L’œil du tigre [PV Mila Aleksandrov]

Soufflant régulièrement, la jeune femme termine son petit parcours de course du matin, à son trot habituel. Rien de tel que de courir une demi-heure dans les couloirs de la cité pour commencer une journée dans Pégase ! Habituellement elle enchaîne par une bonne douche, mais ce matin la séance de sport continue encore un peu. En effet, malgré leurs emplois du temps absolument incompatibles, Mila et Tal ont enfin réussi à trouver un créneau pour ce fameux cours de self-défense.

Au lieu de bifurquer vers ses quartiers, l'israélienne continue donc sa course vers la salle de sport, ne faisant qu'une courte pause le temps de prendre un téléporteur. Une fois arrivée sur place elle constate qu'elle est la première, sa montre lui indique d'ailleurs qu'il lui reste un bon quart d'heure à patienter. Elle décide d'en profiter pour se faire un petit supplément d'échauffement, laissant la salle dédiée aux entraînements de combat elle passe dans celle contenant divers appareils de musculation. Comme le reste de l'étage, c'est très calme, seuls quelques machines sont occupées, et après avoir saluée de la tête les rares occupants des lieux Tal se met en devoir de préparer le banc le plus proche, le réglant avec attention pour l'adapter à sa morphologie et aux efforts désirés. Ce n'est pas un déménageur, mais tout de même, un peu de difficulté ne fait pas de mal.

Satisfaire du résultat elle s'assied et entame son exercice. En douceur elle soulève les poids, changeant de positions à de multiples reprises, tirant sur ses bras et son dos. Combiné à la course à pied, ce petit extra finit de la mettre en nage, et bientôt elle ne prête même plus attention au temps qui passe, concentrée dans son sujet.

Enfin ! Mila avait enfin eu droit à une journée de calme après la longue semaine qui s'était enchainée. Elle s'était levée de bonne heure et avait enfilé une tenue de sport légère qui ne gênerait pas ses mouvements avant d'aller faire un petit jogging histoire de se mettre dans de bonnes conditions pour son cours de Krav Maga. Elle n'avait jamais vu à quoi le sport de combat pouvait bien ressembler mais elle était prête à tout. Elle savait qu'elle risquait de se faire malmener par sa professeur mais cela ne la gênait pas. C'était diffèrent avec les femmes. Elle avait bien sûr un peu d'appréhension mais elle n'avait pas peur comme lorsqu'elle se retrouvait face à un homme.

Elle finit son petit footing à la porte du gymnase et commença une série d'étirement pour délier ses muscles avant de consulter sa montre. Elle était pile à l'heure. Entrant dans la pièce destinée aux entrainements de combat, où elle pensait trouver le sergent Mesika, elle laissa son regard parcourir la pièce à la recherche de la jeune israélienne mais ne la trouva pas. Elle ne devait pas être loin cependant et Mila partit à sa recherche dans la salle adjacente. Elle la trouva sur un banc de musculation où elle exécutait une série d'exercices.

La jeune russe resta à l'écart, observant la jeune femme avec admiration. Elle avait beaucoup d'heures de gym à son actif, mais elle était encore loin de pouvoir se comparer à la militaire. Sa façon de faire rendait les choses si faciles que Mila avait presque envie d'essayer. Mais elle était réaliste, elle savait que ce ne serait pas aussi simple pour elle. Après quelques minutes, elle se décida à faire signe à la jeune femme avant de s'approcher d'elle en souriant.

"Bonjour, sergent." lui dit-elle avant de désigner l'appareil du menton. "C'est impressionnant, dites-donc."

La machine s'arrête dans un dernier bruit métallique alors que Tala aperçoit son élève qui se dirige vers elle. Cette dernière la salue, le sergent reprend quelques secondes son souffle avant de répondre, le corps en sueur.

- Bonjour Docteur. Vous êtes en forme ? Ca a l'air impressionnant, mais je ne tire pas grand chose vous savez.

Elle sourit à la russe, se levant pour aller prendre une bouteille d'eau, histoire de se réhydrater un peu. Revenant vers le médecin, elle la regarde de haut en bas, ne trouvant pas étonnant qu'elle se fasse harceler par les hommes au vu de son physique. Tal repose la bouteille et s'éponge légèrement à l'aide d'une serviette avant de reprendre la discussion.

- Visiblement vous avez pensé à l'échauffement, on va pouvoir gagner du temps et passer aux choses sérieuses. J'ai réservé la salle d'entraînement rien pour nous, personne ne viendra nous déranger !

