d’honneur à ne pas le faire, elle ne buvait jamais pour s’échapper de sa vie de mortelle. Non, jamais. S’il y avait bien une chose qui faisait peur à Pedge, outre le fait de vomir (et encore, ça pouvait rentrer dans cette catégorie là), c’était de perdre le contrôle de son corps et de ses réactions. L’alcool altérait le jugement, les gestes, les pensées, faisait diminuer l’inhibition. Alors boire une bière ou deux n’était pas dérangeant, mais se torcher la gueule, en aucune façon. Exit aussi la drogue et autres substances psychoactives. Pedge devait garder le contrôle tout le temps. Absolument tout le temps.

Sauf quand elle pétait un câble et qu’elle allait plaquer une chirurgienne sur un lavabo dans un sas stérile… Mais quel mal il y avait à se faire du bien avec quelqu’un ?

Elle restait de marbre, mais il était évident qu’elle cogitait sur les propos de Sidney. Mais comme toujours, elle ne voyait pas où était le problème, et cela était dû au fait que, comme l’avait souligné le psychologue, elle avait bâti sa vie depuis toujours autour de ce mode de fonctionnement. Comme le disait un philosophe, nous sommes toujours persuadés d’avoir raison parce que nous avons pensé ce que nous disons. C’était pour ça d’ailleurs que les humains ne se comprenaient pas toujours.

Sa petite question sur le dernier exemple cité qui pouvait être un exemple personnel en dernier prit de cours la jeune femme qui tiqua un peu. Mais elle ne se décontenança pas. Elle se mordait la joue en guise de réflexion alors qu’il terminait son raisonnement en l’invitant à réfléchir.

« C’est très certainement temporaire, hasardeux et grisant. » Elle fit une pause, comme si elle cherchait ses mots, ce qui se traduisait par une certaine hésitation. « Mais… Cette activité n’a pas besoin d’être plus. Cet addict a besoin de décompenser de temps en temps, et pas continuellement. Sinon il aurait un problème. Du coup le côté grisant est essentiel pour le motiver, sous peine de se retrouver à taper sa femme ou son mari, ce qui est nettement moins plaisant pour l’une des deux parties. » Elle fit un petit geste de la main pour l’arrêter, au cas où il allait répliquer quelque chose : « Bien que celui qui tape doit éprouver une certaine forme de plaisir. Mais je vous rassure, ce n’est pas un exemple personnel bien que je termine par celui-ci. »

Son discours commençait à se mélanger entre ce fameux « addict » et sa propre expérience, comme le traduisait sa dernière précision où elle ne révoquait pas l’idée que c’était bel et bien un exemple personnel lors de sa dernière énumération. Impression qui se renforça quand elle ajouta, pour conclure :

« C’est préférable de ne nuire à personne.»

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Ven 10 Nov - 19:14

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Sidney l’avait écouté attentivement.
Il hocha la tête face à des arguments bien légitimes et ignora volontairement le moment où elle se mêla avec l’exemple. C’était un signe très encourageant pour cet échange mais il ne voulait pas briser cet avatar fictif de crainte qu’elle perde ce précieux outil pour communiquer. Le dialogue prenait une bonne voie et Sidney, en son for intérieur, était heureux de constater que la militaire s’ouvrait peu à peu, ne serait-ce que par curiosité. Mais il ne fallait surtout pas en devenir confiant au risque qu’elle se sente soudainement envahie. Que l’impression de manipulation ne la referme soudainement comme une huître.
L’homme décroisa ses jambes, sentant que l’une d’elles commençait à s’ankyloser, puis il prit une nouvelle position un peu plus confortable. C’est tout naturellement qu’il ramena Pedge sur le sujet de leur ami fictif en commun pour maintenir cette possibilité de dialogue.