Embarquant la bouteille l'israélienne ouvre le chemin, non sans jeter un regard aux quelques hommes présents, les sourcils froncés, ravalant leur envie de regarder plus encore la brune agencée dans sa tenue moulante. Une fois dans la pièce elle ferme la porte, et termine sa bouteille tranquillement, la serviette autour de son cou. Entre deux gorgées elle commence son cours.

- Avant de se mettre des coups dans la figure, un peu d'explication ! Il faut savoir que le Krav Maga n'est pas un art martial, mais une technique de combat. La différence c'est qu'un art martial c'est plein de trucs inutiles, du genre le respect pour l'adversaire. Ici pas de perte de temps, le but c'est de faire mal vite et bien.

Tal marque une pause, finissant sa bouteille. Elle s'éponge une dernière fois avant d'aller vers le centre de la pièce, faisant signe à Mila d'approcher. En l'attendant elle reste debout bras croisés, une position bien sérieuse.

- Le Krav Maga diffère également d'autres techniques de self-défense que l'on apprend, à la police par exemple. Chaque geste, chaque action, chaque mouvement a pour but d'apporter l'offensive contre votre adversaire, et pas simplement vous défendre. Un exemple simple, je suis agressée par quelqu'un qui porte une arme blanche, la self-défense de base se contentera de le désarmer et d'éventuellement tenter de l'immobiliser, nous nous allons apprendre à se dégager de son attaque et à utiliser son arme contre lui. Efficace et définitif. Pas de perte de temps.

Avisant la pièce elle repère quelques armes d'entrainement, ramassant un petit bâton qui fait la taille d'un poignard elle le tend à la russe.

- Je vais vous montrer ça par un exemple pratique.

Mila observa le Sergent Mesika se lever et attraper une bouteille qu'elle porta à ses lèvres. La jeune israélienne s'épongea le front avant de la félicité d'avoir pensée à s'échauffer puis de l'informer que la salle d'entraînement leur était réservée. La jeune russe eut un petit sourire, rassurée. Elle craignait devoir se montrer dans cette tenue trop suggestive à son goût. Elle n'aimait pas attirer le regard des hommes de peur de les attirer et si elle avait choisi de tels vêtements c'était uniquement pour faciliter ses mouvements durant l'exercice qui allait suivre. Elle emboîta donc le pas à son professeur et la suivit dans la salle d'où elle venait. La militaire devait avoir compris que le fait de se trouver ainsi vêtue gênait la jeune russe et elle dissuada les hommes présents de laisser leur attention s'égarer sur les formes de son élève.

Mila entra dans la pièce où se tiendrait le cours de Krav Maga et Tal referma la porte derrière elles avant de lui donner quelques explications. La jeune russe les écouta avec attention, assimilant les mots de son professeur avec sérieux. Elle se contentait d'hocher la tête, légèrement gênée par le fait de faire mal à quelqu'un mais ne releva pas. Elle abhorrait la violence et s'était toujours promis de ne pas l'infliger à autrui. Son serment d'Hippocrate avait renforcé sa détermination sur le sujet mais elle se rendait bien compte qu'elle ne pouvait pas se laisser faire. Elle avait tendu l'autre joue bien trop souvent.

S'approchant de la jeune israélienne, Mila prit l'objet qu'elle lui tendait. Même si ce n'était qu'un bâton d'entrainement, elle se sentait gauche avec cette 'arme' dans la main. Il était évident qu'elle n'avait pas souvent eu l'occasion de tenir de tels 'instruments'. Elle attendit les instructions du Sergent Mesika, incertaine de la suite des événements.

Tal regarde un bref instant la jeune femme qui brandit l'arme factice, n'ayant pas vraiment l'air menaçante en fait. Pour sûr il y a du travail pour la rendre un peu plus imposante envers les hommes. Elle sourit intérieurement avant de s'avancer et de saisir le poignet tenant le bâton d'une main ferme.

- Vous me menacez avec un couteau, je réagis de la sorte.

Avec des gestes lents l'israélienne lui montre sa parade. Tout d'abord la main écarte l'arme la plaçant entre elles, puis se rapprochant elle biens mettre un presque coup de coude dans la mâchoire de la russe, enchaînant sur un coup de genou dans le flanc, toujours bien sûr au ralentit et sans la toucher. Elle force ensuite un peu sur le poignet du médecin pour l'incurver faisant atterrir le bout du bâton sur son ventre. Ce faisant elle la relâche et recule.

- Comme je le disais, un technique d'autodéfense se serait contentée de tenir le poignet et d'essayer de faire lâcher l'arme. Là j'ai fait le contraire, je me suis servi de la menace pour contre-attaquer. Vous pouvez laisser tomber le bâton on en a plus besoin.

Laissant la brune sur place, Tal va chercher un des mannequins d'entraînement et le tire vers le centre de la pièce, l'installant face à Mila, bien arrimé au sol.

- Le maître mot quand on est en situation dangereuse, c'est l'efficacité. Pas la peine de s'ennuyer à bouger les bras dans tous les sens pour faire de l'air, on frappe juste et fort. C'est l'essence même de tout combat, la chose plus importante à retenir. Il n'y a qu'à la télévision où on se prend des dizaines de coups sans fléchir, en réalité deux ou trois mandales suffisent pour envoyer quelqu'un au tapis. Démonstration.

Le sergent se déchausse et se met pieds nus, pour ensuite se placer face à la pauvre cible. Son corps entre ensuite en action, des gestes fluides et rapides, des impacts qui résonnent lourdement dans la pièce. Son pied droit vient frapper le flanc du mannequin juste sous les côtes, ensuite son poing droit s'écrase sur la gorge tandis que le gauche vient percuter la tempe tandis que l'homme rembourré vacille encore du premier coup. Enfin après un petit mouvement de rotation son pied revient frapper violemment son semblant de genoux. On aurait presque mal ... Tal se redresse et revient face à son élève.

- Alors, j'ai frappé ici des endroits bien particuliers, les endroits les plus sensibles chez un homme. Comme je disais il faut faire mal rapidement, et donc viser juste. En tant que médecin vous devez bien connaître ce genre de point, quels sont-ils ?

Elle croise les bras, attendant la réponse à sa question.

Mila prit une position qui se voulait menaçante, sans pour autant trop y parvenir, et son professeur lui montra un enchainement avec des gestes suffisamment lent pour qu'elle ait le temps de bien tout assimiler. Comme elle l'avait expliqué au préalable, elle retourna l'arme contre son agresseur avec une facilité déconcertante, la menaçant à son tour. Puis la jeune israélienne recula en relâchant sa victime avant de continuer son cours. La jeune doctoresse russe écoutait presque religieusement les compléments d'explications de son professeur. Le Sergent Mesika connaissait son sujet sur le bout des doigts. Ce n'était pas une surprise lorsque l'on connaissait le métier qu'elle faisait et où elle l'avait appris.

Alors qu'elle lui signifiait qu'elles n'auraient plus besoin de l'arme improvisée, son élève obéit et posa docilement le bâton de bois au sol, rassurée de n'avoir plus personne à menacer. Une fois que cela fut fait, elle observa le sergent qui s'était arrêtée de parler un instant pour aller chercher un mannequin d'entrainement. Mila suivait ses gestes avec intérêt et lorsqu'elle eut placé sa nouvelle victime face à la jeune russe, elle reprit sa leçon. Son élève se contenta d'hochet la tête pour lui montrer qu'elle avait bien suivit ce qu'elle lui apprenait. Le sergent se déchaussa alors pour lui offrir une petite démonstration. Ses mouvements étaient fluides, précis et secs, dénotant une habitude qui laissa la jeune doctoresse sans voix.

Se redressant face à la cible qui tanguait toujours sous le coup de l'assaut, le sergent s'adressa à nouveau à son élève, lui précisant qu'elle ne s'était intéressée qu'aux endroits les plus sensibles avant de lui demander, les bras croisés, de lui en citer la liste. Mila se racla alors la gorge avant de prendre la parole.

"Vous vous êtes concentrée sur les côtes, la proéminence laryngée plus vulgairement appelée pomme d'Adam, la tempe ainsi que le genoux, mais la liste est bien plus longue." lui dit-elle avant de lui faire un catalogage plus exhaustif en pointant les endroits qu'elle nommait. "Les oreilles, les yeux, le nez, le menton, la carotide, l'arrière de la tête, le plexus solaire, les reins, les pieds et l'aine sont aussi des zones qui activent de forts messages nerveux dans la matrice de la douleur."

Espérant avoir répondu aux attentes de son professeur, elle attendit la réaction de la jeune femme face à elle, ses mots résonnant légèrement dans la pièce vide.