« Oui, c’est préférable en effet. » Il échangea un sourire entendu avec elle avant de reprendre. « Mais revenons-en à notre addict si vous le voulez bien. Sa profession peut l’amener à subir des contraintes morales, du stress et des expériences traumatisantes qui pourraient altérer profondément son schéma de stabilité. »

C’est là que la discussion à la troisième personne prenait toute son importance. Le psychologue entra sur un terrain dangereux mais pour le bien de son interlocutrice, souhaitant simplement souligner un problème qui lui semblait davantage “dissimulé” que “réglé”. Une auto-illusion en somme.
Il ajouta donc d’une voix très calme, s’exprimant au sujet de cet exemple fictif, d’un air toujours très anodin :

« Vous imaginez bien que notre ami commun, si investi dans son assurance et sa stabilité, pourrait très mal supporter une situation où ce même contrôle lui échapperait totalement, irrémédiablement, au profit d’un événement ou d’un individu à l’opposé extrême de ses convictions. Puis-je vous exposer un cas si vous le voulez bien ? »

Sidney attendit son accord avant de poursuivre.
Le cas de Naldo venait doucement sur la table.

« Imaginez que notre addict soit une femme. Et qu’une atteinte ait été tenté contre son “intimité”. N’y aurait-il pas, selon vous, une crainte devenue plus virulente de reperdre le contrôle à l’avenir ? » Il laissa Pedge réfléchir un instant avant de donner son analyse. Des informations qui risquaient de lui correspondre comme deux gouttes d’eau. « La séquelle serait, à mon avis, une exagération du schéma habituel. Par exemple : une suractivité d’exercice ou de discipline pour repousser de nouveaux risques, du stress classique ou des angoisses, qui agiteraient régulièrement son sommeil ?...» Il reprit sa respiration en gardant résolument un air innocent. « N’y aurait-il pas aussi une légère dégradation de l’efficacité de ses rituels habituels, la contraignant à aller explorer ces nouvelles pistes grisantes...parce que le moindre élément stressant serait également devenu une embûche un peu plus agaçante qu’à l’accoutumée... »

Il fît une pause, gardant un ton bas et simple, comme s’ils s’échangeaient de petites énigmes à résoudre sans qu’ils ne soient directement concernés l’un et l’autre. Pedge ne manquerait pas de faire le parallèle vis à vis de la tentative de viol dont elle avait été victime et qu’elle s’acharnait surement à vouloir dissimuler. C’était un moment très épineux pour Sidney qui ne voulait pas échouer à ce dialogue. Il entama donc un aspect de solidarité dans ses prochains propos. Il avait compris qu’elle avait à cœur d’aider son prochain et, même s’il s’agissait d’un personnage fictif lui ressemblant comme deux gouttes d’eau, elle serait tentée de résoudre le problème dans ce même désir altruiste.

Sidney ajouta donc doucement : « Qu’en pensez-vous, mademoiselle Allen ? Si notre amie présentait ces signes, devrait-elle venir nous en parler un peu ? Ou devrait-elle les garder pour elle ? »

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Ven 10 Nov - 23:32

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Pedge était tout sauf dupe de la stratégie du psychologue et elle avait acquis désormais la certitude qu’elle n’était pas là uniquement pour Bedson. Elle avait misé sur le fait qu’il faisait de la déformation professionnelle, mais elle commençait à se dire que le cas du soldat avait pu permettre à Sidney de la jauger et de trouver une stratégie de dialogue pour aborder son cas à elle une bonne fois pour toute. Stratégiquement, c’était une bonne option, et il avait été fin. Est-ce qu’elle devait s’en offusquer ? Claquer la porte en le renvoyant à son personnel de bord et à ses affaires ? Elle aurait pu, mais elle n’en avait pas envie, et cela tenait surtout dans l’espèce de petit jeu implicite qu’ils jouaient tous les deux. Elle s’était trop avancée pour s’enfuir maintenant. Ce serait lâche. Et puis, elle conservait l’illusion qu’elle n’était pas concernée, et une forme d’esprit de réactance lui disait de rester là et de défendre sa position contre les préjugés de cet homme.