Tal écoute la jeune russe lui énumérer les divers points sensibles en utilisant son jargon scientifique, en profitant pour terminer de s'éponger. Elle hoche la tête quand cette dernière fait le tour complet de la situation.

- C'est tout bon. Si vous avez déjà compris qu'il faut se focaliser là où ça fait mal, c'est la moitié du chemin parcouru. Comme je le disais, la plupart du temps deux ou trois coups bien portés suffisent pour mettre un homme à terre, il suffit de choisir les plus accessibles au moment où vous décidez de frapper.

Poussant le mannequin hors du chemin , elle se place ensuite bien face à Mila, se mettant dans une position semi-offensive : le corps un peu en biais, en attente comme dans un film de kung-fu. Son bras droit est tourné vers elle, un air pas du tout menaçant sur le visage.

- Assez parlés, un peu d'exercice pratique ! Je suis la cible, montrez-moi comment vous allez vous y prendre pour toucher mes points sensibles.

L'israélienne sourit avant de poursuivre.

- Bien entendu le tout au ralenti et sans vraiment me frapper, évitez de m'envoyer au tapis trop rapidement, je tiens à ma fierté ...

Tal attend la venue des coups en gardant son sourire. Ce petit cours est plutôt amusant en fait, son élève donne vraiment l'impression d'avoir envie d'en apprendre un maximum sur son art, c'est valorisant. Le sergent sait en plus qu'en sortant de cette salle la jeune russe sera devenue bien plus sûre d'elle, le prochain qui essaie de lui chercher des noises aura intérêt à se méfier ...

A la manière d'un professeur satisfait de la réponse de son élève, le sergent Mesika renforça la réponse de Mila, lui confirmant une nouvelle fois qu'il suffisait de peu pour se dégager d'une mauvaise situation. Le fait qu'il fut si facile de blesser quelqu'un ne mettait pas vraiment la jeune russe à l'aise mais elle pinça les lèvres et se contenta de hocher la tête. Elle ne pouvait pas faire la fine bouche et se devait de retenir les explications de Tal si elle ne voulait pas passer sa vie à se sentir menacée par les représentants de la gente masculine.

Serrant la mâchoire, elle accepta d'un nouveau hochement de tête le nouvel exercice que lui proposait la jeune israélienne. Cette dernière avait pris une position menaçante bien que son expression fut dénuée de toute marque d'intimidation. Elle lâcha même un petit commentaire teinté d'humour qui se voulait amical, histoire de rassurer son élève et de la mettre un peu plus à l'aise. Mila apprécia l'intention et elle offrit un petit sourire à son adversaire avant de prendre place face à elle, jaugeant sa position. Devant un examen, Mila savait exactement comment réagir, mais dans ce contexte elle était complétement perdue ; incapable de se décider pour un mouvement particulier.

Décidant tout de même de se lancer, elle leva les bras de chaque côté de son visage et commença par un coup de pied lent en direction du genou gauche de son adversaire, espérant ainsi lui faire perdre l'équilibre ou tout du moins la surprendre avant d'enchaîner par un coup du poing droit en direction de l'oreille gauche de Tal. Elle se sentait empotée et avait l'impression que ses mouvements étaient maladroits pourtant elle n'abandonna pas pour autant. Une fois que sa main droite eut atteint son but, elle la fit glisser dans le cou de son professeur qu'elle plia en deux, le sergent se laissant faire pour l'exercice et, levant le genou gauche, elle fit mine de le faire connecter avec le nez de la jeune israélienne, le tout sans la toucher réellement et assez lentement pour que l'exercice ne prenne pas une mauvaise tournure sans pour autant perdre son équilibre.

A la suite de l'enchaînement, elle lâcha sa prise et fit un pas en arrière pour laisser Tal se redresser, attendant le verdict, un air anxieux sur le visage alors qu'elle se mordillait la lèvre. Elle avait bien compris le concept mais l'appliquer physiquement était une autre histoire. Peut-être aurait-elle du commencer par quelques mouvements sur le mannequin pour affiner ses gestes et la force qu'elle devait y mettre. Dans pareille situation, son père lui aurait surement dit qu'il fallait apprendre à tomber avant d'apprendre à marcher, mais elle préférait commencer par de petits pas plutôt que de se lancer ainsi. Au moins elle ne faisait face qu'au sergent et pas à une grosse brute qui l'aurait tétanisé sur place, la rendant incapable de la moindre réaction.