Elle n’était pas d’accord sur ses premiers propos. Le schéma de stabilité lui permettait justement d’encaisser les situations de stress de son boulot sans péter un câble réellement. Donc il était adapté, parfaitement rodé, et si le stress de l’expérience traumatisante montait, il suffisait de monter les doses de soins palliatifs à la mode Pedge en contrepartie. Mais elle voulait bien écouter ce fameux cas qu’il allait lui exposer pour illustrer ses propos. Elle savait déjà qui serait ce cas, mais qu’importe. Elle hocha donc de la tête, lui donnant son approbation.

Il l’invita à réfléchir sur un contexte qui laissait penser qu’il était au courant pour l’agression qu’elle avait subi sur la planète des garçons de vaches. Sa méthode d’approche n’était décidément pas bête. Il l’obligeait, en répondant à ses questions, à analyser son propre comportement, chose qu’elle ne faisait jamais, et ainsi, il pourrait trouver des leviers, ou des ambivalences, sur lesquels il pourrait appuyer pour conforter son idée, et lui prouver, en se servant de ses propres réponses, qu’elle n’était pas aussi « saine » qu’elle le pensait. C’était dangereux, et des alarmes s’allumèrent dans les tréfonds de son esprit. Elle jouait à un jeu de dialogue avec un professionnel, et elle savait qu’elle allait se faire bananer au bout du compte. Mais pourquoi n’effectuait-elle pas un repli stratégique ? Mais non, Pedge Allen est joueuse, et un brin bornée.

Pourtant elle savait comment ça finissait quand elle était frustrée, quand elle se faisait avoir, quand elle ne savait plus quoi dire. Elle se retrouvait dans un sas stérile avec une chirurgienne servant de tampon entre elle et un mur. Dans le cas présent, elle se voyait mal s’en prendre physiquement au psychologue, surtout qu’elle était dans un autre état d’esprit, et que la discussion ne cachait pas de sous-entendu sexuel.

« J’ai d’autres questions pour vous, avant de répondre aux vôtres, parce que je ne suis pas vraiment d’accord avec votre démonstration précédente. »

Elle se réajusta sur sa chaise.

« Il me semble logique que si cette femme ait subie une atteinte physique et morale contre son intimité, qu’elle craigne pour l’avenir. Elle serait stupide de se dire que parce que cela lui est arrivée une fois, cela ne se reproduira plus. Donc au contraire, il me semble normal que cette femme exagère son schéma habituel pour que quand la situation se représente, elle soit capable d’y faire face cette fois-ci. »

Elle ne répondait pas vraiment à Sidney en fait. Elle laissait sous entendre que le schéma de décompensation habituel servait aussi d’entrainement pour les prochaines phases de stress possibles, afin de les gérer dans un contrôle absolu. Mais cela pouvait être logique, et l’était du point de vue du Sergent. Si elle n’avait pas réussi à se défaire de Naldo, elle devait s’exercer physiquement pour surpasser un homme comme ça la prochaine fois qu’elle en croiserait un. Cela se traduisait par une augmentation de l'entraînement physique et donc, une forme d’exagération visant à calmer le mal être intérieur par le sport et les endorphines secrétées.

Bref, elle n’abordait pas du tout le côté mal être et crainte, qui pouvait perturber son sommeil, et la poussait à faire des choses plus grisantes pour oublier. Elle ne laissa pas Sidney en reste quand même quand elle ajouta :

« Quoiqu’il en soit, je pense qu’il est normal pour une femme violée, ou qu’on a tenté de violer, qu’elle se sente mal quelques jours. Qui ne le serait pas ? Il faut laisser du temps au temps. Chacun à sa façon de se soigner mentalement. Il y en a qui vont aller pleurer sur l’épaule de leur maman, ou sur celle de leur meilleur ami, d’autre qui vont se dire qu’elles vont chercher vengeance, d’autres qui vont se refermer pendant un temps et s’ouvrir à nouveau, avec l’aide d’un thérapeute ou de médicament par exemple, et d’autres enfin, les plus faibles, qui ne passeront jamais à autre chose et qui se pourriront leur vie jusqu’à la fin de leur existence sans arriver à rebondir. Ces dernières ont besoin d’aide. Pas les autres. Elles en ont indirectement, parce qu’elles fonctionnent comme ça. »

Elle se réajusta. Bien entendu, elle laissait sous-entendre qu’elle ne faisait pas partie des plus faibles. Mais elle omettait quelque chose d’important. Si tous les autres remontaient la pente, c’était surtout que dans leur aide indirecte, comme elle le disait si bien, elles en parlaient à un moment ou à un autre. A un thérapeute. A leur mère. Leur ami. Sans parler de celle qui se muraient dans le silence et qui se détruisaient petit à petit par des comportements de défense de l’esprit qui les poussaient à faire n’importe quoi… Un peu comme elle finalement.

Non, ce n’était pas vraiment n’importe quoi. Elle fonctionnait comme ça. Et elle ne se détruisait pas à aller faire la cour à une blonde. Sa carrière n’en souffrirait pas si ça venait à se savoir, et son honneur non plus. Bref, sa vie continuait. Il fallait passer à autre chose, et il n’y avait pas de mal à prendre du bon temps en cours de route.

Elle ponctua ses propos par une attaque un peu plus directe, mais qui était dite sans animosité, toujours sur le ton égal de la conversation qu’ils entretenaient. En fin orateur qu’était Sidney, il y décèlerait une forme de taquinerie un peu effrontée. Et surtout, il pourrait sentir qu’elle prenait les choses pour elle malgré la troisième personne. Néanmoins, il pouvait se réjouir d’une chose, elle appréciait ce genre de conversation et de moment où deux esprits s’affrontent sur un sujet avec des visions différentes des choses.

« Après, je trouve que c’est logique que vous voyiez le mal partout, vous êtes formatés pour déceler ce qui ne va pas chez quelqu’un, et en matière de psychologie, il y a toujours une déviance qui ressort chez n’importe qui. Vous savez, c’est comme les étudiants en médecine qui voient les maladies qu’ils ont appris en cours chez des proches ou chez eux. »

Elle le regarda d’un air entendu, histoire de voir s’il allait prendre la mouche ou s’il allait s’amuser de cette comparaison quelque peu vexante. Mais c’était surtout une forme de conclusion pour lui dire « j’ai gagné, qu’est-ce que tu veux répondre à ça, je vais bien », qu’un tacle gratuit. Le fait qu’elle attaque au lieu de répondre simplement, ce qui était une forme de défense, pouvait aussi laisser penser qu’elle ne savait plus quoi dire pour faire valoir son point de vue et il devenait donc plus facile de détourner le sujet sur des aspects personnels chez l’autre en l’attaquant. Réflexe de défense naturel. Mais c’était surtout une taquinerie, comme pour mettre un point d’honneur à leur petit jeu verbal du chat et de la souris et des choses dites sous couvert de non-dit à la troisième personne.

« Bref, ne vous inquietez pas pour notre amie imaginaire, je suis certaine qu’elle va très bien et que c’est quelqu’un de normale, et qui, j’ose espérer, n’est pas trop de mauvaise compagnie. »

Voilà qu’elle cherchait à jauger ce qu’avait pensé Sidney de leur petite conversation, qui, estimait-elle, touchait à sa fin. Est-ce que c’était une façon détournée de dire qu’elle ne serait pas contre de prochaine entrevue ? Peut-être.


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Sam 11 Nov - 13:25

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Comme d’habitude, Sidney l’avait écouté sans l’interrompre. Il évitait également de noter certaines informations sur son carnet pour la regarder droit dans les yeux, très intéressé par ses réponses. Même si cela prenait un peu l’allure d’un plaidoyer en cours de route, le psychologue notait surtout qu’elle avait accepté le dialogue sur son propre cas.
Les deux interlocuteurs conservaient l’ami imaginaire en guise d’outil de communication. Mais Pedge savait maintenant qu’elle était pleinement concernée et elle ne s’était pas révoltée. Elle n’avait pas eu de réaction de colère ou de rejet. C’était un gigantesque pas en avant car, pour l’avenir, cela laissait un excellent terrain d’échange et une confiance mutuelle.