L’entraînement était simple mais très utile, son but n'étant pas simplement d'inculquer à la russe les rudiments du combat rapproché, mais surtout de lui donner conscience de son corps, de lui faire comprendre ce qu'elle est réellement capable de faire. C'est d'ailleurs le plus gros problèmes de ce que Tal appelle « les gens de bureau », ils se pensent incapables de faire tout un tas de choses pourtant si simples !

Attentive, elle examine chaque coup porté, jouant le jeu comme dans un vrai combat. Elle se plie, encaisse, tombe et accompagne chaque geste pour montrer à son élève quand elle est dans le bon mouvement ou non. Le tout est ponctué de quelques remarques directes, comme des « Très bien », ou des « Plus haut le pied ». Durant quelques minutes le petit échange se poursuit, puis le médecin finit par se reculer, semblant attendre l'avis de l'israélienne. Cette dernière sourit à nouveau avant de répondre.

- C'est pas mal tout ça. Tu manques encore de pratique mais au moins tu n'est pas raide comme un piquet comme j'ai déjà pu le voir chez d'autres. Tu as un bon jeu de jambe, on va commencer par travailler ce point !

Joignant le geste à la parole, le sergent contourne son élève et viens se mettre derrière elle, épousant son corps avec le sien. Elle répète quelques mouvements, tantôt en poussant la jambe de la russe, tantôt en déplaçant son corps pour rendre le coup plus fluide. Le résultat ne se fait pas attendre, rapidement les coups de pieds et de genoux sont plus aisés, ils semblent plus directs. Tal se recule finalement, jugeant le résultat d'un œil expert.

- Reprenons le premier exercice, cette fois je vais me défendre un peu, à toi de mettre en pratique ce que je viens de te montrer pour me toucher.

Une nouvelle fois le professeur du jour se met en position de défense, elle souffle sur une mèche rebelle et attend la première attaque.

Après avoir lâché sa prise et reçu l'analyse de son professeur en silence, se contentant d'hocher la tête à ses critiques constructives, Mila observa d'un air surpris le sergent la contourner et se placer dans son dos. Pourtant docile face à son instructrice, elle ne résiste pas et comprend enfin la raison de son placement bien que la jeune russe trouve cela étrange. Elle n'en fait pourtant pas grand cas et se contente de faire ce que la jeune israélienne tente de lui enseigner du mieux qu'elle peut.

La technique d'apprentissage du sergent Mesika finit pourtant par se révélée très utile et les progrès ne tardent pas à se faire sentir. Après une dernière série de mouvements, la militaire s'écarte de son élève mais Mila ne s'arrête pas tout de suite, continuant les mouvements jusqu'à ce que son instructrice reprenne la parole une nouvelle fois. Elle veut réitérer le premier exercice en l'informant que cette fois elle ne se laissera pas entièrement faire. Mila déglutit avec difficulté pas tout à fait à l'aise avec son nouvel objectif. Mais la jeune russe, bien élevée ne proteste pas et se remet en position, les bras relevés, les avants bras protégeant son visage juste au cas où.

Au moment où Tal souffle sur sa mèche rebelle, Mila sait qu'elle doit attaquer et elle se racle l'intérieur du cerveau à la poursuite d'une idée, n'importe laquelle, qui pourrait l'aider à entamer l'échange. Finalement elle se décide enfin et tente un coup de pied droit dans les côtes de son adversaire. Elle a la chance d'avoir de longues jambes, ce qui signifie une bonne allonge et ne se prive pas pour s'en servir. Le geste est lent, comme au ralentit mais Mila sait parfaitement la douleur qu'un coup puissant dans les côtes provoque. S'il est assez fort, il peut même fêler, voir plus rarement briser, les os qui composent la cage thoracique. Elle a toujours eu la chance de ne pas atteindre ce degré de gravité mais elle sait ce qu'un coup de poing ou de coude à cet endroit vous fait ressentir.

Elle profite de l'élan créé par son geste pour attraper l'avant-bras du sergent, prête à la tirer à elle mais c'est sans compter la réaction de la jeune militaire israélienne qui réplique presque instantanément, tel un réflexe fulgurant, un geste répété tellement de fois que Tal n'a plus besoin de le penser pour qu'il se fasse. C'est instinctif et pur. Malgré la surprise et le fait que ce soit un acte violent qui se mime entre elles, Mila trouverait presque cela beau.

Les réflexes sont ce qu'ils sont, et parfois on ne les contrôles pas vraiment. Un mouvement non prévu, un geste en retour. Tal se saisit de la main de son élève et l'écarte, s'emparant de l'avant bras dans la foulée. Puis c'est le silence, les deux femmes se regardent avant de rire de bon cœur. Okay, restons calmes, ce n'est qu'un entraînement !