Bien sûr, il fallait s’attendre à ce que la jeune femme regrette quelque peu cette entrevue les heures passant. Elle se sentirait peut-être manipulée, menacée dans la faille de son armure de super soldat. N’ayant pas l’habitude de lâcher des informations même sous couvert d’un ami fictif. Mais l’essentiel du travail préparatoire était déjà fait. Sidney avait induit une bonne base de réflexion et, puisque le sergent-maître était une personnalité à aller de l’avant, cela lui donnerait sûrement l’envie de nouvelles discussions.

Au cours du monologue de Pedge, Sidney eut un léger sourire en la voyant se conforter dans son carcan habituel. Elle n’était pas d’accord en invoquant les bienfaits de l’exagération de son propre système. Et c’était justement le signe d’une faille que l’on cherchait à combler soit-même, dans la solitude de son intimité, comme pour relever un défi que la vie venait de lui jeter injustement au visage. Sidney savait d’expérience qu’aucun patient ne pouvait surmonter l’épreuve seul sans que cette même exagération en devienne une séquelle. On ne s’adapte pas pour pouvoir surmonter l’épreuve future : on la subit une fois de plus au risque d’avoir une très mauvaise réaction en réponse.

Si Pedge, comme elle le décrivait de manière secondaire, s'entraînait encore plus dur pour surpasser un prochain Naldo. Elle pourrait en effet se préserver d’un nouveau traumatisme mais surtout faire payer son agresseur de tout ce qu’elle avait subi depuis. Quitte à échapper temporairement à son code habituel. Et s’engager dans des actes plus dangereux et répréhensible. Il n’y a pas de raison dans la vengeance...

Bref. Pedge avait déjà fait un sacré travail en acceptant le dialogue, alors que ses habitudes ne le lui permettait pas. Il ne fallait pas s’attendre à ce qu’elle reconnaisse que son schéma de stabilité habituel ne pouvait effacer à lui seul ce qu’elle avait subi. Chaque chose en son temps. D’ailleurs, le fait qu’elle ait éludé volontairement la partie du sommeil agité confortait Sidney dans son diagnostic.

Il écarquilla soudainement les yeux, agréablement surpris. Son sourire s'élargit alors qu’elle lui envoyait sa taquinerie revancharde. Il la trouva drôle et bien choisie. Il n’empêcha pas un rire franc, et non moqueur, de monter lorsqu’elle fît référence à l’étudiant en médecine qui voit le mal partout. Il répondit du tac au tac, entrant dans son jeu sans animosité :

« Je suis démasqué, c’est vrai. Mais les exemples sont multiples. Je pourrais citer à mon tour, par exemple, une militaire qui verrait la menace partout, même chez ses alliés ! »

Il lui fît un clin d’oeil avant de sourire de nouveau.
Pedge fît sa conclusion et l’homme hocha lentement la tête avant de reprendre, avec sérieux :

« Je ne suis pas inquiet pour notre amie. Je ne prétends pas que son cas est anormal, bien au contraire. Nous ne discutons pas à son sujet pour émettre un quelconque jugement à son encontre. »

Il se redressa sur son siège. Son ton fût très doux et posé. L’homme souhaitait éviter tout aspect “abrupt” dans son message. Il croisa les mains et la fixa dans les yeux avec un air très rassurant. Comme s’il la prenait sous son aile pour la préserver des petits pièges de la vie.

« En revanche, j’aimerai lui faire comprendre que cette épreuve n’est pas un challenge. Ce n’est pas un défi imposé par la vie qui doit être résolu seul, dans son coin. Quel que soit la motivation : la dignité, une question de fierté, ou simplement un désir de combattre pour remporter la victoire ; la réussite en solitaire est une illusion. Il n’y a pas de honte à en parler, tout comme il n’y a pas de mérite à lutter seule contre une affliction reconnue très douloureuse et handicapante. »

Sidney hocha la tête puis écrivit quelques mots sur son carnet avant de le fermer. Il ouvrit ensuite son tiroir puis en sortit une petite enveloppe blanche ainsi que son carnet de prescription. Alors qu’il inscrivait certaines choses dessus, il poursuivit son monologue d’un ton toujours doux.

« Notre amie m’est d’une très agréable compagnie. Je n’ai pas vu le temps passer. D’ailleurs, j’espère cela réciproque. Ce sera un plaisir de la recevoir de nouveau. Dès qu’elle en aura l’envie ou le besoin. »

Sidney plaça la prescription dans l’enveloppe. Il ajouta une petite carte indiquant ses horaires de consultations et les différents moyens de pouvoir le joindre. Puis il ferma le pli où il n’avait rien inscrit. L’enveloppe demeurerait vierge volontairement. Sidney la déposa sur le bureau, sous le nez de Pedge, sans la lui tendre directement. Le mystère de son contenu était pleinement volontaire. Il comptait sur sa curiosité ou le côté discret pour qu’elle la récupère.
Il ajouta alors un sous-entendu qu’il espérait suffisamment subtil pour les rencontres à venir, comme une promesse pour la rassurer :

« Des conversations très enrichissantes. Discrètes. Et toujours officieuses.»

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Mar 14 Nov - 17:46

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Et toc, elle prenait le revers de boutade dans la tronche. C’était normal et elle ne s’en offusqua pas, et au fond, cela l’amusa même quelque peu. Pedge n’était pas d’accord avec la suite de ses propos (sauf ceux qui soulignaient qu’elle n’avait pas de problème grave). La vie, en ce qui la concernait, était un challenge, un défi de tous les jours, qu’elle avait choisi de traverser en tant que militaire. Elle n’était pas seule, elle était entourée, mais pour ce qui la concernait, ses sentiments, ses ressentis, son ouverture au monde, elle n’avait besoin de personne pour savoir ce qui était bien pour elle ou non. Elle ne voyait pas du tout de qu’elle affliction il pouvait parler. Elle fonctionnait très bien, et c’était tout ce qui comptait. Mais alors, aux yeux d’autrui, était-elle folle ? Le véritable fou est celui qui ne voit pas qu’il déraille, qui est persuadé d’aller bien et de ne pas être délirant. Commencer à s’interroger sur ses facultés mentales, et de se demander, de se questionner, sur son comportement, tout en se remettant en question, cela signifiait que la personne restait saine d’esprit car elle essayait de trouver des solutions. La folie renforce la folie et le sujet complètement déboulonné du cerveau n’en avait, bien souvent, pas conscience. Son stress et son anxiété s’exprimaient alors autrement, comme un appel au secours des plus déroutants pour les gens qui tentaient de soigner une réalité qui n’était plus la leur.

Elle prit le parti de ne pas relancer la conversation en le questionnant. Elle en avait un peu marre même si elle avait passé un excellent moment. Elle préférait de loin arrêter là et reprendre ses activités quotidiennes. Sa lassitude venait peut-être du fait qu’elle était obligée de surveiller un maximum ses propos en la présence de Sidney et cela la fatiguait plus qu’elle ne voulait le reconnaître. Elle aurait tellement moins l’air endormi si elle était simplement la femme qu’elle était, sans être dans un contrôle de chaque instant.

« Je suis certaine que notre amie a passé un bon moment. Mais elle a tendance à ne pas le montrer. », répondit-elle alors qu’il était en train d’inscrire quelque chose sur une feuille qu’il glissa dans une enveloppe vierge. Il était en train de lui donner une prescription médicale ? D’autres rendez-vous ? Qu’est-ce que ça pouvait-être d’autre ? Elle ne lui avait rien demandé, et elle sentait qu’elle commençait à être vexée. Mais est-ce qu’il essayait de la piéger depuis le début ? Peut-être un peu oui. Après tout, il l’avait faite venir sous un faux prétexte, elle en était convaincue. Et là, voilà qu’il mettait un bout de papier dans une enveloppe sans lui dire ce qu’il y avait dessus. Cela commençait à faire beaucoup. Elle n’aimait pas se faire manipuler. Habituellement, c’était elle qui jouait à la plus maligne, et quand elle n’y arrivait pas, elle s’imposait physiquement, ou bien verbalement en prenant le dessus d’une façon ou d’une autre. Bien entendu, cela ne marchait pas avec tout le monde.