Celui-ci reprend d'ailleurs dans la foulée, Mila mettant en pratique les quelques conseils prodigués. Tentatives d'attaque contre blocages, le sergent joue le jeu mais laisse clairement des ouvertures à son adversaire. Cependant au fil des minutes le rythme s'accélère et l'affrontement plus sérieux, le médecin semble se faire aisément à la technique de combat, enchaînant avec facilité maintenant les coups de pieds et les feintes. Tal sourit, garde le rythme sans trop de problèmes, après tout elle en a vue de pire …

Finalement l'intensité diminue, et les deux femmes finissent pas s'écarter l'une de l'autre. L'élève se débrouille bien mais manque d'endurance, elle souffle un peu, à son tour en nage. Lui laissant un peu de répit l'israélienne va chercher de quoi se désaltérer, et lance la petite bouteille vers la russe en lui criant de l'attraper. Elle en dé bouchonne une autre et boit de longues gorgées avant de rejoindre à nouveau le centre de la pièce.

- Bien ! C'est vraiment bien ! Je suis même un peu surprise. Avouez que vous n'êtes pas si novice que cela !

Tal rit à sa remarque, laissant le temps à la russe de répondre, buvant une nouvelle gorgée.

- Alors, fatiguée ou on continue ?

Pour le soldat en tout cas, ça n'a pas l'air de poser de problèmes ...

Au terme d'un long échange physique les deux jeunes femmes se séparèrent enfin et le sergent alla chercher une bouteille d'eau. Mais au lieu de s'y abreuver, elle la lança à son élève qui l'attrapa un peu gauchement, avant de se saisir de celle à laquelle elle buvait depuis un petit moment maintenant. Le commentaire que la militaire offrit alors à la jeune russe la fit rougir, gênée d'être ainsi complimentée. Secouant la tête, elle baissa le regard sur le contenant se trouvant dans ses mains et, après s'être mordue la lèvre pour se redonner un peu contenance, elle releva les yeux sur son professeur.

"Peut-être ai-je ce qu'on appelle un 'talent naturel' pour ce genre de choses…" lui dit-elle alors, le souffle court, sur le ton de la plaisanterie.

Mais Mila n'y croyait pas vraiment. Elle avait toujours abhorré la violence et ce petit cours ne changerait pas son ressentit face à cette pratique. Pourtant elle était assez intelligente pour comprendre quand nécessité faisait loi. Le fait qu'elle soit une élève assidu y était surement plus pour quelque chose dans ses résultats qu'un quelconque talent sortit d'elle ne savait où.

La question de la militaire prit la jeune russe de court. Elle n'avait rien de particulier à faire mais cela faisait bien une heure qu'elles travaillaient sur les différents mouvements et elle avait espéré faire d'autres activités, bien plus intellectuelles, de sa journée. Jetant un petit coup d'œil à la montre qui se trouvait sur son poignet droit, elle eut une petite grimace. Elle n'avait pas de rendez-vous, ni d'astreinte à l'officine pour le moment mais qui savait quand le docteur Beckett aurait besoin d'elle. En outre, elle avait du rangement à faire dans ses quartiers ainsi qu'un peu de lessive qui attendait depuis trop longtemps. Aussi, après s'être désaltérée, elle sourit à nouveau à la jeune israélienne qui lui faisait face, un air contrit sur le visage.

"Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé mais je crois que j'ai eu ma dose pour aujourd'hui." lui dit-elle, sincère. "En revanche, je serais ravie que nous reconduisions l'expérience une prochaine fois, si cela ne vous gêne pas. Je dois prendre le temps d'assimiler tout ce que j'ai appris durant cette séance."

Ce n'était pas tout à fait faux. Mila avait souvent besoin de travailler ce qu'elle avait appris de son côté, à son propre rythme pour mieux s'en souvenir et l'appliquer. Après un dernier sourire, elle offrit un nouveau remerciement à son professeur, lui précisant qu'elles pourraient remettre l'exercice à la semaine suivante si elle disposait d'une nouvelle journée de repos en commun, avant de prendre congé. Le rangement et la lessive qui l'attendaient n'allaient pas se faire tous seuls et la jeune russe espérait bien avoir un peu de temps après ses corvées afin de mettre le nez dans quelques dossiers médicaux pour se tenir à jour.