« Cette conversation était en effet très intéressante », ajouta-t-elle sans bouger de sa chaise. Ses yeux remontèrent de l’enveloppe à Sidney, et ce fut tout naturellement qu’elle demanda : « Que vais-je trouver là-dedans ? ».

Il lui semblait normal d’obtenir une réponse. S’il lui répondait que c’était une surprise, elle n’était pas certaine de la prendre. Ou alors, elle l’ouvrirait dans son bureau histoire d’adapter sa réaction. Sa curiosité était piquée, et elle détestait quand elle avait une envie qui supplantait sa raison. Hors là, sa raison lui imposait d’être prudente, et dans la réactance, mais l’envie de savoir ce qu’il y avait dedans était forte. Elle devait donc se dompter.


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Jeu 16 Nov - 12:30

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Pour Sidney, c’était l’étape finale.
Accepter cette enveloppe représenterait sa volonté d’aller de l’avant, d’accepter une aide qui n’était pas officielle. Et le refus, en revanche, était un signe qui indiquait qu’un travail de confiance restait à réaliser.
En somme, le psychologue était en train de mesurer la volonté de la jeune femme. Pour savoir jusqu’où elle serait prête à aller. Et en quelles circonstances elle se refermait sur elle-même.

« Ce sont des outils supplémentaires pour notre amie commune.» Répondit simplement Sidney. « Rien d’agressif, je vous rassure. »

« Je ne suis pas effrayée », répondit Pedge du tac au tac. Elle s’avança un peu sur sa chaise et elle prit l’enveloppe. Après tout, elle pouvait très bien l’ouvrir ici histoire de savoir. « Et je peux l’ouvrir maintenant ? », demanda-t-elle par politesse. Elle aussi testait le psychologue pour voir s’il aurait la franchise de dire « oui » afin d’assumer directement ce qu’il avait mis la dedans.

Sidney acquiesça silencieusement tout en l’observant.
A l’intérieur se trouvait une prescription médicale où était inscrit, d’une écriture de médecin, le texte suivant :

“Traitement alternatif du trouble du sommeil.
- Une séance de bio-relaxation deux fois par semaine auprès de l’herboriste Athosienne Meryss.
- Infusion de camomille ou équivalent une heure avant le coucher.
- Limiter l’activité physique. Ne pas dépasser une heure trente par jour.
- Durée préconisée : un mois.”

Pedge fit tourner l’enveloppe dans sa main. Elle allait l’ouvrir. Elle se connaissait trop bien. Elle avait repéré, toute à l’heure, en démontant l’arme, un coupe papier sur le bureau du psychologue et d’un geste souple, elle s’en empara. Elle glissa la lame proprement, et elle découpa l’enveloppe. Elle reposa l’objet à sa place avant d’extirper la feuille de prescription, qu’elle parcourue des yeux.

« Très bien », fit-elle en pliant le papier et en le glissant dans sa poche. « Je vous remercie pour votre hospitalité. Tenez-moi au courant pour le soldat Bedson. », rajouta-t-elle de façon totalement neutre. Elle ne savait pas encore ce qu’elle allait faire de cette prescription officieuse. Elle pouvait boire l’infusion, mais limiter l’activité physique… elle n’en était pas certaine. Quant à la bio relaxation… Cela ne lui disait rien qui vaille. Mais elle se promit de méditer sur ce « traitement ».

« Bien sûr ! » Fît Sidney en quittant son siège. « C’est bien pour cela que vous êtes venue et vous méritez amplement de ses nouvelles. »

L’homme raccompagna Pedge jusqu’à la Porte.

« J’espère que nous aurons l’occasion de nous revoir prochainement, sergent maître. »



FIN DU RP LE 16/11/2017

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